Echange Entog 2017 une expérience professionnelle et humaine

Publié le 17 May 2022 à 01:22

Présentation de l’échange
Cette année, comme chaque année, a eu lieu la réunion de l’ENTOG (European Network for Trainees in Obste trics and Gynecology). Créé en 1997 avec le soutien de la société sénior EBCOG (European Board and College of Obstetrics and Gynecology), ses rôles sont de représenter les internes au niveau européen, définir des compétences communes, donner les accréditations des hôpitaux, s’informer sur les différentes formations, aider les pays à développer leur association nationale, et bien évidemment, organiser l’échange annuel des internes en Europe.

Deux internes de chaque pays d’Europe ont donc eu la chance de partir en Slovénie pour cet incroyable échange sur les pratiques, les compétences et les habitudes en Gynécologie Obstétrique en Slovénie, et plus globalement en Europe au travers des discussions entre internes. Des visites du pays, une journée de congrès dédié, des ateliers pratiques, et un dîner ont agrémenté cette expérience très internationale.

42 internes de 22 pays européens ont été accueillis 4 jours dans 11 hôpitaux slovènes, à travers le pays. Puis, tous les internes se sont retrouvés à Ljubljana pour la fin de la semaine. La Slovénie c’est un pays à taille humaine, que l’on peut traverser en voiture en 3 heures et qui ne compte que 2 millions d’habitants. Il n’existe qu’une seule maternité de niveau 3, à Ljubljana, la capitale. L’internat est basé sur 5 ans et les internes passent la moitié de leur cursus dans leur hôpital régional (niveau 1 ou 2) et la deuxième moitié à Ljubljana. Comme dans beaucoup de pays, les internes sont sélectionnés sur dossier à la fois pour l’accès à la première année de médecine, et pour le choix de spécialité après les 6 ans de fac.

L’expérience de Magalie, interne en 6e semestre à Marseille, à Murska Sobota
Murska Sobota est à l’extrémité Est du pays, à la frontière avec la Hongrie, la Croatie et l’Autriche. C’est une petite ville, à une cinquantaine de kilomètres de la deuxième ville de Slovénie, Maribor. Six internes travaillent habituellement dans cette maternité de niveau 1 qui réalise 900 accouchements par an. Ils s’occupent essentiellement des consultations, des gestes chirurgicaux de première ligne, de la salle de naissance et du bloc opératoire.

J’ai rencontré mes 2 colocataire éphémères : Julia de Finlande, et Sylvia de Slovaquie avec qui nous avons beaucoup échangé.

Les journées débutaient à 8h pour nous (nous n’allions pas au staff du matin de 7h30, à cause de la barrière de la langue).
Le premier jour, j’ai découvert le bloc opératoire. Deux chefs ont été formés à la cœlioscopie à Clermont-Ferrand et pratiquent donc la même technique qu’en France avec du bon matériel ! Le personnel est très rigoureux, en nombre, et dans une atmosphère de travail très détendue. Le programme opératoire ne finit jamais après 14h, comme dans beaucoup de pays de l’Europe de l’Est.

Le bloc opératoire a aussi été le moyen de discuter des interruptions volontaires de grossesse (IVG). En Slovénie, le délai légal pour accéder à l’interruption volontaire de grossesse est de 12SA, et les patientes choisissent la méthode médicale ou chirurgicale. Passée cette date, elles peuvent doivent présenter leur dossier en commission afin de demander un avortement tardif, dont la date limite n’est pas légalement définie. En Slovaquie en revanche, où la religion est très présente, le Misoprostol est interdit et les interruptions de grossesse sont réalisées uniquement avec des prostaglandines, parfois intra-amniotiques. En Slovénie, la stérilisation définitive est assez répandue avec une pratique assez large de la salpingectomie bilatérale à partir de 35 ans, sans délai de réflexion si la patiente a eu l’accord d’une commission dédiée.

J’ai passé ma deuxième matinée en salle de naissance. J’ai été marquée par le taux très bas d’analgésies péridurales dans ce pays (20-30 %) et le faible taux d’extractions instrumentales (3.5 % en Slovénie, exclusivement par ventouse, contre 13 % en France) avec un taux de césarienne de 19 %, proche du taux français.

Les patientes ont un suivi de grossesse entièrement remboursé, avec trois échographies, un dépistage combiné de trisomie 21, un prélèvement invasif si la patiente a plus de 38 ans. Le déclenchement est réalisé par prostaglandines ou à la sonde de Foley (à Ljubljana), avec pour terme, 40SA.

Toute patiente qui arrive en salle de naissance est examinée par un médecin, qui sera prévenu avant chaque accouchement, même physiologique. Le monitoring est mis en continu, et est retiré au moment des efforts expulsifs s’il est normal avant de débuter la poussée, car les équipes considèrent qu’il n’est pas interprétable à ce moment. De même, le pH néonatal au cordon n’est pas réalisé systématiquement si le nouveau-né avec un score d’APGAR à 10

Les sages-femmes pratiquent l’accouchement dans le lit, et la position gynécologique n’est utilisée qu’en cas d’extraction instrumentale ou lors de la suture. Les sages-femmes ne réalisent aucune suture périnéale ou examen macroscopique placentaire ellesmêmes, elles appellent l’interne à cet effet.

Ce système varie beaucoup en fonction des pays : dans la plupart des pays, les sages-femmes prennent en charge les patientes sans supervision médicale. Dans d’autres comme la Belgique ou la Slovénie, l’interne est appelé avant chaque accouchement. En Suisse, en Belgique ou en Croatie, les sages-femmes ne réalisent aucun accouchement et appellent l’obstétricien lorsque la présentation est au petit couronnement.

Evidemment, nous avons aussi profité des après-midis pour visiter la région, très verte en cette période, et très vallonnée. C’est une région connue pour ses vignobles, et ces jambons. Des dégustations de vins ont été organisées tous les soirs avec les internes de la région, soit une vingtaine d’internes européens dans un vignoble avec une superbe vue sur les collines. Une belle occasion de faire connaissance avant les deux jours à Ljubljana !

L’expérience d’Océane, interne en 8e semestre à Lille, à Ljubljana
Pour ma part, j’étais logée dans un dortoir à 16 lits en auberge de jeunesse, avec notamment l’interne Belge. Les 4 jours d’échange à l’hôpital de la capitale ont été très riches, de la découverte du centre de simulation avec pelvitrainers accessibles toute la journée par les internes, en passant par la consultation spécifique d’une dizaine d’hystéroscopies sans anesthésie (y compris pour l’ablation d’un polype ; et sans une grimace de la patiente) en salle dédiée, au bloc obstétrical où par exemple l’anesthésie générale est proposée au choix aux patientes pour les césariennes.

Le bloc chirurgical réserve ses petites particularités également, avec des murs de salles exclusivement vitrés, et des chaussettes de bloc disponibles à l’entrée. Le programme avance vite, sans jamais aucun stress perceptible, ou haussement de ton.

« Scientific program » & Workshops à Ljubljana
Le congrès de l’ENTOG était basé sur deux sujets :
« La place des forceps dans l’obstétrique moderne » et « Comment éviter le burnout ? ».

Pas de cliché d’échographie obstétricale à rendre à la patiente ou à conserver dans les dossiers, les médecins sont très peu exposés au risque médicolégal dans cette société où règne une ambiance de confiance et de respect mutuels soignants-patientes.

Un air décontracté flâne ainsi autour des équipes Slovènes, souriantes et chaleureuses, dans un environnement à la pointe des compétences dans notre domaine.

Enfin, finir à 15 heures (heure habituelle pour les internes slovènes) laisse du temps pour traverser la ville en bateau (avec un verre de vin, de préférence), et visiter le château, en échangeant sur nos pratiques avec des internes venant de tous les pays d’Europe

Le Pr français Jacky Nizard, président de l’EBCOG, inaugura la journée en demandant aux 50 internes présents : « qui n’a jamais utilisé de forceps/ spatules ? ». La réponse était assez étonnante car seuls les internes de Grande Bretagne, de Slovaquie et de France n’ont pas levé la main. Cet instrument, oublié dans de nombreux pays, n’est plus très présent dans les salles de naissance en Europe. Les internes ne peuvent donc pas se former à ce type d’extractions et n’ont donc que la césarienne comme alternative à la ventouse (murale pour certains, Kiwi pour la grande majorité).

Les discussions étaient très intéressantes autour de cet enjeu, car les études internationales ne montrent pas plus de complications fœtales après forceps qu’après ventouse, et l’utilisation de forceps permet de diminuer le taux de césarienne à dilatation complète (facteur de risque de plaie vésicale, vasculaire et d’accouchement prématuré pour les futures grossesses).

Le problème est donc le suivant : comment attirer à nouveau le forceps en salle de naissance en Europe ? Pour la petite histoire, les spatules sont uniquement pratiquées en France, et inconnues au-delà de nos frontières !

Les ateliers étaient très variés. Nous avons eu des ateliers sur la ventouse, les forceps (de Simpson, utilisés en Grande Bretagne), la cœlioscopie, la simulation en temps réel, encadrés par des professeurs slovènes et anglais.

La deuxième thématique était à propos du burnout et des clés pour rester soi-même, en bonne santé, et épanoui personnellement. Un sujet dans l’air du temps, et pourtant peu traité. Le Pr Ziva Novak, chef d’unité d’obstétrique à Ljubljana, nous a fait une présentation hors du commun : elle nous fait énumérer les qualités humaines que devaient avoir un médecin. Puis, elle nous a demandé de choisir un mot correspondant à l’objectif de notre prochain mois (épanouissement intellectuel, vie familiale, santé morale, santé physique, réussite professionnelle…), ainsi que cinq mots qui seraient, pour nous, notre serment d’Hippocrate pour l’année à venir. Elle nous conseille de les écrire tous les six mois, et de s’y tenir ! Plein de clés, de réflexions et de conseils, que chacun ramènera avec soi, comme un petit bagage de « kit de survie ».

Le meilleur atelier a été, à la manière des TedX, et sous forme de brainstorming : « réflexion autour du burnout ». Par petits groupes, à l’aide de post-it multicolores, nous avons essayé d’avoir une autre vision de nous-même et une analyse sur les causes du burnout. Des discussions nous ont permis de réfléchir à des solutions, soit faciles à mettre en place, soit utopistes. Rêver un monde utopique, c’est peut-être ça, la solution !

Après toutes réflexions, deux soirées brillamment organisées nous ont permis de poursuivre nos discussions, de faire connaissance avec les autres internes de l’échange, et d’apprendre quelques pas de salsa. Nous avons même été reçus par le Maire de Ljubljana !

Réflexions autours des discussions
Partager autant de moments avec autant d’internes permet de se rendre compte qu’à la fois nous avons tous cette passion pour l’obstétrique et la chirurgie, mais surtout que nos internats et nos systèmes de santé sont totalement différents.

Par exemple, dans la majorité des pays, les internes travaillent de 7h à 15h30 et prennent leurs gardes vers 15h. Les internes comptent presque tous leurs heures de travail et sont payés pour leurs heures supplémentaires. Les gardes varient de 12H en Suède, où les internes n’ont pas le droit de travailler plus de 17h d’affilée, à 32h pour les turques qui ne respectent pas le repos de garde (avec, à Istanbul, 15 000 accouchements par an et seulement 2 internes de garde !). En Estonie, en revanche, les gardes sont payées 20 euros, les internes ont donc uniquement leur salaire de base (700 euros).

La durée de l’internat varie de 4 à 6 ans. Les internes sont amenés à pratiquer généralement à partir de la deuxième année pour les chirurgies de premier ordre et l’obstétrique, et un peu plus tard pour la chirurgie tel que la cœlioscopie et la laparotomie. La plupart des pays exigent un carnet d’évaluation avec un nombre de procédures à réaliser pour valider l’internat. Un système de mentor est aussi mis en place dans certains pays pour orienter les internes vers les meilleurs choix. Fait marquant, les internes faisant leur serment d’Hippocrate à la sortie de la fac de médecine, ils sont tous « Docteurs » lors de l’internat. De quoi faire quelques jaloux en France !

Nous avons pu échangé et découvrir de nouvelles pratiques. Comme nous l’a présenté le Pr Maud Van Der Venne, chef d’obstétrique en Angleterre, un nouvel outil, le « fœtal pillow » permet de refouler la présentation lors d’une césarienne difficile.

Nous avons aussi appris que peu de pays réalisent une pelvimétrie pour présentation du siège. Par exemple, en Hollande ou en Angleterre, l’accord voie basse est donné par l’examen clinique et au cas par cas.

Bien évidemment, tout le monde s’accorde à dire que l’accouchement du siège est fortement encouragé, mais que les voyants doivent tous être au vert afin de se lancer dans cet accouchement (surtout pour les nombreux pays qui, comme vous l’aurez compris, n’ont pas de forceps ni spatules pour la rétention de tête dernière !).

Les systèmes de santé sont tellement différents en fonction de la taille des pays, de la population, de la politique intérieure, de la culture, de l’organisation administrative de l’hôpital, des budgets... que chaque pays ne peut que s’inspirer de son voisin afin d’améliorer son propre fonctionnement.

Cet échange a été, pour tous les internes présents, un incroyable moment d’humanité, de partage, d’enrichissement professionnel mais aussi personnel. C’est une expérience unique, et nous remercions l’Agof, le CNGOF, l’ENTOG et le comité d’organisation de Slovénie de nous avoir permis un si bel échange.

Nous espérons que ces quelques lignes vous ont donné envie de participer à cet événement international. L’échange sera organisé l’an prochain en France du 5 au 8 mars 2018, et nous comptons sur les internes de Paris, Lille et Marseille pour accueillir comme il se doit les internes européens afin de faire de cet événement professionnel un réel événement humain !

Magalie BARBIER
Interne 6e semestre

Faculté Aix-Marseille
Océane PÉCHEUX
Interne 8e semestre

Faculté de Lille
Article paru dans la revue “Association des Gynécologues Obstétriciens en Formation” / AGOF n°14

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