Messages forts pour de nouveaux cieux
Le 9 mars dernier, l’INPH a organisé son colloque qui avait pour thème, « une nouvelle chance pour la santé et l’hôpital public ». Depuis deux ans, les adhérents du syndicat ne s’étaient pas regroupés à cause du COVID et c’est avec joie qu’ils se sont tous retrouvés « en présentiel » dans le bel amphithéâtre clair, aéré, tout moderne de BFM rue de la Glacière à Paris, ce jour-là pour discuter, échanger, plaisanter de visu sur un espoir de retour à une vie plus normale, même si depuis peu de temps l'actualité s'était à nouveau assombrie par la guerre en Ukraine.
Rachel Bocher, présidente de l’INPH, a ouvert cette journée par une présentation des enjeux d’une réforme d’un hôpital « piégé par la rentabilité » lors du nouveau quinquennat qui s’annonçait. Elle a souligné que le début de discussion du Ségur avait avorté du fait du contexte économique, ce qui nécessitait, a-t-elle affirmé, « un engagement conjoint des intersyndicales ». Parmi les dossiers sur le bureau du Président de la République et de son nouveau ministre de la Santé, elle a évoqué l’insuffisance des avancées des attributions des CME ainsi que le caractère décourageant des réformes incessantes des études médicales et des pertes d’étudiants en cours de cursus. Elle a rappelé que la pénurie de médecins atteignait de 15 à 30 % des effectifs, jusqu'à 40 % en radiologie. Elle s’est offusquée du passage de 2000 à 5000 du nombre de praticiens en disponibilité au cours des dernières années. Elle a souligné qu’il fallait valoriser le nécessaire recours aux intérimaires et elle a signalé que l’INPH demandait la parution des décrets d’application de la loi Rist. Enfin, elle a évoqué une négociation du salaire des praticiens contractuels.
Les intervenants à ce colloque, qui avaient tous des expertises reconnues, avaient particulièrement travaillé leurs différents exposés, en se concentrant sur la recherche de solutions, ont pu s’exprimer autour de deux tables rondes. La première sur les sujets financiers, démographiques, et sociaux déterminant l’attractivité de l’hôpital public et la seconde sur les programmes de partis politiques pour l’hôpital 2022-2027, puisque nous étions à la veille des Présidentielles. Les représentants des partis politiques présents se sont montrés à l’écoute les uns des autres et même dans leurs divergences, ils semblaient très conscients et préoccupés de la dégradation de notre système de santé et de l’hôpital public qui en est le socle.
Si nous devons retenir quelques axes de réflexion, une première solution a été avancée par les participants face au malaise des externes lors de la première table ronde : la désignation d’un tuteur pour chaque externe avant le concours national, de façon à aider l’externe à choisir son exercice futur. Une autre mesure, découlant de cette première s’appliquerait aux internes. Ces derniers déplorent ne pas connaître le libéral tout en étant peu attirés vers l’exercice public. Ils sont souvent peu au fait des différentes pratiques possibles et ne veulent plus forcément consacrer le même temps au travail que leurs aînés. Pour les aider, les intervenants ont proposé de concevoir une formation efficace et éclairée au cours du cursus des internes, sur les différentes pratiques possibles (cabinet de groupe, salariat, libéral, etc.).
Par ailleurs, l’insuffisante attractivité des carrières hospitalo-universitaires a aussi été abordée alors que se pose un problème de recrutement universitaire qui n’est pas lié uniquement aux revenus mais à l’accumulation d’un temps administratif, d’un temps universitaire et médical, difficiles à concilier.
Pour les praticiens hospitaliers, certains ont proposé de résoudre le problème de l’attractivité au travers de la reconnaissance d’une valence d’enseignement sans recherche.
En outre, la question des déserts médicaux, a été beaucoup évoquée lors de ce colloque, et fait partie de l’actualité traitée, même si les pouvoirs publics ont refusé toute mesure autoritaire en la matière.
Des intervenants ont proposé de renforcer les dispositifs incitatifs pour tous les médecins. Une solution avancée serait de pénaliser les installations dans des villes qui ont déjà une forte concentration médicale. Une autre serait de faire encadrer les internes en stage en milieu rural par les praticiens hospitaliers et universitaires des CHU, même si ceux-ci sont actuellement débordés. Il a été proposé également d’utiliser la télémédecine comme un support. Enfin, un dernier axe de propositions était de développer les centres de santé municipaux, départementaux, régionaux, afin de proposer un exercice salarié et non pas uniquement libéral.
Les intervenants sont tombés d’accord pour souligner qu’une grande part de la souffrance des professionnels est liée au manque d’effectifs et que si le secteur public n’arrive pas à recruter, c’est à cause d’un manque de moyens financiers et structurels. On peut imaginer que si l’on a une politique nationale qui donne plus de moyens et qui les cible, cela ira mieux, ont-ils souligné. L’hôpital public manque à ce point d’effectifs, qu’il est parfois confronté à des situations difficiles. Un intervenant, qui réclamait plus de moyens financiers, a déclaré que c’était très compliqué de prendre le risque d’un départ en cas de manque de personnel.
Une autre proposition pour améliorer la situation hospitalière, était la refonte du code des marchés publics pour accroitre la rapidité et l’efficacité, de la participation des institutions locales et du privé. Dans un même ordre d’idées, l’un des intervenants a proposé d’intégrer des managers médicaux à la gouvernance des hôpitaux pour rendre celleci plus participative et plus proche des réalités du terrain.
Dans la seconde table ronde qui portait sur les programmes des partis politiques, il a été rappelé que la France avait un budget santé prévention inférieur à la moyenne de l’OCDE et une espérance de vie en bonne santé de 10 ans inférieure à celle de la Suède.
Des propositions faites par les intervenants politiques, nous avons retenu les sept plus marquantes :
1. Confier les missions de prévention, dont la médecine scolaire, aux départements.
2. Sortir du modèle de l’hôpital entreprise.
3. Réserver la T2A aux actes normalisés, ce qui nécessiterait une dotation globale avec modulation à l’activité.
4. Redonner du sens dans le soin, en redonnant le temps nécessaire, ce qui repose sur une adéquation du nombre de soignants pour la quantité de soins à prodiguer.
5. Revoir le budget de la psychiatrie et particulièrement de la pédopsychiatrie.
6. Reprendre immédiatement et entièrement la dette de l’hôpital.
7. Placer le patient en co-gestionnaire de l’hôpital.
Certains intervenants politiques ont souligné la nécessité d’une embauche massive de paramédicaux avec alignement sur la moyenne de l’OCDE. Pour avoir une embauche possible de jeunes praticiens, de façon à être concurrentiel avec le secteur privé, ils ont suggéré de fusionner les 6 premiers échelons pour les PH engagés et de revoir la rétroactivité pour les autres.
Le problème de la fermeture des maternités a également été abordé. Constat a été fait que ces fermetures interviennent surtout en raison du manque de sages-femmes qui sont en sous-effectif notoire. Sur ce sujet précis, ce qui est un problème en métropole, devient un sujet dramatique dans les DOM-TOM. Il faut donc revoir les ratios de sages-femmes en maternité et surtout revaloriser leurs salaires et de leur permettre d’évoluer vers un statut de PH.
Enfin, la question de la sécurité sociale a naturellement été abordée ainsi que celle de l’AME. Le projet de grande sécurité sociale est-il réellement envisagé ?
Sur ce sujet, les différents partis politiques ont bien entendu des divergences.
En tout cas, ce sujet pourrait valoir un débat national… ce qui n’a malheureusement pas été au cœur de la grande campagne bi-électorale qui vient de se dérouler, alors que de véritables états généraux de la santé sont plus que nécessaires.
Michèle AKIERMAN
Secrétaire Générale du SyNPH
PH temps partiel Radiologue
CH de Rambouillet
Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°24