Le triste échec le conte de Ségur n’était qu’une mauvaise fable
Le Ségur de la santé n’avait mis en place aucune mesure concernant les hospitalo-universitaires (HU) lors de ses conclusions de 2020, hormis la revalorisation de l’indemnité d’exercice public exclusif pour tous. Alors que les carrières HU souffrent d’un déficit d’attractivité inédit depuis la création de ce statut, un sentiment de grave injustice plane ces derniers mois sur le monde HU, qui vient accélérer le rythme des démissions de titulaires (140 ces trois dernières années) et ralentir celui des candidatures des plus jeunes. Un groupe de travail « attractivité des carrières HU » auquel l’INPH participe à travers le Syndicat des Hospitalo-Universitaires (le SHU, premier syndicat représentatif 100 % HU), a été mis en place par les deux ministères de tutelle (ministère des Solidarités et de la Santé, ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation) avec la mission de faire des propositions sur un réaménagement de la grille d’émoluments hospitaliers des HU, sur une retraite prenant en compte l’intégralité des revenus (les HU perçoivent une pension universitaire mais aucune retraite sur leurs revenus hospitaliers) et toute proposition de nature à améliorer l’attractivité des carrières.
Les demandes de l’INPH pour son volet HU sont connues. C’est une forte revalorisation de chaque échelon de la grille hospitalière sur la base d’une grille unique pour les MCU-PH et les PU-PH qu’il faut entreprendre, grille augmentée de trois échelons, équivalents à ceux qu’ont obtenus les praticiens hospitaliers. Cette revalorisation doit permettre le prélèvement d’une cotisation retraite sans perte de salaire net. C’est également une revalorisation de chaque échelon de la grille universitaire (l’échelon d’entrée de carrière pour les MCUPH recrutés en moyenne à 37 ans est encore très largement inférieur à 2 x SMIC). L’ensemble des HU, quel que soit son corps, quelle que soit son ancienneté, doit ainsi pouvoir bénéficier de ces justes mesures de rattrapage et d’équité. Une retraite pour toutes et tous, assise sur l’intégralité des revenus H et U, ne peut par ailleurs être encore une fois reportée aux calendes grecques.
Après des réunions constructives, sur des sujets de seconde intention, une suspension de plusieurs semaines est survenue, évocatrice d’atermoiements, quand, avant même d’avoir pu faire remonter ses conclusions sur les sujets « durs » à l’ordre du jour, le groupe de travail « attractivité des carrières HU » a été convoqué le 7 mai pour entendre la communication des arbitrages interministériels. L’INPH s’est élevé vigoureusement contre l’insuffisance des mesures proposées, ne pouvant cautionner une telle méthode ni de telles conclusions.
Ainsi, sur la retraite hospitalière, nous nous sommes heurtés à une fin de non-recevoir : les tutelles refusant la création d’une retraite sur la partie hospitalière des revenus HU, la renvoyant à une hypothétique réforme générale des retraites dont tout le monde sait qu’elle a été reportée sine die. Il convient d’être clair, ce n’est pas une réforme de la retraite H que demandent les HU, c’est tout simplement la création d’une retraite H. Sa mise en place est une mesure de justice sociale. Son absence est un obstacle, devenu maintenant rédhibitoire, à l’attractivité des carrières HU. Une augmentation du plafond de l’abondement de 9 à 12 % est proposée mais il s’agit là d’une mesure très coûteuse pour les HU (l’hôpital verse un abondement, plafonné, à l’organisme de retraite complémentaires type Préfon, COREM, CGOS… pour les HU qui y cotisent volontairement) et qui ne saurait remplacer une retraite assise sur les revenus hospitaliers. Ce dispositif avait été mis en place de façon transitoire en 2008 (!) pour apporter une compensation partielle à l’absence de retraite H. Un gros tiers des HU a renoncé à y recourir. En pratique, pour les HU qui décideraient d’augmenter leurs versements jusqu’au nouveau plafond proposé, il s’agirait d’une augmentation de leurs charges (de plus de 1000€ annuels) et donc une perte de revenus nets. Où est l’amélioration de l’attractivité ?
Sur les émoluments hospitaliers, la revalorisation de l’échelle est aussi insuffisante qu’injuste. Avait ainsi été demandée une échelle H revalorisée, identique pour les PUPH et les MCU-PH, afin d’améliorer significativement le début de carrière des MCU-PH : cette proposition n’a pas été retenue. En fin de carrière, le dernier échelon serait revalorisé (annuellement environ +3000€ pour les MCU-PH et +2000€ pour les PU-PH) mais dans une proportion sans commune mesure avec les trois derniers échelons obtenus par les PH (+17000€), créant une grave rupture d’équité, doublée d’une perte d’attractivité là où la réforme était censée l’améliorer.
Qui formera les médecins, pharmaciens et odontologistes dont le pays a besoin pour assurer les soins dans le secteur public comme privé ? Que va devenir la recherche médicale, largement portée par les HU, dont tout le monde s’alarme du décrochage au niveau international ?
Sur l’échelle indiciaire universitaire : rien. Une prime de 700€ bruts annuels, progressivement augmentée jusqu’en 2027 serait créée en 2022 pour compenser l’absence de primes PRES que perçoivent par ailleurs les enseignants-chercheurs mono-appartenant. Il s’agit donc d’une modeste mesure de rattrapage et non d’attractivité. Son montant n’est certainement pas de nature à compenser l’érosion des revenus qui n’a cessé de s’aggraver depuis 30 ans.
Au total, après l’espoir et l’ambition attachés à l’ouverture posthume d’un Ségur « HU » les mesures proposées sont tellement insuffisantes au regard des enjeux que l’avenir même des carrières HU et des CHUs est en question. Ségur de la Santé Qui formera les médecins, pharmaciens et odontologistes dont le pays a besoin pour assurer les soins dans le secteur public comme privé ? Que va devenir la recherche médicale, largement portée par les HU, dont tout le monde s’alarme du décrochage au niveau international ?
L’INPH a donc décidé, après que le SHU ait consulté son Conseil d’Administration lequel a rendu un avis unanime, de quitter le groupe de travail afin de ne pas cautionner cette politique désastreuse et lourde de menaces pour le futur. Le président du SHU l’a fait savoir en séance après avoir détaillé les motifs d’exaspération des HU et les graves inquiétudes qui pèsent sur l’avenir HU si la trajectoire n’était pas corrigée immédiatement. Les autres syndicats présents ont également quitté la table. Un communiqué intersyndical a été diffusé. Les conférences (doyens, CNU, universités…) se sont élevées vigoureusement en séance contre l’insuffisance des mesures.
En cette heure grave pour l’avenir de la médecine, de la pharmacie et de l’odontologie françaises, et plus largement pour le monde de la Santé, l’INPH poursuivra indéfectiblement son combat au service du soin, de la formation et de la recherche.
Pr Olivier BOYER
Président du SHU
Vice-Président INPH
en charge de l'Université
Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°21