Enquête article 84

Publié le 31 May 2022 à 18:13


La réforme législative encadrant l'isolement et la contention de nos patients provoque inquiétudes et débats.

Constatant que le législateur n’a tenu aucun compte des avis et des inquiétudes exprimées, le 22 mai dernier, le SPH a lancé une consultation nationale en ligne, adressée aux psychiatres. Ce questionnaire demande aux médecins psychiatres leur avis clinique personnel sur les modalités de mise en œuvre de l’article 84 et leur faisabilité sur le terrain.

Au 3 juin, 655 psychiatres ont répondu, dont ¼ sont syndiqués au SPH. Leur origine couvre l’ensemble du territoire national, l’ensemble des types d’établissements (CH, EPSM, ESPIC, CHU).

Le questionnaire met en évidence la grande hétérogénéité des pratiques et des établissements  : une centaine de praticiens signalent qu’ils exercent dans un établissement ne disposant pas de service fermé, plus de trois cents praticiens signalent qu’ils ne disposent pas d’espace d’apaisement, plus de 200 praticiens signalent qu’ils ne disposent pas de chambre avec lit de contention dédiée. Si peu de praticiens (22) signalent qu’ils ne disposent pas de chambre d’isolement dédiée..., 46  % des praticiens disent qu’ils pratiquent aussi l’isolement en chambre non dédiée, le nombre de chambre d’isolement dédiée variant de 0 à plus de 10 selon les établissements. Le nombre de patients isolés en moyenne par jour sur un établissement est lui aussi très variable. Les conditions d’isolement des mineurs sont souvent méconnues. Le nombre de praticiens participant à la permanence médicale varie de moins de cinq à plus de 50 et les établissements font parfois appel à des intérimaires ou d’anciens psychiatres de l’établissement devenus libéraux.

Si quelques praticiens (48) disent que leur établissement a pu appliquer l’article 84 en totalité dès le 1er janvier, dans la majeure partie des cas, il n’est appliqué que partiellement ou pas du tout. 57  % des psychiatres interrogés indiquent que le délai des 12h maximum pour le renouvellement ne peut en général pas être respecté. Une réorganisation particulière de la permanence médicale doit être mise en place, et les praticiens alertent sur les répercussions sur les activités de soin ambulatoire et dans les services, et la fuite à venir des praticiens de l’hôpital public si de telles mesures sont prises sans concertation avec les professionnels, au mépris des nécessités cliniques, des moyens humains, informatiques et architecturaux.

Ainsi, interrogés sur leur appréciation si l’article 84 et son décret d’application leur semble participer à l’amélioration de la qualité des soins, de la pertinence des soins, du respect des droits des patients, de l’attractivité à l’hôpital, les notes moyennes obtenues sur 10 se situent respectivement <2, <2, à 3, et 0,5 !


Bien que parfois réticents au départ, s'interrogeant sur la judiciarisation de la psychiatrie comme gage d'amélioration des pratiques, ou demandant à s'appuyer plutôt sur les recommandations HAS, comme guidelines de leurs pratiques de soins, les médecins psychiatres français, dans leur majorité, reconnaissent la nécessité de solliciter le JLD pour contrôler les pratiques d'isolement et de contention en psychiatrie.

Les collègues psychiatres précisent pour autant qu'il n'est pas possible d'envisager une amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, y compris pour les mesures d'isolement et de contention  :
- avec un tel alourdissement des contraintes administratives ;
- avec une pratique qui fragilise la relation médecin-malade par la transmission de données de santé ou sur des soins, pouvant faire l'objet de stigmatisation, sans précaution ;
- et en l'absence de moyens financiers et humains définis pour ces tâches.

Les alternatives aux mesures d'isolement et contention reposent aussi sur des mesures alternatives à l'hospitalisation, en contradiction avec la nécessité de réaffecter des moyens sur l'intra-hospitalier, devant l'absence d'augmentation des DAF pour répondre au cadre législatif. En développant des lignes de gardes et d'astreintes supplémentaires pour répondre aux rythmes de réévaluation clinique, et multipliant ainsi les nécessités de la permanence des soins, c’est l’élaboration des soins qui est mise à mal !

La loi reflète une méconnaissance de la pratique psychiatrique, notamment de son travail en équipe. Les collègues psychiatres soulignent l'intérêt de mobiliser et reconnaître le travail, le rôle et la qualité de l'infirmier, d’être attentif à leur formation, pour participer et aux soins et à l'évaluation de l'isolement et de la contention. Ils demandent de réfléchir aux modalités de réévaluation et pas exclusivement aux durées.

Les acteurs de la santé mentale et de la psychiatrie doivent être engagés et concernés par cette démarche visant à apporter un cadre sécure pour le patient, avec des conditions architecturales et de dignité des soins en isolement et contention qui doivent être respectées, portées conjointement avec les administrations et les directions, avec un travail régulier avec les familles qui ne peut se soutenir seulement d'échanges d’informations par mails, et jusqu'à une mobilisation effective des pouvoirs publics qui ne peuvent se contenter d’injonctions.

Il est même déploré dans certains établissements que les logiciels des dossiers patients ne respectent pas les termes de la loi,  voire compliquent la traçabilité dans les dossiers des réévaluations nécessaires !

Certaines situations pour des patients mineurs peuvent aussi nécessiter un isolement, voire une contention, et il faut pouvoir informer les parents, ne pas reléguer dans l'ombre, voire dans la clandestinité ces pratiques, réfléchir aux pratiques d'isolement et de contention pour le patient mineur.

L’article 84 ayant été invalidé par le conseil constitutionnel, il est urgent que les professionnels soient associés à sa réécriture ! Il est aussi urgent que les pouvoirs publics attribuent les moyens nécessaires pour des soins hospitaliers et ambulatoires qui participeront aussi à la réduction des isolements et contentions et au respect des droits des patients.

La réécriture d’un texte sur les pratiques d’isolement et contention impose la concertation de tous ses acteurs. Le SPH lance un groupe de travail.

Comment est construit un box-plot
Un box-plot est un graphique simple composé d'un rectangle duquel deux droites sortent afin de représenter certains éléments des données.

- La valeur centrale du graphique est la médiane  (il existe autant de valeurs supérieures qu'inférieures à cette valeur dans l'échantillon).
- Les bords du rectangle sont les  quartiles  (Pour le bord inférieur, un quart des observations ont des valeurs plus petites et trois quart ont des valeurs plus grandes, le bord supérieur suit le même raisonnement).
- Les extrémités des moustaches sont calculées en utilisant  1.5 fois l'espace interquartile  (la distance entre le 1er et le 3ème quartile).

On peut remarquer que 50 % des observations se trouvent à l'intérieur de la boîte.

Les valeurs à l'extérieur des moustaches sont représentées par des points. On ne peut pas dire que si une observation est à l'extérieur des moustaches qu’alors elle est une valeur aberrante. Par contre, cela indique qu'il faut étudier plus en détail cette observation.

Soazic PEDEN, Guillaume CEZANNE-BERT, François LARUELLE

Article paru dans la revue “Le Syndical des Psychiatres des Hôpitaux” / SPH n°20

Publié le 1654013585000