Actualités : Être médecin de MPR en libéral

Publié le 11 avr. 2025 à 13:51
Article paru dans la revue « AJMER / AJMERAMA » / AJMERAMA N°7

Dans l'Ajmerama, nous souhaitons mettre en avant la diversité et la richesse de la MPR ! Dans chaque nouveau numéro, vous trouverez une interview d'un médecin MPR qui nous présentera son poste. Dans ce numéro, le Docteur Guillaume MOREAU va nous présenter son poste de médecin de MPR en libéral.

Emma – Peux-tu te présenter ?

Guillaume – Bonjour, je m'appelle Guillaume, je suis médecin de MPR avec une orientation plutôt neurologique. J'ai fait mon internat à Nancy (avec une maquette touche-à-tout en MPR) et un interCHU en neurophysiologie à Dijon. J'ai enchaîné avec 2 années de clinicat au centre de MPR neurologique de Lay-Saint-Christophe à proximité de Nancy et je me suis installé en libéral fi n 2019 à Bar-Le-Duc sur une reprise de cabinet (à la fin du clinicat), et secondairement à proximité de Nancy (Laxou) début 2022 au sein d'un cabinet pluridisciplinaire de rééducation neurologique créé avec mes collègues et associées  : Delphine qui est kinésithérapeute, et Julie qui est orthophoniste.

 

Emma – Pourquoi t'es-tu lancé dans le libéral ? 

Guillaume – En 7ème semestre j'ai pu remplacer un médecin MPR en pré-retraite (dont j'ai repris le cabinet) qui ne faisait plus que des ENMG et qui cherchait un.e remplaçant.e. Cela m'a permis d'avoir un premier contact avec le milieu et j'ai commencé à réfléchir à une activité libérale partielle à la fin de ma première année de CCA. J'avais déjà pu assister lors d'un congrès de la SOFMER à une présentation du Dr Laurent WIART qui travaille depuis plusieurs années dans une structure libérale pluridisciplinaire de MPR neurologique sur Bordeaux, et je trouvais l'idée intéressante (nous nous en sommes d'ailleurs inspirés). J'ai eu une proposition du médecin que je remplaçais pour reprendre son activité au cours de ma 2ème année de CCA et j'ai commencé le libéral en novembre 2019 à la fin du clinicat avec un mi-temps hospitalier, arrêté depuis. Initialement l'activité dans ce cabinet associait la reprise de l'activité ENMG de mon prédécesseur, des consultations pour scolioses idiopathiques, et une activité plutôt orthopédique/médecine du sport qui me semblait plus simple à mettre en œuvre en étant seul en cabinet. J'ai gardé en parallèle l'idée du cabinet de rééducation neurologique. Fin 2020, j'ai pris contact avec une orthophoniste qui avait effectué des remplacements dans le centre de MPR neurologique où j'ai fait mon clinicat et on m'a transmis le contact d'une kinésithérapeute orientée neuro qui cherchait à débuter une activité libérale. On a par la suite tous les trois travaillé autour du projet du cabinet avec un début d'activité en mars 2022. 

Emma – Quelle est ton activité ? Peux-tu nous décrire une journée ou une semaine type ? 

Guillaume – Je réalise essentiellement des ENMG et des consultations de «  MPR neurologique  » pour les adultes et les enfants. Je garde un thème par demi-journée, soit uniquement des ENMG, soit uniquement des consultations. Je suis présent au cabinet 4 jours par semaine et je garde le mercredi pour mes enfants et pour gérer de « l'administratif » (correction de courriers, réponse à des mails, comptabilité, fiche de paie du personnel, factures fournisseurs, etc.). J'interviens également une fois par mois (en tant que salarié) dans un établissement pour enfants polyhandicapés et une autre fois dans un service d'HAD de rééducation. 

Emma – Travailles-tu seul ou en équipe ?

Guillaume – Les deux. L'idée du cabinet était de pouvoir travailler à plusieurs et de pouvoir proposer des prises en charges ciblées et pluridisciplinaires de rééducation/réadaptation neurologique aux patients vus en consultation. Pour les patients qui le nécessitent nous avons des temps de coordination. Les contraintes du libéral ne nous permettent pas de faire de longues réunions mais nous discutons fréquemment des patients sur le temps de midi et nous essayons de bloquer 30 à 45 min par semaine pour discuter des nouveaux patients ou des patients qui peuvent présenter une problématique de prise en charge. Pour autant, nous ne pouvons pas exclusivement fonctionner ainsi et chacun est libre de recevoir les patients qu'il souhaite sans forcément que je vois/ filtre tous les patients qui sont adressés au cabinet pour une prise en charge en kinésithérapie ou en orthophonie.

Emma – Qui t'adresse les patients ?

Guillaume – Principalement les médecins de ville, neurologues et généralistes. Quelques pédiatres également. Nous avons aussi des patients adressés par les neurologues du CHU et j'ai également des demandes de la part d'IEM (Institut d'Education Motrice) qui n'ont plus de médecin MPR sur place. Je peux ponctuellement voir sur demande de mes collègues du cabinet des patients qu'elles prennent en charge pour une problématique «  donnée  » sans que je les suive au long cours. 

Emma – As-tu un lien avec l'hôpital ou les centres de rééducation ?

Guillaume – Pas de lien formel mais nous échangeons avec les services et structures lorsque c'est nécessaire, et je peux être amené à solliciter des consultations ou des prises en charge en centre/service de MPR quand nous ne sommes pas le lieu de prise en charge le plus adapté au patient, soit par manque de ressources au cabinet soit lorsqu'il y a besoin de gestes qui ne peuvent pas être réalisés en libéral (toxines par exemple) ou d'explorations que je ne réalise pas (BUD entre autre).

Emma – Quels gestes peux-tu faire en libéral ? Quel matériel dois-tu avoir ?

Guillaume – Beaucoup des gestes qui sont réalisés en centre/service peuvent être réalisés en libéral avec le matériel adapté. Par rapport à mon activité actuelle je fais essentiellement des ENMG et ponctuellement des potentiels évoqués. En début d'activité, j'ai fait un peu d'échographie (ce qui nécessite une sonde) mais je n'ai jamais eu le volume de patients nécessaire pour que cela ait du sens et pour rester efficient dans la réalisation des échos. On peut également, si l'on possède une baie d'urodynamique, réaliser des BUD. Il est également assez simple de réaliser des infiltrations. Techniquement nous pouvons aussi réaliser nous-même certaines orthèses pour peu qu'on ait le matériel adapté. Ce qui ne peut en revanche pas être fait en cabinet ce sont des injections de toxine botulique. Certains collègues ont parfois leurs cabinets au sein de cliniques et il y a possibilité de toxiner en s'adossant au service de MPR de la clinique mais ce n'est alors plus dans le cadre strict de leur activité libérale. À noter que l'acquisition de matériel a un coût et qu'il faut avoir l'activité adaptée pour que l'achat de machines soit pertinent. À mon niveau, je n'aurais pas d'intérêt à acquérir une baie d'urodynamique car je n'ai pas la patientèle ni l'adressage nécessaire pour en «  rentabiliser  » le coût.

Emma – Quelle est la rémunération moyenne d'un médecin de MPR en libéral ?

Guillaume – En 2021, d'après la CARMF (notre caisse de retraite), le BNC moyen des MPR en secteur 2 était de 84 683 € par an (le BNC équivaut globalement à un salaire annuel net avant impôts). 

Emma – Quels sont les avantages d'une pratique de MPR en libéral  ?

Guillaume – Indéniablement une grande liberté en termes d'organisation et par rapport aux choix que l'on peut faire. La possibilité de réaliser l'activité que l'on souhaite (neurologique, locomoteur, pédiatrie voire une activité plus orientée médecine du sport ou même très rhumato ou orientée principalement sur de la pelvi-périnéologie…) et de s'organiser en fonction en termes de gestes et de matériel… La gestion directe de son activité, une chaîne décisionnelle très rapide (soi-même).

Emma – Et quels sont les inconvénients  ?

Guillaume – Je ne dirais pas forcément que ce sont des inconvénients mais c'est un mode d'exercice évidemment différent, auquel nous ne sommes absolument pas préparés avant, pendant et même après l'internat. La gestion des patients et des rendez-vous est complexe (rendez-vous non honorés). L'exercice reste assez «  solitaire  », on a la tête dans le guidon toute la journée et il n'y a pas forcément de moments de «  convivialité  » comme on peut en avoir en service. Il y a toute la partie comptabilité qui peut être complexe à appréhender.

Notre spécialité reste assez peu lisible auprès des collègues de ville (et même hospitaliers) et la diversité des modes d'exercice fait que l'on peut souvent avoir des erreurs d'orientation car un médecin donné peut être convaincu que tous les MPR sont spécialisés en lombalgies chroniques et un autre dans les déformations articulaires pédiatriques. 

Dans le même esprit et à mon sens, il faut aussi être consciente que l'on ne peut pas «  tout faire  » et avoir une activité extrêmement diversifiée même si sur le papier la spécialité le permet. L'activité en libéral ne peut pas non plus être un copier-coller de ce qui est réalisé en centre ou en service. On ne voit pas les patients au même moment, certaines prises en charge ont peu d'intérêt en libéral, le secteur géographique est plus restreint. Certains profils de patients ne seront jamais vus en libéral car dépendant normalement de structures de référence.

En revanche, cela permet aussi de rencontrer des populations de patients et des pathologies que l'on n'a pas forcément l'habitude de prendre en charge en HC ou en HJ. Il faut aussi garder en tête qu'une activité libérale peut avoir un peu de mal à décoller dans les premières semaines. 

Emma – As-tu des conseils pour un MPR qui souhaiterait s'installer en libéral  ?

Guillaume – Si possible, prendre contact avec des médecins libéraux +++ avant de se lancer et essayer de faire au moins quelques jours en cabinet voire idéalement des remplacements pour voir comment cela fonctionne et si le mode d'exercice plait. Commencer en gardant en parallèle un mi-temps hospitalier / en SMR peut être rassurant afin de garder des revenus fixes. Se renseigner aussi sur la démographie médicale du secteur et les besoins, poser éventuellement la question à des médecins déjà installés de savoir s'ils cherchent un remplaçant ou un collaborateur. Cela peut être rassurant de débuter son activité dans une structure/cabinet qui existe déjà et d'avoir des conseils et l'aide de médecins déjà installés lorsque l'on commence. 

Un grand merci Guillaume pour tes réponses et tes précisions sur ce mode de pratique peu répandu dans notre spécialité  !

Interview réalisée par le
Dr Emma PETITJEANS

Publié le 11 avr. 2025 à 13:51