Bibliographie : Effect of prophylactic subcutaneous scopolamine butylbromide on death rattle in patients at the end of life

Publié le 11 Aug 2022 à 17:39

The silence randomized clinical trial (1)

Harriëtte J. van Esch, MD; Lia van Zuylen, MD, PhD; Eric C. T. Geijteman, MD, PhD; Esther Oomen-de Hoop, PhD; Bregje A. A. Huisman, MD ; Heike S. Noordzij-Nooteboom, MD ; Renske Boogaard, RN ; Agnes van der Heide,MD, PhD ; Carin C. D. van der Rijt, MD, PhD.

Les râles agoniques sont des bruits produits par les mouvements des sécrétions présentes dans les voies respiratoires, provoqués par la respiration de patients inconscients ou incapables de déglutir. Ils sont fréquents en situations de fin de vie (entre 12 et 92 % selon les cohortes) (2). Les proches de ces patients vivent de manière assez anxieuse leur présence.

Les recommandations actuelles recommandent de mettre en place un traitement anticholinergique en cas d’échec des mesures non pharmacologiques (soins de bouche toutes les 4h, arrêt de l’hydratation artificielle, repositionnement du patient). Une étude de l’utilisation prophylactique de la Scopolamine contre placebo a mis en évidence une amélioration, mais cette étude a été réalisée en ouvert.

Les auteurs de l’essai SILENCE ont voulu conforter l’idée qu’il serait plus efficace d’éviter l’apparition du mucus que de réduire sa quantité pour réduire les râles agoniques chez des patients en situation de fin de vie. Ainsi, ils ont voulu déterminer si l’administration prophylactique de scopolamine butylbromide (SCOBUREN®) permettait de réduire la fréquence des râles agoniques d’intensité modérée à importante chez des patients hospitalisés pour un accompagnement de fin de vie.

Matériel et méthode
Pour ce faire, cette étude prospective, en double aveugle, a été menée dans 6 centres hospitaliers aux Pays-Bas. Les patients recevaient 20mg de Scopolamine butylbromide ou un placebo (ratio 1:1) avec une randomisation stratifiée par centre.

Le critère de jugement principal étudié était la survenue de râles agoniques de grade ≥ 2 selon le score de Back and al. (3).

Les patients devaient répondre aux critères d’inclusion  (hospitalisation pour un accompagnement de fin de vie, capacité de donner son consentement et espérance de vie de plus de 3 jours) et ne devaient pas avoir de critère d’exclusion (présence d’une trachéostomie ou d’une canule trachéale, utilisation préalable d’anticholinergique, infection au niveau pulmonaire ou présence préalable de râles.

Ensuite, lorsque la phase agonique était établie, les critères d’exclusion était à nouveau recherchés puis une pharmacie centralisée délivrait des doses de Scopolamine butylbromide ou de placebo pour une durée de 3 jours. Celles-ci étaient administrées en bolus via un cathéter sous-cutané toutes les 6h.

Durant le suivi, les patients bénéficiaient de soins de bouche toutes les 4h et d’une surveillance de l’apparition d’effets indésirables imputables aux anticholinergiques (agitation, sècheresse buccale et rétention aiguë d’urine) et celle d’autres symptômes inconfortables de fin de vie (douleur, dyspnée, nausée et vomissement). Les patients sortaient de l’étude lorsque des râles de grade ≥ 2 étaient notifiés à 4h d’intervalle ou lors du décès du patient. Le nombre de sujet nécessaire était de 200. Les analyses du critère de jugement principal ont été réalisées en intension de traiter.

Résultats
Dans les 6 centres de l’études, 1097 patients ont été admis dans ces services lors de la période d’étude (du 10/04/2017 au 31/12/2019), à partir desquels 162 patients ont été randomisés respectivement 82 dans le groupe Scopolamine butylbromide et 80 dans le groupe placebo. Respectivement, 3 et 2 patients n’ont pas été inclus dans l’analyse finale car la phase agonique n’avait pas été repérée correctement (délai avant le décès trop long à plus de 6 jours).

Les 2 groupes étaient globalement similaires sur le sexe, l’âge (en moyenne 78 et 75 ans respectivement) mais il y avait plus de cancer du poumon, plus de BPCO et plus de patients fumeurs dans le groupe placebo.

La survenue de râles agoniques a été observée chez 37 % des patients de cette étude.

En comparant les 2 groupes, il y avait moins de râles agoniques de grade ≥ 2 notifiés à 4h d’intervalle dans le groupe Scopolamine butylbromide (n=10, soit 13 %) par rapport au groupe placebo (n=21, soit 27 %) ; p=0,02. Ce résultat était conforté par une fréquence plus basse de râles agoniques de grade ≥ 2 notifiés à un seul moment dans le groupe Scopolamine butylbromide (p=0,01) et par l’apparition de râles agoniques plus tardivement dans le groupe Scopolamine butylbromide (Figure) :

Il n’a pas été mis en évidence de différence entre les deux groupes vis-à-vis de l’apparition d’effets indésirables imputables aux anticholinergiques ou aux symptômes inconfortables en fin de vie.

Conclusion
Cette étude a mis en évidence une plus grande fréquence de survenue de râles agoniques dans le groupe placebo par rapport au groupe recevant de la Scopolamine butylbromide.

Ce résultat est à accueillir avec précaution car, malgré la randomisation, il y avait plus de patients atteints d’un cancer du poumon, de BPCO ou fumeur dans le groupe placebo et cela a pu entraîner un déséquilibre (même si l’analyse post-hoc présenté dans l’article se veut rassurante, l’étude n’a pas été conçue pour cela).

On peut également regretter qu’il n’y ait pas plus de précisions sur la gestion de l’hydratation artificielle (qui pourraient favoriser la production de mucus et ainsi favoriser l’apparition de râles).

Enfin, il y a un élément important à noter est qu’il n’y a pas eu plus d’événements indésirables (imputables aux anticholinergiques ou non) dans le groupe recevant de la Scopolamine butylbromide par rapport au groupe placebo.

Le point de vue du jeune gériatre
La phase agonique d’une fin de vie est délicate à gérer et l’apparition de râles agoniques peut entraîner une angoisse supplémentaire pour les proches et les soignants. Une attention particulière doit donc y être portée, tout d’abord à l’aide de mesures non pharmacologiques en y associant une explication claire aux proches du patient.

Cette étude semble montrer que l’administration sous-cutanée de Scopolamine butylbromide permettrait de réduire la survenue de râles agoniques dans une population bien ciblée (pas d’infection respiratoire active notamment). Il sera probablement difficile de retrouver la même population dans notre pratique courante.

Enfin, cette étude illustre bien qu’il est possible de réaliser des travaux de recherche sur des situations très délicates comme la phase agonique de la fin de vie.

Dr BOUSSUGE Alexandre
Chef de Clinique des Universités – Assistant des Hôpitaux
Service de Soins de Suite et de Réadaptation gériatrique
CHRU de Strasbourg
Pour l’Association des Jeunes Gériatres

Références
1. Van Esch HJ, van Zuylen L, Geijteman ECT, Oomen-de Hoop E, Huisman BAA, Noordzij-Nooteboom HS, et al. Effect of Prophylactic Subcutaneous Scopolamine Butylbromide on Death Rattle in Patients at the End of Life: The SILENCE Randomized Clinical Trial. JAMA. 5 oct 2021;326(13):1268-76.
2. Lokker ME, Zuylen L van, Rijt CCD van der, Heide A van der. Prevalence, Impact, and Treatment of Death Rattle: A Systematic Review. J Pain Symptom Manage. 1 janv 2014;47(1):105-22.
3. Back IN, Jenkins K, Blower A, Beckhelling J. A study comparing hyoscine hydrobromide and glycopyrrolate in the treatment of death rattle. Palliat Med. 1 juin 2001;15(4):329-36.

Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°30

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