Dossier thématique : 2009-2010 : formation à la recherche

Publié le 25 May 2022 à 13:53


1) Pourquoi/comment vous est venue l’idée de cette enquête ?

Si je me souviens bien, c’était lors d’une réunion du bureau l’AFFEP. Nous évoquions alors la future Journée de l’interne organisée avec l’association Pierre Deniker. Le thème retenu pour cette journée était la formation à la recherche. L’AFFEP, pourtant partenaire de l’événement, ne s’était pas investi (ou n’avait pas été sollicité selon les perspectives de chacun) dans la préparation de cette journée et n’avait pas du tout participé au choix de ce thème.

Nous avons alors souhaité trouver un moyen d’une part de nous réapproprier cette question et d’autre part de faire en sorte que la voix des internes en psychiatrie en général, et ses représentants associatifs en particulier, soit entendue et participe au dialogue et à la réflexion sur l’amélioration de notre formation.

La méthode la plus naturelle nous a semblé être de concevoir une enquête pour questionner directement le plus grand nombre d’internes sur leurs souhaits et leurs expériences autour de la formation à la recherche. Nous avons donc, avec Aude Van Effenterre, rédigé un questionnaire que nous avons diffusé en grande partie lors du CNIPSY de cette même année, puis nous avons présenté les résultats de notre enquête lors de la Journée de l’interne.

2) Quelles en ont été les conséquences après les résultats ?
Sur le plan associatif, je pense que cette enquête, la 1ère depuis plusieurs années, a permis de gagner en sérieux et en légitimité aux yeux des instances de la psychiatrie et des sociétés savantes. Nous avons par la suite pu renouer le dialogue avec nos aînés et jouer pleinement notre rôle de représentant des internes.

Au niveau de l’enquête elle-même, c’est difficile de répondre. Pour le coup, ce qui serait très intéressant, serait de refaire la même enquête en 2016 et de comparer les résultats. Je parie que les internes sont mieux initiés à la recherche et mieux informés sur les formations à la recherche et notamment sur comment accéder à un master de recherche. Mais je parie aussi que la question du financement continue hélas d’influencer et de décourager les internes en psychiatrie dans le projet de formation à la recherche.

Dr Jordan SIBEONI
Psychiatre à Argenteuil

Les internes et la recherche

En 2010, l’enquête annuelle de l’AFFEP s’est portée sur la recherche en psychiatrie pendant l’internat. Dans le contexte de l’ouverture de la CNIPI (Commission Nationale de l’Internat et du Post Internat) et du début de projet de réforme du 3ème cycle des études médicales, l’objectif était de dresser un état des lieux sur la formation à la recherche durant l’internat.

Matériel et méthodes
Un sondage national à l’intention des internes a donc été mis en place par l’AFFEP, et diffusé via notre mailing list nationale, afin d’évaluer le niveau d’information des internes et leurs souhaits vis-à-vis de la recherche. 603 réponses ont été recueillies, soit un taux de participation de 45 %.

Résultats
25 % des internes de 4ème année ayant répondu au questionnaire avaient fait un Master 2 de recherche, dans deux domaines de prédilections : les neurosciences (48 %), et les sciences humaines (12 %). Les autres domaines, tels que la neuropsychologie (9 %), la psychopathologie (8 %), la psychanalyse (5 %), la pharmacologie et les statistiques (3 %), la génétique et la philosophie (2 %), l’ethnopsychiatrie (1 %), recrutaient beaucoup moins.

Parmi ceux ayant fait un master Recherche, 39 % ont pris une disponibilité.
40 % doivent s’autofinancer avec les remplacements et les gardes. 32 % reçoivent une bourse des fondations et sociétés savantes. Seulement 24  % reçoivent l’année recherche.
Il ressort également que le financement influence le choix du domaine de recherche dans 25 % des cas

33 % des internes changent de ville pour réaliser leur Master 2 de Recherche (M2R), le respect de leur domaine de prédilection étant la principale raison évoquée. On note également que parmi les 67 % restant, 10 % auraient souhaité travailler dans un autre domaine, mais celui-ci ne figurait pas dans la liste des M2R proposées par leur faculté.

En ce qui concerne les internes n’ayant pas fait de M2R, 49 % d’entre eux seraient intéressés par un M2R. Parmi eux, on compte 65 % des 1ères années, 45 % des 2ème année, 37  % des 3ème année, et 36 % des 4ème années.

Les domaines de recherche qui attireraient ces internes sont : les neurosciences pour 50 %, l’ethnopsychiatrie pour 46 %, la psychopathologie (40 %), la psychanalyse (30 %), les sciences humaines (28 %), la pharmacologie (22 %), la génétique (11 %), les statistiques (11 %), la philosophie (2 %)


Graphe : Domaines de recherche qui attireraient les internes n’ayant pas fait de M2R

En se focalisant plus spécifiquement sur les raisons qui empêchent ces internes de se lancer dans un M2R, on retrouve : un manque d’intérêt, une durée d’internat trop longue, un manque de subvention, et un manque de choix

Enfin, 88 % des internes interrogés considèrent qu’il y a un manque d’information dans ce domaine.

Discussion
Cette étude démontre un réel intérêt des internes pour la recherche dans des domaines très diversifiés.
Cependant, dans les faits, de nombreuses barrières se dressent pour ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure de la recherche.
Tout d’abord, il existe un manque d’information sur les possibilités d’accès et les démarches à suivre, notamment sur le plan administratif.
Par ailleurs, la question du financement est une problématique centrale. En effet, un tiers d’entre eux prennent une disponibilité, et considérant que la majorité est contrainte de s’autofinancer, ils peuvent se retrouver dans une situation de précarité financière, les obligeant soit à ne pas changer de région, et par conséquent embrasser un domaine de recherche qui n’était pas leur domaine de prédilection, soit à abandonner l’idée de faire de la recherche.
Enfin, la grande majorité des internes faisant un M2R se consacre au domaine des neurosciences, alors que le sondage révèle des domaines d’intérêt beaucoup plus variés.
Avec un taux de participation de 45 %, et un titre de sondage explicite, un biais de sélection est à envisager, mais ne remet pas en question les problématiques soulevées.

Cette étude met en évidence la nécessité de mieux informer les internes sur la recherche, de repenser une aide à la mobilité et au financement, couvrant l’ensemble des domaines envisageables, afin d’en faciliter l’accès.
Les pistes d’amélioration proposées par l’AFFEP ont été les suivantes :
- Informer de manière précise et détaillée dès le début de l’internat sur les modalités de la formation à la recherche, l’existence de bourses, les démarches administratives :
• Via des documents écrits, tels que le livret AFFEP destiné aux internes, ainsi que sur le site internet de l’AFFEP ;
• Via des journées d’information sous la responsabilité des coordonnateurs de DES.
- Mener une réflexion sur un moyen de faciliter les démarches administratives, et d’améliorer la coordination entre les régions pour faciliter la mobilité.
- Créer d’avantage de bourses de recherche.

Audrey FONTAINE
Rédactrice en chef adjointe du Psy Déchainé
Résultats recueillis à partir des travaux
d’Aude VAN EFFENTERRE et Jordan SIBEONI

Article paru dans la revue “Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ” / AFFEP n°16

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