Dans ce numéro spécial « Urgence de la personne âgée », il nous a semblé intéressant de mettre en avant un métier probablement méconnu : les ARM = Assistant de Régulation Médicale.
Nous avons enquêté pour vous !
Bonjour, tout d’abord merci d’avoir répondu à notre proposition !
Peux-tu te présenter en quelques mots et nous parler de ton parcours ?
Je m’appelle Théo, j’ai 23 ans et je suis Assistant de Régulation Médicale (ARM) depuis juillet 2018. J’exerce au sein du Centre de Réception et de Régulation des Appels du SAMU68 (CRRA15).
Je travaille sous l’autorité fonctionnelle et la responsabilité d’un médecin régulateur. Mon travail consiste à accueillir les appels à l’aide qui parviennent sur les lignes du 15/112, à caractériser la nature de l’urgence, à envoyer les moyens de secours adaptés, à assurer le suivi de l’intervention et l’accueil du patient dans la structure de soins adéquate.
Je suis sapeur-pompier volontaire titulaire d’une formation de secours d’urgence et j’ai suivi une formation d’adaptation à l’emploi de plusieurs mois au sein du Centre de Réception et de Régulation des Appels du SAMU68 avant d’être autonome à mon poste de travail.
Aujourd’hui, la formation d’un Assistant de Régulation Médicale est réglementée. Elle compte 1470 heures de formation théorique et pratique dans un centre de formation agréé. Elle est sanctionnée par l’obtention d’un Diplôme Professionnel.
À quoi ressemble ton quotidien au SAMU68 ?
Le Centre de Réception et de Régulation des Appels du SAMU68 est composé de médecins régulateurs urgentistes, libéraux, et d’Assistants de Régulation Médicale. Chacun assure une mission bien précise pour permettre le fonctionnement du SAMU68 24h/24 et ainsi apporter la meilleure réponse médicale possible à chaque appelant, qu’il s’agisse d’une demande de soin urgent, d’un conseil médical ou d’un renseignement à caractère médical.
On distingue :
- L’ARM Accueil 15 : Il réceptionne les appels du 15 et du 112. Il crée un dossier de régulation pour chaque nouvel appel. Il enregistre dans le dossier de régulation toutes les informations nécessaires : numéro de contre-appel téléphonique, adresse de l’intervention, nature de l’urgence, identité de la victime. Il caractérise ensuite la gravité de l’urgence par un court interrogatoire et classifie le dossier de régulation comme suit :
- P0 : Urgence absolue/vitale = Engagement reflexe d’un SMUR (Service Mobile d’Urgence et de Réanimation). L’ARM guide l’appelant dans la réalisation des gestes nécessaires pour le maintien des fonctions vitales ou fonctionnelles de la victime en attendant que le médecin régulateur réalise son acte de régulation médicale. L’ARM transfère cet appel au médecin régulateur urgentiste EN PRIORITÉ. C’est le cas par exemple d’un arrêt cardiaque, d’une noyade, d’une pendaison, d’un accident de circulation avec désincarcération, etc.
- P1 : Régulation médicale prioritaire = Possible envoi d’un moyen en prompt secours (Sapeurs-Pompiers par exemple). L’envoi d’un SMUR est soumis à l’arbitrage du médecin régulateur urgentiste à l’issue de son acte de régulation médicale. C’est le cas par exemple d’une détresse respiratoire, d’une douleur thoracique, d’une suspicion d’accident vasculaire cérébral, etc.
- P2 : Régulation médicale qui peut être mise en attente durant quelques minutes sans risque pour le patient en attendant que le médecin régulateur urgentiste ou libéral se soit rendu disponible pour prendre l’appel. Il n’est pas identifié par l’ARM d’urgence vitale.
- P3 : régulation médicale reportée ou programmée et traitée par un rappel. Après qualification de l’appel par l’ARM, la communication est transmise au médecin régulateur ou peut être raccrochée avant la phase de régulation médicale, sans risque pour le patient. Dans ce cas aucune urgence n’est identifiée par l’ARM et d’autres régulations médicales sont en cours. L’appelant est rappelé par le CRRA dès que l’acte de régulation médicale peut être réalisé. Sont possiblement concernés par le niveau P3 : Une demande non urgente de transfert inter-hospitalier programmé ; les situations non urgentes relevant de la médecine générale telles que les demandes de conseils médicaux simples sans critère d’urgence ; les recherches d’un médecin généraliste sans critère d’urgence dans les cas où une simple information ne suffit pas. Dans ce contexte, le délai prévisible de rappel est donné à l’appelant à titre indicatif. Il sera systématiquement demandé à l’appelant de rappeler en cas d’aggravation ou d’un besoin nouveau. Il est systématiquement communiqué à l’appelant un numéro de dossier à titre de référence. Un rappel sera ensuite toujours traité de manière prioritaire.
- L’ARM Pro/BILAN : Il réceptionne les appels provenant des professionnels de santé (Hôpitaux, SOS Médecins, etc.) ou des interconnexions avec les autres services de secours (18 pour les sapeurs- pompiers, 17 pour les forces de l’ordre, Autres SAMU, etc.). Il réceptionne et enregistre également les bilans secouristes, simples, sans critère de gravité, des équipages en intervention (sapeurs-pompiers, ambulanciers). Il rend compte au médecin régulateur afin d’orienter au mieux les patients dans les structures de soins.
- L’ARM Suivi-OP/MOYENS : Il assure le suivi opérationnel des interventions en cours. Il est en contact permanent avec le centre opérationnel départemental d’incendie et de secours des sapeurs- pompiers d’une part et le coordinateur départemental ambulancier d’autre part.
Il connait en temps réel la disponibilité des moyens de secours pré-hospitaliers dans le département. Il engage ces moyens à la demande du médecin régulateur, qu’il s’agisse des sapeurs-pompiers, des ambulanciers, ou des SMUR.
Quelles sont les qualités requises pour ce travail ?
L’ARM exerce son métier dans un environnement clos et stressant puisqu’en prise directe avec l’urgence réelle, ressentie ou méconnue de l’appelant en ligne. Cela requiert du sang froid, de la concentration et de la rigueur d’une part, de l’empathie et de pratiquer l’écoute active en toutes circonstances d’autre part. Adopter cette attitude permet souvent d’obtenir toute l’attention de l’appelant qui fait face à une situation d’urgence anxiogène par nature. L’objectif est d’obtenir un maximum d’informations exploitables en un minimum de temps pour apporter la meilleure réponse possible.
Il est également nécessaire de connaître les gestes de secours pour accompagner l’appelant en ligne et l’aider à maintenir les fonctions vitales ou fonctionnelles de la victime en attendant l’arrivée des équipes spécialisées sur les lieux. Concrètement, nous nous efforçons toujours de guider chaque appelant en lui expliquant avec des mots simples, étape par étape, chaque geste nécessaire à la sauvegarde de la vie humaine en faisant réaliser par exemple un massage cardiaque dans le cas d’une mort subite, la pose d’un garrot dans le cas d’une hémorragie, etc.
Enfin, il est nécessaire d’avoir de solides connaissances du lexique médical et de maîtriser l’outil informatique pour saisir simultanément et en temps réel toutes les informations nécessaires enregistrées dans le dossier de régulation.
Quelles sont vos relations avec les personnes âgées dans votre pratique professionnelle et quels problèmes rencontrez-vous ?
Si l’urgence de la situation relève parfois de l’évidence, par exemple en cas de chute de grande hauteur ou d’un accident grave de la circulation, l’essentiel des appels concerne des problématiques médicales telles que la douleur thoracique, la dyspnée, pour lesquels l’appréciation de la gravité est incertaine ou méconnue. Déterminer le degré d’urgence de la demande est souvent complexe, que ce soit pour le patient lui-même, son entourage, ou même le médecin régulateur. Ce constat s’applique d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une personne âgée : Cas des patients âgés qui souffrent de troubles cognitifs, de surdité liée à l’âge, ou qui s’expriment en dialecte Alsacien par exemple, etc. : Pose souvent la triple difficulté de la localisation de l’appel, de l’identification de l’appelant, de l’expression de la nature de l’urgence.
Dans ce contexte, une attitude d’écoute bienveillante, un interrogatoire adapté à la situation, le recours à un tiers présent sur les lieux (famille, personne de confiance, témoin) nous permet bien souvent de répondre à la demande de secours.
Plusieurs solutions techniques sont également à notre disposition pour apporter la meilleure réponse possible en un minimum de temps telles que : la plateforme de localisation des appels d’urgence, l’outil de Visio régulation, la plateforme d’interprétariat, etc.
Il me semble important d’évoquer enfin le cas des adhérents de l’association DELTA REVIE Haut-Rhin auxquels nous sommes particulièrement attachés :
Créée en 1978, DELTA REVIE Haut-Rhin est une association fondée par une poignée de bénévoles à Mulhouse. Son but est de proposer aux personnes âgées, isolées ou handicapées une aide au maintien à domicile grâce à un système de téléalarme qui permet à la personne d’appeler à l’aide en cas de problème (chute, malaise, etc.).
Dès l’origine, la centrale d’écoute de ce réseau fût installée au SAMU68/CRRA15. Cette initiative a connu un succès grandissant au fur et à mesure des années. L’association couvre aujourd’hui l’ensemble du département du Haut-Rhin, y compris ses zones les plus reculées
Depuis 2013, DELTA REVIE Haut-Rhin est une association déclarée de service à la personne. Son fonctionnement repose sur une quarantaine de bénévoles et retraités passionnés. L’association compte quelques 2500 « abonnés » pour lesquels tous les appels à l’aide sont traités directement par le SAMU68/ CRRA15. C’est une fierté locale que je souhaitais partager avec vous en guise de conclusion.
MARTIN - PASI Théo
Assistant de régulation médicale
Centre de Réception et de Régulation des Appels – SAMU68
Pour l’Association des Jeunes Gériatres
Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°29