Biothérapies et maladies rares

Publié le 06 May 2022 à 16:49


GENZYME : Ce dossier est composé d’extraits de l’article « Biothérapies et maladies rares » publié par Sandrine Philippe, Farida Dolard, Bernard Dieu et Rémi Varin (pharmacie du CHU Rouen) et paru dans le Moniteur hospitalier d’oct. 2010
(1).

Une production longue et complexe

Les biothérapies représentent une source majeure d’innovations. Leur procédé de fabrication peut varier de plusieurs semaines à plusieurs mois. Il est basé sur les connaissances de la génétique, de la biologie cellulaire, mais aussi sur le développement des biotechnologies et des procédés industriels. Explications.

La biotechnologie se définit par l’utilisation de cellules vivantes, d’organismes, ou de cultures tissulaires afin de produire un produit d’origine biologique.

A partir des années 70, une nouvelle étape est franchie avec l’avènement du génie génétique et des protéines recombinantes, suscitant un espoir chez les patients atteints de maladies rares.

Une protéine recombinante est une biothérapie produite par un procédé technologique, au sein d’organismes vivants procaryotes (levures, bactéries) ou eucaryotes (cellules de mammifères) dont le génome a été modifié afin d’exprimer le gène humain de la protéine à produire, appelée « protéine d’intérêt ». Le transgène correspond à la séquence isolée du gène d’intérêt qui est ensuite transférée d’un organisme à un autre par la transgenèse. L’intérêt majeur de cette technique est de palier la chimie traditionnelle qui ne peut pas synthétiser de molécules complexes comme les protéines humaines ; elle constitue également une alternative à l’extraction de protéines thérapeutiques à partir de matériels biologiques (tissus, plasma, etc.) qui peut être source de contamination.

Etapes de production d’une protéine recombinante
Le cycle de production peut durer plusieurs mois. Ce processus comporte cinq étapes qui précèdent la phase de production industrielle (cf figure ci-dessous).

Identification et isolement du gène d’intérêt
La première étape consiste à identifier et isoler le gène d’intérêt : après identification du gène codant la protéine d’intérêt, le transgène est isolé dans une banque d’ADN complémentaire (ADNc). L’ADNc est utilisé parce qu’il ne contient que les séquences codantes du gène contrairement à l’ADN endogène.

 Transfert du gène d’intérêt dans un vecteur d’expression
Le transfert du gène d’intérêt dans un vecteur d’expression servant de transporteur du matériel génétique correspond à la deuxième étape du processus. Différents vecteurs sont utilisés comme des plasmides ou des virus. Le vecteur doit contenir un promoteur fort afin d’initier la transcription ainsi que des marqueurs de sélection et d’amplification.

 Introduction du vecteur au sein d’un organisme hôte
L’étape suivante consiste à introduire le vecteur porteur du gène au sein d’un organisme hôte. Le vecteur d’expression est introduit dans les cellules hôtes par différentes techniques chimiques, électriques, thermiques ou mécaniques.

 Sélection et amplification des cellules hôtes porteuses du gène d’intérêt
Les cellules hôtes porteuses du gène d’intérêt sont ensuite sélectionnées et amplifiées. En effet, toutes les cellules hôtes n’intègreront pas le vecteur porteur du gène d’intérêt et ne pourront ainsi pas produire la protéine. Des séries de culture en milieu sélectif sont réalisées afin d’obtenir spécifiquement et en grande quantité les cellules porteuses du gène

Etapes préliminaires de la production d’une protéine recombinante
Le cycle de production peut durer plusieurs mois. Ce processus comporte cinq étapes qui précèdent la phase de production industrielle (cf figure ci-dessous).

Stockage des cellules hôtes porteuses du gène d’intérêt
La dernière étape consiste à stocker les cellules hôtes porteuses du gène d’intérêt. Ces cellules sont congelées et conservées sous forme d’une banque cellulaire, la «Master Cell Bank» (banque constituée des cellules de référence), à partir de laquelle sera produite une «Working Cell Bank» pour la production des lots de protéine. Ce système de banques cellulaires permet d’assurer la reproductibilité des lots produits à partir du même matériel contrôlé et validé.

Ces cinq étapes clefs finalisées, la phase de production industrielle proprement dite peut commencer. La production d’un lot de protéine recombinante est réalisée à partir des cellules de la « Working Cell Bank ». Ces dernières sont décongelées et mises en culture dans des réacteurs de taille croissante afin d’obtenir une quantité suffisante pour ensemencer les bioréacteurs de production à grande échelle (plusieurs milliers de litres).

La protéine est ensuite extraite à partir des produits intermédiaires de la culture en bioréacteur et purifiée par des techniques successives de chromatographie et de filtration. Les étapes finales, la formulation galénique (ajout d’excipients), le conditionnement et la lyophilisation si nécessaire du produit fini, garantissent la stabilité et l’intégrité du médicament. Toutes ces opérations sont réalisées dans un environnement contrôlé. Des contrôles qualités sont de plus effectués tout au long du processus de production ainsi que sur le produit fini afin d’assurer la pureté et l’activité biologique de la protéine. Le risque infectieux des biothérapies est bien moindre que celui des médicaments obtenus par extraction.

Cellules ou organismes vivants utilisés pour la production de protéines Recombinantes
Le choix de l’organisme hôte repose sur les propriétés de la protéine à produire et sur celles de l’hôte lui-même.
Les cellules et organismes vivants hôtes

Les cellules de mammifères sont d’excellents outils pour la production de protéines recombinantes glycosylées. Elles sont capables de synthétiser des molécules de hauts poids moléculaires et de réaliser une glycosylation complexe tout en disposant d’un potentiel de sécrétion important. Néanmoins, ces cellules sont plutôt fragiles et exigent des milieux de culture très spécifiques.

Parmi les cellules de mammifères, les cellules ovariennes d’hamster chinois (CHO) sont reconnues comme étant le système de référence pour la production de protéines recombinantes glycosylées (hors vaccins recombinants) : 69 % des protéines recombinantes produites par des cellules de mammifères le sont par des lignées de cellules CHO.

Efficacité et tolérance des protéines recombinantes thérapeutiques
Avec vingt cinq ans d’expérience et de recul dans l’utilisation des protéines thérapeutiques, les procédés de production sont aujourd’hui maîtrisés. Il ressort notamment de cette expérience que le potentiel thérapeutique d’une protéine recombinante ne dépend pas de sa ressemblance avec la protéine originelle. Seulement une minorité de protéines recombinantes thérapeutiques commercialisées sont strictement identiques aux protéines endogènes.

L’un des principaux objectifs de la production de protéines thérapeutiques est l’obtention de propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques optimales, nécessitant des transformations possibles par rapport à la protéine originelle.

Ainsi, des modifications réalisées au niveau de la structure primaire de la protéine thrombolytique rtPA ont permis d’améliorer la résistance de la protéine à son inactivation biologique et d’augmenter ainsi sa demi-vie. Un changement au niveau de la région C-terminale des insulines recombinantes a permis également de réduire l’agrégation des protéines entre elles lors de l’injection sous-cutanée à forte concentration et ainsi d’améliorer la cinétique d’action.

Des transformations post-traductionnelles sont également décrites. Une étape supplémentaire de pégylation au niveau de l’interféron alfa ou encore l’addition de deux chaînes glycosylées sur une érythropoïétine permettent d’augmenter la demi-vie plasmatique de ces protéines et d’améliorer leur efficacité thérapeutique.

Toutes les biothérapies, du fait de leur nature protéique, peuvent engendrer une réaction immunitaire lors de leur administration. Les risques existent quels que soient la cellule hôte et le mode de production.

 Seules quelques maladies rares bénéficient d’une prise en charge par des biothérapies.
Les biothérapies représentent aujourd’hui plus de 20 % des médicaments orphelins.

Prise en charge de la maladie de Gaucher
Le traitement par enzymothérapie substitutive (TES) consiste à palier le déficit en glucocérébrosidase endogène en administrant aux patients l’enzyme recombinante par voie intraveineuse. Cette glucocérébrosidase est produite à partir du gène humain par les cellules CHO, système de référence pour la production de protéines glycosylées.

Retrouvez des informations sur la maladie de Gaucher chez l’enfant dans notre numéro 2 de la Lettre de l’AJP datant de mars 2011. La Lettre de l’AJP remercie les auteurs de la publication « Biothérapies et maladies rares, Le Moniteur hospitalier, oct. 2010 » :

Sandrine Philippe, Pharmacien Assistant spécialiste, pôle pharmacie CHU de Rouen.
Farida Dolard, Pharmacien Attaché, pôle pharmacie CHU de Rouen.
Bernard Dieu, Pharmacien Praticien Hospitalier, pôle pharmacie CHU de Rouen.
Rémi Varin, Pharmacien MCU-Praticien Hospitalier, pôle pharmacie CHU de Rouen.

Article paru dans la revue “Association des Juniors en Pédiatrie” / AJP n°5

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