Filieres Fractures Et Nouvelles Recommandations De Prise En Charge De L’ostéoporose Post Ménopausique

Publié le 16 May 2022 à 19:00


Les filières fractures, encore nommées « fracture liaison service » en anglais, sont récemment nées des constats que la pathologie ostéoporotique est fréquente, présente une morbimortalité importante mais bénéficie d’une prise en charge encore trop anecdotique alors que les traitements existants sont efficaces. Organisations transversales internes à certains établissements hospitaliers, les filières fractures constituent des filières de soins pluridisciplinaires qui créent un véritable parcours de soin pour le patient fracturé.

Désormais créées dans le monde entier, ces filières de soins sont soutenues par le programme international « capture the fracture » (www.capturethefracture.org).

Ainsi, la prise en charge du patient fracturé se codifie, d’autant que de nouvelles recommandations de prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’ostéoporose postménopausique ont été émises par le GRIO (Groupe de Recherche et d’Information sur les Ostéoporoses) en début d’année 20171.

Une pathologie fréquente
Selon les derniers chiffres publiés par la CNAMTS, le nombre de patients de plus de 50 ans hospitalisés pour fracture liée à une fragilité osseuse augmente continuellement passant de 150 450 en 2011 à 165 250 en 2013. Ainsi sont recensés chaque année en France environ 70 000 fractures vertébrales, 60 000 fracture de l’extrémité supérieure du fémur ou encore 35 000 fractures du poignet2. Cette incidence déjà importante devrait encore s’accroître dans les années à venir3 avec une augmentation attendue de 19 % des fractures vertébrales, 20.3 % des fractures de l’extrémité supérieur du fémur et 17 % des autres fractures par insuffisance osseuse.

Une étude canadienne publiée en 20104 illustre d’ailleurs très bien l’importance des fractures ostéoporotiques (138 600) en comparant leur incidence avec celle des syndromes coronariens aigus (22 200), des accidents vasculaires (19 500) et du cancer du sein (22 300) recensés sur la même période.

Une pathologie grave
Non seulement l’incidence de la pathologie ostéoporotique est élevée mais ses conséquences en termes de morbi-mortalité sont redoutables.

La méta-analyse publiée dans Annals of Internal Medecine en 20105 démontre, à partir de l’analyse de 39 cohortes, un excès de mortalité aiguë dans les 3 mois qui suit une fracture de l’extrémité supérieure du fémur avec un hazard ratio de mortalité toute cause par rapport à des personnes de même âge et même sexe indemnes de fracture de 5.75 chez les femmes et 7.95 chez les hommes. Cet excès de mortalité persiste même dans les 10 ans qui suit la fracture : il a été calculé que les femmes victimes d’une fracture de hanche à l’âge de 80 ans ont un excès de mortalité, comparé aux femmes de même âge sans fracture, de 8 % à 1 an, 11 % à 2 ans, 18 % à 5 ans et 22 % à 10 ans.

Ce constat vaut également pour les autres sites fracturaires, les courbes de survie à 17 ans d’une population ayant subi une fracture ostéoporotique étant continuellement en-dessous de celles de la population générale6.

Une pathologie prévisible :
La cascade fracturaire
Le fait d’avoir subi une fracture ostéoporotique est un des facteurs de risque les plus importants de faire une nouvelle fracture, c’est la notion de « cascade fracturaire ».

Plus de la moitié des patients qui souffrent d’une fracture de l’extrémité supérieure du fémur ont en fait déjà présenté une fracture ostéoporotique7. Entre 75 et 84 ans, après une fracture du col du fémur, le risque de fracture vertébrale est de 2,5. Autre exemple, les femmes qui ont eu une première fracture (quel que soit le site) ont 2 fois plus de risques d’en faire une nouvelle et les femmes qui ont fait une fracture vertébrale, même asymptomatique, ont 4 fois plus de risques de faire une nouvelle fracture vertébrale7, 8. De plus, les nouvelles fractures surviennent en général très rapidement après la première.

Une prise en charge nettement insuffisante
Les données de l’assurance maladie révèlent qu’après hospitalisation en MCO pour fracture, le recours à l’ostéodensitométrie est inférieur à 10 % quelle que soit la période observée (1, 6 et 12 mois), seules 15 % des personnes sont traitées spécifiquement pour l’ostéoporose 1 an après leur sortie mais 29 % sont réhospitalisés dans les 6 mois.

Développement des filières fracture
Ainsi, partant des constats d’une pathologie pour laquelle l’incidence est croissante, la mortalité élevée, la survenue prévisible et éligible à des traitements efficaces mais souffrant d’une nette insuffisance de prise en charge, les filières fracture se sont développées et organisées. Il s’agit de filières de soins pluridisciplinaires alliant plusieurs corps de métiers (ergothérapeute, kinésithérapeute, diététicien, pharmacien, médecin…) et créant un véritable parcours de soins pour le patient fracturé.

Leur rôle est simple : identifier les patients fracturés, enquêter sur les facteurs de risque d’ostéoporose primaire et secondaire, initier le traitement dont la prévention des chutes et assurer l’observance thérapeutique.

Actualisation 2016/2017 des recommandations du traitement de l’ostéoporose post-ménopausique (GRIO)1 – Stratégies thérapeutiques
La dernière actualisation émise par le GRIO sur la stratégie thérapeutique à adopter donne une conduite à tenir claire.

L’objectif premier est bien entendu de réduire le risque de fracture. Pour se faire, une considération de tous les facteurs de risque est nécessaire avec notamment la nécessité de prévenir systématiquement le risque de chutes.

La réalisation d’une ostéodensitométrie est nécessaire avant toute décision thérapeutique pour quantifier la perte osseuse sous-jacente. Dans le cas d’une fracture dite sévère (car considérée comme augmentant significativement la mortalité) représentée par une fracture de l’extrémité supérieure du fémur ou de l’humérus, du fémur distal, du tibia proximal, du bassin, de 3 côtes simultanées ou encore d’une vertèbre, l’indication de traiter est indéniable, mais à condition qu’une fragilité osseuse sous-jacente soit démontrée. La valeur du T-score après fracture a de plus une bonne valeur pronostique après fracture à ne pas méconnaître. Ainsi, contrairement à ce que pouvaient laisser entendre les recommandations de 2012, la réalisation d’une ostéodensitométrie est belle et bien nécessaire pour établir le diagnostic et avant d’initier un traitement spécifique.

Les apports vitamino-calciques, prérequis indispensable à la mise en route d’un traitement spécifique, sont à privilégier par l’alimentation (accord professionnel). L’auto-questionnaire de Fardellone9 permet d’évaluer les apports alimentaires du patient pour ensuite conseiller une supplémentation alimentaire si nécessaire. Le document annexé (page 17), édité par le GRIO, présente les quantités de calcium et de vitamine D apportées par différentes sources alimentaires.

Selon le site fracturaire et la valeur de densité minérale osseuse (DMO), la strétégie thérapeutique à adopter est résumée dans le tableau suivant :

En fonction du T score
(au site le plus bas) Fractures sévères
(vertèbres, humérus,
bassin) Fractures non
sévères Absence de fracture et facteurs de risque
d’ostéoporose ou de chutes multiples T > -1 T > -1 Avis du spécialiste Pas de traitement Pas de traitement T ≤ -1 et > 2 Traitement Avis du spécialiste Pas de traitement T ≤ -2 et > -3 Traitement Traitement Avis du spécialiste T ≤ -3 Traitement Traitement Traitement

En cas de fracture sévère : traitement recommandé quel que soit l’âge après une fracture sévère de faible traumatisme si le T-score est inférieur à -1.

Les possibilités thérapeutiques (par ordre alphabétique) sont : Alendronate (70 mg hebdomadaire ou 10 mg/j), Denosumab (60 mg 1 injection sous-cutanée semestrielle, remboursé en deuxième intention après les biphosphonates), Risedronate (35 mg hebdomadaire, 75mg x 2 mensuel ou 5 mg/j), Zoledronate (5mg 1 perfusion annuelle).

En cas de fracture sévère non vertébrale, le seul traitement étudié chez les patients ayant souffert d’une fracture de l’ESF est le zoledronate, à considérer en première intention dans ce cas.

En cas de fracture sévère vertébrale, le traitement par Teriparatide (20μg, une injection sous-cutanée par jour) est recommandé en première intention à condition qu’au moins deux fractures vertébrales soient présentes.

En cas de fracture non sévère ou absence de fracture, les possibilités thérapeutiques sont Alendronate (70 mg hebdomadaire ou 10 mg/j), Denosumab ((60 mg 1 injection sous-cutanée semestrielle, remboursé en deuxième intention après les biphosphonates), Risedronate (35 mg hebdomadaire, 75mg x 2 mensuel ou 5 mg/j), Raloxifène (60mg/jour, chez les patients de moins de 70 ans), Zoledronate (5mg 1 perfusion annuelle).

Quid du choix des traitements ? En l’absence d’étude comparative sur l’efficacité anti-fracturaire, le choix du traitement portera s

Guillaume DUCHER

Bibliographie

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  • Calcul des apports calciques quotidiens [internet]. [Cited 2017 jun 15];available from: http://www.grio.org/espace-gp/calcul-apport-calcique-quotidien.php
  • Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°15

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