La biologie médicale est une spécialité mixte qui est accessible à la fois via les études de médecine et celles de pharmacie. A l’issue de leurs concours respectifs, les futurs internes des deux filières choisissent leur ville et leur diplôme d’études spécialisées (DES) parmi les 3 existants actuellement en pharmacie et les 44 en médecine. Malheureusement, depuis plusieurs années, la biologie souffre d’un manque d’attractivité significatif chez les étudiants en médecine, en opposition avec une biologie en perpétuelle évolution et plus que jamais au centre de la prise en charge du patient, de la stratégie diagnostique, pronostique et thérapeutique. De plus, ce déficit met à mal l’équilibre médecin/pharmacien pourtant si cher à notre profession et qui en fait toute sa richesse. Au cours de mes semestres d’internat j’ai pu discuter avec de nombreux internes de biologie, mais aussi d’autres spécialités ainsi qu’avec des biologistes séniors, afin de mieux comprendre le manque d’attrait pour une spécialité qui apparaissait pour moi comme ayant tous les atouts nécessaires.
A l’heure actuelle, la biologie est loin de faire partie des premières spécialités choisies à l’issue des Épreuves Classantes Nationales. De plus, une partie non négligeable des médecins qui commencent un DES de biologie médicale, n’ira malheureusement pas jusqu’au bout. La première raison, et celle souvent avancée par les (futurs) internes, reste le fait que celle-ci n’intègre peu voire pas de clinique. Il est vrai que pendant toutes nos études de médecine, la clinique est reine et la très grande majorité d’entre nous ne s’imagine pas avoir fait ces études pour finalement pratiquer en laboratoire “loin” des patients.
Cependant, cet argument à lui seul ne suffit pas pour expliquer le manque d’attractivité. En effet, d’autres spécialités, tout aussi peu cliniques, comme la radiologie et même parfois plus loin encore des patients comme l’anatomopathologie restent des spécialités très appréciées des étudiants. Par ailleurs, le lien avec les patients et les cliniciens en biologie reste très présent et indispensable.
La deuxième raison, et certainement une des plus importantes, reste la transformation de la profession et les processus de rapprochements des laboratoires en grands groupes. A cette évolution récente du métier nous pouvons ajouter une très faible représentation de la spécialité au cours du second cycle des études médicales.
En effet, un stage en laboratoire hospitalier est réalisé dans la grande majorité des facultés de médecine.
Cependant il reste bien souvent très superficiel et centré sur les analyses. Par ailleurs, c’est presque le seul contact direct que l’on aura avec le laboratoire. De plus, la spécialité de biologiste est nettement moins mentionnée au cours de nos études que toutes les autres spécialités cliniques alors même que les analyses biologiques et leur intertprétation apparaissent dans quasiment tous les items du concours. La plupart du temps, les médecins et internes des autres spécialités ne sauraient pas expliquer en détail comment fonctionne un laboratoire et ce que fait un biologiste dans la journée.
Et ceci est encore plus vrai pour le grand public. Ainsi, un des plus gros problèmes de la spécialité réside dans son manque cruel de visibilité par rapport à certaines autres mieux représentées.
La pandémie de SARS-Cov2 a permis de remettre les laboratoires de biologie médicale au centre des discussions.A l’heure où les mots “PCR” et “tests antigéniques” sont entrés dans le langage courant, il est temps de remettre la biologie médicale et les biologistes sur le devant de la scène. En effet, il nous incombe à nous, biologistes, de défendre notre profession et de faire venir le laboratoire au devant des étudiants quel que soit leur niveau, mais aussi des autres professionnels de santé. La spécialité présente de nombreux atouts qui mériteraient d’être bien plus mis en avant afin d’accroître son attractivité.
Tout d’abord, sa diversité et les très nombreuses possibilités de pratique autour et au sein de la biologie. Une des choses qui m’a frappé en arrivant dans ce domaine, et que je ne mesurais pas avant, est qu’il existe presque autant de biologies que de biologistes. Nous avons tous le même socle de formation, la même base et le même coeur de métier mais pour autant, chaque biologisten peut avoir des activités extrêmement variées. Certains exercent des spécialités allant de l’hématologie à la parasitologie en passant par la génétique, la thérapie cellulaire ou la procréation médicalement assistée, quand d’autres choisissent de conserver une pratique plus polyvalente.
D’autres activités sont accessibles telles que la gestion de la qualité, le management d’équipe, la direction de laboratoires voire de société, la bioinformatique, le maniement d’appareils et de technologies toujours plus innovantes et encore bien plus. Ainsi, les parcours sont très diversifiés avec aussi l’accès à certains domaines plus inattendus comme le Commissariat à l’Energie Atomique ou encore l’industrie du diagnostic in-vitro. En somme, il est quasiment impossible de ne pas trouver chaussure à son pied en biologie médicale. Ensuite, le lien étroit entre la spécialité et la recherche fait aussi partie de ses forces. Travaillant au coeur même du laboratoire, celle-ci peut être accessible très facilement et en parallèle de l’activité de routine. Plus encore, elle fait partie intégrante du métier, la biologie étant une spécialité en perpétuel renouvellement et devant constamment être à la pointe de l’innovation et de la technologie. Toutes ces raisons en font une des spécialités qui intègre le mieux une activité de recherche quelle que soit la situation. Enfin, le dialogue clinico-biologique est certainement l’aspect le moins mis en avant et pourtant demeure l’activité première et le coeur du travail de biologiste.
L’interprétation des résultats, l’explication de bilans, le conseil au prescripteur tant dans la prescription initiale que dans les examens complémentaires à ajouter ainsi que la participation à des RCP pour discuter des cas les plus complexes font partie de la pratique courante.
Cependant, elle est souvent sous-estimée par les autres praticiens, les étudiants mais aussi les patients. Certains biologistes réalisent même des activités de consultations dans des domaines spécialisés mais aussi de conseils plus polyvalents en laboratoires de ville. Le biologiste a une valeur ajoutée certaine de part son expertise, la connaissance des analyses les plus routinières comme les plus spécialisées, des différentes technologies mais aussi par le temps dont manque parfois les cliniciens pour pouvoir se poser sur les dossiers compliqués.
Tout cela doit être valorisé et mieux exposé comme n’importe quelle autre compétence.
Ainsi, tous ces grands aspects méconnus de la profession, qui constituent pourtant des atouts et des avantages vis-à-vis des autres spécialités, peuvent être largement mis en avant. Actuellement, plusieurs travaux sont en cours afin de mieux définir et rappeler les missions, ô combien indispensables, du biologiste médical auprès de la population générale, des praticiens d’autres spécialités mais aussi et surtout des étudiants. Ceci peut être l’occasion de retravailler à mieux mettre en lumière le métier de biologiste à tous les niveaux d’étude et à fortiori au décours de l’externat, de recentrer les stages en laboratoire autour du biologiste et non pas autour du laboratoire et des automates. Les biologistes eux-mêmes, qu’ils soient pharmaciens ou médecins, peuvent être les moteurs de cette communication de part leur retour d’expérience et leur vision de la profession. Une meilleure compréhension et visibilité générale de la spécialité permettra que tout un chacun puisse apprécier au mieux ses forces, son impact et son importance.
Julie QUESSADA
Article paru dans la revue “ L’Observance” / FNSIP n°35
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