En finir avec la galère des chambres d’internat

Publié le 13 May 2022 à 17:09


DOSSIER

#VisDansMonInternat. Depuis décembre dernier, les internes alertent sur la vétusté des chambres d’internat. Ni entretien, ni rénovation, câbles électriques à nu et fuites à répétition. Les internes vivent parfois dans des conditions de salubrité déplorables. L’ISNI met en garde les établissements publics sur leur désinvestissement dans les internats.

Il troque son stéthoscope contre le droit au logement. William Haynes, secrétaire général de l’ISNI et président du Syndicat des internes du Languedoc-Roussillon (SILR)) milite pour des conditions de logement plus dignes des internes. « Certains internes quittent l’internat en cours de semestre à cause de l’insalubrité ! », constate-t-il amer. Qui est responsable ? « Quand on veut faire avancer le dossier auprès de l’hôpital, on est baladé d’un service à un autre en devant passer par toutes les strates hiérarchiques. On nous renvoie vers la commission médicale ou vers la direction technique et foncière », constate William.

UNE TAXE D’HABITATION : DES DROITS ET DES DEVOIRS
Quand les syndicats d’internes montent au créneau pour dénoncer les conditions de logement, l’hôpital rappelle qu’il n’a aucune obligation légale de loger les internes... D’ailleurs, le plus souvent, il n’y a aucun bail ni contrat de location. L'ISNI compte solliciter le gouvernement pour faire avancer le dossier au niveau du droit du logement comme résidence principale de l'interne. Qui dit logement principal dit taxe d’habitation, impôt payé par l’occupant du logement au 1er janvier de chaque année. Cette taxe d’habitation, redevable par l’interne qui occupe une chambre, devrait déjà être systématiquement appliqué pour l’ensembles des internats quand ces derniers sont construits sur le site du centre hospitalier1. Or, selon l’époque de construction de l’internat, les directions hospitalières ne signalaient pas toujours ces chambres comme logement à l’administration fiscale…

La taxe d’habitation est établie au nom du locataire, en tenant compte de sa situation familiale et financière. Si la chambre d’internat est reconnue comme un logement de fonction, les internes sont aussi personnellement redevables de la taxe d’habitation. Enfin, en tant que logement à part entière, les internes ont aussi l’obligation de souscrire à une assurance habitation. Mais William tient à nuancer tous ces nouveaux devoirs qui incomberaient aux internes. « Une taxe d’habitation implique aussi l’application du droit au logement. C’est l’obligation, par le bailleur, de rénover, d’entretenir les locaux et de reloger les internes en cas d’insalubrité », souligne-t-il.

LES INTERNES DES PETITS CH MIEUX LOTIS ?
Les établissements hospitaliers en perte d’attractivité ont – normalement – tout à gagner à soigner l’accueil des internes. C’est le cas du centre hospitalier d’Arcachon qui a inauguré en juillet un internat neuf avec 19 studios équipés. Nevers a aussi investi dans un nouvel internat de 40 chambres qui sera prêt à accueillir les internes en novembre prochain. En Vendée, l’internat a fermé il y a deux ans pour vétusté. Le centre hospitalier départemental vient de lancer la construction d’un nouveau bâtiment, livré fin 2022 pour loger 110 internes. Soissons s’est - enfin - décidé en mai dernier à rénover les 50 chambres de l’internat. Ces chambres, datant du XIXe siècle n’avaient pas de sanitaires privés ! A Auch, la rénovation de l’internat est encore au stade de promesses. Les internes ont alerté la direction de l’hôpital sur leurs conditions de logement : infiltrations d’eau, chambres et équipements vétustes… Dans le Languedoc-Roussillon, les internes témoignent de chambres délabrées fait remarquer William. « Il pleut dans certaines chambres à Perpignan et celles d’Alès sont très vétustes », déplore-t-il.

Quant à Montpellier, il manque clairement de chambres pour accueillir les internes. Le SILR a trouvé des partenaires privés pour financer la construction d’un nouvel internat. « Mais le projet est au point mort car l’hôpital a peur de faire entrer le privé… » fait remarquer le président du syndicat sans s’avouer vaincu.

« Les établissements hospitaliers en perte d’attractivité ont tout à gagner à soigner l’accueil des internes »

1 Santé & Médecine, 2014, Jean-Christophe Faivre, vice-président de l’ISNIH

À QUAND UN INTERNAT POUR PARIS ?
46 % du salaire d’un interne de première année passe dans le logement à Paris. Car l’Ile-de-France manque cruellement de chambres d’internat. « Il n’y a aucun internat à Paris ! », souligne Léonard Corti, président du Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP). Pourtant l’AP-HP ne manque pas de patrimoine immobilier où des médecins, des paramédicaux et du personnel non médicaux sont logés. Elle pourrait aussi investir dans le logement de ses internes. « Je pense que l’AP-HP a abandonné cette idée… », constate Léonard. Si pendant plusieurs années, Paris était très prisée par les internes, la situation est en train de changer à cause du coût du logement.
Sans internat, c’est la débrouille et le bouche à oreille qui fonctionne pour se loger à Paris à des prix modestes. En tant qu’étudiant, l’interne peut demander une chambre à la cité universitaire dans le cadre d’un partenariat avec l’AP-HP, mais les places sont rares. Il existe aussi des foyers-logements pour étudiants, des logements étudiants municipaux. Sinon, le système de colocation via les groupes Facebook des syndicats des internes d’Ile-de-France.

« 46 % du salaire d’un interne de première année passe dans le logement à Paris »

LE SIHP ET LE SRP-IMG ONT MENÉ LEUR ENQUÊTE
En janvier dernier, le Syndicat des internes des hôpitaux de Paris et le Syndicat représentatif parisien des internes de médecine générale (SRP-IMG) ont publié les résultats de leur enquête sur les besoins des internes d’Ile-de-France en matière de logement. Le premier point négatif lié à l’internat à Paris est très clairement le coût des loyers pour 96 %, ce qui induit un faible pouvoir d’achat des internes (pour 79 %). Parmi les répondants, 34,5 % des internes d’Île-de-France perçoivent une aide financière d’un tiers (parents, conjoints) directement dédiée à assurer une part du loyer. Léonard Corti pointe du doigt « les montants de dépôts de garantie récla-
més par les bailleurs, ce qui pénalise les internes qui ne peuvent pas être soutenus financièrement par leur famille ». Les syndicats d’internes parisiens ont soulevé, dans leur enquête, la question d’un logement à proximité de leur lieu de stage. 72 % des répondants ont affirmé que dans l’hypothèse où un centre hospitalier périphérique venait à proposer un « internat » agréable dans lequel vivre pendant le semestre, cette offre serait un argument pour choisir cet hôpital plutôt qu’un autre. « De tels résultats sont un levier pour négocier avec l’AP-HP mais aussi la mairie de Paris et la région », indique Léonard Corti.

L’ISNI EXIGE UNE REVALORISATION DE L’INDEMNITÉ LOGEMENT
L’ISNI réclame une égalité entre tous les internes et sans conditions concernant la revalorisation de l’indemnité hébergement. Le montant de celle-ci pour les internes non logés à l’internat est ridiculement bas : 28,03 euros brut mensuels ! « Cette indemnité figée dans le temps ne correspond plus du tout à la réalité avec l’inflation des loyers, nous souhaitons qu’elle soit réévaluée », explique Gaétan Casanova, président de l’ISNI. Entre précarité étudiante en forte augmentation et loyers de plus en plus élevés, l’ISNI appelle à une revalorisation généralisée de l’indemnité d’hébergement des internes en stage, à hauteur de 300 euros brut mensuels.

QUI BÉNÉFICIE DES CHAMBRES DE L’INTERNAT EN PRIORITÉ ?
Globalement, les internats donnent la priorité aux internes en Inter-CHU puis aux plus jeunes par semestre (les plus jeunes semestres priment sur les anciens).

LOGER LES INTERNES À PARIS : C’EST POSSIBLE !
Les propositions du SIHP et du SRP-IMG :

  • Créer des logements à loyer bonifié (CROUS ou internats financés par des partenaires institutionnels privés ou publics) à Paris pour une durée de 1 ou 2 ans, destinés aux internes primo-arrivants afin de renforcer l’attractivité de la Région.
  • Créer des logements à loyer bonifié (CROUS ou internats financés par des partenaires institutionnels privés ou publics) à Paris pour des durées de 6 mois afin de permettre aux internes de médecine générale de faire des stages en CH U.
  • Faciliter l’accès au parc privé en créant un dispositif de cautionnement garanti par une institution et un prêt à taux zéro sur le montant du dépôt de garantie (garantie APHP, ou partenaire privé, prêt par une banque partenaire).
  • Inciter les centres hospitaliers de périphérie à ouvrir des internats pour renforcer leur attractivité.
  • Inciter les collectivités locales à faciliter la vie des internes en stage ambulatoire (stage en cabinet de ville) en offrant des facilités de logement, d’accès aux crèches, de moyens de transport pour favoriser leur intégration au tissu local et éveiller un désir d’installation.

Article paru dans la revue “Le magazine de l’InterSyndicale Nationale des Internes” / ISNI N°27

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