Exemestane en adjuvant, avec suppression ovarienne dans le cancer du sein pré-ménopausique : suivi à long terme des essais text et soft combinés

Publié le 28 Sep 2023 à 15:26

 

Adjuvant Exemestane With Ovarian Suppression in Premenopausal Breast Cancer : Long-Term Follow-Up of the Combined TEXT and SOFT Trials

Pagani and al, Journal of Clinical Oncology December 2022

Mots-clés
Premenopausal breast cancer, Exemestane, Tamoxifen, SOFT and TEXT

Le cancer du sein chez les femmes non ménopausées représente un défi majeur, et l’hormonothérapie dans cette population est une question complexe. Deux études de phase III ont été lancées en 2003 pour répondre à des interrogations portant sur l’hormonothérapie (HT) en phase adjuvante chez des patientes non ménopausées, présentant un cancer du sein hormonodépendant (RH+). L’étude SOFT s’intéressait à la présence ou non d’un bénéfice à l’addition d’une suppression de la fonction ovarienne (SFO) au Tamoxifène. L’étude TEXT évaluait si l’Exémestane, un inhibiteur de l’aromatase (IA) non stéroïdien, était supérieur au Tamoxifène en adjuvant chez des patientes avec SFO. Avec un recul initial de 5 puis 8 ans (1), les résultats combinés des études SOFT et TEXT ont ainsi été présentés en mars 2023, avec un suivi médian de 13 ans.

Matériel et Méthodes

Les essais TEXT et SOFT sont des études multicentriques contrôlées, randomisées, en ouvert, ayant recruté des femmes non ménopausées atteintes d’un cancer du sein localisé, RH+. Les participantes ont été randomisées pour recevoir, pendant 5 ans, soit de l’Exémestane en association avec une SFO chirurgicale ou médicale (acétate de triptoréline tous les 28 jours), soit du Tamoxifène avec une SFO. La population était stratifiée sur une chimiothérapie adjuvante ou non. Le suivi à long terme a permis d’évaluer : le taux de survie sans récidive de la maladie (SSM), l’intervalle sans récidive à distance (ISRD) et la survie globale (SG).

Figure 1. Schéma des études SOFT et TEXT

Résultats

Le suivi à long terme des essais TEXT et SOFT, portant sur 4 690 femmes, a montré que l’ajout de l’Exémestane à la SFO était associé à une amélioration significative de la SSM à 13 ans, chez les femmes non ménopausées, avec un bénéfice absolu de 4,6 %, dans le groupe Exémestane + SFO, par rap-port au groupe Tamoxifène + SFO (80,5 % vs 75,9 %, HR : 0,79 ; IC 95 % : 2,0-7,2 %).

Les résultats ont également montré que l’Exémestane réduisait le risque de récidive à distance et de nouveaux cancers du sein controlatéraux. 52 % des récidives étaient des rechutes à distance, dont 42,7 % sont survenues après 5 ans de suivi. Un bénéfice absolu de 1,8 % a été retrouvé sur l’ISRD, en faveur du groupe Exémestane + SFO (88,4 % vs 86,6 %, HR : 0,83 ; IC 95 % : 0,70-0,98). En terme de tolérance, il n’y a pas eu plus de décès dans le groupe Exémestane. Pour rappel, dans les études initiales SOFT et TEXT, la tolérance semblait correcte, avec un retentissement similaire dans les 2 groupes sur la qualité de vie : les patientes sous Tamoxifène + SFO ont été plus affectées par les bouffées de chaleur, alors que les patientes sous Exémestane + SFO ont rapporté plus de sécheresse vaginale, de troubles de la libido et de douleurs ostéoarticulaires (2).

Enfin, il n’y a pas eu de différence entre les groupes sur la SG à 13 ans (90,1 % contre 89,1 %, RR : 0,93 ; IC à 95 % : 0,78-1,11). Cependant, dans le sous-groupe de patientes présentant un cancer du sein HER2-négatif (86 % des patientes, dont 83 % avaient eu de la chimiothérapie adjuvante), il est à noter une amélioration absolue de 2,0 % en faveur du groupe Exémestane + SFO, et une amélioration absolue plus élevée, de 3,3 %, chez les patientes ayant reçu une chimiothérapie. Dans cette population, le gain en SG était plus important et statistiquement significatif chez les femmes présentant un risque élevé de rechute : un âge inférieur à 35 ans (+4,0 % en bénéfice absolu sur SG), une taille tumorale supérieure à 2 cm (+4,5 %), et les tumeurs de grade 3 (+5,5 %). En revanche, chez les patientes présentant une maladie HER2-positive, les résultats restent en faveur d’une prise en charge par Tamoxifène + SFO.

Figure 2. Résultats après un suivi médian de 13 ans

Conclusion / Discussion

Les résultats combinés, à long terme, des essais combinés TEXT et SOFT montrent que l’Exémestane a permis une amélioration significative de la SSM et une réduction de l’ISRD, et ce de façon durable. La SG, élevée à 12 ans dans les deux groupes, n’a pas été améliorée par l’ajout d’Exémestane, notamment chez les patients à risque de rechute faible.

Il est à noter qu’au sein de cette étude combinée, il n’y a pas eu de comparaison au standard, qui reste, à l’heure actuelle, le Tamoxifène seul, chez les patientes non ménopausées, notamment chez les patientes de bon pronostic. L’utilisation d’un IA, tel que l’Exémestane, avec adjonction d’une SFO,

Étant donné le poids de l’intensification du traitement sur la qualité de vie, il est primordial de sélectionner avec précision les femmes les plus susceptibles d’en bénéficier. Enfin, depuis 2020, se pose la question de la place en adjuvant des inhibiteurs de CDK4/6, en lien avec l’étude MonarchE (3), chez les patientes RH+, HER2-, à haut risque de récidive, notamment avec atteinte ganglionnaire importante.

Take Home Messages

Le Tamoxifène reste l’hormonothérapie de choix chez les patientes non ménopausées, présentant un cancer du sein RH+.

Cependant, chez les patientes non ménopausées, jeunes et / ou avec haut risque de récidive, l’hormonothérapie en association à une SFO, est maintenant reconnue comme un standard. Dans cette population, il semble se dessiner un bénéfice en faveur de l’adjonction de l’Exémestane à une SFO.

Références

1-Pagani, O. et al. Adjuvant Exemestane with Ovarian Suppression in Premenopausal Breast Cancer. N Engl J Med 371, 107–118 (2014).

2-Bernhard, J. et al. Patient-reported outcomes with adjuvant exemestane versus tamoxifen in premenopausal women with early breast cancer undergoing ovarian suppression (TEXT and SOFT): a combined analysis of two phase 3 randomised trials. The Lancet Oncology 16, 848–858 (2015).

3-Johnston, S. R. D. et al. Abemaciclib Combined With Endocrine Therapy for the Adjuvant Treatment of HR+, HER2−, Node-Positive, High-Risk, Early Breast Cancer (monarchE). JCO 38, 3987–3998 (2020).


Hélène Magnier
Docteur Junior en

Gynécologie Médicale
Paris


Dr Aullène Toussaint
Praticienne spécialiste

à l’Institut Curie
Saint-Cloud

Article paru dans la revue « Association nationale des Internes et des assistants en Gynécologie Médicale » /AIGM-Gynéco Med N°01

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