CAR-T Cells et Microenvironnement Tumoral - l’importance du dialogue

Publié le 04 Apr 2024 à 14:37
Article paru dans la revue « AIH-Revue Sang » / AIH Sang N°1


Le traitement par CAR-T Cells représente une avancée majeure dans la prise en charge des hémopathies malignes notamment les CAR-T anti-CD-19 qui permettent des taux de réponses importants de lymphomes B déjà lourdement traités1 . Leur efficacité est aussi remarquable dans le traitement lymphomes B en rechute précoce ou réfractaire2 . Cependant, un peu plus de la moitié des patients auront perdu cette réponse au bout de 4 ans.

La prévention des rechutes passe notamment par une meilleure compréhension des mécanismes d’échappement tumoral suivant l’injection des CAR T. Des études ont mis en évidence que seuls deux tiers de l’apoptose tumorale est secondaire à une cytotoxicité directe médiée par les cellules CAR3. Ceci est particulièrement observé pour les CAR-T4+ avec lesquels l’apoptose par action cytolytique directe ne concerne que 20 % de l’apoptose globale dans un modèle murin. Ceci met en évidence une part non négligeable de cytotoxicité indirecte par intervention du microenvironnement tumoral (TME)4, du moins chez la souris.

Le TME médullaire se modifie au cours du traitement par CAR-T, avec une augmentation du nombre de cellules dendritiques, de monocytes, de lymphocytes NK, et de lymphocytes T endogènes. Cette observation est particulièrement marquée lors du traitement par CAR-T4+4. Ces changements sont également qualitatifs avec une surexpression de gènes impliqués dans la présentation antigénique par les cellules de l’immunité innée. L’immunité adaptative est ainsi stimulée ce qui se traduit par une augmentation de la concentration intracellulaire lymphocytaire de granzyme B, et de l’expression du CMH de classe II des monocytes.

L’analyse transcriptomique des cellules du TME après traitement par CAR-T Cells a permis d’identifier une signature interféron (IFN), ce qui témoigne de son action dans cet environnement. À l’aide de CAR-T incapables de produire de l’IFN- γ, les auteurs ont démontré le rôle clé de cette protéine avec une perte des modifications du TME médullaires lors d’un traitement par CAR-T IFN γ-/-. De plus, la cytotoxicité des CAR-T8+ IFN γ-/- est réduite de moitié, comme observé en imagerie intravitale (figure 1).

Par la suite, les auteurs ont tenu à identifier comment le TME répondait à cette stimulation. Les manipulations, toujours dans un modèle murin, se sont concentrées sur l’interleukine-12 (IL-12), connue pour son interaction positive avec l’IFNγ et son rôle dans l’activation de la cytotoxicité lymphocytaire5. Cette expérience met en lumière le dialogue suspecté : en l’absence de traitement, l’IL-12 est retrouvée à un taux faible. Le traitement par CAR-T Cell augmente la quantité d’IL-12, mais uniquement si les CAR sont capables de produire de l’IFN-γ et le TME de produire de l’IL-12. Dans le modèle murin en l’absence d’une des deux parties, le taux des deux protéines reste faible.

Figure 1 Imagerie intravitale de la moelle osseuse de souris non traitées, traitées par CAR-T8+ « sauvages », et par CAR-T8+ déficients en IFN γ. On observe une augmentation du nombre de cellules CAR en cas l’absence de production d’interféron, mais une diminution de la cytotoxicité, avec réduction significative de l’apoptose tumorale.

Enfin cette étude met en évidence le rôle de l’IL-12 dans la restauration de la cytotoxicité des CAR-T8+. Des souris ont été traitées par CAR-T incapables de produire de l’interféron gamma ce qui mène à une diminution de leur concentration intracellulaire en granzyme B. Un nouveau prélèvement a été réalisé après l’injection intra-péritonéale d’IL-12 durant 3 jours : cette manipulation entraîne une élévation majeure du taux de granzyme B des CAR, reflet d’une cytotoxicité restaurée.

Pour conclure, le traitement par CAR-T Cells permet le recrutement et l’activation de cellules immunitaires dans le microenvironnement tumoral, grâce à la production d’IFN-γ par les cellules CAR. Le TME produit à son tour de l’IL-12, nécessaire à la cytotoxicité des lymphocytes modifiés. Le dialogue se poursuit grâce à une boucle d’amplification entre l’interféron et l’interleukine. Ces interactions reposent sur la présence de CAR-T4+ et CAR-T8+ ayant chacun un rôle propre, et l’absence d’une des deux populations dans le modèle murin diminue la capacité à éradiquer les tumeurs greffées et la survie. Sous réserve de la transposabilité de ces résultats chez l’homme, la connaissance de ces mécanismes ouvre la voie à la découverte de traitements permettant de restaurer l’activité anti tumorale du CAR-T ou du microenvironnement si l’échappement de réponse aux CAR-T est dû, au moins en partie, à une rupture de l’interaction microenvironnement/CAR-T.


Tristan ROBERT-VAN HOUTTEGHEM
Interne en Hématologie
Hôpital Lyon Sud

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Adresse : 10 Rue Saint Nestor 69 008 LYON

Références

  • Neelapu SS, Locke FL, Bartlett NL, Lekakis LJ, Miklos DB, Jacobson CA, et al. Axicabtagene Ciloleucel CAR T-Cell Therapy in Refractory Large B-Cell Lymphoma. N Engl J Med. 2017;377(26)
  • Westin JR, Oluwole OO, Kersten MJ, Miklos DB, Perales MA, Ghobadi A, et al. Survival with Axicabtagene Ciloleucel in Large B-Cell Lymphoma. N Engl J Med. 2023 ;389(2)
  • Cazaux M, Grandjean CL, Lemaître F, Garcia Z, Beck RJ, Milo I, et al. Single-cell imaging of CAR T cell activity in vivo reveals extensive functional and anatomical heterogeneity. J Exp Med. 2019;216(5)
  • Boulch M, Cazaux M, Loe-Mie Y, Thibaut R, Corre B, Lemaître F, et al. A cross-talk between CAR T cell subsets and the tumor microenvironment is essential for sustained cytotoxic activity. Sci Immunol. 2021;6(57)
  • Rubinstein MP, Su EW, Suriano S, Cloud CA, Andrijauskaite K, Kesarwani P, et al. Interluekin-12 enhances the function and anti-tumor activity in murine and human CD8+ T cells. Cancer Immunol Immunother. 2015;64(5)
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