Formation a l’étranger

Publié le 27 May 2022 à 10:05

De la kinésithérapie à la physical therapy, de Vichy à San Diego.

Nom : Delphine ROY.
Etudes : PCEM1(1995-97), APEMK(1997-98), IFMK(1998-2001)

Parcours professionnel :
- exercice libéral (assistante) en milieu rural, puis en région parisienne de 2001 à 2009.
- salariée « physical therapist » aide en nursing care (moyen et long séjours) à Vista, Californie depuis Janvier 2010.

Formations professionnelles : méthode Sohier, LPG, prise en charge de la bronchiolite du nourrisson.

Signes particuliers : a passé le DE une première fois in-utero en juin 1977, pur produit de l’IFMK Vichy comme papa et maman, a assisté à l’évolution de la profession depuis 30 ans.

Once upon a time ou comment on arrive en Californie.
Tout commence par un email en Novembre 2008 provenant du SCRIPPS (Research Institute de San Diego) proposant un post-doc à mon chercheur de mari à partir de Janvier 2009. Soit 2 mois pour tout vendre, obtenir nos visas, et faire les démarches de radiation auprès de l’URSSAF, CARPIMKO et conseil de l’Ordre fraichement créé. Et après 12h d’avion, nous voilà dans l’inconnu total, ayant entrainé avec nous nos deux enfants de 3 ans et 18 mois à l’époque, et un niveau d’anglais identique à celui de la fin du lycée.

DE ? What are you talking about ?
Le « D.E. » français n’est absolument pas reconnu, ça encore on s’en serait douté. Mais le plus surprenant, c’est que même entre Etats, les diplômes (ils parlent de « License ») ne sont pas équivalents. Chaque conseil de l’ordre (PT board) définit les conditions d’exercice pour la simple raison que les assurances maladie ne sont pas nationales à part le Medicare. Les critères de qualité varient d’un état à l’autre. En bref, un « physical therapist » (PT) de New-York doit repasser un examen pour travailler en Californie et vice-versa.

Pour un professionnel d’un autre pays, il faut passer par une agence d’accréditation ($$) pour faire évaluer son cursus. Si l’équivalence est reconnue, on peut être autorisé à passer le NPTE (National Physical Therapy Exam) accompagné du sponsoring d’un employeur. Il certifie que vous avez fait au moins un an d’internat (internship) en tant que « PT aide » (c’est ce que je fais) et que vous connaissez donc parfaitement le fonctionnement du système de soins et la pratique professionnelle du pays.

Physical therapist (PT), PT assistant, massage therapist, respiratory therapist, … what a big mess !
Le « PT » possède un « phD » ou un master, il est le seul à pouvoir faire des bilans (evaluation) et à documenter les actes (initial evaluation, daily documentation, weekly documentation et discharge summary) Au final, quotidiennement, le volume de cette charge administrative est impressionnant et ampute souvent le temps de rééducation dévolu au patient. Chaque acte correspond à un code, tout comme chaque diagnostic. Ce sont les ICD9 codes, répertoriés dans un livre de la taille des oeuvres complètes de Proust.

Le « PT assistant » possède un bachelor (rien à voir avec le bac) : il prend en charge la rééducation des patients en suivant les objectifs définis par le PT dans son évaluation. Il rédige une documentation quotidienne (daily documentation) et doit demander l’accord du PT pour tout changement dans les objectifs. Il gagne environ 30% de moins qu’un PT.

Et quid des autres professions évoquées dans le titre ? La profession de PT a été éclatée en une multitude d’autres métiers, exercés par des techniciens. Le PT ne fait plus que de la neuro, rhumato et traumato. Même le massage est délégué aux « massage therapists » (je devrais recevoir ma « License » dans quelques semaines). De plus, la charge administrative est tellement importante, qu’ils emploient des « PT aide » (en général des étudiants PT ou quelqu’un comme moi) qui font les soins, pendant qu’ils remplissent leur documentation.

Car il faut vous dire que rien n’est informatisé. Légalement, seulement un papier manuscrit à une valeur juridique, donc tout doit être écrit en cas de contrôle, c’est à dire à peu près une fois par mois. Ces contrôles sont orchestrés par les compagnies d’assurance privées qui veulent être sûres que leur argent est bien utilisé. De même, les assurances peuvent reprendre directement l’argent versé sur votre compte en banque, même plusieurs mois après, si elles considèrent qu’il manque des informations et que de ce fait votre rééducation n’était pas justifiée.

Dans ces conditions, pas question d’être libéral, car pour monter une équipe de rééducation, il faut au minimum (conditions requises par les assurances) : un « PT », un « PT assistant », un « PT aide », un administrateur et bien sûr, un avocat au pays des procès.

Ainsi, je fais partie d’une compagnie qui fournit tout cet arsenal juridico-administratif et qui possède assez d’argent d’avance pour payer ses « PT » en attendant les remboursements des assurances qui peuvent se faire à plusieurs mois d’écart .

Il n’existe donc pas de petit cabinet de campagne (comme il y en a beaucoup en France) ou en tout cas pas en Californie.

« PT » versus kiné : analyse comparative
Les études : le « PT » possède un « bachelor » en sciences, cela représente entre 2 et 4 ans après le lycée. C’est un enseignement général enseigné au « collège » et qui est commun pour tout étudiant qui veut faire des études supérieures. Un étudiant qui voudrait être avocat par exemple, choisira une spécialité sciences humaines ou sciences politiques. Chaque année de « collège » coûte $10000 (8000 euros) en moyenne. Ensuite l’étudiant « PT » intègre une « PT school » où il fera sa formation de « PT » proprement dite pendant 3 ans pour $45000 (30000 euros) par an.

La formation professionnelle : l’enseignement est théorique et pratique (internship) mais la diversité des matières enseignées est moindre que pour la formation de masseur-kinésithérapeute. Les différences : pas de massage car cela est délégué aux « massage therapist », pas de rééducation respiratoire, qui est effectuée par les « respiratory therapist », pas d’uro-gynécologie qui n’est faite par personne car absolument pas développée ici. Des techniques comme la pouliethérapie ou le strapping ne font pas partie de l’enseignement obligatoire. Ce sont des formations supplémentaires nécessaires si vous travaillez dans un domaine particulier. Il en est de même pour la pédiatrie ou le DLM, ou encore l’électrothérapie. Toutes ces formations se font au cours de votre vie professionnelle car il faut faire chaque année 30 heures de formation continue pour maintenir votre « License » (carte de professionnel).

Le volume horaire : il est moindre qu’en France puisque la presque totalité des étudiants financent leurs études par un emploi à côté. J’ai vu des PT school qui proposaient la formation de « PT » en cours du soir de 18h à 21h ! En fait ce qui compte ce sont les « credentials » : le nombre d’heures d’éducation collège et « PT school » inclus. Il faut avoir eu au minimum 5000 heures de formation (dont 1000 heures d’internship) pour pouvoir se présenter à l’examen de PT.

Les compétences du PT :
Il travaille sur prescription médicale, mais il peut faire une demande auprès du médecin (patient screening). Cela ressemble à une petite évaluation dans laquelle le « PT » explique au médecin en quoi la rééducation pourrait être bénéfique au patient.

L’évaluation initiale : c’est le principe du bilan, mais elle est systématique et obligatoire et elle doit être approuvée par le médecin. Le « PT » décide des objectifs à court, moyen et long terme et aussi du temps nécessaire pour les atteindre. Il faudra qu’à chaque date butoire, qu’il refasse les examens de mesure de la progression : Tinetti, mini mental test, Barthel, goniométrie, testing musculaire. Il faudra démontrer une progression dans les aptitudes du patient, sinon la rééducation doit être arrêtée en cas d’atteinte d’un plateau.

Le bilan final : le « PT » récapitule les progrès et documente les raisons de l’arrêt du traitement. Il peut aussi préconiser des pistes de traitements alternatives, par exemple : une radiographie en cas de douleur persistante empêchant les progrès, une antibiothérapie en cas de fatigue et toux persistante, le placement en hospice si la condition du patient a dégénéré vers une condition de fin de vie (grabatisation) ou un retour à domicile avec une prise en charge par un « PT » qui se déplacera chez le patient.

Les demandes d’examens complémentaires : le « PT » peut prescrire une ordonnance en vue d’une radio, d’une IRM ou même d’une prise de sang, en justifiant sa demande par différentes observations. Cette ordonnance devra être validée par la signature du médecin pour prendre effet.

Lors des conférences de soins, au cours desquelles se décide le maintien d’un patient au sein du service de rééducation, la décision finale est donnée par le « PT ». Cela peut être lourd de conséquences, car si l’argumentation pour le maintien d’un patient n’est pas assez convaincante aux yeux des assurances maladie, celles-ci peuvent réclamer le remboursement des sommes engagées, même plusieurs mois en arrière. Cela peut être humainement difficile dans les cas de personnes âgées devenues impotentes et qui n’ont personne pour s’occuper d’elles à domicile ou qui ne peuvent pas se payer les services d’un aide-soignant. En effet l’arrêt des soins se fait du jour au lendemain, parfois sans que la famille d’un patient ait pu s’organiser

Le « PT » doit être aussi bien compétent sur ses techniques de rééducation que sur l’art de négocier avec le coût de la santé. Il doit proposer le meilleur rapport coût/qualité des soins. Il doit savoir argumenter le fait que la rééducation est un investissement qui permet d’économiser de l’argent sur le moyen terme. Par exemple : prévenir les chutes pour éviter une fracture du col du fémur, autonomiser un patient après un AVC pour réduire son niveau de dépendance, …etc.

Il est certain que le kiné français a les mêmes exigences, mais la prescription médicale le protège de toute responsabilité sur l’intérêt de la rééducation. Les caisses d’assurance maladie ne lui demandent pas cette implication dans les moyens d’économiser de l’argent. De plus, le poids décisionnel du kiné est quasi inexistant dans le choix de poursuivre ou non des soins. Il a plus un rôle de consultant. Il est aussi à l’abri de toute pénalisation financière dans le cas où il n’aurait pas atteint les objectifs fixés ou dans le cas où il continuerait un traitement qui n’apporterait aucun effet.

En résumé, les principales différences entre « PT » et kiné ne portent pas tant sur les compétences professionnelles pour lesquelles le kiné démontre même un certain avantage par le panel plus large de ses connaissances, mais elles portent plutôt sur le degré de responsabilités dans les choix d’économie de santé

Dans ce cadre, le « PT » est un acteur de soins stratégique et tout manquement dans son implication à fournir un service utile à la société, se voit sanctionné financièrement.

Cette responsabilité justifie aussi les niveaux de revenus plus importants d’une séance de rééducation.

La pratique professionnelle vue par les 2 bouts de l’Atlantique

Pourquoi un « PT » gagne $100 (70 euros) par séance.
Oui, vous avez bien lu, on est loin des 20 euros de moyenne d’une séance en France.

Alors pourquoi ?

Petit rappel d’une prise en charge d’un patient, de son admission à la fin d’une série de traitements :

Le « PT » fait la demande de la prise en charge auprès du médecin référent et non auprès de l’assurance maladie. Après accord du médecin, il fait un bilan de deux pages, à partir duquel il détermine les objectifs à moyen et long termes et la fréquence des séances. La durée de la prise en charge ne peut pas dépasser 30 jours. A cette date, il faut demander une extension basée sur la démonstration de progrès documentés objectifs et non subjectifs.

Il faut ensuite s’assurer que l’assurance du patient couvrira les soins. Dans le cas contraire, il faut faire signer l’acceptation de payer les soins par le patient. Une assurance peut très bien refuser de payer, si les progrès ne sont pas significatifs. Par exemple, même si vous suggérez 12 séances, et qu’au bout de la 8ème, vos notes ne montrent pas de réelle progression, l’assurance peut refuser de vous payer les 4 dernières séances.

De même, si l’assurance vous a déjà remboursé les 12 séances, mais qu’après avoir enquêté auprès du patient, ils s’aperçoivent que sa progression ne reflète pas la réalité de vos notes, vous êtes accusé de fraude et vous devez rembourser les frais engagés, avec peut être une amende, voire une suspension d’exercice.

A $100 la séance, ils ne plaisantent pas, et les contrôles sont quasi systématiques, d’où les délais de remboursement et le choix de beaucoup de « PT » d’être salariés de compagnies privées pour éviter ces soucis de trésorerie.

En effet, un « PT » peut être employé par un autre « PT ». Les salaires sont de l’ordre de $60 de l’heure avec « benefits » (cotisation retraite et couverture santé et dentaire par l’employeur).

Une séance dure 1 heure en moyenne. Les « PT » voient guère plus de 10 patients par jour.

Si le PT veut voir plusieurs patients à la fois, il ne sera payé que pour un seul.

A chaque séance, il faut donc faire des notes de progression, et aussi chaque semaine faire un bilan intermédiaire. Enfin, à la fin de la prise en charge, il faut faire un bilan de sortie qui doit répondre aux objectifs fixés, et si non, pourquoi n’ont-ils pas été atteints.

Le temps passé à cette charge administrative est rémunéré en plus des actes de rééducation au même tarif de $100/heure.

Dans ce contexte, il existe des « PT assistants » qui prodiguent le traitement prescrit par le « PT » mais sans besoin d’être supervisés. Ils gagnent environ $35 de l’heure + « benefits ».

Le « PT aide » (souvent un étudiant) aussi prodigue le traitement sous la supervision du «PT», s’assure aussi de la validité de la documentation et négocie avec les assurances santé. Il est payé environ $13 de l’heure.

Il faut arrêter le complexe d’infériorité.
Chers confrères, je vous ai tous diagnostiqué le syndrome de « calimero », ce n’est pas grave, une piqûre de rappel vous remettra d’aplomb. Tout d’abord, rappelez-vous que la médecine dont nous dépendons par le biais des prescriptions, est un art et non une science exacte. Même si, beaucoup de médecins se retranchent derrière les avancées technologiques pour la rendre la plus scientifique et la plus objective possible.

Nous sommes les seuls à avoir gardé cette dimension subjective de l’approche d’un patient. Avec nos mains, on touche, on palpe, on masse. On écoute le patient. On évalue avec nos yeux et notre tête. Eh oui, nous avons l’exclusivité des soins non invasifs, non pharmacologiques. Nous avons l’oeil et le toucher pour restaurer une fonction motrice altérée ou déficiente.

Nous avons aussi la chance de voir nos patients sur la durée et d’instaurer un dialogue de confiance. Nous obtenons souvent d’eux des informations qui ont souvent échappé au médecin par manque de temps lors d’une consultation unique.

Nous les voyons évoluer et nous voyons souvent des détails qui échappent même au plus attentif des médecins.

Quelle est notre arme ?

Je vous le donne en mille : le bilan….et une documentation régulière. Lorsque les infirmières documentent n’importe lequel de leur fait et geste, nous nous contentons de notes au mieux subjectives et floues, au pire de rien du tout.

Il faut provoquer le dialogue, téléphoner régulièrement aux acteurs de soins autour de nos patients et documenter, documenter, documenter, et y mettre beaucoup d’objectivité : Tinetti, goniométrie, up and go test, sans oublier la pincée de subjectivité qui nous distingue de tous les autres professionnels.

Fonctionnement des études de kinésithérapie en Belgique : une formation alliant l’Université et les Hautes Ecoles.

Anne-Violette Bruyneel, Kinésithérapeute, Docteur en Sciences du mouvement Humain - I.F.M.K. Vichy

Contexte politique de la formation
La configuration actuelle des études de kinésithérapie en Belgique repose sur le fonctionnement politique complexe du pays. La Belgique est une monarchie constitutionnelle et parlementaire qui fonctionne sur le principe de la démocratie représentative. En 1830, le pays était un état unitaire dont la seule langue officielle était le français [1]. Très vite, une généralisation de l’enseignement en néerlandais et en français est apparue, ce qui a aboutit en 1919 a une reconnaissance d’un état officiellement trilingue (français, néerlandais et allemand). La complexité géographique linguistique a été à l’origine de plusieurs réformes successives de la constitution pour aboutir à un état fédéral en 1993 [1]. L’état fédéral englobe les communautés (francophone, germanophone et néerlandophone – figure 1) et les régions (wallonne - intégrant la région germanophone, flamande et Bruxelles - Capitale). L’état fédéral est compétant dans le domaine de la santé (agréments, remboursements des soins, encadrement des soins), alors que, les communautés sont compétentes dans la gestion de l’éducation et de l’enseignement. De ce fait, l’organisation des études est directement dépendante des communautés, alors que, l’agrément pour exercer la profession de kinésithérapeute et permettre aux patients d’obtenir un remboursement de nos soins est dépendante de l’état. Cette configuration explique en partie les différences actuelles entre l’université flamande et francophone, même si la Belgique tend progressivement vers une harmonisation nationale.

Figure 1

Figure 1 : communautés

Vert : communauté flamande

Rouge : communauté wallonne

Bleue : communauté germanophone

Contexte professionnel actuel de la formation
La profession de kinésithérapeute est définie en Belgique par un arrêté royal depuis 1967 [2], qui a été successivement modifié [3]. Depuis 2006, la commission de planification de l’offre médicale est chargée de normaliser l’offre de kinésithérapeutes en Belgique en fonction des besoins [4]. En effet, en 1985, la Belgique avait 14 469 kinésithérapeutes
pour 24 331 en 1996 [5]. Ce nombre n’a pas cessé de croître en atteignant en 2002, 27 475 kinésithérapeutes, ce qui correspond à 1 kinésithérapeute pour 573 habitants. Dès lors, des réformes de régulation ont été mises en place :

- Augmentation du nombre d’année d’étude à 4 ans [6] ;
- Diminution du nombre de séances remboursées par an [7]. Un nombre maximal de 18 séances par an est attribué pour des pathologies dites « normales » et un nombre maximal de 60 séances est attribué pour des pathologies dites « chroniques ». A noter que le remboursement est partiel et que le patient paie 5 euros par prestation ;

- Concours d’agrément INAMI [8].

Ces différentes démarches ont largement contribuées à diminuer le coût des soins de kinésithérapie pour l’état. En revanche, elles sont à l’origine
de tensions importantes dans la profession et d’une diminution progressive de l’intérêt des étudiants pour la kinésithérapie.

Une très large majorité des kinésithérapeutes travail comme indépendant, y compris dans les hôpitaux où ils sont alors payés à la prestation.

Conditions requises pour exercer la profession de kinésithérapeute en Belgique (en 2011)

Suite au cursus initial, pour exercer l’activité de kinésithérapeute, il est nécessaire d’obtenir un agrément auprès de l’organisme SPF (Santé Publique, Sécurité de la Chaine Alimentaire et Environnement), organisme national. Cet agrément est octroyé aux personnes ayant suivi avec succès une formation de 4 ans minimum reconnue par la SFP [6].

Pour garantir le remboursement des prestations pour nos patients, il faut ensuite obtenir un numéro d’agrément INAMI provisoire. Dès cette procédure, le kinésithérapeute s’engage à respecter une réglementation stricte (nomenclature de soin, documents de remboursement des soins,  normes du cabinet,…). Pour obtenir le numéro définitif, depuis 2005, le kinésithérapeute doit réaliser un concours de sélection par une épreuve écrite unique [8]. En 2010, 409 candidats devaient être retenus pour la communauté flamande et 293 candidats pour la communauté francophone [9]. Actuellement, cette forme de sélection est remise en cause et une décision sur le maintien de ce concours devrait intervenir prochainement [9].

Bref historique de la formation
Jusqu’en 2001, il était possible pour les étudiants d’avoir accès à la profession en suivant un cursus de 3 ans en école supérieure (graduat) ou de 4ans à l’université (Licence en kinésithérapie et réadaptation). Malgré deux approches très différentes, le statut final du kinésithérapeute était similaire. En revanche, les gradués ne pouvaient pas poursuivre leur cursus par une spécialisation universitaire (par exemple : doctorat).

A partir de l’année 2002 [6], l’agrément permettant d’exercer le métier de kinésithérapeute ne sera plus qu’octroyé aux personnes ayant suivi avec succès un enseignement de plein exercice comportant au moins quatre années d’études. Par conséquent, depuis 2002 les étudiants des Hautes Ecoles et de l’Université ont obtenus leurs diplômes en 4 ans. Cette situation à largement facilité la communication entre ces deux institutions, ce qui a permis concrètement de faciliter les passerelles entre les deux cursus et les échanges entre les enseignants.

Schéma général de la formation initiale (1er et 2ème cycle) 

Les étudiants ont la possibilité de suivre le cursus de kinésithérapie en 4 ans soit dans une Haute Ecole d’enseignement supérieur de type long (10 en Belgique), soit à l’université (6 en Belgique) [10]. Le choix de la structure n’est en aucun cas préjudiciable sur la possibilité d’obtenir l’agrément, car le titre obtenu est identique et le cursus très proche. La formation est néanmoins considérée comme plus pratique dans les Hautes Ecoles et plus théorique à l’Université.

Le schéma général des études (figure 2) est directement associé aux accords de Bologne de 1999 sur l’uniformisation des études supérieures en Europe [11]. De ce fait, le système des études de kinésithérapie est basé sur trois années de Bachelor (= Licence) et une année de Master en kinésithérapie et réadaptation [12]. Chaque année doit représenter un minimum de 60 ECTS (European Credits Transfer System). Les Hautes Ecoles et l’Université ce sont adaptées de manière indifférenciée à ce système européen ce qui permet une reconnaissance plus facile entre les organismes de formations nationaux et internationaux et donc des possibilités d’échanges de type Erasmus. En revanche, la durée des études de kinésithérapie est portée depuis quelques années à 5 ans dans les universités néerlandophones. Dès lors, il semble que progressivement le système belge évolue vers une formation initiale en 5 ans.

Figure 2.

Diplôme initial nécessaire pouraccéder aux études de kinésithérapie .
Avant 2006, la proportion d’étudiants étrangers était considérable. De ce fait, un décret limite dorénavant à 30% la proportion d’étudiants étrangers dans les cursus concernés [13].

Une spécialisation possible par le master 2 en sciences de la motricité (2ème cycle)
Les kinésithérapeutes ayant un master 1 en kinésithérapie et réadaptation peuvent prolonger leurs études par un master 2 qui est alors considéré comme une spécialisation. Le master offre différentes orientations en préventionsanté, pathologies sportives, thérapie manuelle, préparation à la recherche, … L’orientation master 2 recherche est une étape est indispensable pour avoir accès à la possibilité de poursuivre par un doctorat en sciences de la motricité

Un doctorat en Sciences de la Motricité (3ème cycle)
Le kinésithérapeute ayant poursuivi par un master 2 recherche peut prolonger ses études par un doctorat en sciences de la motricité. Cette formation donne le titre de Docteur en Sciences de la Motricité au terme d’une thèse de doctorat de minimum trois ans (équivalent à minimum 180 ECTS). Parallèlement, le candidat doit suivre une formation doctorale de 60 ECTS qui lui donnera un certificat de « Formation à la Recherche » [14].

Pour être autorisé à soutenir la thèse, il faut avoir publié dans des revues de niveau international. Un article par année de thèse est considéré comme acceptable, donc, il faut un minimum de trois articles pour prétendre à la soutenance de thèse. La soutenance se déroule en 3 temps avec le rendu du document écrit, une soutenance privée puis une soutenance publique.

Cependant, de nombreux kinésithérapeutes mettent plutôt 4 à 6 ans pour réaliser leur thèse, car, très souvent, ils maintiennent une petite activité professionnelle.

Ce diplôme est un pré-requis indispensable pour prétendre à un poste de maître assistant puis de professeur dans la section kinésithérapie et réadaptation à l’Université. Habituellement, ces différentes fonctions sont octroyées à des candidats ayant réalisé un stage post-doctoral à l’étranger

Conclusion
Malgré un paysage politique belge instable et en perpétuelle évolution, les études de kinésithérapie ont tendance à s’harmoniser progressivement. En effet, tous les cursus sont basés sur le processus de Bologne, ce qui simplifie fortement les passerelles nationales et internationales pour les étudiants. La double formation Hautes Ecoles et Universités permet de conserver deux approches complémentaires de la kinésithérapie tout en garantissant aux futurs professionnels les mêmes conditions d’accès à l’exercice de la profession. Néanmoins, le cursus universitaire permet aux étudiants qui le souhaitent de se spécialiser dans la recherche en kinésithérapie et réadaptation au travers d’une thèse en Sciences de la Motricité. Cela confère à la profession un appui scientifique pour l’enseignement, mais, également face aux demandes de validation des pratiques pour obtenir les remboursements pour les patients. Cet accès au doctorat étant présent de longue date, de nombreux kinésithérapeutes engagés dans la recherche et/ou dans l’enseignement ont actuellement le titre de « Professeur », ce qui donne une réelle visibilité de la profession au niveau universitaire face aux médecins.

Actuellement, le rapport de l’Evaluation de la qualité de l’enseignement supérieur [15], précise les forces de la formation (organisation selon le modèle européen, possibilité de doctorat, l’ancrage de la formation par rapport aux réalités de terrains, la qualité de l’auto-évaluation des organismes de formation), mais également ses faiblesses (la non utilisation d’un référentiel qualité spécifique au cursus de kinésithérapie, un cloisonnement persistant entre l’Université et les Hautes Ecoles et le manque de formation spécifique pour les maîtres de stage). Les experts insistent pour essayer d’anticiper le concours d’agrément en essayent de limiter le nombre d’étudiants diplômés. D’autre part, ce rapport suggère de mettre réellement la recherche clinique au coeur de la formation entre autre en créant un fond national de recherche en kinésithérapie.

Le passage éventuel à 5 années complètes de formation sera déterminant pour l’organisation future du cursus. Cependant, cette volonté, qui faciliterait la reconnaissance de la kinésithérapie et la mise en place de l’accès direct aux soins de kinésithérapie, se heurte à la difficulté d’une harmonisation identique entre les Universités et les Hautes Ecoles.

D’un point de vue professionnel, le conseil National de la Kinésithérapie [16], suite à sa séance plénière du 30 mars 2010, met en avant les objectifs de qualité pour les kinésithérapeutes. Les perspectives sont associées au développement de la prévention, de la recherche et de la transmission des résultats vers le monde professionnel, de la formation continue permettant des spécialisations et de l’accès direct aux soins.

Nous pouvons donc observer que le fonctionnement belge à l’avantage d’une universitarisation de la formation qui favorise la recherche grâce à la possibilité de réaliser un doctorat pour les kinésithérapeutes. Cependant, au niveau professionnel les grandes questions actuelles liées à l’avenir de la profession sont très proches des problématiques françaises.

Bibliographie
[1] Reynebeau M. Histoire de Belge 1830 – 2005. Bruxelles, Racine, 2005.
[2] Articles 21bis et 21ter de l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions des soins de santé (publié au Moniteur belge du 14 novembre 1967).
[3] Loi du 13 novembre 1997 modifiant l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice de l’art de guérir, de l’art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales (publiée au Moniteur belge du 25 décembre 2003), modifiée par la loi-programme du 22 décembre 2003 (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2003).
[4] Pacolet J, Merckx S, Coudron V, Cattaert G. Planification des ressources humaines pour la kinésithérapie en Belgique. SESA, socio-économie de la Santé UCL – KUL, Bruxelles, 2006.
[5] INAMI. Recommandations d’experts : La réforme du secteur de la kinésithérapie. Exposé thématique 2002 ; 96-110.
[6] Arrêté royal du 15 avril 2002 relatif à l’agrément en qualité de kinésithérapeute et à l’agrément des titres particuliers et des qualifications particulières (publié au Moniteur belge du 28 juin 2002).
[7] Arrêté royal du 18 avril 2002 (publié au moniteur belge du 25 avril 2002) [8] Arrêté royal du 20 juin 2005 fixant le concours pour l’agrément de kinésithérapeute.
[9] D’Hooghe S. Concours de sélection pour les kinésithérapeutes. Axxon 2011 ; 9 :20-21.
[10] Etudes de kinésithérapie en Belgique. Revue Actuel Nord Pas de Calais ; 2010 :59-62.
[11] The Bologna declaration 1999. Site des communautés européennes [en ligne]. Adresse URL : http:// ec.europa.eu/education/higher-education/doc1290_en.htm (page consultée le 6 mars 2011).
[12] Debruyn B, Guslin J. Projet partenariat LEONARDO 3 « formateurs des professionnelles de santé en Europe : quelles qualifications, quelles compétences ? ». Séminaire HEG ISSIG, Bruxelles, 2009.
[13] Décret du 16 juin 2006, modifié par les décrets du 25 mai 2007, du 9 mai 2008 et du 18 juillet 2008].
[14] Règlement cadre de l’académie universitaire Wallonie Bruxelles 2009 [en ligne]. Adresse URL : http://www.academiewb.be/docs/Reglement.doctorat.pdf (page consultée le 8 mars 2011).
[15] Agence pour l’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur. Recommandations d’experts : Rapport final – Cursus kinésithérapie 2010 : les enjeux et défis à relever de l’enseignement supérieur de la kinésithérapie en communauté française. 2010.
[16] Conseil National de la Kinésithérapie. Recommandations d’experts : Profil professionnel et de compétence du kinésithérapeute en Belgique. Bruxelles – SPF Santé Publique, Sécurité de la chaine alimentaire et environnement, mars 2010.

            Article paru dans la revue “Syndicat National de Formation en Masso-Kinésithérapie” / SNIFMK n°1

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Publié le 1653638731000