
Nous venons d'aborder de nombreux aspects autour de la maladie de Parkinson. L'article que vous allez lire vise maintenant à recueillir une fraction du point de vue des proches de patients, car ils sont souvent le lien essentiel avec le corps médical par leur connaissance du quotidien au domicile. Pour cela, deux d'entre eux ont accepté d'échanger par téléphone, afin de nous faire part de leur vision.
Nous nous sommes donc entretenus lors d'échanges libres guidés, avec ces deux aidants de patients atteints de maladie de Parkinson (avec leur accord). Concernant l'environnement des patients concernés (environ 70-75 ans), il s'agissait de personnes vivant dans des zones plutôt rurales qu'urbaines, au domicile, et avec leur conjoint qui était l'aidant principal au quotidien. Les aidants interrogés faisaient partie, eux, de la famille proche (enfant, neveu). La durée depuis le diagnostic était d'environ 8-10 ans.
Les aidants décrivaient parmi les premières activités arrêtées, des activités physiques comme la danse et les déplacements extérieurs, ou sociales comme les jeux de cartes. Elles ont été progressivement arrêtées car les patients se sentaient trop « fatigués », « pas assez forts physiquement », « n'arrivaient plus à monter les marches », « avaient du mal à tenir les cartes ». Les symptômes initiaux remarqués par l'entourage étaient les tremblements de repos, mais il était assez vite question d'amimie, asthénie, freezing ou déconditionnement en explorant davantage.
Progressivement, l'autonomie de ces patients est devenue plus limitée : les déplacements se faisant uniquement à l'intérieur avec canne anglaise, déambulateur ou aide humaine pour l'un, et seulement lit-fauteuil pour l'autre. Ils bénéficiaient d'IDE au domicile (pilulier et « présence extérieure pour alerter si besoin »). Un lit médicalisé a été installé au domicile dans les deux cas.
À propos de la prise en charge de rééducation, on note une prise en charge en kinésithérapie d'intensité modérée à faible (1 ou 2 séances au domicile par semaine), voire absente pour l'autre patient (séances prescrites une fois mais jamais réalisées). Pour ces deux patients il n'était pas fait d'auto-exercices réguliers en pratique. Ils n'ont pas rencontré d'ergothérapeute ou d'orthophoniste. Le suivi était effectué par des neurologues, sans rencontrer de médecin MPR a priori.
Lors de ces échanges, sont ressortis plusieurs éléments intéressants vis-à-vis du vécu des patients et des proches. Il semble que les patients, qui sont donc des personnes âgées, aient une vision des soins, des centres de rééducation, de la maladie qui soit différente de ce qui peut être décrit désormais, probablement en lien avec une évolution des prises en charge et des modes de pensées ces dernières décennies. La maladie est plutôt ressentie comme une « honte » qu'il faut dissimuler. « L'acceptation paraît alors plus difficile » à atteindre. Il est plus compliqué de proposer des adaptations du domicile qui se heurtent fréquemment à un « refus ». Les centres de rééducation sont décrits comme des « mouroirs » et associés à une « entrée définitive en établissement », « comme en Ehpad ». Il apparaît aussi difficile de faire accepter l'intérêt du maintien des activités dans la prise en charge, le médecin est alors perçu comme « nul car il voudrait que le patient marche plus ». Ceci est d'ailleurs potentialisé par le fait que l'aidant principal au quotidien, le conjoint, semble rejoindre en partie ce point de vue.
À titre d'exemple, l'aidant interrogé explique lors de ses visites faire l'effort de « parler des gestes effectués lors de l'aide au transfert pour solliciter directement le patient lors de la réalisation de celui-ci, et le faire participer davantage », tandis que le conjoint qui le fait au quotidien apporte uniquement l'aide physique sans chercher la participation du patient. De même, l'aidant interrogé raconte avoir voulu faire travailler l'articulation du patient avec des répétitions de syllabes, « ce qui a fait rire le conjoint qui ne voyait pas l'intérêt de ces exercices basiques ».
Il semble alors y avoir un contraste significatif entre le patient avec son conjoint, et les aidants « secondaires » plus jeunes qui dépeignent le « manque de stimulation des patients qui ne veulent pas bouger et ne veulent pas de changement » malgré une pathologie évolutive. Ils disent parfois qu'il faudrait « être là en permanence pour aider à prendre les décisions et stimuler les patients ». En effet, les recommandations et prescriptions des professionnels de santé n'arrivent pas vraiment à être effectives en pratique, suggérant un manque d'adhésion.
Ce décalage se révèle difficile à combler mais peutêtre que la MPR peut y participer. Cela donne en effet envie de développer la pratique MPR dès le domicile (avec une pertinence potentielle de la MPR libérale, des équipes mobiles de rééducation, ou de l'HAD-R) pour recentrer la prise en charge des patients sur leurs besoins au domicile en fonction de l'évolution. Un temps dédié pour recueillir le mode de vie, les contraintes propres à chaque patient, expliquer l'intérêt et trouver les façons de maintenir des activités pourrait participer à recueillir une vraie adhésion, et donc un effet régulier dans la durée. L'illustration avec ces deux cas (qui n'avaient pas pour objectif d'être représentatifs de tous les patients comme on peut facilement le comprendre) montre bien que ce n'est pas acquis actuellement. Sûrement chose plus facile à décrire, qu'à réaliser en pratique.
En remerciant chaleureusement les deux personnes contactées !
Landry DARLEY