Focus sur L’appareillage en MPR

Publié le 05 Jul 2022 à 15:08

Histoire des prothèses du membre supérieur

Dans cet article, nous vous proposons un point historique sur l’évolution des prothèses du membre supérieur à travers les âges en vous décrivant quelques modèles clés qui ont mené à nos prothèses myoélectriques actuelles.

L’idée de suppléer artificiellement un membre a toujours intrigué et fasciné l’Homme ; cette pratique était déjà développée dans la mythologie grecque puis romaine, ce que nous relatait Ovide dans les Métamorphoses et le mythe de Pélops. En voici un extrait  : « Pélops, fils de Tantale, fut coupé en morceaux et servi à un festin des dieux qui, ayant découvert le crime, jetèrent dans un vase les membres du jeune prince ; Clotho l’en retira plus beau que jamais : il ne lui manquait qu’une épaule que Cérès avait mangée ; Jupiter la remplaça par une épaule d’ivoire ».

Le fait de remplacer un membre nous fascine toujours autant comme peuvent en témoigner les nombreux films et  séries comme Super Jaimie (The bionic woman) ou son pendant masculin L’homme qui valait trois milliards (The six million dollar man). Dans ces séries des années 70, cette femme et cet homme bioniques sont mis en avant et sauvent notre monde !

Mais revenons au passé.

Les civilisations indienne, égyptienne ou encore précolombienne avaient déjà décrit des appareillages du membre inférieur ou du tronc mais pas du membre supérieur. C’est dans l’Antiquité gréco-romaine que l’on trouvera les premières traces spécifiques de cette intervention.

L’Antiquité
Le monde gréco-romain a permis une forte progression de l’orthopédie, tout d’abord  grâce à Hippocrate qui a travaillé sur les fractures, les pieds bots et les luxations. Par la suite, les Romains, par leurs connaissances et leur dextérité en matière d’amputation, ont pu contribuer à faire avancer la réflexion autour des prothèses.

Il a fallu attendre le 1er siècle après Jésus-Christ pour retrouver, dans l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien (23-79), la description d’une prothèse du membre supérieur. Il y a décrit une « main droite en fer » qui avait été fixée au bras d’un guerrier pour qu’il puisse continuer à participer à la seconde guerre Punique (-218 à -201). Cette « main d’assistance », composée d’un système mécanique de préhension passive par un groupe de doigts,  lui servait à tenir un petit bouclier rond.  Le fait que Pline l’Ancien ne décrive pas en détail cette main montre que les médecins de cette époque connaissaient bien les possibilités fonctionnelles de cette prothèse. 

Du IVème siècle au XIVème siècle
Du IVème au XIVème siècle,  il n’y a eu que peu d’avancées en orthopédie tant Hippocrate a marqué l’histoire de la médecine. Quelques techniques chirurgicales ont pu être décrites, quelques avancées en traumatologie ont été faites mais l’orthopédie a été reléguée au second plan pendant presque un millénaire.

Accélération de l’évolution prothétique au cours des XVème et XVIème siècles
Il a fallu attendre la fin du Moyen Âge pour que les prothèses du membre supérieur s’améliorent.  À cette époque il était fabriqué des « prothèses armures » qui étaient mues par la main saine.

La main de fer de Götz von Berlichingen
Götz von Berlichingen est un chevalier allemand  du XVIème siècle qui, lors de l’une de ses expéditions militaires, a perdu sa main droite qui fut remplacée par une main de fer en 1504. Ce chevalier a connu un prestige posthume grâce au drame de Goethe qui porte son nom (1773) et à la pièce de théâtre de Sartre Le Diable et le Bon Dieu (1951).

Cette « prothèse armure » est une main à crémaillère avec des ressorts lames pour exercer les mouvements de flexion et d’extension des doigts. Un gantelet entouré d’une courroie permet de fixer cette main au moignon.  Les doigts et l’hallux sont indépendants les uns des autres, l’opposition de l’hallux est possible et toutes les phalanges sont articulées.

L’objectif était certes esthétique mais aussi fonctionnel pour permettre à ce guerrier de poursuivre les combats. Le Chevalier Götz von Berlichingen était surnommé la « Main de Fer » ce qui mettait positivement en avant son handicap.

Ambroise Paré (1509-1590), chirurgien du Roi et des champs de bataille, est considéré comme le père de la chirurgie moderne. Il a élaboré d’ingénieux mécanismes de fabrication des prothèses des membres inférieur et supérieur.


Ambroise Paré (1509-1590)

Trois de ses prothèses du membre supérieur ont attiré notre attention : la main métallique, la prothèse  du bras et la main en cuir bouilli.

La main métallique et la prothèse du bras ont été réalisées par Le Lorrain, un adroit artisan travaillant pour Ambroise Paré. Il a donné son nom à ces prothèses.

Les doigts de cette main savante sont constitués de petites plaques articulées entre elles et reliées par un ressort à une crémaillère ronde fixant la position des doigts. Les doigts sont indépendants. L’extension se fait par un bouton (ou gaschette) qui libère toutes les crémaillères en même temps. La face palmaire des doigts n’est pas en métal mais dans une matière beaucoup plus souple telle que du cuir ou du tissu. L’intérêt d’un matériau mou est de permettre l’augmentation de la surface de préhension par l’aplatissement des tissus.

La prothèse du bras est intéressante car elle possède un coude mécanique pouvant se bloquer dans plusieurs positions : le patient peut fixer cette articulation plus au moins en flexion ou en extension.

Cette “prémisse de coude articulé” est constituée d’une crémaillère extérieure avec un ressort spiral de rappel. Sur ce bras peut se fixer la main métallique décrite précédemment.

Ces deux prothèses restent cependant des « prothèses armures » même si elles apportent une avancée dans l’utilisation des matériaux avec une maximisation de l’adhérence et de la surface de préhension et des techniques de blocage du coude. Elle a d’ailleurs été portée par un capitaine de l’armée française du XVIème siècle au combat.

La troisième prothèse est la main en cuir bouilli, beaucoup plus légère et esthétique. Elle signe la fin des prothèses armures en permettant la réalisation de travaux beaucoup plus fins tels que l’écriture. Sur ce dessin, la main en cuir bouilli porte une plume d’oie.


Main en cuir bouilli, photo issue de l’Étude sur les amputations et des articulations des membres, P. Huard,1940, bibliothèque de l’Université de la Timone, Marseille.

Les appareils d’Ambroise Paré ont par la suite été utilisés jusqu’à la seconde moitié du XVIIIème siècle, époque à laquelle on a commencé à imaginer des mains à motricité indépendante  : la main artificielle n’ayant plus besoin de la main de chair pour se mouvoir.



Main métallique et prothèse du bras, photo issue de l’Etude sur les amputations et des articulations des membres,
P Huard, 1940, bibliothèque de l’Université de la Timone, Marseille.

En bas, Bras du petit Lorrain :
1. Bracelet de fer pour la forme du bras
2. Arbre mis en dedans du grand ressort pour le tendre
3. Grand ressort qui est au coude lequel doit être d’acier trempé, et de trois pieds de longueur au plus
4. Roquet
5. Gaschette
6. Ressort passant sur la gaschette et arrêtant les dents du roquet
7. Clou à vis pour fermer ce ressort
8. Tornant de la hausse de l’avant-bras au-dessus du coude
9. Trompe du gantelet fait à tornant avec le canon de l’avant-bras qui est à la main, lesquels servent à faire la main prône et suppine : c’est à sçavoir prône vers la terre et suppine vers le ciel.

Le XIXème siècle et les bras artificiels automoteurs
En 1818, De Graeffe eut l’idée de fabriquer des bras artificiels susceptibles de mouvements spontanés, provoqués par des cordes à boyaux et des ressorts, prenant appui sur un corset enveloppant le tronc et les épaules. Cette idée devait servir de base à de nouveaux types d’appareils : les bras artificiels automoteurs.

Le Comte de Beaufort retrace dans son Essai sur la prothèse du bras et de la main paru en 1861, la fabrication de son bras automoteur qu’il nomme « bras artificiel utile » et sa main artificielle.

Le bras artificiel se compose de deux gaines en cuir réunies par deux ressorts (O O) qui agissent en excentriques sur l’articulation du coude ; l’un tend à lever et l’autre à baisser l’avant-bras.

La main artificielle possède des doigts rigides dont seul  l’hallux est à charnière. Le pouce est maintenu en état de pression contre l’index au moyen d’un ressort pour effectuer la fonction de pince et tenir un chapeau ou un livre par exemple.

Reprenons les mots du Comte de Beaufort pour illustrer le fonctionnement de cette prothèse avec la terminologie de l’époque :
“Les doigts sont maintenus dans un état de flexion par des ressorts qui, placés dans l’épaisseur de la main, sont fixés à l’intérieur du poignet et aux premières phalanges. Les cordes à boyau BC et DC sont, par opposition, attachées à la surface dorsale des mêmes phalanges et sont fixées à une poulie A qui reçoit le mouvement de la corde à boyau F. À cette corde aboutit la courroie motrice L ; celle-ci, fixée à son extrémité opposée au bouton N placé sur le devant de la ceinture du pantalon, glisse dans une embrasse M portée sur l’épaule saine et passant sur l’épaule opposée, s’attache enfin à la corde déjà mentionnée, dont le trajet s’effectue par l’axe du coude et le centre du poignet, jusqu’à la corde de la poulie A. Cette disposition permet d’utiliser les divers mouvements du corps qui se produisent lorsque le dos se voûte ou se cambre.”

Et il ajoute :
“Quand on veut ouvrir la main, on arrondit les épaules en prenant une pose qui tend la courroie L dans tout son parcours : cette disposition préparatoire suffit pour qu’un mouvement de l’épaule ou du bras détermine ensuite le jeu des doigts. Quand, au contraire, le corps n’offre aucune résistance à la courroie, le bras peut faire librement tous les mouvements, sans affecter aucunement la main.”

Explication de la gravure représentant un des doigts vu en coupe longitudinale

G : Ressort qui fait fléchir le doigt
H I : Ressort tendant à maintenir le doigt redressé
J K : Corde à boyau fixée, par ses extrémités, à la main et à la dernière phalange

Cette corde, dont le point fixe J est excentrique par rapport à la rotation du doigt, fait fléchir les phalanges supérieures lorsque la première s’abaisse.

Dessins extrait de l’Essai sur la prothèse du bras et de la main paru en 1861 du Comte de  Beaufort, document fourni par le bibliothécaire de l’Université de la Timone

Cette prothèse du Comte de Beaufort a aussi l’intérêt d’être très esthétique et de respecter les proportions humaines.

XXème et XXIème siècles
Le XXème siècle, avec l’accélération des recherches concernant la biomécanique et l’utilisation de l’électromyographie, a permis le développement des prothèses myoélectriques. Comme son  nom l’indique, une prothèse myoélectrique fonctionne grâce aux contractions musculaires du patient. De façon simplifiée, la contraction musculaire engendre une tension électrique très faible pouvant être mesurée sur la peau. Ces contractions sont amplifiées et utilisées pour effectuer les différents mouvements de la prothèse. C’est en 1947 qu’est créé le premier prototype avec une main en bois motorisée et commandée par un interrupteur. Puis, grâce à l’invention de l’électrode, cet interrupteur, un peu trop encombrant, a pu être abandonné pour qu’en 1969 la première main digitale voit le jour. Il s’en est suivi une rapide évolution avec le développement de nombreuses pinces et mains sur les cinquante dernières années (premier Greifer en 1979, première main taille enfant en 2000). En parallèle, des “orthèses myoélectriques” ont été développées pour suppléer des membres plégiques (1969) et donner à terme nos exosquelettes actuels.

La dernière révolution est l’émergence des neuroprothèses, prothèses directement reliées au système nerveux du patient, toujours en plein développement dont l’évolution est à suivre de près ces prochaines années  !

Vous trouverez dans le prochain article un petit guide avec quelques explications pratiques et exemples d’ordonnances pour vous aider à prescrire plus facilement  différents appareillages.

Bibliographie
•Š Essai sur la prothèse du bras et de la main paru en 1861 du Comte de Beaufort, document fourni par le bibliothécaire de  l’Université de la Timone, Marseille ; Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
Š• Étude sur les amputations et les articulations des membres, P. Huard, 1940, bibliothèque de l’Université de la Timone, Marseille.
Š• Histoire de l’orthopédie et des orthèses de l’Antiquité à la Renaissance, Géraldine Laurent, thèse soutenue en 2015 à Nancy.

Je remercie tout particulièrement Laurent Dauvergne, bibliothécaire et conservateur de la bibliothèque de l’Université de la Timone de m’avoir donné accès aux ouvrages historiques concernant  l’amputation et l’appareillage du membre supérieur.

Camille NOËL

Schéma des principaux composants d’une prothèse après amputation

Petit guide pratique de la prescription en appareillage

Petit guide pour prescrire un appareillage
Il faut distinguer deux types d’appareillage  : le petit et le grand appareillage.

Le petit appareillage représente les orthèses de série (exemple  : genouillère, bas de contention...). La prescription s’effectue sur une ordonnance simple et le remboursement de ces orthèses se situe à 60  % par l’Assurance Maladie lorsque ces dispositifs sont inscrits sur la Liste des Produits et Prestations Remboursables (LPPR).

Petit point concernant la LPPR  : Il s’agit d’une liste disponible sur ameli.fr qui référence tous les appareillages remboursables par l’Assurance Maladie et qui sont classés selon différentes catégories avec un codage spécifique pour chaque (codage choisi selon les matériaux, le type de moulage...).

Le grand appareillage est réalisé sur mesure par les orthoprothésistes. Il est prescrit sur une ordonnance composée de trois volets (un pour l’assuré, deux pour l’Assurance Maladie). Cet appareillage est prescrit initialement par les MPR ainsi que d’autres spécialités (rhumatologue, neurologue, neurochirurgien, chirurgien orthopédique...) mais le renouvellement à l’identique peut s’effectuer par le médecin généraliste. La prescription nécessite une entente préalable par l’Assurance Maladie qui dispose d’un délai de 15 jours pour se prononcer et son absence de réponse équivaut à une acceptation de la prescription. Le remboursement s’effectue à 60 % hors ALD et à 100 % en ALD.

Concernant la prescription des fauteuils roulants, elle diffère selon le type de fauteuil (manuel ou électrique).

La prescription d’un fauteuil roulant manuel se réalise avec une ordonnance simple quelle que soit la spécialité du médecin. Elle peut se faire en location ou en achat et la prise en charge peut s’effectuer grâce à la Sécurité Sociale s’il est inscrit sur la liste LPPR.

La prescription d’un fauteuil roulant électrique s’effectue seulement par un médecin MPR. Un essai de fauteuil est systématique au préalable. La prescription est seulement possible à l’achat et il n’existe pas de location. Une demande préalable est nécessaire. La prise en charge par l’Assurance maladie peut s’effectuer si le fauteuil est inscrit à la LPPR et la MDPH peut intervenir en cas de remboursement partiellement réalisé pour les patients âgés de moins de 60 ans.

Sources
https://www.ameli.fr
https://www.cofemer.fr

La prescription spécialisée d’orthoprothèse
La liasse Cerfa numéro 12042*02 est le support préférentiel.
Les internes ne peuvent prescrire que sous couvert du médecin référent du patient (utilisation de son tampon et de sa signature).

• Mentions obligatoires de validité
Nom, prénom, spécialité du médecin référent.
ŠSignature.
ŠDate.
ŠNuméro RPPS du prescripteur, le numéro FINESS de l’établissement.
ŠCoordonnées téléphonique, électronique du prescripteur (se trouvant la plupart du temps sur son tampon).

• Mentions obligatoires à la bonne exécution
Désignation précise de l’appareil : description complète et détaillée de l’appareillage reprenant le libellé de nomenclature pour permettre une parfaite identification dans la nomenclature de la LPP.
ŠConditions particulières d’utilisation : durée minimale d’utilisation prévue lorsqu’il s’agit d’un appareillage temporaire post-chirurgicale ou post-traumatique par exemple.

• Méthodologie de prescription
Sur la première page il faut décrire l’appareillage : les matériaux utilisés (ex : polypropylène, carbone, cuir), les moyens de jonction ou encore si c’est une première mise ou non. Actuellement, un nouvel appareillage ne peut plus se faire en cuir. Ce matériau peut être encore utilisé si les anciens appareillages du patient en étaient constitués.

Sur la deuxième page l’on peut décrire la pathologie du patient et son examen clinique.

Nous vous recommandons de lire les cours du Campus MPR de l’Université de Lyon (campus-mpr.univ-lyon1.fr) pour avoir une description détaillée des différents appareillages.

Légende sur les ordonnances
1. Exemple pour des orthèses suro-pédieuses
Orthèses suro-pédieuses droite et gauche en carbone avec appui antérieur, montant postérieur, lame pédieuse, sur moulage plâtré.
•Š Polyneuromyopathie responsable d’un déficit moteur des releveurs chez un jeune polyhandicapé marchant. Pieds plats valgus notamment à droite nécessitant la mise en place d’une semelle orthopédique correctrice à intégrer sur la lame pédieuse droite. Ce patient marche seul avec ses orthèses et sa semelle.

2. Exemple pour des chaussures orthopédiques
Première mise de chaussures sur mesure sur moulage, tiges sus-malléolaires, baleinage, barre rétrocapitale, soutien de voûte, anneau talonnier, talon avec biseau.
Š Pieds plats valgus, hallux valgus bilatéral. Attaque trop importante par les talons, déformation des orteils. Marche avec une canne. Douleurs chroniques des pieds et des chevilles.

Qu’est-ce que la douleur fantôme  ?

Quelques idées clées à retenir sur la douleur de membre fantôme

La douleur de membre fantôme, c’est quoi ?
Il s’agit de toute sensation douloureuse qui se rapporte au membre absent, amputé, déafférenté. C’est une douleur qui s’apparente aux douleurs neuropathiques et qui peut entraîner diverses sensations tel que des décharges électriques, des brûlures, une sensation d’écrasement...
S. Roullet et al indiquent que la douleur de membre fantôme est présente chez plus de 70 % des patients amputés et s’installe dès les premiers jours de l’amputation pour 75 % des patients, indépendamment de leur âge.

À quoi est-elle dû 
Les mécanismes impliqués sont encore incertains mais impliqueraient à la fois le système nerveux périphérique, la moelle épinière et les régions corticales et sous-corticales.

Quels outils de mesure peuvent être utilisés ?
L’évaluation de la douleur peut se faire quantitativement et qualitativement.

Concernant l’évaluation quantitative, plusieurs échelles peuvent être utilisées, à l’exemple de l’échelle visuelle analogique (EVA) dans laquelle le patient positionne l’intensité de sa douleur sur une ligne horizontale de 10 cm, ou encore de l’échelle numérique (EN), évaluant oralement la douleur de 0 à 10.

Concernant l’évaluation qualitative de la douleur de membre fantôme, le questionnaire de douleur de Saint-Antoine (QDSA) peut être utilisé. Il s’agit d’une version française du McGill questionnaire et se compose de 58 qualificatifs de la douleur répartis en différents groupes qui englobent les aspects sensoriels et affectifs de la douleur. L’échelle DN4, qui permet d’évaluer les douleurs neuropathiques, peut aussi être utilisée.

Extrait du questionnaire de Saint-Antoine

Quelle prise en charge peut être proposée ?
La prise en charge du patient présentant une douleur de membre fantôme est complexe. Nous citerons ici quelques exemples (liste non exhaustive).

• Thérapeutiques pharmacologiques
Il n’y a pas de réel consensus à l’heure actuelle concernant les thérapeutiques médicamenteuses. Celles-ci peuvent s’apparenter aux traitements des douleurs neuropathiques. On peut par exemple citer les antiépileptiques et notamment la GABAPENTINE dont l’efficacité antalgique à court terme a été avancée par Alviar MJM et al.

• Thérapeutiques non pharmacologiques
- La thérapie miroir est une technique fréquemment utilisée. Le patient est invité à placer ses deux membres de part et d’autre d’un miroir de façon à visualiser à la fois le membre sain mais aussi son reflet dans le miroir à la place du membre amputé. Divers mouvements répétés sont ainsi demandés au patient, donnant l’illusion que la fonction motrice du membre amputé est restaurée. Une approche similaire peut aussi être réalisée grâce à la réalité virtuelle.
-Š Katleho Limakatso et al. ont démontré l’efficacité de l’Imagerie Motrice dans la réduction de la douleur. Cette thérapie consiste à se représenter mentalement un mouvement sans le réaliser. La rééducation comprend ainsi une imagerie «  implicite  », où le patient est invité à reconnaître la latéralité de membres présentés en image ou en vidéo. Puis vient une partie «  explicite  » où le patient est amené à imaginer que son membre amputé est toujours présent et ainsi essayer de le représenter en train d’effectuer divers mouvements sans les exécuter réellement.

Neurostimulation centrale non invasive :
On peut citer par exemple la stimulation magnétique transcrânienne répétitive ou rTMS qui est actuellement en cours d’étude. Il s’agit d’un dispositif non invasif qui délivre une faible intensité de courant magnétique dans le but de moduler la plasticité cérébrale en activant ou en inhibant l’activité neuronale.

Prise en compte de la sphère psycho-sociale  :
Enfin, les facteurs psychologiques et sociaux sont également à prendre en compte et à évaluer tout au long de la prise en charge. Diverses échelles peuvent être utilisées, à l’exemple du questionnaire SF-36 permettant d’évaluer la qualité de vie du patient ou encore les échelles d’Hamilton et Beck 2ème génération permettant de dépister une dépression.
Sources
Š• Phantom limb pain: From physiopathology to prevention, S. Roullet et al., 2009.
Š• Traitements pharmacologiques et non pharmacologiques de la douleur neuropathique : une synthèse des recommandations françaises, X. Moisset et al., 2020.
• The effectiveness of graded motor imagery for reducing phantom limb pain in amputees: a randomised controlled trial, Katleho Limakatso et al., 2019.
Š• Optimizing Rehabilitation for Phantom Limb Pain Using Mirror Therapy and Transcranial Direct Current Stimulatio, Camila Bonin Pinto et al, 2016.
• Effectiveness of mirror therapy, motor imagery, and virtual feedback on phantom limb pain following amputation: A systematic review, Laura Herrador Colmenero1 et al., 2017.
Š• Médicaments pour le traitement de la douleur du membre fantôme chez les personnes ayant des membres manquants, Alviar MJM et al., Cochrane, août 2020.

Justine TREBUCQ

Article paru dans la revue “Association des Jeunes en Médecine Physique et de Réadaptation” / AJMERAMA N°03

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