« Étude naxos » : données de vraie vie sur l’efficacité et la tolérance de L’Apixapan (eliquis®) dans la prévention embolique des patients en fibrillation auriculaire non valvulaire

Publié le 24 May 2022 à 17:45

L’étude NAXOS (evaluatioN of apiXaban strOke and Systemic embolism prevention in patients with nonvavular atrial fibrillation in real_life settinf in France) menée par le Pr Gabriel Steg a été présentée à l’ESC Paris 2019 ce dimanche 1er septembre.

Auteur
Clemence DOCQ
Interne au CHU de Lille

Contexte
Depuis maintenant plus d’une dizaine d’années, et suite aux essais randomisés comparants AOD versus AVK : l’APIXABAN (étude ARISTOTLE), le DABIGATRAN (étude RELY) et le RIVAROXABAN (étude ROCKET-AF) occupent le devant de la scène dans le domaine de la prévention du risque thrombo-embolique chez le patient avec FA non valvulaire. Pourtant des données sur l’utilisation de ces AOD en situation de « vraie-vie » sont nécessaires pour évaluer leur bon usage, leur efficacité et leur sécurité en pratique clinique quotidienne.

Alors que l’étude observationnelle prospective de « vraie-vie » XANTUS présentée à l’ESC 2015 avait confirmé l’efficacité et la sécurité du RIVAROXABAN, il manquait jusqu’à ce jour des données comparables pour l’APIXABAN.

De plus, aucune étude randomisée n’a encore comparé les principaux AOD entre eux en termes d’efficacité et de sécurité.

Population de l’étude
L’objectif de NAXOS était d’évaluer, en conditions de vraie vie en France, l’efficacité, la sécurité et la mortalité toutes causes sous APIXABAN, par rapport aux AVK et autres AOD.

NAXOS est une étude observationnelle rétrospective constituée à partir des données des registres de la sécurité sociale française (données de la SNIIRAM) chez près de 411 077 patients : patients en FA non valvulaire, dont le diagnostic était posé dans les 24 derniers mois, et nouvellement traités par un anticoagulant oral inclus entre janvier 2014 et décembre 2016. Les patients présentant une autre indication d’anticoagulation curative ou ayant reçu de multiples traitements anticoagulants étaient exclus.

Design de l’étude
Le critère de jugement d’efficacité était la survenue d’un accident vasculaire cérébral (AVC) (ischémique ou hémorragique) ou d’une embolie systémique.
Le critère de sécurité était la survenue de « saignements majeurs sous traitement anticoagulant » définis par : saignements intra-craniaux, digestifs, oculaires, respiratoires, gynécologiques, intra-articulaires, péricardiques, les otorragies, les hémopéritoines ou les saignements responsables d’une anémie aiguë.
Sur le plan statistique, il est important de noter qu’une analyse avec score de propension a été utilisée pour ajuster les données sur les facteurs confondants connus.

Résultats
Résultat sur la population

D’après les codages dans les registres de la sécurité sociale :

  • 62,3 % des patients sous APIXABAN recevaient la dose de 5 mg x 2 par jour.
  • 37,7 % recevaient la demie-dose à 2,5 mg x2 par jour (sans données disponibles sur le caractère approprié de cette réduction de posologie).

Pour information, les patients sous DABIGATRAN et RIVAROXABAN recevaient respectivement à 42,4 % et 65,2 % la pleine dose et à 54,7 % et 31,5 % la dose réduite.

Résultat sur le critère d’efficacité
Concernant l’efficacité des anticoagulants étudiés : 2,9 % des patients sous APIXABAN ont présenté un AVC ou une embolie systémique, contre 3,1 % sous DABIGATRAN et RIVAROXABAN et 6,2 % sous AVK.

Ainsi, l’APIXABAN en « vraie-vie », comme dans les études randomisées, prévient mieux le risque d’évènement thrombo-embolique que les AVK (HR 0,67; intervalle de confiance à 95 % = 0,62-0,72). Cependant, l’efficacité de l’APIXABAN est comparable à celle des 2 autres AOD (Figure 1).

Résultat sur le critère de sécurité
En chiffres absolus, on retrouve 4,1 % de saignements majeurs sous APIXABAN et DABIGATRAN, 6,1 % sous RIVAROXABAN et 9,7 % sous AVK.

L’APIXABAN est significativement associé à une réduction du risque de saignement majeur par rapport aux AVK (HR 0,49 ; intervalle de confiance à 95 % = 0,46-0,52) mais aussi par rapport au DABIGATRAN (HR 0,63. ; intervalle de confiance à 95 % = 0,58-0,67) et au RIVAROXABAN (HR 0,85 ; intervalle de confiance à 95 % = 0,76-0,95) (Figure 1).


Figure 1 : Comparaison de la sécurité et de l’efficacité (ajusté par score de propension).

Résultat sur la mortalité toute cause
De plus, la mortalité toute cause était de 9,8 % sous APIXABAN, 10,1 % sous DABIGATRAN, 9,7 % sous RIVAROXABAN et 27,7 % sous AVK. En effet, le traitement par APIXABAN, de même que le traitement par DABIGATRAN et RIVAROXABAN, est significativement associé à une diminution de la mortalité toutes causes (Figure 2).


Figure 2 : Résultats sur la mortalité toute cause, le changement de molécule ou les données d’observance sous anticoagulants.

Résultat d’analyse en sous-groupes
Une sous-analyse de NAXOS, menée par le Pr Nicolas DANCHIN, a comparé la sécurité et l’efficacité de l’APIXABAN administré à dose standard (5 mg x 2 par jour) par rapport aux AVK, au DABIGATRAN et au RIVAROXABAN.

Les analyses confirment la supériorité en « vraie-vie » et à dose standard de l’APIXABAN par rapport aux AVK sur les 3 critères de jugement étudiés : sécurité, efficacité, mortalité toutes causes. De plus, il est suggéré un profil de sécurité plus favorable en comparaison au RIVAROXABAN mais similaire en comparaison au DABIGATRAN. Ces résultats nécessitent bien sûr une validation par un essai randomisé.

Discussion
L’une des forces de l’étude NAXOS repose sur le fait que les données sont issues d’un large registre national (la sécurité sociale française) qui concerne plus de 90 % de la population, permettant ainsi de limiter les biais de sélection.

NAXOS confirme, en situation de « vraie-vie » les résultats de l’étude randomisée princeps. Pour rappel, ARISTOTLE avait démontré une supériorité de l’APIXABAN par rapport aux AVK avec une réduction de 21 % des AVC, de 31 % des saignements majeurs et de 11 % de la mortalité. Le score de CHADSVASC moyen était de 2,1. Néanmoins, il convient d’analyser avec précautions les résultats d’une étude observationnelle qui peut comporter de nombreux biais, notamment en ce qui concerne des potentiels facteurs confondants sur des données manquantes dans le registre de la sécurité sociale (tabagisme, poids, activité physique…).

NAXOS a le mérite de nous fournir pour la première fois une « photographie » de l’usage réel de l’APIXABAN et des autres traitements anticoagulants dans une large cohorte de 411 077 français traités pour de la FA non valvulaire.

On remarque par exemple que les praticiens français hésitent moins à prescrire des AOD chez les patients âgés puisque les octogénaires représentent 38,5 % des patients sous APIXABAN, 32,1 % des patients sous DABIGATRAN, 29,6 % des patients sous RIVAROXABAN et 54,5 % des patients sous AVK (traités majoritairement à 70 % par FLUINDIONE contrairement aux autres pays européens). Le score de CHADSVASC moyen des patients français sous APIXABAN est plus élevé que dans les essais cliniques (3,1 dans NAXOS vs 2,1 % dans ARISTOTLE).

Conclusion
Malgré des patients plus âgés, plus co-morbides et avec un score de CHADSVASC plus élevé, l’étude observationnelle sur registre NAXOS confirme en situation de « vraie-vie » l’essai clinique randomisé ARISTOTLE, c’est-à-dire la sécurité et l’efficacité de l’APIXABAN dans la prévention du risque thrombo-embolique chez le patient en FA non valvulaire.

Ces résultats encourageants, notamment en comparaison aux autres AOD actuellement commercialisés en France, nécessitent une confirmation par une étude randomisée.

Références bibliographiques
GRANGER and al, Apixaban versus Warfarin in patients with atrial fibrillation : ARISTOTLE clinical trial, NEJM, september 2011.
CAMM and al, XANTUS : a real-world, prospective, observational study of patients treated with rivaroxaban for stroke prevention in atrial fibrillation, Eur Heart J, 2016.
Apixaban in the prevention of stroke and sytemic embolism in patients with atrial fibrillation in real-life setting in France SNIIRAM study, presented by Pr STEG at the ESC 2019 congress, 1st september 2019.

Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°9

Publié le 1653407108000