Cardiopédiatrie - Communication inter-auriculaire

Publié le 06 May 2024 à 14:43
Article paru dans la revue « CCF / Journal des Cardiologues en Formation » / CCF N°20


Généralités

Introduction

La communication inter-auriculaire (CIA) est l’une des malformations cardiaques les plus courantes. Elle inclue plusieurs types de communications, à l’origine de shunt entre la circulation systémique et pulmonaire. La bonne connaissance de l’anatomie de ces anomalies, de leurs lésions associées, de leur physiologie, de leur évolution naturelle et de leurs traitements est indispensable à la bonne prise en charge de ces patients. Nous résumerons ici les principaux éléments essentiels à la bonne compréhension de cette maladie en ne nous concentrant que sur la CIA et sans traiter de la prise en charge du foramen ovale perméable.

Épidémiologie et contexte 

La CIA concerne 6 à 8 % des malformations congénitales cardiaques. L’incidence est estimée à environ 100/100 000 patients, mais ce chiffre est probablement sous-estimé en raison de la nature fréquemment asymptomatique de la maladie (1). Il existe une prépondérance féminine avec un sexe ratio femme/homme à 2-4/1 pour les CIA de type ostium secundum, mais à 1 pour les CIA de type sinus venosus ou ostium primum (2, 3).

Embryologie

Le schéma ci-dessous résume les principales étapes de la septation atriale. Ce processus nécessite dans un premier temps le développement du septum primum (fine membrane) en provenance de la partie haute et postérieure de l’oreillette primitive qui comblera l’ostium primum situé en bas et en avant. L’ostium secundum se formera dans un deuxième temps par apoptose de la partie haute et postérieure du septum primum et sera comblé par le septum secundum (membrane plus épaisse). Les modifications hémodynamiques à la naissance contribueront à venir plaquer le septum primum sur le septum secundum (élévation de la pression dans l’oreillette gauche). Cependant, le foramen ovale peut rester perméable à l’origine d’un passage de sang entre le septum primum et le septum secundum.

Anatomie

La CIA de type ostium secundum (80 % des CIA) est liée à une déhiscence du septum primum, et peut parfois présenter de multiples perforations. Elle est située dans la portion centrale du septum inter-auriculaire. Elle est donc en théorie à distance des valves auriculo-ventriculaires et des veines caves même si elle peut parfois s’étendre dans toutes les directions de l’espace.

La CIA de type ostium primum (15 %) est située au contact des valves auriculo-ventriculaire. Elle s’intègre le plus souvent dans un groupe de malformation plus complexe appelé canal atrio-ventriculaire.

La CIA de type sinus venosus supérieur (5 %) est liée à une incorporation anormale des parois de la veine pulmonaire supérieure droite dans la veine cave supérieure, à l’origine d’une communication entre les 2 vaisseaux. La veine cave supérieure est à cheval sur le défect et la CIA est située au-dessus du septum secundum. Un retour veineux pulmonaire anormal (RVPA) partiel droit est donc très fréquemment associé, pouvant impliquer plusieurs veines pulmonaires avec une hauteur d’abouchement variable dans la veine cave supérieure.

La CIA de type sinus venosus inférieur (<1 %) est une CIA située en bas et en arrière du septum inter-atrial.

La CIA de type sinus coronaire est une communication inter-atriale située à l’abouchement du sinus coronaire dans l’oreillette gauche. Elle est rarement isolée et s’associe très fréquemment à une veine cave supérieure gauche. Enfin, elle peut être associée à une déhiscence partielle ou totale du toit du sinus coronaire qui fait donc communiquer librement le sinus coronaire et l’oreillette gauche, à l’origine d’une désaturation par shunt droite – gauche ou shunt croisé. Lorsqu’il existe une déhiscence ainsi qu’une veine cave supérieure gauche abouchée au sinus coronaire, l’injection de produit de contraste dans une veine du bras gauche permettra le plus souvent de faire de diagnostic avec fuite de produit de contraste au sein de l’oreillette gauche.

A : Vue atriale droite, CIA de type ostium primum (ASD 1°), ostium secundum (ASD 2°), et sinus venosus supérieur et inférieur.
B : Déhiscence partielle du toit du sinus coronaire associée à une veine cave supérieure gauche.
C : Déhiscence totale du toit du sinus coronaire associée à une veine cave supérieure gauche. Il existe une large CIA à l’ostium du sinus coronaire (Syndrome de Raghib) (4).

Anomalies associées et formes syndromiques

La CIA peut être isolée, ou s’associer à d’autres lésions comme une sténose pulmonaire, une valvulopathie tricuspide ou mitrale, la persistance d’une veine cave supérieure gauche et un retour veineux pulmonaire anormal. Ces associations compliquent la stratégie de prise en charge. Pour plus de facilité, nous aborderons ici uniquement les CIA isolées.

La plupart des CIA ont un caractère sporadique, mais chez environ un tiers des enfants affectés, cette malformation s’intégrera dans des syndromes héréditaires dont le plus caractéristique est le syndrome de Holt-Oram (mutation du gène TBX5) associant CIA ostium secundum, troubles conductifs et des anomalies de développement des membres supérieurs (2, 5, 6). De façon générale, le risque de malformation cardiaque chez un enfant de mère atteinte d’une CIA isolée devient alors plus élevé qu’en population générale (risque de 8 à 10 %) (7).

Physiologie du shunt

L’importance du shunt dépendra du rapport de compliance des deux ventricules, du rapport de pression entre les deux oreillettes ainsi que de la taille du défect. Lorsque le défect est de grande taille, la pressions des oreillettes est équilibrée et le sens du shunt est uniquement déterminé par le rapport des compliances ventriculaires. Le ventricule droit étant plus compliant que le ventricule gauche, la plupart des situations donneront lieu à un shunt gauche - droite à l’origine d’une surcharge volumique (surcharge diastolique) des cavités droites et donc d’une dilatation de celles-ci. Dans ces conditions, le débit pulmonaire sera donc majoré puisqu’il comprendra le débit systémique et le débit à travers le shunt. Dans le cadre d’une CIA isolée, l’hyperdébit pulmonaire entraînera dans sa phase initiale et selon la loi de Poiseuille, une élévation des pressions pulmonaires avec des résistances pulmonaires basses. L’hyperdébit pulmonaire significatif et persistant pourra à terme altérer le lit vasculaire pulmonaire se traduisant par une élévation progressive des résistances vasculaires pulmonaires et donc une hypertension pulmonaire pré-capillaire plus ou moins fixée ayant pour conséquence une baisse progressive du débit trans-pulmonaire. L’hypertension pulmonaire chronique participera à la dégradation de la fonction du ventricule droit. L’altération de la compliance ventriculaire droite aboutira progressivement à la diminution du shunt gauche - droite puis dans les cas les plus sévères, à une inversion du shunt à l’effort puis au repos à l’origine d’une cyanose (syndrome d’Einsenmenger).

L’altération de la compliance ventriculaire gauche (hypertension artérielle, cardiopathie ischémique, cardiomyopathie ventriculaire gauche, valvulopathie aortique ou mitrale) aura pour conséquence une majoration du shunt gauche - droite. À l’inverse, une réduction de la compliance ventriculaire droite (hypertension artérielle pulmonaire, valvulopathie pulmonaire ou tricuspide, pathologies du cœur droit) diminuera le shunt gauche - droite voire dans les cas les plus sévères, pourra inverser le sens du shunt, donnant lieu à de la désaturation (8).

Diagnostic
Clinique et histoire naturelle

Le foramen ovale doit se fermer à la naissance. Cependant, il peut persister à l’âge adulte dans environ 25 % des cas.

Chez les enfants, la CIA isolée est fréquemment asymptomatique même si des symptômes pourront être présents en cas de large shunt (dyspnée, infections pulmonaires à répétition, insuffisance cardiaque droite, retard de croissance). Le diagnostic pourra se faire à l’occasion d’une évaluation dans le cadre d’un souffle systolique au foyer pulmonaire à l’auscultation cardiaque (gradient d’hyperdébit pulmonaire) et parfois un dédoublement de B2 fixe, traduisant le retard de fermeture de la valve pulmonaire par rapport à la valve aortique secondaire à l’hyperdébit pulmonaire.

À l’âge adulte, il pourra se développer des symptômes, le plus souvent après l’âge de 40 ans même ceux-ci pourront survenir plus précocement dans le cadre de shunts importants. Ces symptômes pourront être en lien avec la surcharge en volume des cavités droites et des poumons (baisse des capacités fonctionnelles, dyspnée) ou lié à l’apparition de complications rythmiques secondaires à la dilatation atriale droite par la surcharge en volume et en pression (palpitations) (9, 10).

À un stade plus évolué, une maladie du lit vasculaire pulmonaire pourra apparaître et semble plus fréquent chez la femme que chez l’homme, allant jusqu’à 10 à 14 % des cas (3, 11–13). Chez certains patients, comme chez les patients atteints de trisomie 21, cette atteinte sera parfois plus rapide, suggérant un mécanisme plurifactoriel (14). La symptomatologie sera celle de l’hypertension artérielle pulmonaire voire de la dysfonction ventriculaire droite diastolique (plus précoce et parfois dissociée du niveau de pression pulmonaire) puis systolique et dans les cas extrêmes, l’apparition d’une cyanose par inversion du shunt (syndrome d’Einsenmenger). Enfin la symptomatologie peut être celle compliquant des emboles systémiques secondaire à des emboles paradoxaux ou à la formation de thrombus atrial gauche dans les formes compliquées d’arythmie supra-ventriculaire.

Pour toutes ces raisons, il a été montré qu’il existait un surrisque de morbi-mortalité en l’absence de fermeture (15). La fermeture du shunt bénéficie d’autant plus au patient que celui-ci est jeune (16).

Examens complémentaires

L’électrocardiogramme retrouvera typiquement un axe droit avec un bloc de branche droite. Plus tardivement apparaîtra une hypertrophie auriculaire et ventriculaire droite. Il faudra être attentif à l’existence de troubles conductifs et notamment de bloc atrio-ventriculaire (BAV) de premier degré où la CIA s’inscrira plus souvent dans un contexte familial en lien avec une mutation NKX 2.5.

La radiographie pulmonaire peut révéler, dans les shunt gauche - droite significatifs, une surcharge volumique des cavités droites avec une cardiomégalie et/ou une hypervascularisation pulmonaire. A contrario, les formes compliquées d’hypertension pulmonaire sévère se traduiront par une hyperclarté des champs pulmonaires (hypovascularisation pulmonaire) et une saillie des artères pulmonaires.

L’échocardiographie transthoracique (ETT) constitue la pierre angulaire du diagnostic permettant à la fois le diagnostic positif mais également l’étude du volume et de la fonction des cavités droites, la recherche d’HTAP ou de lésions associées. L’évaluation du Qp/Qs est cependant peu fiable en échocardiographie. La dilatation des cavités droites sera souvent le point d’appel en échocardiographie et nécessitera l’étude du septum inter-atrial. L’échocardiographie transœsophagienne (ETO) aura un intérêt en cas de mauvaise échogénicité en ETT, mais également pour préciser l’anatomie du défect atrial. L’étude de l’anatomie (taille, forme, berges) de ce défect est fondamentale dans les CIA de type ostium secundum afin d’étudier la faisabilité d’une procédure de fermeture percutané, et nécessitera donc, en cas de mauvaise échogénicité en ETT, la réalisation d’une ETO. L’apport de la technique 3D et de la technique du multiplan en ETO permettront de préciser l’anatomie de l’orifice et ses rapports avec structures avoisinantes. Elle permettra également de rechercher un orifice multi-perforé ou un anévrisme du septum inter-atrial, éléments essentiels à connaître pour adapter au mieux la procédure de fermeture percutanée.

L’IRM cardiaque n’est pas indispensable mais est devenue essentielle pour l’évaluation de la fonction et du volume des cavités droites, ainsi que du rapport Qp/ Qs (Débit pulmonaire/Débit systémique). Elle pourra également, mais dans une moindre mesure que le scanner cardiaque, étudier l’anatomie des défects et d’identifier d’éventuels retour veineux pulmonaire anormaux partiels associés.

Le cathétérisme cardiaque peut être proposé dans les cas de suspicion d’élévation des pressions pulmonaires en échocardiographie (PAPS > 40 mmHg en ETT ou mesure non réalisable mais avec des signes indirects d’élévation des pressions pulmonaires).

Chez les patients atteints d’une hypertension artérielle pulmonaire, un test d’effort avec mesure de la saturation peut mettre en évidence une désaturation à l’effort secondaire à une inversion du sens du shunt à l’effort. L’épreuve d’effort avec étude des échanges gazeux permettra dans certaines situations de préciser le retentissement fonctionnel de la maladie.

Patient de 39 ans, CIA isolée ostium secundum. Défect estimé en ETT à 16 x 13 mm avec de beaux rebords en dehors d’un faible rebord rétroaortique, cavités droites dilatées en ETT en coupe parasternale petit axe (A) et apicale 4 cavités (B). IRM cardiaque retrouvant un VD à 133 ml/m² pour un VG à 70 ml/m² avec un Qp/Qs estimé à 1,8 sans anomalie des retours veineux pulmonaires associée (C). ETO avec apport de l’imagerie multiplan et 3D permettant de préciser l’anatomie  : orifice oblongue de 19 x 11 mm avec très peu de rebord rétro-aortique (D, E, F).

Traitement

Indications de fermeture

Le tableau ci-dessous résume les recommandations européennes et américaines concernant les indications et contre-indications de fermeture des CIA. L’indication de fermeture repose sur la surcharge en volume des cavités droites et notamment l’étude du Qp/Qs. Les contre-indications reposent sur le niveau de pression et de résistance pulmonaire. Les recommandations américaines sont dans l’esprit très proches des recommandations européennes, même si elles font intervenir la notion de rapport entre les pressions pulmonaires et systémiques ou de rapport entre les résistances pulmonaires et systémiques (17–19). Ainsi, l’évaluation préalable du niveau de résistance pulmonaire n’est pas obligatoire et ne nécessitera donc pas systématiquement l’étude de la consommation d’oxygène au préalable de la fermeture, ce qui en facilite l’applicabilité en pratique courante.

Indication de fermeture Grade I Grade II Grade III
ESC Guidelines (2020) Surcharge des cavités droites et RVP < 3 UW en l’absence de pathologie du ventricule gauche Qp/Qs > 1,5 et RVP 3-5 UW (Grade IIA) Qp/Qs > 1,5 avec RVP initiales > 5 UW puis < 5 UW après traitement médical (Grade IIB) Enseinmenger ou RVP > 5 UW mais après traitement médical ou désaturation à l’exercice
AHA/ACC Guidelines (2018) Qp/Qs > 1,5 et symptômes en lien avec une surcharge des cavités droites, sans cyanose avec PAPS/ PAS < 1/2 et/ou RVP/RVS < 1/3 Qp/Qs > 1,5 sans symptôme sans cyanose avec PAPS/PAS < 1/2 et/ou RVP/RVS < 1/3 (Grade IIA) / PAPS/PAS entre 1/2 et 2/3 ou RVP/RVS entre 1/3 et 2/3 (Grade IIB) Enseinmenger ou PAPS/PAS > 2/3 ou RVP/RVS > 2/3

Qp/Qs : Ratio débit pulmonaire sur systémique, PAS : Pression artérielle systémique, PAPS : Pression artérielle pulmonaire. RVP : Résistances vasculaires pulmonaires, RVS : Résistances vasculaires systémiques, UW : Unités Wood.

En cas d’élévation des pressions pulmonaires (> 40 mmHg), un cathétérisme avec étude des résistances pulmonaires est indiqué (étude de la consommation d’oxygène). En cas de résistances vasculaires pulmonaires (RVP) < 5 UW, il a été montré que la fermeture du shunt était sûre et à l’origine d’une baisse du niveau de pression pulmonaire et une amélioration des symptômes (20). Une fermeture complète du shunt à des valeurs supérieures à ce seuil semble au contraire altérer le pronostic des malades (12, 21). Chez ces patients, il existe cependant une place pour la stratégie « treat and repair » consistant à administrer des vasodilatateurs pulmonaires puis réévaluer la situation hémodynamique et proposer une fermeture partielle ou totale en cas de baisse RVP < 5 UW sous traitement médical. C’est pourquoi les recommandations européennes préconisent une fermeture du shunt en cas de surcharge des cavités droites associée à des RVP < 3 UW (Grade I) ou en cas de shunt significatif (Qp/Qs > 1,5) associé à des RVP entre 3 et 5 UW (Grade IIa). En cas de RVP > 5 UW et de shunt significatif (Qp/ Qs > 1,5), l’utilisation de traitements antihypertenseurs pulmonaires pourra dans certains cas permettre d’améliorer les résistances pulmonaires (RVP < 5 UW) et d’autoriser la fermeture du shunt (Grade IIb). Le shunt droite – gauche au repos (physiologie de type Einsenmenger) ou à l’effort (désaturation à l’effort) et enfin l’absence de baisse des RVP sous le seuil de 5 UW malgré l’utilisation de traitements anti-hypertenseurs pulmonaires sont des contre-indications à la fermeture du shunt. En effet, le shunt droite – gauche sert dans ces cas de décharge en pression des cavités droites et de précharge des cavités gauches au prix de l’apparition d’une cyanose.

Il est recommandé de dépister les arythmies supra-ventriculaires afin de proposer une procédure de Maze chirurgical durant la fermeture chirurgicale ou une ablation de flutter / fibrillation atrial au préalable d’une fermeture percutané. En effet, l’accès à l’oreillette gauche par cathétérisme cardiaque sera restreint après la mise en place d’une prothèse percutanée. Il existe dans les recommandations européenne une place pour la fermeture du shunt en cas d’embolie paradoxale suspectée (Grade IIa) (19).

En cas de dysfonction ventriculaire gauche associée, il faudra s’assurer, avant la fermeture du shunt, de la bonne tolérance hémodynamique par la réalisation d’un test d’occlusion au ballon, afin de vérifier l’absence d’augmentation significative de la pression dans les cavités gauches après fermeture. La fermeture du shunt dans certaines de ces situations pourra en effet avoir pour conséquence une aggravation des symptômes et du pronostic (22). Dans les situations intermédiaires, il pourra être proposé la fermeture du shunt par une prothèse fenestrée, limitant le shunt sans totalement le fermer (19).

Âge de fermeture

Lorsque la CIA sera découverte précocement dans l’enfance, on préférera fermer le shunt vers l’âge de 6 à 7 ans (âge préscolaire) pour ne pas perturber la scolarité.

Chez l’adulte, le meilleur délai pour la réalisation de la fermeture du shunt est avant l’âge de 25 ans (16, 23). La fermeture après l’âge de 40 ans n’influencera pas le développement d’arythmie supra-ventriculaire (40-60 % dans le suivi). Cependant, il sera toujours bénéfique de fermer le shunt d’un point de vue de la morbidité cardiaque (capacité fonctionnelle, dyspnée, dysfonction ventriculaire droite), d’autant plus en utilisant la méthode percutanée (15).

Technique de fermeture
Technique chirurgicale (possible dans toutes les formes de CIA)

La fermeture chirurgicale est une technique sûre avec une faible mortalité (< 1 % chez les patients sans comorbidité significative) et de bons résultats à long terme lorsqu’elle est pratiquée chez des enfants ou adolescents indemnes d’hypertension pulmonaire significative (PAPS < 40 mmHg) (16,23). Même si cette chirurgie est à faible risque chez les sujets plus âgés, la prise en compte des comorbidités pouvant compromettre la bonne évolution post-opératoire est nécessaire. Le rapport bénéfice/risque doit donc toujours être bien évalué au préalable de cette intervention. L’abord se fait par sternotomie. Pour limiter le préjudice esthétique, la fermeture des CIA de type ostium secundum est possible par thoracotomie bien que rendant le geste plus difficile avec l’apparition plus fréquente de douleur post-opératoire (thoracotomie respectant la silhouette mammaire chez les jeunes filles après la puberté).

La technique chirurgicale est utilisée dans les CIA ostium primum, rarement isolée et souvent associée à des lésions de la jonction atrio-ventriculaire, notamment dans les cardiopathies de type canal atrio-ventriculaire. Le premier temps opératoire consistera donc en une suture de la fente de la valve atrio-ventriculaire gauche en passant par la CIA, avant la fermeture de la CIV et de la CIA.

La chirurgie est également indiquée dans les CIA de type sinus coronaires rarement isolées, et dans les CIA de type sinus venosus avec un degré de complexité variable en fonction du nombre de veine pulmonaire anormale, de la hauteur d’incorporation de celles-ci dans la veine cave supérieure et de leur rapport avec les structures avoisinantes (massif atrial, veine azygos). La chirurgie pourra donc varier selon la conformation anatomique.

Technique percutanée
CIA ostium secundum

Lorsque qu’une indication de fermeture d’une CIA ostium secundum sera retenue, la méthode à privilégier sera la fermeture percutanée si l’anatomie est favorable puisqu’elle a montré, par rapport à la chirurgie, un taux de succès et de mortalité similaire mais avec une diminution de la durée d’hospitalisation et de complications. Cette technique est donc apparue comme une technique sûre avec un taux de complications significatives n’excédant pas 1 % (24, 25). On définit comme une anatomie favorable une CIA possédant des berges d’au moins 5 mm, excepté dans la région rétro-aortique. Plusieurs types de prothèses peuvent être employées (Amplatzer septal occluder, Gore Helix septal occluder, CardioSEAL device, BioSTAR device notamment, …). Les principales complications sont les complications au point de ponction, le développement d’arythmie supra-ventriculaire (souvent transitoire) et des érosions des parois de l’oreillette, de la valve mitrale antérieure ou de l’aorte par effet de cisaillement de la prothèse. Après la mise en place de la prothèse, un traitement par anti-agrégant plaquettaire est conseillé durant au moins 6 mois, le temps de l’endothélisation de celle-ci, en association à une prévention de l’endocardite infectieuse.

Même patient que précédemment avec mise en place d’une prothèse Amplatzer Septal Occluder (A) de 18 mm (donc diamètre total dans l’OG à 32 mm du fait d’un débord de 7 mm dans l’oreillette gauche de part et d’autre de l’orifice à occlure). Le contrôle ETO per-procédural (B) n’est pas toujours réalisé et variera en fonction de l’habitude des équipes.

CIA sinus venosus

Depuis 2020, il est maintenant possible d’aborder le traitement des CIA du sinus venosus supérieur associée à un RVPA supérieur droit dans la veine cave supérieur de manière percutané, lorsque l’anatomie est favorable. Cela est permis par la mise en place d’un stent couvert, permettant de drainer le sang cave supérieur vers l’oreillette droite, tout en laissant le flux des veines pulmonaires droites anormales à travers la CIA en direction de l’oreillette gauche. Cette technique semble être une technique efficace et sûre chez des patients bien sélectionnés (26, 27).

Patient de 25 ans, présentant une CIA du sinus venosus supérieur avec RVPA partiel droit (veine pulmonaire du lobe supérieur droit abouché à la veine cave supérieure en amont de la jonction cavo-atriale et abouchement de la veine pulmonaire du lobe moyen droit à proximité de la CIA). CIA non visualisée en ETT mais uniquement en ETO (A,B). IRM retrouvant un VD 142 ml/m² pour un VG à 68 ml/m² avec Qp/Qs > 2. Prise en charge par cathétérisme interventionnel avec apposition d’un stent couvert de type CP10Z80. Stent bien perméable et apposé dans la veine cave supérieure au contrôle ETT (C), avec dérivation du sang de la veine cave supérieure vers l’oreillette droite (D) et, à la face postérieure du stent, du RVPA vers l’oreillette gauche à travers la CIA (E).

Suivi

Après la fermeture de la CIA, le suivi permettra la recherche d’un shunt résiduel, l’étude des volumes et de la fonction du ventricule droit, l’estimation des pressions pulmonaires, et la recherche d’arythmie supra-ventriculaire (ECG voire Holter ECG). Le risque rythmique après la mise en place d’une prothèse est plus important à la phase précoce de l’intervention. Cependant, ce risque sera présent même à distance de l’intervention après une correction chirurgicale (réalisation d’une atriotomie pourvoyeuse d’arythmie). Les patients jeunes (<25 ans), sans shunt résiduel, sans hypertension pulmonaire, sans arythmie et avec une normalisation de la taille des cavités droites ne nécessiteront pas de suivi régulier. Dans les autres situations, un suivi régulier aura lieu durant les 2 premières années, puis espacé progressivement tous les 3 à 5 ans lors que la situation le permettra (19).

Conclusion

La communication inter-auriculaire est l’une des malformations cardiaques les plus fréquentes. La forme la plus courante consiste en un shunt gauche – droite à l’origine d’une surcharge volumique des cavités droites et d’un hyperdébit pulmonaire. Des symptômes pourront apparaître avec le temps et seront d’autant plus précoce que le shunt sera important. À terme, l’évolution pourra se faire vers une HTAP. Les larges CIA découvertes durant l’enfance seront préférentiellement fermées durant la période préscolaire. Plus tard, la fermeture des shunts significatifs devra préférentiellement se faire chez les patients jeunes et notamment avant l’âge de 25 ans, en s’assurant au préalable de l’absence d’hypertension pulmonaire significative. L’imagerie cardiaque multimodale permet d’affirmer le diagnostic mais également d’évaluer précisément le modèle anatomique et hémodynamique du shunt. On préférera, lorsque cela est possible, la technique de fermeture percutanée dans les CIA ostium secundum. La correction par cathétérisme interventionnel des CIA de type sinus venosus associée à un RVPA partiel est également possible lorsque l’anatomie est favorable. La prise en charge chirurgicale reste bien évidemment une solution de choix pour les autres formes.

Auteur


Dr Valentin BALAND
CHU de Nancy

Relecteur


Dr Gilles BOSSER
CHU de Nancy

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Publié le 1714999433000