De jadis à Naguère : Histoire de la stérilisation en France

Publié le 06 Jul 2022 à 15:13

Quelques dates

L’Histoire de la stérilisation date du temps d’Hippocrate, quand la stérilisation des femmes était recommandée pour prévenir les maladies mentales héréditaires. James Blundell introduit la stérilisation chirurgicale en 1823 pour la prévention des grossesses à haut risque.

Le terme de « stérilisation féminine » apparaît pour la première fois dans une publication de Kocksen en 1878. La première stérilisation chirurgicale par ligature tubaire est pratiquée par Langrenen en 1881.

À propos de la stérilisation à visée contraceptive, une réflexion s’est poursuivie autour des différentes instances professionnelles représentatives depuis les années 90 et il existait une pratique médicalement justifiée mais entachée d’illégalisme. La loi du 29 juillet 1994 stipulait qu’ « il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité thérapeutique pour la personne ». Une enquête « cœliochirurgie gynécologique en France, instantanée 1996 » menée par la Société Française d’endoscopie gynécologique avait pourtant estimé les stérilisations effectuées chaque année en France, cette annéelà, de 30 000 à 40 000 (1).

En 1998, un arrêt de la Cour de Cassation retenait quand même le caractère délictueux de la stérilisation tubaire. La cour rappelait que la ligature des trompes à des fins strictement contraceptives en dehors de toute nécessité thérapeutique était prohibée par le code civil. En juillet 1999, les modifications de l’article 16.3 du code civil rendaient admissible l’atteinte à l’intégrité du corps humain en cas de nécessité médicale (et non plus thérapeutique).

Si la stérilisation contraceptive volontaire n’était pas interdite, elle était considérée par le Conseil de l’Ordre des médecins comme une mutilation (2, 3). Les rapports à l’Académie nationale de médecine et au Conseil national de l’Ordre des médecins en avril 2000 constataient donc que bien qu’elle soit « Théoriquement interdite, [elle n’était] pratiquement jamais condamnée depuis longtemps, mais source d’hésitations, de refus et de craintes bien compréhensibles chez les médecins. ». (Pr Sureau).

Le pas vers la légalisation sera franchi par les députés à l’occasion de la refonte de la loi sur l’avortement et la contraception en 2001. Le sénat était opposé à leur proposition de loi et a cherché à en limiter la portée en établissant des conditions d’accès très restrictives.

La stérilisation féminine devient finalement enfin légale en France, à partir du 4 juillet 2001, en harmonie avec les résolutions du Conseil de l’Europe, pour les patientes majeures en faisant une demande écrite, après un délai de réflexion de 4 mois. À noter que le 14 novembre 1975, le comité des Ministres du Conseil de l’Europe recommandait déjà de rendre la stérilisation chirurgicale accessible en tant que service médical.

Les différentes techniques, quelques dates :
- 1890 : Langren : première ligature tubaire par laparotomie (per césarienne).
- 1929 : Technique de Pomeroy.
- 1962 : Palmer, première ligature tubaire par coelioscopie
- 1970’ : Clips coelioscopiques.
- 2000’ : Essure©

La stérilisation dans le monde
En Belgique, malgré plusieurs propositions de lois, la stérilisation n’est pas reprise dans une législation. Elle est considérée comme du ressort du médecin et non du juge. Le code de déontologie médicale belge (Art.. 54, 16/07/1988) précise que « Bien que le plus souvent bénigne, la stérilisation chirurgicale constitue une intervention lourde de conséquences. Dès lors, le médecin ne peut l'exécuter qu'après avoir informé correctement les conjoints ou partenaires sur son déroulement et ses conséquences. La personne qui subira l'intervention devra pouvoir prendre sa décision librement et l'opposition éventuelle du conjoint ou partenaire sera sans effet. » (4).

Selon les données publiées par les Nations Unies sur les pratiques contraceptives (5), la stérilisation féminine apparaît aujourd'hui comme la méthode de contrôle de la fécondité la plus répandue dans le monde : dans l'ensemble, 17 % des femmes en couple et en âge de procréer (définies généralement comme étant les femmes âgées de 15 à 49 ans) ont été stérilisées pour des raisons médicales ou dans un but contraceptif. Si l'on tient compte uniquement des pays en voie de développement, cette valeur s'élève à 20 %. Dans certains de ces pays, la stérilisation féminine concerne un pourcentage très élevé de femmes (République Dominicaine, 39 % ; Corée, 35 % ; Chine, 34 %). Dans beaucoup de pays africains en revanche, le pourcentage est négligeable - entre 1 et 2 %. En effet, les moyens contraceptifs sont, de manière générale, peu répandus dans cette région du monde (ils ne concernent que 18 % des hommes et des femmes en couple et en âge de procréer). Dans les pays développés, le pourcentage des femmes stérilisées en couple et en âge de procréer est de 8 %, mais dans certains pays comme le Canada ou les Etats-Unis, la stérilisation concerne jusqu'à respectivement 31 % et 23 % de ces femmes.

Et les hommes ?
La vasectomie fut effectuée la première fois aux USA à la fin du 19ème siècle, principalement pour « combattre les problèmes héréditaires » (6). La stérilisation masculine à but contraceptif est beaucoup moins répandue dans le monde : elle ne concerne que 5 % des hommes, mais l'écart de fréquence entre les pays développés et en voie de développement est moins frappant (4 % et 5 % respectivement).

La stérilisation masculine apparaît toutefois mieux acceptée dans certains pays développés, tels que le Royaume-Uni où elle peut atteindre 16 % ! En effet, au Royaume-Uni, la limitation des naissances est influencée par des mouvements néomalthusiens et des mouvances eugénistes. La contraception définitive a été intégrée dans le panel contraceptif dès 1960. Les médecins généralistes ont reçu une incitation financière pour orienter les couples vers la vasectomie plutôt que la ligature tubaire, et aujourd’hui des campagnes de promotion de la vasectomie dans les journaux locaux et dans les stades de football portent leurs fruits (7).

En France, des groupes d'hommes pour la vasectomie se sont formés, comme le Groupe d’Action et de Recherche pour la Contraception masculine (Garcon) ou encore Ardecom (Association pour la Recherche et le Développement de la Contraception Masculine). Ils militent pour faire connaître cette méthode. Alors Messieurs, à quand votre tour ?

Océane PÉCHEUX

Références
1. http://www.avortementancic.net/spip.php?article58
2. Nizard 1974
3. Arnoux 1994
4. Julia Lao, FPS : http://www.femmesprevoyantes.be/wpcontent/uploads/2017/12/Analyse2011-sterilisation.pdf
5. United Nations, Department for Economic and Social Information and Policy Analysis, Population Division, World Contraceptive Use 1994.
6. Br J Urol. 1995 Nov; Ethical issues in male sterilization in developing countries. Cité sur le site http://childfree.moonfruit.fr/).
7. Cours DIU Contraception et Orthogénie, Dr Vigoureux, CHU Nantes.

Article paru dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / AGOF n°23

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