Gynécologie de ville - Pose précoce ou à distance du Post-partum d’un dispositif intrautérin (DIU) - une étude contrôlée randomisée

Publié le 28 Sep 2023 à 16:35

 

Early vs Interval Postpartum Intrauterine Device (IUD) Placement : A Randomized Clinical Trial

S.Averbach and al
JAMA. 2023

Mots clefs
postpartum, contraception, early IUD placement, IUD expulsion, IUD malposition

La contraception en post-partum est un enjeu fondamental en gynécologie. En effet, cette période de grand bouleversement physique et psychique s’accompagne souvent d’une absence de retour à la contraception, avec environ 5 % des IVG en France ayant lieu dans l’année suivant un accouchement. L’AMM du DIU au levonorgestrel recommande une pose à partir de 6 semaines en post-partum, tandis que l’HAS et l’OMS évoquent une utilisation possible à partir de 4 semaines. Ces délais correspondent à une fenêtre où l’on considère que l’utérus est suffisamment involué et que les couples ont repris une activité sexuelle. Concernant le DIU au cuivre, l’HAS autorise la pose dans les 48 heures après l’accouchement bien que cela ne soit pas d’usage courant en France. Cet article publié dans le JAMA s’intéresse à la non-infériorité de la pose précoce d’un DIU entre 14 et 28 jours après l’accouchement en comparaison avec un intervalle de pose classique entre 4 et 6 semaines post-partum.

Materiel et methodes

Il s’agit d’une étude américaine de non infériorité, multicentrique, contrôlée et randomisée comparant deux groupes de femmes bénéficiant d’une pose de DIU. Le premier groupe bénéficiait d’une pose précoce du DIU entre 14 et 28 jours post-partum, tandis que le deuxième groupe bénéficiait d’une pose standard entre 42 et 56 jours post-partum. Le DIU pouvait être au cuivre ou hormonal, selon le choix de la patiente.

Le critère de jugement principal était l’expulsion du DIU à 6 mois du post-partum vérifiée échographiquement. Des critères secondaires ont été étudiés : malposition et expulsion partielle du DIU, retrait du DIU, infection génitale haute, satisfaction de la patiente, perforation utérine, grossesse. Les patientes étaient exclues si elles avaient une contre-indication à la pose de DIU (fibrome, infection récente), si elles présentaient des déchirures de type III ou souhaitaient une deuxième grossesse à moins de 6 mois. Les femmes pouvaient avoir accouché par voie basse ou par césarienne, les données d’ethnie et de niveau socio-économique ont été collectées comme la législation américaine le permet ; de plus, le DIU était placé par un gynécologue, un généraliste, une sage-femme ou une infirmière. Une marge de non-infériorité de 6 % a été retenue.

Résultats

404 patientes ont été randomisées : 76 % avaient accouché par voie basse, 65.5% étaient multipares. 52 % des patientes ont reçu un DIU à 52 mg de lévonorgestrel, 26 % un DIU au cuivre et 2% un DIU hormonal à 19,5 ou 13,5 mg de lévonorgestrel.

Il n’y avait pas plus d’expulsion du DIU à l’échographie de contrôle à 6 mois de la pose du DIU dans le groupe pose précoce par rapport au groupe pose traditionnelle (2 % versus 0 % ; IC 95 % 2,0 (-0,5 à 5,7) p=0,04). Les auteurs rapportent 9,4 % d’expulsion partielle dans le groupe pose précoce et 7,6 % dans le groupe standard soit une différence de 1,8 % (IC 95 % -4,9 à 8,6), ce résultat étant bien inclus dans la marge de non infériorité de 6 % définie dans les méthodes. Concernant la malposition, 5,4% vs 0% ont été observé dans les groupes pose précoce et standard respectivement. 3 infections génitales hautes ont été recensées, toutes dans le groupe pose précoce, sans que cela soit statistiquement significatif (p=0,10). Aucune perforation n’a été observée dans les groupes. Les taux de satisfaction étaient très élevés dans les deux groupes (86.6% dans le groupe pose précoce et 80 % dans le groupe pose standard). L’analyse per protocole a montré des résultats similaires pour l’expulsion mais un taux de satisfaction supérieur dans le groupe pose précoce (82.4 %) par rapport au groupe pose traditionnelle (70.4 %). Une grossesse a été observée dans chaque groupe : une intra-utérine dans le groupe précoce sur un DIU au cuivre partiellement expulsé, et une grossesse extra utérine sur un DIU hormonal mal positionné dans le groupe pose standard.

Conclusion / Discussion

La pose précoce d’un DIU entre 2 et 4 semaines post partum semble non inférieure à une pose standard à 6-8 semaines sur le taux d’expulsion à 6 mois. Cependant cela mériterait confirmation sur une étude de plus grande ampleur, car les effectifs, s’ils sont importants au départ, restent faibles sur les complications. Les patientes semblent par ailleurs très satisfaites de cette contraception. Le taux maximal d’expulsion dans le groupe pose précoce basé sur l’IC 95% était estimé à 5,8%, ce qui reste bas et à confronter aux risques d’une grossesse non désirée rapprochée. Dans la littérature, une méta analyse publiée en 2020 estimait les taux d’expulsion des DIU posés en salle de naissance en post partum immédiat de 10 à 13 % (1).

En revanche, un taux plus important de DIU partiellement expulsé ou mal positionné a été constaté dans le groupe pose précoce. Notons qu’un DIU était considéré comme mal positionné s’il était bas inséré, oblique ou inclus dans le myomètre. Mais il n’y avait pas de critère objectif de distance ou fond utérin ou à la séreuse, laissant supposer un biais d’évaluation. Ces découvertes étaient fortuites lors d’une échographie endovaginale réalisée à 6 mois de la pose : les conséquences en termes de tolérance et d’efficacité ne sont pas claires.

Un des points forts de l’étude est sa conception très proche de la vie réelle, lui conférant une bonne validité externe (accouchement par césarienne ou voie basse, allaitement, données d’ethnie et de niveau socio-économique collectées comme la législation américaine le permet, DIU posé par des intervenants de niveau hétérogène du gynécologue à l’étudiante infirmière).

La limite de cette étude d’un point de vue français serait le délai pris en compte pour la pose précoce du DIU, de 2 à 4 semaines, correspondant aux Etats-Unis à une “well baby visit” ou une visite post partum précoce. En France la HAS recommande deux visites, généralement réalisées à domicile par une sage-femme du réseau Prado, la première à 48H de la sortie et la deuxième à un intervalle non défini à l’appréciation de la sage-femme, qui est souvent dans les 10 jours suivant la naissance (2). Une adaptation des pratiques pourrait être envisageable.

Take Home Messages

  • La pose précoce d’un DIU (hormonal ou non) à 2-4 semaines du post-partum n’entraîne pas plus d’expulsion à 6 mois que la pose classique entre 6 et 8 semaines post-partum.
  • Il semblerait qu’une pose précoce augmente le risque de malposition et d’expulsion partielle à 6 mois, sans que les conséquences en termes d’efficacité ou de tolérance soient claires.
  • Une pose précoce paraît envisageable chez les patientes à haut risque d’être perdues de vue.

Références

1-Averbach SH, Ermias Y, Jeng G, et al. Expulsion of intrauterine devices after postpartum placement by timing of placement, delivery type, and intrauterine device type: a systematic review and meta-analysis. Am J Obstet Gynecol. 2020;223(2): 177-188. doi:10.1016/j.ajog.2020.02.045

2-https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2014-03/recommandations_-_sortie_de_maternite_apres_accouchement.pdf3. Johnston, S. R. D. et al. Abemaciclib Combined With Endocrine Therapy for the Adjuvant Treatment of HR+, HER2−, Node-Positive, High-Risk, Early Breast Cancer (monarchE). JCO 38, 3987–3998 (2020).


Constance Denis
Interne en Gynécologie

Médicale
6ème semestre
Nancy

 
Dr Catherine Soulat
Gynécologue médicale

libérale
Paris

Article paru dans la revue « Association nationale des Internes et des assistants en Gynécologie Médicale » /AIGM-Gynéco Med N°01

Publié le 1695911725000