
Focus sur l’essai AtezoLACC
Plusieurs études évaluent actuellement l’intérêt de l’ajout de l’immunothérapie dans le traitement des cancers localement avancés du col de l’utérus. L’étude AtezoLACC (NCT03612791) promue par l’Institut Gustave Roussy et ouverte depuis mars 2018, est une étude multicentrique randomisée de phase 2 évaluant l’ajout de l’atézolizumab (immunothérapie anti PD-L1) à la radiochimiothérapie concomitante (RTCT) pour les patientes traitées pour un cancer du col utérin localement avancé de stade FIGO > IB2 (Figure 1).
Rationnel
La RTCT suivie de curiethérapie utéro-vaginale est le standard de traitement des cancers du col utérin localement avancés (stade FIGO > IB2). Les récentes améliorations technologiques comme la curiethérapie adaptative guidée par l’image et le développement d’applicateurs facilitant les implantations interstitielles ont permis une majoration des taux de contrôle local, entre 79 et 96 % selon le stade tumoral (1, 2). Les patientes présentant des tumeurs volumineuses ou ayant le moins bien répondu à la RTCT sont probablement celles qui tirent le plus grand bénéfice de l’escalade de dose (3). Une large étude prospective multicentrique a montré qu’une implantation basée sur l’imagerie 3D diminuait le taux de rechutes locales et le taux de toxicités sévères. Ces résultats ne se traduisaient cependant pas en une augmentation des survies sans progression ni globale (4). Ceci s’explique notamment par le taux de rechutes extra-pelviennes (30 à 40 %) et notamment lombo-aortiques qui limitent le bénéfice de l’augmentation du contrôle local (3, 5). Dans l’objectif d’augmenter l’index thérapeutique et la survie globale, l’un des challenges actuels réside donc dans la diminution du taux de rechutes à distance. Le changement progressif des modalités de rechute des cancers du col utérin implique de nouvelles stratégies thérapeutiques permettant de limiter les rechutes hors du champ de traitement. Depuis plusieurs années l’immunothérapie seule ou combinée à la RT a montré des résultats prometteurs pour certains cancers localement avancés (6, 7). D’autre part des études pré-cliniques ont montré que l’activation de la voie PD-1/PD-L1 était impliquée dans la genèse des cancers HPV-induits comme les cancers du col utérin ou les cancers ORL (8). L’atézolizumab (anticorps monoclonal humanisé ciblant le ligand PD-L1) a démontré sa capacité à induire une réponse durable pour plusieurs histologies (CBNPC, carcinome urothélial (9), carcinome rénal (10), etc.) et une augmentation de la survie globale pour les CBNPC (11). Ces résultats ont été rapportés pour des tumeurs non sélectionnées ou surexprimant PD-L1. Plusieurs phases 3 randomisées évaluent actuellement l’atézolizumab pour différentes tumeurs solides et hématologiques (Atezolizumab Investigator’s Brochure).
L’étude AtezoLACC est une étude importante conduite en France sur une vingtaine de centres, ouverte aux inclusions.
Figure 1 : Population de l’étude
Figure 2 : Design de l’essai (CDDP : cisplatine)
Objectifs
Le critère principal de jugement est la PFS à 2 ans (selon RECIST 1.1). Les critères secondaires incluent la survie globale, le taux de réponse complète à 8 semaines, le taux de contrôle locorégional et à distance et la tolérance au traitement. Cent quatre-vingt-dix inclusions sont prévues afin d’atteindre la puissance statistique nécessaire.
Traitement
Le traitement standard consiste en une RT externe pelvienne (± lombo-aortique) à la dose totale de 45 Gy (25 fractions de 1,8 Gy) avec surimpression concomitante au niveau des ganglions pathologiques (Figure 2). Le traitement est potentialisé par l’administration de 5 cycles hebdomadaires de cisplatine (40 mg/m2 en IV). Une curiethérapie utérovaginale de clôture (PDR ou HDR guidée par l’imagerie 3D, idéalement IRM) est réalisée au maximum 14 jours après la fin de la RT selon les recommandations (doses et volumes) du GEC-ESTRO et de l’étude EMBRACE II.
Dans le bras expérimental l’atézolizumab (1200 mg IV) est administré en début de RTCT puis toutes les 3 semaines jusqu’à un total de 20 cycles (soit 57 semaines de traitement). A l’issue les patientes sont suivies tous les 3 mois avec examen clinique et paraclinique complet (IRM pelvienne, TDM thoracique, bilan biologique) pendant 2 ans puis selon les modalités du centre. L’étude comporte un versant translationnel qui vise à mieux comprendre les mécanismes moléculaires de l’intéraction RT/immunothérapie, et à les caractériser par biopsies répétées, prélèvements périphériques et IRM sérielles.
Références
2017 Nov 16;377(20):1919–29.
Dr Mario TERLIZZI
Assistant en curiethérapie Institut Gustave Roussy
Contact : [email protected]
Article paru dans la revue “Société Française des Jeunes Radiothérapeutes Oncologues” / SFJRO n°01