L’une des principales complications liées à l’incision chirurgicale est l’éventration postopératoire. Elle correspond à une déhiscence pariétale acquise du plan musculoaponévrotique abdominal à travers laquelle le péritoine peut s’extérioriser formant le sac herniaire avec du contenu intra-abdominal.
La prévalence des éventrations après laparotomie médiane s’élève à 12,8 %1 à environ 2 ans de la chirurgie avec une indication opératoire dans 30 % des cas.
La récidive est fréquente et survient dans 23 à 50 % des cas2,3 avec un risque de complication croissant à chaque ré-intervention.
Le coût lié à la prise en charge des éventrations est non négligeable. Une revue de la littérature publiée en 2016 a montré qu’une réduction de 5 % du taux d’éventration permettrait une économie nationale de 4 millions d’euros.
Les principaux facteurs de risques identifiés4 peuvent être liés au patient (âge élevé, surpoids, tabagisme, diabète), au contexte opératoire (maladie anévrysmale, contamination/ infection du site opératoire, chirurgie urgente, efforts abdominaux postopératoire) ou à la technique chirurgicale (incision médiane, méthode de fermeture).
Cet article a pour objectif de rapporter les recommandations concernant la fermeture pariétale optimale en se basant sur les guidelines publiés en 2022 de la European and American Hernia Societies.
Pour rappel, il est recommandé de privilégier la chirurgie laparoscopique à la chirurgie ouverte dès que cela est possible. Il est par ailleurs recommander une fermeture de l’orifice de trocart s’il est > 10 mm, en position ombilical ou unique.
Il est désormais bien démontré que la laparotomie médiane est la voix d’abord la plus à risque d’éventration5 y compris dans le cas de mini laparotomie pour extraction de pièce opératoire en chirurgie laparoscopique6, 7, 8.
Stratégie de fermeture
Une méta analyse publiée en 20179 comparant la fermeture par surjet continu versus points séparés n’a pas montré de différence significative sur l’incidence des éviscérations ou éventrations postopératoires ni sur les infections du site opératoire.
Dans ce contexte, il est légitime de proposer une fermeture par suture continue en raison de la rapidité de fermeture et d’une tension également répartie sur l’ensemble de la suture avec un nombre de corps étranger moindre.
Les études ont montré qu’il était préférable de réaliser de petites prises, sans tension, sur l’aponévrose de 5 à 9 mm de part et d’autre de l’incision et d’espacer chaque prise de 5mm afin d’obtenir un rapport longueur de fil utilisé/longueur de l’incision de 4:110, 11, 12.
Concernant le choix du fil, il n’existe pas de différence significative entre les différents types de fils, il semblerait que le fil antimicrobien serait largement utilisé pour réduire le risque d’infection du site opératoire mais les études récentes sont controversées.
Deux paramètres sont à prendre en compte dans le choix du fils de suture, notamment la résistance du fils à la tension et son délai de résorption.
Les multifilaments à résorption rapide perdent 75 % de leur force à partir de 4 semaines et se résorbent en 8-10 semaines tandis que les monofilaments à résorption lente conservent presque 50 % de leur force initiale à 6 semaines et se résorbent 6-8 mois13.
Ces délais sont à prendre en compte car il faut environ 2 mois à une aponévrose pour retrouver 50 % de sa force initiale.
Pour conclure sur le choix du matériel, les recommandations actuelles préconisent une suture continue de fil lentement résorbable en réalisant de petit pas malgré le niveau de preuve faible des études à ce sujet.
Dans la plupart des études un fils de suture de petite taille de type 2-0 était utilisé.
Il est a noté que ces recommandations ne s’appliquent pas aux laparotomies réalisées en urgence, aux patients obèses, des incisions autre que médiane ou dans le cadre de réparation d’une eventration.
Non résorbable Polypropylène (Prolène®) Polyesthers (Dacron®) Nylon (Ethilon®) Résorbable Monobrin Perte de résistance à 3 semaines Résorption complète Polydioxanone (PDS®) 15% 180 jours Polygluconate (Maxon®, Monosyn®) 50% 90 jours Polyglécaprone (Monocryl®) 80% 119 jours Multibrin tressé Polyglactine (Vicryl®) 50% 70 jours
Tableau 1 . Les principaux types de fils de suture synthétiques
Place des prothèses prophylactiques
Plusieurs méta analyses14, 15 ont montré le bénéfice d’une prothèse prophylactiques chez les patients à risque y compris dans le cadre de l’urgence16. Les principaux risques identifiés dans les études sont l’obésité et la chirurgie anévrysmale17, 18.
Il semblerait que la mise en place de prothèse prophylactiques chez les patients à risque diminuerait le risque d’éventration sans augmentation significative des douleurs ou des infections de prothèse. De plus, une étude américaine19 publiée en 2015 a montré une réduction en termes de coût de l’utilisation des prothèses.
Il existe peu d’étude comparant les différents types de prothèse mais les études comparant l’utilisation de prothèses synthétique non résorbables à une suture simple ont montré une réduction significative de l’incidence des éventrations20.
En conclusion, la stratégie de fermeture est à adapter à chaque patient. Il existe néanmoins des recommandations bien établies.
Certaines études ont développés des scores permettant d’estimer le risque d’éventration de chaque patient. De nombreuses études sont encore en cours afin de préciser ces recommandations et d’augmenter leur puissance.
Solène LACAILLE
Interne au CHU de Rouen
Dr KHALIL
Praticien Hospitalier du CHU de Rouen
Références