Effect of relocation on neuropsychiatric symptoms

Publié le 17 May 2022 à 18:25


 
IN ELDERLY ADULTS LIVING IN LONG-TERM CARE

Intérêt de l’article
Montrer l’impact de l’environnement institutionnel dans lequel le patient vit sur l’évolution des symptômes comportementaux et psychologiques des troubles neurocognitifs (TNC).

Plus de 80 % des personnes présentant des TNC vivant en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ont des symptômes comportementaux et psychologiques à type d’agitation (SCPD). L’évolution des symptômes neuropsychiatriques dépendrait de la pathologie sous-jacente, de l’environnement institutionnel dans lequel le patient évolue et serait aggravée par la désorientation spatiale.
Il existe de nombreuses études antérieures dans la littérature mais avec des résultats contradictoires. Dans ces études on retrouve des biais de confusion liés à des changements multiples concernant les équipes soignantes, les protocoles de soins, les traitements. De plus on ne retrouve pas d’études sur les unités Alzheimer, uniquement des résultats spéculatifs et empiriques.
L’objectif de l’étude est donc d’examiner l’évolution des SCPD chez les personnes âgées, présentant des TNC ou non, vivant en EHPAD, après un déménagement dans une nouvelle structure avec une architecture et un environnement adaptés, tout en gardant la même équipe soignante.

Méthodes
Il s’agit d’une étude prospective, monocentrique, en un seul bras. Elle a été effectuée de mai à septembre 2010 avec une équipe et un protocole de soins identique avant et après le déménagement. La population étudiée avait une médiane d’âge de 82.3 ans (Intervalle interquartile 75.5-89.2).

Les critères d’inclusion sont le lieu de vie en EHPAD depuis au moins 30 jours. Pour le recueil des données, les symptômes neuropsychiatriques ont été évalués pour chaque résident via une évaluation gériatrique standardisée = NPI/NH (inventaire neuropsychiatrique adaptée pour les EHPAD) à 1 semaine avant le déménagement, puis à 1, 4 et 12 semaines.

Le critère de jugement principal était un critère simple et objectif où il était mis en évidence la différence du score NPI avant et après le changement de lieu de vie.

L’analyse statistique a montré une différence entre les 2 unités analysées (unité Alzheimer et unité simple) par un test de CHI-2 et un test de Wilcoxon.

Les statistiques ont été réalisées via une analyse multivariée avec un modèle mixte de régression. Des ajustements ont été effectués pour tenir compte des facteurs de confusion potentiels : âge, sexe, GIR, durée d’institutionnalisation, nombre de prescription de psychotrope par résident. Le risque d’erreur de première espèce était de 5 % avec un intervalle de confiance à 95 %.

Résultats
Il a été mis en évidence un plus mauvais score NPI-NH pour les résidents d’unité de soin spéciale avec une médiane de 10 points. Les symptômes plus couramment observés étaient l’anxiété (58,6 %), l’agitation ou l’agressivité (50 %), l’apathie (47,4 %), l’irritabilité (43,9 %), les délires (43,1 %), la dépression (42,2 %).

 

En ce qui concerne le critère de jugement principal, il a été mis en évidence une diminution du score NPI-NH. C’est-à-dire une réduction significative des SCPD à 4 et 12 semaines chez les patients en unité fermée avec une diminution significative au cours du temps des délires, des euphories, de la désinhibition, de l’apathie et de l’agitation. En parallèle il a été montré une augmentation des comportements moteurs.

 

Conclusion
A un mois du déménagement, on retrouve une amélioration du score NPI-NH de 13 points chez les résidents qui avaient le score le plus haut. Il y a une mise en évidence d’un effet positif d’une nouvelle structure comportant une lumière naturelle, un système de ventilation, l’ensemble permettant une meilleure circulation, mais aussi une mise en évidence d’une augmentation des comportements moteurs (+ 3 points à S12) liée à la possibilité de déambulation, qui explique en parallèle la diminution des symptômes d’agitation, d’anxiété, d’agressivité, d’apathie. L'étude a permis de renforcer l'hypothèse qu'un lieu de vie adapté a un effet préventif et thérapeutique sur les SCPD, particulièrement chez les résidents avec des troubles neuropsychiatriques sévères. Un lieu adapté avec des petites unités reliées entre elles par un couloir central, des espaces avec une lumière naturelle, un accès au jardin facilité, une isolation thermique adaptée, aide par ailleurs au renforcement des cycles de sommeil et limite les hyper-stimulations sensorielles.

L’avis du jeune gériatre
Ce travail de recherche met en avant la positivité d’un « Bien-être architectural » permettant de diminuer les symptômes psychomoteurs chez les patients présentant des troubles neurocognitifs. Notion importante de surcroît chez les patients avec des troubles neurocognitifs sévères où la liberté de déambulation devrait être au centre de la prise en charge, car si limitée, accroît les troubles neurocognitifs et les symptômes moteurs. Importance à terme des enjeux médicosociaux.

Pour rappel, il est nécessaire de différencier les deux types de contentions : la chimique, prescription d'urgence psychiatrique ou neurologique (confusion) lorsque le risque d’auto- ou hétéro-agressivité reste majeur, et la contention physique étant plus une mesure complémentaire d’exception à court terme justifiée en dernier recours quand la situation clinique l’impose, toutes deux devant être réévaluées quotidiennement. Cependant, il faut garder à l’esprit les nombreux effets secondaires qui en découlent (aggravation des troubles, rétention aiguë d'urines nécessitant une sonde vésicale souvent arrachée, etc.). Il en résulte souvent une augmentation de l’anxiété et de l’agressivité des patients. La relation soignant/soigné étant alors affectée et cela aboutissant à une méfiance des patients envers les « blouses blanches ». De plus il est souvent difficile d’équilibrer les traitements médicamenteux en phase aiguë. Ces mesures nécessitant une approche pluridisciplinaire associées à un soutien psychologique en intégrant l’entourage du patient.

De mon point de vue, l’enjeu majeur est de diminuer les phénomènes moteurs des patients dès le début des TNC avec un traitement médicamenteux de fond en commençant par les plus petites posologies et en réévaluant fréquemment leur indication. Ceci dans un but d’éviter l’introduction des contentions chimique/physique en hospitalisation souvent difficile à appréhender pour les familles avec le risque de perte d'autonomie iatrogène souvent fatale.

Pauline DUCAT
Pour l’Association des Jeunes Gériatres

Kamal El Haddad MD, Philipe de Souto Barreto PhD, Stephane Gerard MD,
Aurelie Prouff MD, Bruno Vellas MD, PhD, Yves Rolland MD, PhD
First published: 08 October 2018
J Am Geriatr Soc 66:2183–2187, 2018

Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°22

Publié le 1652804757000