Focus - Achalasie - Quel arsenal thérapeutique ?

Publié le 10 Nov 2023 à 07:11

 

Traitement médicamenteux

Les inhibiteurs calciques et les dérivés nitrés peuvent être utilisés en traitement de l’achalasie dans de rares situations. Ils réduisent la pression du SIO et sont donc administrés avant les repas à visée symptomatique. Cependant, aucune étude n’a démontré leur efficacité, leur durée d’action est courte et expose à des effets indésirables à type de céphalée et de vertiges.

Avantages
Peu coûteux
Non invasif

Inconvénients
Efficacité discutable
Effets indésirables

Indication limitée à un traitement compassionnel chez un patient avec contre-indication anesthésique ou non répondeur à l’injection de toxine botulique.

Injection de toxine botulique

La toxine botulique, en inhibant la libération pré-synaptique d’acétylcholine, permet lorsqu’elle est injectée au niveau de la jonction œso-gastrique d’obtenir une relaxation du sphincter inférieur de l’œsophage.

100UI sont alors répartis en 4 quadrants au niveau de la jonction oeso-gastrique.

On observe une amélioration clinique importante à 1 mois (90 %) mais l’effet reste transitoire, le patient est alors tributaire d’injection répétées pour obtenir une efficacité durable (50 % de rechute à 6 mois, 95 % à 2 ans).

Les injections répétées pourraient provoquer une fibrose locale compliquant alors une éventuelle myotomie mais les données sont discordantes.

Plusieurs études ont démontré l’infériorité de cette thérapeutique versus la dilatation pneumatique et la myotomie (endoscopique et chirurgicale).

L’indication est ainsi limitée à un traitement compassionnel chez un patient avec contre-indication anesthésique ou non répondeur à l’injection de toxine botulique.

Avantages
Amélioration clinique rapide
Peu invasif
Pas d’effet indésirable

Inconvénients
Effet transitoire avec endoscopies répétées
Efficacité inférieure

Traitement symptomatique de patients à haut risque chirurgical, non éligibles à des thérapeutiques plus invasives.

Dilatation pneumatique

La dilatation progressive du sphincter inférieur de l’œsophage par voie endoscopique à l’aide d’un ballonnet pneumatique de 30 à 40 mm permet de dilacérer les fibres musculaires du sphincter. Il n’existe pas de protocole standardisé mais la plupart des centres s’accordent à effectuer une première dilatation à 30mm en augmentant progressivement la pression durant 3 à 5 minutes.

En cas de récidive symptomatique, une à deux nouvelles dilatations « sur demande » sont alors effectuées avec un ballon de taille supérieure (35 puis 40mm).

Cette méthode présente une efficacité comparable à la myotomie chirurgicale et au POEM pour les achalasies de classe I et II (60 à 85 % de réponse à deux ans). En revanche, l’achalasie de classe III répond nettement moins bien à la dilatation. À noter que les patients de moins de 40 ans répondent également moins bien à ce traitement.

Il existe un risque de perforation œsophagienne de 0.5 à 2 % des interventions, survenant quasi-systématiquement lors de la première séance.

Avantages
Efficacité clinique importante et durable pour les classes I et II
Geste endoscopique rapide

Inconvénients
Non efficace dans l’achalasie de type III
Risque de perforation (2 %)

Traitement de première intention de l’achalasie de type I et II symptomatique en l’absence de contre-indication endoscopique.

Myotomie chirurgicale avec montage anti-reflux

C’est une intervention chirurgicale en deux temps. Le premier temps consiste en la myotomie extra-muqueuse de Heller, soit une incision des deux couches musculaires œsophagiennes (sur 8 cm) et du cardia (sur 3 cm) avec respect de la muqueuse digestive.

Elle est complétée par une fundoplicature (Dor ou Toupet) à visée anti-reflux, permettant de réduire l’incidence de RGO post-opératoire à 15-30 %.

L’efficacité de cette méthode (90 % de réponse clinique en post-opératoire) est comparable à celle de la dilatation pneumatique (protocole « à la demande ») et du POEM pour les type I et II. Plusieurs études ont prouvé la supériorité de la myotomie chirurgicale versus la dilatation pneumatique dans le sous-groupe achalasie de type III.

C’est une méthode répandue avec plusieurs décennies de recul. Le taux de mortalité est très faible (0.1 %) et la complication la plus fréquente est la perforation œsophagienne ou gastrique per procédure, ayant pour conséquence un allongement du temps opératoire et un risque de conversion en laparotomie.

Il existe également un risque de lésion du nerf vague, imposant un repérage des branches péri cardiales du nerf vague antérieur.

Avantages
Efficace pour tous les sousgroupes d’achalasie
Montage anti-reflux

Inconvénients
Chirurgie invasive
Hospitalisation conventionnelle

Traitement de choix en cas d’échec de la dilatation pneumatique. Première intention dans l’achalasie de type III en l’absence d’accès au POEM.

POEM (per oral endoscopie myotomy)

Technique récente (développée au Japon il y a une dizaine d’années) nécessitant une maîtrise de l’endoscopie interventionnelle.

Elle consiste en la création d’un tunnel sous-muqueux par voie endoscopique, à 15 à 20 cm en amont de la jonction œso-gastrique permettant une incision de la couche musculaire circulaire de l’œsophage jusqu’à la musculeuse cardiale.

L’efficacité de cette technique est prouvée : le taux de rémission clinique est systématiquement supérieur à 90 %.

Elle semble supérieure à la myotomie de Heller dans l’achalasie de type III selon plusieurs études rétrospectives, possiblement au bénéfice d’une myotomie plus longue (16 cm versus 8 cm) mais il n’existe pas d’étude contrôlée randomisée sur le sujet.

On dénombre 7 % de complications per et post procédure, dont la grande majorité sont sans conséquence à condition d’insuffler du CO2.

La perforation muqueuse est la complication la plus fréquente, traitée endoscopiquement dans 99 % des cas. Le pneumothorax, pneumopéritoine, pneumomédiastin et l’emphysème sous-cutané sont d’amélioration spontanément favorable après résorption du gaz carbonique et ne nécessitent aucune prise en charge spécifique.

Du fait de l’absence de valve anti-reflux, il existe un risque de RGO plus élevée qu’après une myotomie de Heller (OR : 4.2). Cependant, il est soit asymptomatique (majorité des cas) soit soulagé par la prise d’IPP.

Les risques à long terme restent à déterminer.

Avantages
Voie d’abord endoscopique
Efficace pour tous les sousgroupes d’achalasie
Supérieur dans l’achalasie de type III

Inconvénients
Absence de montage anti-reflux
Nécessité d’accès à l’endoscopie interventionnelle

Traitement de choix en cas d’échec de la dilatation pneumatique. Première intention dans l’achalasie de type III (Recommandations ACG : niveau de preuve faible).

Après échec d’un traitement de première ligne ?

 Après échec d’une dilatation pneumatique

La myotomie chirurgicale et la myotomie endoscopique sont deux solutions viables et efficaces, le taux de complications lié au geste n’est pas augmenté.

Après échec d’une myotomie de Heller

Le POEM s’est montré supérieur à la dilatation pneumatique et conserve une efficacité de 60 % en post-interventionnel (moindre que chez les patients naïfs) en gardant le même profil de sécurité.

Après échec d’un POEM

La myotomie chirurgicale est envisageable s’il existe des arguments indirects en faveur d’une myotomie incomplète.

La manométrie haute résolution et l’endoscopie œso-gastro-duodénale avec analyse macroscopique et mesure de la distensibilité de la jonction œso-gastrique par EndoFlip permettent alors d’évaluer le bénéfice d’une nouvelle intervention chirurgicale.

En 3ème intention

Chez des patients extrêmement symptomatiques, l’œsophagectomie peut être envisagé au prix d’une mortalité considérable et d’une qualité de vie fortement altérée.

Une gastrostomie d’alimentation peut également être envisagée, impliquant l’impossibilité d’alimentation orale au long cours.


Marouane JELIDI

Relecteur
Dr Haithem SOLIMAN MCU
au CHU de Louis Mourier

Article paru dans la revue « Association Française des Internes d’Hépato-Gastro-Entérologie » / JJG N°3

Publié le 1699596703000