Et la gouvernance hospitalière : ou en est-on ?

Publié le 31 May 2022 à 11:33

 

La crise que traverse l’hôpital public est principalement liée à un financement inadapté à ses missions et associé à une gouvernance purement administrative appliquant un mode de gestion exclusivement comptable. Le monde hospitalier est confronté aujourd’hui au dé‑ de construire l’avenir dans un contexte de crises : de son financement, de sa gestion, de sa gouvernance et de ses valeurs.

Dr Patrick LÉGLISE
Vice-président du SYNPREFH

Délégué général de l'INPH

Réformer la gouvernance pour en faire quoi ? Que devraient être les objectifs d’une réforme de la gouvernance hospitalière ?
Voici les objectifs vers lesquels l’INPH propose de converger :
• Restaurer les valeurs humanistes et éthiques dont les professionnels de santé, médecins et soignants, sont les garants.
• Consolider l’indépendance de l’expertise et le savoir-faire médical et soignant.
• Consolider la capacité de l’hôpital à assurer à tous les patients des soins sûrs, performants et innovants.
• Mettre en place une gestion responsable, performante et transparente, contrepartie d’un financement respectueux des missions de l’hôpital. L Assurer à l’hôpital sa juste place dans les évolutions à venir du système de santé.

Pour atteindre ces objectifs, l’INPH a fait des propositions au travers de sa plateforme visant à remédicaliser la gouvernance des hôpitaux, responsabiliser les médecins, pharmaciens et odontologistes dans l’organisation des soins et restaurer la notion d’équipe médico-soignante :
• Médicaliser la gouvernance : réinvestir la Commission Médicale d’Etablissement en matière de stratégie, de gestion, de qualité des soins, de progrès médical et de gestion des personnels médicaux. L Démocratiser la gouvernance, par un rééquilibrage des prérogatives entre la Commission Médicale d’Etablissement et l’Administration.
• Donner des responsabilités à la Commission médicale d’établissement en matière budgétaire : objectifs, exécution et suivi, et lui garantir avec le DIM les moyens de son expertise et l’indépendance de ses décisions.
• Inscrire la gouvernance de l’hôpital dans un projet territorial médicalisé et démocratique, associant également les soignants et les usagers.
• Replacer le service au centre de l’organisation médicale et soignante, et rendre au Chef de service les moyens administratifs et matériels de ses missions.
• Associer concrètement le service dans la préparation et l’exécution budgétaire : préparation de l’Etat Prévisionnel des Recettes et des Dépenses (EPRD) avec le DIM et l’Administration, et exécution dans le cadre d’une large délégation de gestion en adéquation avec les objectifs du projet médical d’établissement validés par la CME.
• Reconnaître les fonctions médicales de gouvernance et de gestion, pour les PH comme pour les hospitalo-universitaires, par la création de valences et de formations spécifiques.
• Garantir respect et bienveillance aux patients comme aux professionnels, par une gestion juste et transparente des situations individuelles et de la politique de prévention des risques psychosociaux.

Qu’en est-il des conclusions du Ségur concernant la gouvernance hospitalière ?
Finalement la montagne a accouché d’une souris puisque cela se résume au rapport Claris, à une proposition d’expérimentation de fusion de la CME avec la CSMIRT et à une déclaration d’intention de réhabilitation des services.

D’ailleurs le thème de la gouvernance quel qu’en soit le niveau a été soigneusement mis de côté et a été exploré uniquement sous l’angle de la simplification dans le chapitre « Faire confiance et redonner de l’autonomie de décision et d’action aux acteurs ».

Le rapport Claris, bien qu’allant dans un meilleur sens, ne remet pas en cause fondamentalement la gouvernance actuelle qui découle du principe édicté par la loi HPST, un seul patron à l’hôpital sans contre-pouvoir, le directeur. Conforter ou renforcer le binôme directeur-PCME sans donner à la CME un pouvoir d’avis décisionnel ne relève pas d’un processus démocratique. En renforçant la personnalisation du pouvoir de la CME uniquement au travers du président de la CME donne l’illusion d’une médicalisation de la gouvernance où seul le directeur resterait décisionnaire in ­ ne. Revaloriser et réinvestir les services de soins est une bonne chose en soi, mais sans remettre en cause l’organisation en pôle avec toutes les prérogatives d’organisation, de gestion et d’autorité des pôles sur les services, n’est qu’un ‑ let d’eau tiède qui n’aura aucune conséquence dans la gouvernance. Il aurait fallu réduire le champ de responsabilité des pôles à un simple rôle de coordination ou de fédération, or le rapport Claris conforte et renforce l’organisation de l’hôpital en pôle.

Malgré tout il reste des pistes intéressantes à explorer :
La proposition de création d’une commission médico-soignante résultant de la fusion de la CME et de la CSMIRT pourrait contribuer à faire disparaitre les hiérarchies en silo dont l’hôpital souffre, mettre en cohérence le projet médical avec le projet de soins ce qui n’est pas toujours le cas. Bertrand Fenoll a eu la sagesse de proposer une expérimentation car nous souhaitons que cette commission devienne un véritable outil de gouvernance et non pas un lieu d’affrontement syndical.

Autre piste intéressante qui figure dans les conclusions du Ségur c’est de donner plus de liberté à l’organisation interne des établissements en leur permettant de considérer l’organisation en pôle et l’installation d’un directoire comme optionnelles, fondée sur une logique de projet médico-soignant, d’organisation de filières ou de recherche. La suppression du directoire permettrait de facto de rééquilibrer la gouvernance du côté de la CME et la suppression des pôles permettrait réellement de replacer le service au centre de l’organisation médicale et soignante et de rendre au Chef de service les moyens administratifs et matériels de ses missions.

Malgré leur importance et bien que le sujet ait été évoqué de multiples fois par les participants au Ségur de la Santé, les problématiques de gouvernance, qu’elles soient hospitalières, régionales ou bien nationales, n’ont pas été abordées dans le fond. Mais, l’INPH continuera à promouvoir et à exploiter toutes les propositions, si petites qu’elles soient, permettant à l’hôpital public de trouver l’organisation la plus efficiente possible au seul service de la santé des patients.

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH19

 

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