Dis doc, t’as ton doc ?

Publié le 11 May 2022 à 12:58


H a demandé à des internes s’ils avaient un médecin traitant...

Le rythme est tellement intense que je ne prends pas le temps de me préoccuper de ma santé. Je n’ai que les repos de garde pour des éventuelles consultations et ce n’est pas ma priorité. Pour des petits soucis, je pratique l’automédication, comme beaucoup. Il m’arrive de demander à des collègues pour une consult’ rapide selon leur spé et vice-versa, il me sollicite aussi. Après, je comprends l’intérêt de cette campagne. En France, nous sommes trop dans une approche de la médecine curative et pas préventive, y compris pour nous-mêmes.

Thomas
Interne ORL, 2ème semestre
Bordeaux

Je n’ai pas de médecin traitant, pour deux raisons : pas de nécessité ressentie et des créneaux horaires incompatibles pour des consultations médicales. Même en anticipant les repos de garde, le planning change très souvent. Idem pour une consultation spécialisée, c’est très difficile à organiser, à la rigueur sur le temps de midi… C’est beaucoup plus facile d’obtenir un coup de pouce par collègues dermato ou ophtalmo.

Adrienne
Interne en santé publique

Présidente de l’association des internes de Bordeaux

Tant que j’étais chez mes parents, j’étais suivi par le médecin traitant de la famille. Depuis, je dois dire que je n’en ressens pas le besoin et je ne suis pas inquiet. En cas de symptômes, je peux avoir recours à l’automédication car nous avons une formation en médecine générale. Sinon, je peux prendre conseil auprès de mes collègues.

Jonathan
Interne en anesthésie-réanimation

Bordeaux

Mon médecin traitant est à Reims alors que je suis à Toulouse depuis un an et demi. C’est vrai qu’en médecine générale, nous bougeons à chacun de nos stages, ce n’est pas facile de trouver du temps pour se faire suivre, en médecine générale comme auprès d’autres spécialistes. Il faut aussi reconnaître que nous avons, à tort, le défaut de croire que nous pouvons nous soigner nous-même puisque nous passons nos journées à soigner les autres.

Loïc
Interne en médecine générale 4ème semestre à Toulouse

Administrateur de l’ISNAR-IMG

J’ai longtemps eu un médecin traitant mais en devenant interne j’ai cessé de le voir à cause de l’éloignement géographique. J’ai aussi recours à l’auto-diagnostic et au diagnostic des confrères que l’on côtoie tous les jours. Immergé dans le système hospitalier du CHU, on a une plus grande facilité d’accès aux experts. Je suis suivi en dermatologie mais le temps manque cruellement et quand mes journées débordent et que le service met la pression, ça me parait impossible de m’absenter pour consulter. Alors je préère vivre avec mes bobos que je prends plus ou moins bien seul en charge.

Pierre
Interne en rhumatologie

Toulouse

J’ai toujours été suivie par un pédiatre puis par un médecin généraliste même si mon père est médecin. Pour des problèmes que j’estime banals, j’ai recours à l’auto diagnostic. Il m’arrive de demander l’expertise de collègues, mais il s’agit toujours de médecins seniors. Finalement, je pense trop peu souvent à faire le point avec des médecins spécialistes et presque jamais avec le médecin traitant.

Thelma
Interne en anesthésie-réanimation

Reims

Une campagne lancée comme une graine que l’on sème. Le Collège français des anesthésistes-réanimateurs (CFAR) est à l’initiative de la campagne de sensibilisation Dis Doc, t’as ton doc ? Le but : faire réagir les professionnels de santé et changer leurs habitudes d’autodiagnostic et d’automédication. « De par notre métier, nous nous occupons tellement des autres que l’on ne pense pas à soi », constate Max-André Doppia, secrétaire général adjoint du CFAR. « Les habitudes sont prises dès les études en médecine, se poursuivent pendant l’internat et se renforcent une fois en poste. 80 % des médecins n’ont pas de médecin traitant ce qui implique un retard dans la prise en charge. Nous ne sommes pas invulnérables », prévient-il. Les étudiants et les internes sont deux publics particulièrement visés par la campagne. « Les jeunes sont soumis à un régime infernal avec des risques réels pour leur santé comme le souligne l’enquête sur la santé mentale », s’inquiète Max-André Doppia. Il reconnaît aussi que le sujet est tabou : « C’est difficile, en tant que médecin, de confier à un collègue son intimité. Alors on se fait soi-même des ordonnances, on prend le conseil entre deux portes de collègues spécialistes… ».

Dr Max-André DOPPIA
Secrétaire Général Adjoint du CFAR

Le CFAR s’est appuyé sur une trentaine de partenaires, relais institutionnels et syndicats dont l’ISNI.
« Nous voulons que chacun puisse s’approprier le message avec la possibilité de personnaliser les posters, de créer des challenges autour de cette thématique ». Des challenges qui trouveront un échopolyglotte puisque les posters ont été traduits en 19 langues après que la campagne ait reçu un prix lors du dernier congrès de l’European Association for Physicians Health (EAPH). Les collègues des pays européens ont souhaité décliner cette campagne pour sensibiliser, eux-aussi, leurs propres professionnels de santé qui auraient, a priori, aussi peu de temps à consacrer à leur propre santé.

Pour suivre la campagne : http://cfar.org/didoc/

Article paru dans la revue “Le magazine de l’InterSyndicale Nationale des Internes” / ISNI N°17

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