Dossier construire

Publié le 31 May 2022 à 08:28


“L’embrigadement est un signe des temps, de notre temps. Les hommes qui pensent en rond ont des idées courbes. Les sociétés littéraires sont encore la Société. La pensée mise en commun est une pensée commune. Du jour où l’abstraction, voire l’arbitraire, a remplacé la sensibilité, de ce jour-là date, non pas la décadence qui est encore l’amour, mais la faillite de l’Art.”

Léo Ferré
Préface du recueil « Poète... vos papiers » (1956).

“ On ne bâtit un bonheur que sur un fondement de désespoir. Je crois que je vais pouvoir me mettre à construire.”

Marguerite Yourcenar
Extrait des Feux

Gouvernance, Management et RPS : Rompre le cercle vicieux

Il y a quelques semaines, j’assistais à une réunion de travail au sein d’une vénérable et respectable institution publique. Il était question de trouver des solutions à un problème d’attractivité médicale. Pour l’occasion, de très nombreux confrères exerçant au sein de cette institution étaient présents, tous avec une carrière bien remplie et des services rendus indiscutables.

Puis vint l’ouverture de la journée. Quelle ne fut ma surprise de voir s’approcher du pupitre de présentation non pas un illustre représentant de mes confrères présents mais une jeune femme qui se plaça bien au-devant du pupitre et, ouvrant grands ses bras, s’annonça : « Je suis la facilitatrice ! ». Ah. Un imperceptible frémissement d’épaules de propagea dans l’assistance. Ah.

« La facilitatrice » était employée par une société de conseil en organisation ou communication (ou les deux) dont j’ai appris depuis qu’elle intervenait dans les hôpitaux publics pour les « accompagner » dans « leurs » restructurations. Et ce jour-là, elle avait en charge l’animation de la journée dont elle nous promit d’emblée qu’elle serait rapide et rythmée. Mince, je pensais que nous étions là pour réfléchir à un sujet important.

Le fait est que « la facilitatrice » - qui depuis avait replié ses bras - nous expliqua ensuite, en articulant avec soin et en appuyant fortement sur certains mots, un élément majeur pour la suite du déroulement de la journée et certainement pour le reste de notre vie : nous pouvions nous servir de nos téléphones portables. Mais attention, pas pour téléphoner - mais non, voyons - : pour-envoyerdes-questions-aux-orateurs-delà-journée. Qui étaient dans la même salle que nous. En même temps que nous. Face à nous. Et ces messages s’afficheraient sur l’écran ! Si (les bras s’ouvrent à nouveau)

Après une dizaine de minutes passées à nous expliquer - lentement, en articulant bien - comment se connecter à un réseau wifi, elle a lancé un regard compassionnel sur ses ouailles auto-attribuées et a laissé la place aux orateurs

Plus tard dans la journée, j’ai croisé dans le couloir un facilitateur-design (il faisait un résumé de la journée en dessins) qui a fini par reconnaître que oui, en fait, il était dessinateur. Ce qui m’a rassuré sur mes facultés cognitives restantes. Au moins me restait-il un vocabulaire adapté, un peu ringard, certes mais adapté tout de même.

Quand l’après-midi fut venue, la « facilitatrice » revint en force : là elle n’organisait plus les interventions des orateurs : elle était the orateur. Et la voici qui nous explique combien cette après-midi allait être fabuleuse : nous allions nous répartir en groupes - déjà déterminés - pour travailler dans des salles adjacentes, mais attention : quand la musique retentirait, il faudrait tout arrêter et revenir dans la salle où nous étions. La musique ? Ah. Et tout allait aller très vite, n’est-ce pas ? Il fallait courir s’il le fallait. Ah ? Mais, sérieusement, je pensais vraiment que nous étions là pour réfléchir à un sujet important. Bon.

Nous avons donc travaillé dans des salles où des espaces étaient délimités par des morceaux d’adhésifs de couleur collées au sol. Les espaces où nous devions nous tenir, sans en franchir les limites (dixit le facilitateur-gardien-des espaces-de-réflexion). Un de mes confrères - un esprit subversif certainement - se demanda quel pouvait être le coût de chacun des rectangles d’adhésif, compte tenu du prix à la journée réclamé par cet organisme peuplé de « facilitateurs ». Nous ne savions pas bien sûr ; de toutes façons, il nous fallait remplir des panneaux où déjà étaient dessinés - par le facilitateur-design ? - des ronds ou des carrés, selon le groupe : nous ne pouvions pas nous tromper, il nous fallait écrire juste en face… nous sommes finalement retournés dans la première salle quand la musique a retenti. Une musique country série Z. Nous avons demandé s’il était possible d’avoir Queen ou les Rolling Stones, (regard compassionnel du facilitateur-gardien-de-la-playlist) mais cela n’était pas dans la procédure.

Alors nous n’avons pas couru - la subversion gagnait du terrain -.

Retour avec la « facilitatrice » qui nous a appelés à tour de rôle pour exposer le fruit de nos réflexions. Et qui, cela fait, sortit triomphalement des post-it vert fluo où étaient résumées les idées phare qu’elle présenta comme étant le fruit de nos réflexions.

Sauf qu’elles avaient été écrites avant même que nous ayons exposé nos conclusions. Et quand je lui demandai pourquoi nous étions allés travailler une heure durant alors que ses post-its étaient déjà écrits, elle n’a pas ouvert les bras. Elle s’est tue. Un tel degré de subversion... Mais cela n’a pas duré : une autre procédure a dû s’enclencher dans sa tête - elle est facilitatrice, tout de même - elle a donc proposé… de changer la couleur des post-its. Puis, se ressaisissant, d’y inscrire nos propositions.

Pourquoi ai-je relaté tout cela dans Le Mag ? Parce que quelques jours plus tard j’avais une réunion sur la QVT (qualité de vie au travail pour ceux qui ne sont pas facilitateurs J) et j’ai eu une étrange sensation de déjà vécu : nous étions convoqués pour travailler ensemble mais il nous fallait valider des items déjà déterminés (surlignés en fluo) et cela rapidement car le temps pressait et que tout le monde avait un emploi du temps chargé. A la décharge des administrateurs de mon hôpital aucun ne s’est présenté comme facilitateur et personne n’a osé dire - n’a eu la force de dire - que nous allions vivre une après-midi fabuleuse. Et il n’y avait pas de musique... quoique, tout bien réfléchi, un bon vieux Rolling Stones genre « Satisfaction » n’aurait pas dépareillé…

Le plus triste dans ces deux histoires c’est qu’il existe une forte probabilité pour que les administratifs de mon hôpital aient pris connaissance des items « fluorisés » lors d’une réunion préalable riche en post-its, saupoudrée de mots « facilitateurs » tels que, « communication » et « participatif », sans oublier bien sûr « valeurs de service public » et « efficience ». Quand à ma facilitatrice-révélatrice, je pense qu’elle est sincèrement persuadée du bienfait de sa musique et de ses post-it dans l’accomplissement de sa mission sacrée qui est de nous guider vers la VERITÉ (bras ouverts).

Voici, en résumé et forcément caricatural - je suis syndicaliste, on me le pardonnera - pour la gouvernance. Passons au management.
1) Dans l’enquête menée par l’INPH en novembre 2016 (dont certains résultats ont été reportés dans les MAG 6 et 8) l’item « Expression libre sur le management « a été renseigné par 36 % des PH. On y découvre que le management n’est vécu comme positif que par 9 % des PHs ; dans 1/3 des cas, le management est considéré comme opaque, insuffisant, inadapté, dans 2/5 cas, soit perverti (laissant la place aux déviances de l’individu) soit destructeur. Voici pour l’état des lieux.
2)Le 16 septembre 2016, 9 mois après le suicide de notre confrère Jean-Louis Mégnien à l’Hôpital Européen Georges Pompidou (APHP), paraissait la synthèse du rapport de l’IGAS (1) (la synthèse, pas le rapport, qui lui ne sera pas publié) demandé par Mme la Ministre Marisol Touraine concernant « les risques psychosociaux des personnels médicaux en établissements de santé : recommandations pour une meilleure prise en charge ».

Que dit ce rapport ?
• En préambule que la mission a traité « prioritairement le point concernant l’analyse des conclusions à tirer des causes de ce drame » à savoir « …les conclusions à tirer de ce drame et formuler des recommandations pour améliorer... la détection et la prévention des risques psychosociaux y compris pour le personnel hospitalo-universitaire ».
• Et relève pour ce sujet une absence de « procédures internes formalisées », « qu’il n’a jamais été jugé nécessaire d’entendre les parties ni de procéder à une enquête interne », « un traitement du conflit exclusivement centré sur la relocalisation de l’activité du Pr MEGNIEN », l’absence de « compte-rendu de réunions » et de « formalisation des propositions faites », et enfin que « la démarche et la latitude laissées aux acteurs en l’absence de procédure institutionnelle n’offraient pas un cadre suffisant pour une analyse et un traitement optimal de cette conflictualité ».
• Deuxième constat : « l’absence de signalement ou l’alerte tardive » de la souffrance du praticien tant à la « gouvernance » locale que centrale et l’absence de « procédures internes, recommandations ni d’instructions ministérielles concernant le personnel médical ».
• Ce qui l’amène à « estimer » que « les bonnes pratiques de gestion d’un conflit auraient pu s’appliquer à cette situation concernant les personnels médicaux ».
• Et à relever « 5 manquements de portée inégale » dans « la conduite du traitement de ce conflit » : les 3 premiers en lien avec la gestion du conflit, les deux derniers relatifs au signalement et à l’accompagnement.

En langage non IGAS cela signifie que peut-être tout n’a pas été fait ou pu être fait afin :
1) De savoir ce qui se passait REELLEMENT ;
2) De trouver une solution au conflit autre que celle de « délocaliser » notre confrère ;
3) De reconnaître et prendre en charge la souffrance de notre confrère.

• 3 éléments sont majeurs dans ce rapport : 2 mots : « conflit » et « souffrance » et 1 liaison : celle qui est faite entre ces deux mots. Cela semble anodin mais :
• Rappelons que le directoire de l’APHP, dans sa séance du 4 janvier 2016 avait, dans l’intitulé de son plan d’action (2), qualifié ces situations de « situations individuelles complexes ».
• Rappelons encore que dans le corps de ce « plan d’action » le mot « risques psycho-sociaux » a été employé 5 fois, celui de « conflit » 6 fois mais les mots « drame » et « souffrance » n’ont pas été employés une seule fois.

Voici pour le chemin qu’il reste à parcourir.

Tout est possible…

Propositions
Nous sommes dans une conjonction particulière où tout est possible :
• Un rapport IGAS complémentaire doit paraître afin de répondre aux deux autres points de la mission confiée par Mme la Ministre Marisol Touraine dans son courrier du 24 février 2016 : le premier concerne les modalités de sensibilisation et de mobilisation en vue de prévenir et de prendre en charge les risques psycho-sociaux ; le deuxième est plus ciblé sur le management puisqu’il concerne « les procédures de désignation et d’exercice de leur missions managériales par les responsables ».
• Madame la directrice générale de l’hospitalisation (voir dans ce numéro « Construire : l’interview ») reconnaît être « à la fois consciente et préoccupée » par, entre autres, les effets délétères du management et nous indique que la réponse passera par « le plan d’actions pour l’attractivité de l’hôpital public ».
• Justement, le plan d’actions pour l’attractivité de l’hôpital public est en cours de construction (3) ; mais dans la présentation qu’en a fait le comité de suivi le 4 octobre 2016, si nombre des propositions sont positives, il n’en apparaît aucune en relation avec le management.

Tout est possible... ce qui veut dire aussi qu’il est possible que rien ne le soit.
Pour éviter cela, nous allons aider à la construction.

Voici le chemin que nous pourrions parcourir pour la prise en charge des risques psychosociaux

Les possibilités sont là, les outils également... manque la possibilité de faire.
Par exemple qui pourrait répondre à ces quelques questions :
• Quelles prérogatives pour les sous-commissions de la CME ?
• Seront-elles élues ou désignées ?
• Quelles décisions ? (À part la mobilité du moins gradée comme actuellement ?).
• Quelle place pour les indicateurs de RPS (risque psycho-sociaux) dans l’évaluation d’un management ?
• A quand le suivi transparent des managers identifiés comme délétères lors des commissions statutaires nationales ? (Mobilisées lors de désaccords entre l’administration et/ou le manager médical et le PH).

L’INPH face aux Risques Psycho-Sociaux à L’HOPITAL PUBLIC en 8 points

L’évolution de l’Hôpital Public sur les deux dernières décennies et surtout depuis HPST est marquée par l’émergence des troubles psycho-sociaux chez les Praticiens Hospitaliers. Ces troubles résultent de risques multifactoriels jusqu’ici peu pris en compte.

L’INPH est sollicité de plus en plus souvent par ses mandants sur ce sujet.

1) Quelles sont les situations à risque ?
Les situations à risque évoluent soit vers le départ du praticien pour un autre exercice soit vers des états potentiellement graves allant de l’isolement à l’épuisement professionnel.
Ces situations sont jusqu’ici majoritairement tardivement connues ou ignorées donc insuffisamment traitées. Elles peuvent aboutir à des états pathologiques dont les plus graves, heureusement rares, connaissent des issues dramatiques. A un degré moindre, ces états pathologiques peuvent laisser des séquelles importantes professionnelles, physiques ou psychiques qui vont retentir sur la vie à l’extérieur de l’hôpital.

2) Deux caractéristiques sont communes à ces situations
La durée souvent très longue avant la recherche de solutions. La méconnaissance du statut du praticien.
L’autorité hiérarchique du praticien est celle qui le nomme et le sanctionne c’est-à-dire la Ministre et par délégation la Directrice générale du CNG.
Il n’existe pas de hiérarchie entre les praticiens hospitaliers.
Le directeur est responsable de l’organisation et du fonctionnement de l’établissement qu’il dirige ce qui lui confère une autorité fonctionnelle vis-à-vis du praticien hospitalier.
Il en est de même pour le chef de pôle et le chef de service qui sont responsables de l’organisation et du fonctionnement de leur pôle ou service.
Les PU PH sont fonctionnaires d’Etat, ils sont donc comme tous les fonctionnaires soumis à une hiérarchie. La fonction universitaire ne constitue pas une hiérarchie ou une autorité envers le praticien non universitaire

3) Typologie des situations à risques
Conditions de travail : démographie et charge de travail, environnement professionnel, permanence des soins…
• Relations interpersonnelles : entre praticiens, entre praticien et chef de service ou chef de pôle…
• Relations avec l’organisation administrative : conflit avec la direction, beaucoup plus rarement avec les services de l’Etat.
• Transformation des établissements : fermeture de service, regroupements d’établissements…
L Evolution de carrière : compétition pour des postes à responsabilité, conflit pour la définition de temps disponible pour des activités transversales…

4) Signalement : QUI signale une situation à risque ?
L’intéressé avant tout et le plus tôt possible. La recherche de solution sur des situations bloquées évoluant depuis des mois, voire des années, est difficile.
• Une organisation syndicale, c’est son rôle de lancer l’alerte si le praticien n’est pas à même de le faire : crainte de voir la situation empirer, méconnaissance statutaire, épuisement…
• Le médecin du travail.
• Tout acteur de l’hôpital quand il a connaissance d’une situation à risque de la même manière qu’il doit déclarer un évènement indésirable grave.

5) Destinataire du signalement d’une situation à risque
C’est ici que se pose la question du niveau d’adressage du signalement. La dangerosité tient au délai de signalement :
• Le premier niveau doit être local, le premier interlocuteur est fonction de la situation à risque et du niveau de conflit : ce niveau devrait pouvoir être sauté si le conflit se situe au niveau supérieur de la gouvernance de l’établissement :
- L’organisation médicale de l’établissement : chef de service chef de pôle, président de CME, affaires médicales, directeur.
- L’organisation syndicale de praticien hospitalier.
- Le médecin du travail. Le plan d’attractivité proposé par la ministre prévoit la création d’une sous-commission de la CME pour instruire et traiter ces situations (engagement n°11). La description des missions de la CME est du niveau décret. Le règlement intérieur de la CME peut décrire cette commission mais il doit être conforté réglementairement sur ce point.

Le second niveau est régional : Il entre dans les missions de la CRP (commission régionale paritaire) de traiter des situations à risques psycho-sociaux. Elle peut être sollicitée par le praticien hospitalier ou tout autre acteur hospitalier qui en fait la demande auprès du CNG (centre national de gestion) ou du directeur général de l’ARS. Le CNG ou l’ARS peuvent confier à la CRP une mission de conciliation en matière de gestion des praticiens ou de prévention des conflits.

• Troisième niveau est national : La DGOS, le CNG et le cabinet peuvent être saisis directement de questions particulièrement aigües qui mettent en jeu le fonctionnement de l’établissement ou la sécurité des personnes. Ces structures déclencheront une mission d’enquête dont la configuration leur appartient. La ministre en charge de la santé peut solliciter l’IGAS pour cette enquête.

6) Corrections Possibles ?
Dans certains établissements, trop rare, ces actions de correction existent. A nous de faire en sorte qu’ils se généralisent sur l’ensemble des hôpitaux publics
Au niveau local : Conciliation interne : sous-commission ad hoc issue de la CME. Elle permet l’écoute des protagonistes, l’évaluation du problème posé, désignation d’un rapporteur qui décrira devant la sous-commission la situation à risque et les propositions de pistes d’actions. Ces actions feront l’objet d’un choix établi sur l’utilité la faisabilité et l’acceptabilité des actions. Ces actions devront être acceptées par les protagonistes et seront évaluées à court, moyen et long terme pour apprécier leur succès ou échec.
En cas de refus immédiat ou d’échec des actions, la délocalisation du traitement devrait être prononcée dès leur constat

Au niveau régional : Transmission à la CRP (commission régionale paritaire), mise en œuvre de la sous-commission chargée de la conciliation et de la prévention des conflits : La démarche est la même qu’au niveau local : un ou plusieurs rapporteurs, proposition de pistes d’actions qui feront l’objet d’un choix et d’un plan d’action. Particularités du niveau régional : 
- Possibilité d’appui par un médecin inspecteur de santé publique de l’ARS.
- Possibilité d’avis d’aptitude du comité médical.
- Interrogation sur la constitution d’élément relevant de l’insuffisance professionnelle ou du niveau disciplinaire.

Le plan d’action proposé peut dépasser les limites de l’établissement : proposition de mise à disposition ou de poste en surnombre dans un autre établissement. Le plan d’action est accepté ou refusé. La mise en œuvre du plan d’action est évaluée. Le refus ou l’échec du plan d’action conduisent au niveau national.

Au niveau national : L’échec de la conciliation aux niveaux local et régional conduisent au niveau national : Information CNG, DGOS, Cabinet : Décision mission IGAS ou mission CNG.
La lettre de mission doit être précise en termes de périmètre et de délai d’exécution. Les plans d’action peuvent avoir une dimension nationale. Les questions de l’aptitude par le comité médical, l’insuffisance professionnelle ou d’une démarche disciplinaire peuvent être traitées.

7) Plans d’Actions
Les actions correctives de niveau régional et national des situations à risques doivent être inventoriées avec plus d’ouvertures et de précisions qu’aujourd’hui :
Par exemple, il est nécessaire de :
a. Clarifier les profils de poste, le décompte du temps de travail et l’organisation de la continuité et la permanence des soins
b. Accompagner de façon psychologique ou comportementale les individus et les équipes.
c. Favoriser les mobilités.
d. Multiplier les formations et reformations.
e. Solliciter les fonctions transversales et les fonctions de responsabilités (attribuées de manière transparente et anticipée…).

8) Synthèse de L’INPH
Les situations à risques psycho-sociaux sont fréquentes à l’Hôpital public dont le fonctionnement repose surtout sur les rapports entre individus.
Ces rapports sont complexes entre les praticiens hospitaliers aux statuts différents, participant à la fonction publique sans hiérarchie entre eux.
Les liens des Praticiens Hospitaliers sont également complexes avec les agents de la fonction publique hospitalière (les rapports hiérarchiques sont différents). Rappelons que la Loi HPST a retiré aux responsables médicaux l’autorité fonctionnelle qu’ils détenaient vis-à-vis des soignants.
Les Praticiens Universitaires sont des fonctionnaires d’Etat : ils sont soumis de manière complexe à une double réglementation qui crée des difficultés de gestion supplémentaires.
Les situations à risques doivent être impérativement être connues et traitées le plus précocement possible.
Que ce soit au niveau local, régional et/ou national, l’accompagnement syndical est indispensable et il faut engager les praticiens à saisir nos instances le plus tôt possible dans de telles situations.
La gestion prévisionnelle des emplois et compétences des praticiens hospitaliers est un élément majeur de la prévention des conflits.  Elle repose sur une évaluation positive des situations et une construction plus modulaire de la carrière du praticien.
Ces évolutions appellent à une révision profonde du statut du Praticien Hospitalier dont l’attractivité devrait reposer sur un meilleur équilibre entre sécurisation et dynamisme.
L’INPH appelle fortement la Ministre à ouvrir cette révision statutaire.

La gestion prévisionnelle des emplois et compétences des praticiens hospitaliers est un élément majeur de la prévention des conflits.

Enquête 2016 Commissions Régionales Paritaires / représentants de l’INPH

En vue d’analyser le fonctionnement des Commissions Régionales Paritaires deux années après leur mise en place, l’INPH a adressé à l’ensemble de ses représentants en avril 2016 un court questionnaire. L’objectif était de disposer d’une photographie de l’activité des commissions et d’en appréhender la vitalité, à l’heure de la mise en place des GHT

Résultats
1 - 17 confrères ont répondu, correspondant à un taux de réponse de 65 %.
2 - Les CRP sont mises en place dans toutes les régions.
• Après un démarrage parfois un peu lent en 2014, l’activité 2015 a été assez soutenue avec en majorité de 2 à 3 réunions dans l’année. A la date de mai 2016, 5 CRP s’étaient réunies 2 fois et 3 CRP 1 fois pour l’année en cours.
• Un règlement intérieur de la CRP a été diffusé dans la majorité des régions.
• A la question de la création d’un bureau de la CRP, seule 1 région a répondu positivement.

3 - Des groupes de travail ont été mis en place sur plusieurs sujets, on peut citer :
• L’attractivité des postes et les postes à recrutement prioritaires.
• Les postes en activité partagée.
• La permanence des soins.
• L’activité libérale.
• Les risques psychosociaux.
• Sans mise en place de groupes formalisés, des enquêtes ont aussi pu être demandées et réalisées, on peut citer l’exemple :
  - Des déterminants d’installation des médecins anesthésistes-réanimateurs ;
  - Enquêtes sur la démographie médicale toutes spécialités confondues ;
  - L’intérim médical ;
  - La cartographie des plateaux techniques dans la région...
• Une région a fait un appel à projet sur la qualité de vie au travail, en lien avec la HAS.


4 - La création d’une commission de conciliation a été effective ou est en cours dans 12 régions, soit 70 % de l’échantillon.
Cette fonction qui apparait très importante pour l’INPH dans un objectif de prévention / règlement des conflits est donc bien majoritairement en place et plusieurs saisines ont déjà eu lieu.

5 - D’autres sujets ont été abordés dans le fonctionnement des CRP :
• Examen de demandes de dérogation/ CET.
• Actions prioritaires pour mise en place d’équipes médicales territoriales.
• Examen de difficultés financières / fonctionnement des centres hospitaliers.
• La préparation des GHT et la position des établissements de santé mentale ont été abordées dans plusieurs régions (pas de façon majoritaire cependant).

Enfin dans les nouvelles régions constituées, la préparation de la fusion des CRP a été à l’ordre du jour.
Nous remercions tous les collègues qui ont participé à l’enquête !

Voici le chemin que nous pourrions parcourir pour la prévention des risques psychosociaux : l’amélioration du management
Nous exerçons dans un type de management pyramidal, à sens unique aveugle et sourd.
• Pyramidal car la majorité des réunions auxquelles nous assistons sont des chambres d’enregistrement dont le compte-rendu est fait avant même que la réunion ait débuté.
• A sens unique car de fait les avis ne remontent jamais tandis que les procédures descendent toujours.
• Aveugle car dépourvu de toute évaluation interne transparente (autre que l’activité cela s’entend).
• Sourd car majoritairement imperméable aux avis autres que ceux émanant des personnes en situation de hiérarchie.

Un autre management est possible : voyons l’expérience de responsabilité partagée (Un pas de côté, page 10), celui du management participatif (Chronique d’hôpital, le management participatif, page 12), celui de la prise en compte de l’individu dans son individualité.

Osons l’information, osons les évaluations réciproques, osons la responsabilisation. Et remettons la déontologie au centre de nos interactions.
Quittons le management calqué sur les entreprises. Investissons dans la valeur humaine : elle reste la plus performante, résultats financiers à l’appui.

Émotions, apprentissages et travail d’équipe

Quelle est la place de nos ressentis, et plus largement, de nos émotions dans les situations quotidiennes de communication à l’hôpital ? Plus précisément, que ces situations soient managériales, de soin ou d’apprentissages, force est de constater que les émotions sont suspectes, plutôt proscrites, à moins qu’elles ne soient strictement l’objet d’une gestion qui en détermine les modalités d’expression

S’agissant d’apprentissage, deux positions peuvent être identifiées. La première consiste à considérer les émotions, en tout cas au-delà d’un certain seuil d’activation, comme forcément négatives. On retrouve cette idée à travers les phrases du style "si tu te laisses gagner par l’émotion, tu ne peux pas apprendre" ou encore "ne te laisse pas emporter par tes émotions si tu veux apprendre". Cette position tendrait à donner un rôle négatif aux émotions. La deuxième position, inverse et qui circule tout autant, tendrait à donner un rôle plutôt positif aux émotions. On retrouve cette idée à travers les phrases du style "pour (vraiment) apprendre il faut s’impliquer émotionnellement (et pas que cognitivement)", ou encore "apprendre c’est aussi pouvoir accepter ses émotions, les exprimer". Les deux positions, malgré leur antagonisme apparent, construisent leur discours à partir de la valence attribuée aux émotions, qui relève de catégorisations sociales définissant, a priori, le négatif et le positif, le mal et le bien. Pour apprendre, il y aurait selon les situations rencontrées par les sujets, les mauvaises émotions à combattre et les bonnes émotions à favoriser.

On retrouve cette orientation prescriptive émotionnelle dans bon nombre d’objectifs à atteindre, qu’ils soient managériaux, de soin ou d’apprentissages. Il y a probablement un intérêt à ne pas se limiter uniquement à la valence des émotions et s’interroger sur le pourquoi, le comment de leur surgissement. Avec certains philosophes comme Spinoza ou Dewey, des savoirs trouvent des échos concordants avec des savoirs neuroscientifiques récents, avec Damasio, Rizzolatti, Sinigaglia, Berthoz : la focale ne porterait pas seulement sur la gestion des émotions mais aussi sur ce qui fait émotion dans une perspective qui articule le sujet à son environnement tant humain que matériel

Pas d’actions sans émotions, ces dernières déclenchant les activités et révélant les valeurs de tout à chacun...

À quoi servent nos émotions, celles d’autrui, au sein de nos interactions, au moment de la priorisation des actions, et partant, dans nos décisions ?

Selon les thèses avancées par ces auteurs, les émotions sont indissociables des activités cognitives. Cette considération a des implications pour tout travail d’équipe dont la communication interindividuelle ne s’installe pas naturellement : il faut du temps pour apprivoiser l’autre, le sentir, le res- (1) À paraître début 2017 aux éditions L’Harmattan, Émotions et apprentissages, propositions théoriques et méthodologiques Pas d’actions sans émotions, ces dernières déclenchant les activités et révélant les valeurs de tout à chacun... sentir, et s’apprivoiser soi-même à son contact, c’est un processus de transformation conjointe qui ne peut se réduire à des actes techniques et cognitifs conduisant à des réifications. Se pose dès lors la question de la définition des émotions tout comme celle de leur inférence sans les catégoriser a priori.

« Dans le cadre d’une recherche menée sur un terrain empirique hospitalier, des pistes émergent : pas d’actions sans émotions, ces dernières déclenchant les activités et révélant les valeurs de tout à chacun. Dans cette perspective, les émotions ne peuvent constituer le point aveugle de l’activité managériale puisqu’elles renvoient aux valeurs propres de chacune des personnes interagissantes au sein d’une équipe. Tendre vers une qualité de vie au travail, et qui soit acceptée par le plus grand nombre, fait naître un préalable : l’importance pour chacun du besoin d’être reconnu et entendu sur la place et le rôle qu’il accorde à certaines valeurs dans son travail, car elles sont constitutives de sa propre valeur de personnel hospitalier. »


Long PHAM QUANG

Responsable pédagogique AP-HP
Docteur en sciences de l’éducation

(1) À paraître début 2017 aux éditions L’Harmattan, Émotions et apprentissages, propositions théoriques et méthodologiques

Soin et T2A : Retrouver l’équilibre vertueux

Le 25 mai 2016 est paru le rapport d’étape sur la T2A, fruit du travail d’une commission animée par O. Veran

La ministre a demandé cette étude (le premier bilan après 10 années d’application de la T2A) afin de réfléchir à des modes de financement plus médicalisés, « plus sensibles aux spécificités des différents types de soins dispensés à l’hôpital » avec la demande de l’examen avec une attention particulière de la « piste d’une dotation modulée ».

Le rapport définitif n’est pas paru, mais d’emblée, avec ce rapport d’étape, O. Veran a l’ambition de pouvoir mettre en débat certaines de ces mesures au sein des territoires et de pouvoir rendre possibles certaines autres à l’occasion de la discussion du budget de la sécurité sociale

Nous en avons fait une analyse critique ; la situation de des odontologistes des hôpitaux illustre parfaitement cette grande faille de la T2A qui est la non prise en compte d’actes spécifiquement de service public et hospitaliers

La T2A a fini par asphyxier certains services rendus à la population par un formatage rigidifié de la prise en charge en laissant peu de place à l’individualité de la personne usagère de l’hôpital ou aux besoins spécifiques de prise en charge, d’innovation et de recherche clinique.

Comment construire ?
En se recentrant sur le soin et le service public.
En se donnant les moyens de soigner correctement une population, on prend un seul risque : celui de disposer d’une population en bonne santé.
Comment équilibrer nos dépenses ? En changeant le management actuel, pour un management s’appuyant sur la professionnalité et la responsabilisation, à l’instart des « magnet-hospital ».
Nous devons quitter la posture de spectateurs et construire, autour de nous, en participant à la vie de l’hôpital, en échangeant, en nous investissant... en nous syndiquant ?

Références
(1) http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/hegp_-_synthese_et_recommandations.pdfhttp://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/hegp_-_ synthese_et_recommandations.pdf
(2) Déclinaison du plan d’action du directoire de l’APHP visant à prévenir les situations individuelles complexes concernant le personnel médical.
(3) http://strategique-sante.fr/wp-content/uploads/2016/05/rapport-detape-T2A.pdf

PMSI T2A : Efficience sans science... ni conscience ?

Quelques réflexions autour du rapport d’étape de la mission* sur L’EVOLUTION DU MODE DE FINANCEMENT DES ETABLISSEMENTS DE SANTE, animée par Dr Olivier VERAN rendu public le 26 mai 2016.

Annie SERFATY, Médecin de santé publique, Médecin Département d’Information Médicale, Groupe Hospitalier Trousseau la Roche Guyon.

Ce rapport fait état des modalités de financement actuel des établissements de santé avec la mise en place de la tarification à l’activité en 2004 et ses effets délétères sur la qualité de la prise en charge du patient et de son parcours de soins conditionnés à la politique de l’efficience financière.

Si la T2A, l’un des modes principaux de financement des établissements de santé en court séjour (médecine, chirurgie, obstétrique odontologie), a permis une répartition plus équitable du financement des établissements selon leur productivité et une régulation en partie des dépenses de santé, elle participe d’une homogénéisation de certaines prises en charge, insuffisante pour répondre aux besoins de la population.

La mise en place du PMSI avec la T2A en 2004, a été un des leviers importants de responsabilisation des acteurs au budget de leur hôpital. Cependant, l’organisation de l’économie interne d’un établissement de santé par la T2A fait oublier la place du patient, son parcours de soins et la qualité de la prise en charge.
• En effet, la T2A a fini par asphyxier certains services rendus à la population par un formatage rigidifié de la prise en charge en laissant peu de place à l’individualité de la personne usagère de l’hôpital ou aux besoins spécifiques de prise en charge, d’innovation et de recherche clinique.
• Les soins de prévention, comme la prévention de la dénutrition, ou encore des carences vitaminiques, de la déshydratation ne peuvent être comptabilisés : ils sont effectués pour le patient au détriment des moyens que peuvent mobiliser les services du soin.       

A l’ère de la démocratie sanitaire avec le respect des droits des usagers ; notamment, information des personnes hospitalisées, codécision dans la démarche de prise en charge, la rentabilité imposée aux établissements de santé est en contradiction avec l’approche du patient au centre du système de santé et certaines politiques de santé.

Quant à la production du PMSI, c’est une activité socle pour un établissement de santé depuis la T2A, et bien plus que pour décrire l’activité de l’hôpital ; elle est sommée d’être valorisante à tout prix pour une efficience à tout prix du système hospitalier.

Il serait pourtant dommageable de négliger l’importance de la description fiable de l’activité des établissements de santé, dans une démarche d’action collective impliquant l’ensemble des acteurs de l’hôpital. La production de l’information médicale, avec des systèmes d’information hospitaliers de plus en plus complexes nécessite une assurance qualité du recueil des données à toutes les étapes du parcours du patient.

* Mission confiée par la ministre des Affaires Sociales et de la Santé sur le mode de financement des hôpitaux en novembre 2015

La rentabilité imposée aux établissements de santé est en contradiction avec l’approche du patient au centre du système de santé...

Absence de T2A ou d’actes CCAM pour certaines activités d’odontologie en consultation externe !

Nos activités hospitalières en odontologie répondent au double critère de ne pas être assurées (ou de n’être assurées que très accessoirement) en cabinet de ville et d’être coûteuses en personnel et en consommables. Des activités lourdes sont effectuées essentiellement en activité externe (rôle de recours et rôle social des établissements de santé), donc sans valorisation par la T2A.

Nous militons pour que soient reconnues et promues des activités « de service public » au profit de certaines catégories de patients :
• Soins dentaires aux patients en institution (patients âgés de GIR 1 et 2, institutions psychiatriques, MAS, instituts handicap ou associations). Les difficultés de prises en charge de ces patients sont évidentes.
• Soins de support pour des patients atteints d'un cancer touchant la sphère oro-faciale.
• Soins dentaires aux patients avec multiples facteurs de comorbidité ;

Les patients sous immunosuppresseurs et polymédiqués (anticoagulants, antiagrégants plaquettaires, antihypertenseurs, diurétiques...) posent des difficultés de prise en charge avec des risques infectieux majeurs, des précautions particulières lors des anesthésies locale, etc., et l’impossibilité de modifier leurs traitements généraux. Il n’y a pas de code CCAM particulier pour la prise en charge de ces patients, dont les actes sont codifiés de façon identique.

Pour certaines pratiques, le surcoût par rapport aux actes de la nomenclature n’est actuellement pas financé ; c’est le cas de la sédation consciente.
La prise en charge des patients phobiques, mentalement déficients ou présentant des comportements interférant avec le bon déroulement des soins, à l’aide de la sédation consciente se développe régulièrement (MEOPA).
• Elle permet une alternative particulièrement intéressante à l’anesthésie générale et, de ce fait, participe à la diminution des risques opératoires.
• La sédation est souvent une alternative à l’anesthésie générale et elle s’effectue en ambulatoire.
• Elle nécessite un plateau technique particulier en matériel. Le temps de prise en charge de chaque patient est plus long que pour une procédure conventionnelle (5 min d’induction, 5 min de récupération et des soins plus longs du fait des contraintes techniques.

Le surcoût d’une telle procédure reste non négligeable puisqu’il est actuellement évalué à 75 euros par patient (gaz et matériel spécifique), sans pouvoir appliquer une cotation adaptée.


Dr Eric GERARD
Odontologiste des hôpitaux
Président du Syndicat National des Odontologistes des Hôpitaux Publics (SNOHP)
[email protected]

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH9

Publié le 1653978488000