Articles d’internes : envie d’aller en stage à l’étranger : as-tu déjà pensé au Mexique ?

Publié le 25 May 2022 à 16:26


J’ai eu l’énorme chance de pouvoir effectuer un stage en psychiatrie à Guadalajara, au Mexique et je vous propose par le biais de cet article un retour de cette expérience qui s’est avérée enrichissante tant sur le plan humain que professionnel.
Cette opportunité s’est présentée à moi début 2015 et le projet a muri pendant quelques mois avant d’être validé en commission pédagogique. Si j’ai pu le mener à bout, c’est grâce à une collaboration étroite franco-mexicaine qui s’est mise en place entre notamment l’Hôpital Sainte Anne à Paris et plusieurs hôpitaux au Mexique, dont l’hôpital où j’ai effectué mon stage. Les efforts conjoints et soutenus déployés par, d’une part, le Dr VELASCO à Sainte Anne, de l’autre part les Dr RIZO et Dr BAZUA à l’Hôpital Civil de Guadalajara ont pour but, entre autres, de nous faciliter l’accès à de telles expériences, et cela va dans les deux sens : en même temps qu’au Mexique on accueille les internes Français, à l’Hôpital Sainte Anne on accueille des internes Mexicains  : les deux prochaines internes y sont attendues au mois de septembre de cette année.
Je vais d’abord décrire de manière succinte le parcours universitaire des psychiatres au Mexique, pour ensuite parler de mon experience au sein du service de psychiatrie pour adultes de l’Hospital Civil Fray Antonio Alcalde à Guadalajara. Je vais terminer avec quelques réflexions personnelles sur l’interêt qu’un tel stage peut avoir dans le cadre de notre formation

Le parcours universitaire
Les études de médecine au Mexique durent 6 ans. A l’issue de ces 6 années d’études, l’étudiant doit passer un concours pour accéder à l’internat, la particularité étant le fait que le choix de la spécialité se fait avant le concours. Une fois reçu à ce concours, l’interne postule à l’hôpital où il désire poursuivre sa formation et si sa candidature est acceptée, il y reste pendant toute la durée de son internat. En psychiatrie, du moins dans l’hôpital où j’ai effectué mon stage, la première année d’internat est réputée être la plus difficile, en raison d’un emploi du temps très chargé. A cela il faut rajouter le fait que les gardes sont toutes assurées par les internes, jamais par les seniors et qu’elles ne sont pas suivies de repos de garde

Le quotidien à l’hôpital
J’ai effectué un stage de 6 mois dans une unité d’hospitalisation pour patients adultes au sein d’un hôpital général universitaire. Il s’agit d’un stage clinique qui se décline en 3 types d’activités  : prise en charge des patients hospitalisés, psychiatrie de liaison dans tous les autres services de l’hôpital (y compris au service d’accueil des urgences), des consultations dans le cadre d’un suivi ambulatoire des patients.
Une journée typique commençait a 7h00 (et OUI, au début cela peut décourager, mais on finit par s’y faire) par un enseignement  : soit un cours, soit une présentation de cas clinique sous la supervision du médecin responsable de l’unité, le Dr Rogelio BAZUA O’CONNOR.
De 8h00 à 9h00 l’interne qui avait été de garde la veille faisait un retour de son activité pendant la garde. Ensuite, pendant la visite médicale, chacun d’entre nous présentait ses patients et leur évolution devant l’équipe. Après la visite, on faisait tout le reste du travail.

Tous les vendredis on se réunissait en début d’après-midi pour échanger autour d’un cas clinique ou un article dont une copie nous avait été distribué en début de semaine afin qu’on puisse l’analyser et réfléchir autour de la problématique abordée. Pour poser les diagnostics, on s’appuyait principalement sur le DSM 5, tout en restant ouvert à tout argument issu d’un autre type d’approche diagnostique.

En ce qui concerne l’équipe, j’ai été étonnée de constater à quel point ils ont été ouverts et disponibles, malgré leur emploi du temps parfois très chargé  : aucune de mes questions ou demandes d’aide (quelle fiche remplir pour obtenir telle chose, comment accéder aux résultats des examens biologiques et autres) n’est restée sans réponse. Tout au long des 6 mois de stage, je me suis sentie accompagnée dans les démarches administratives, ce qui a allégé mon travail de manière considérable. J’ai également eu l’occasion de participer à des staffs multidisciplinaires au sujet de la prise en charge des patients souffrant de troubles de l’identité sexuelle.

Les gardes étaient toutes assurées par les internes, jamais par les seniors. Les deux premiers semestres qui sont arrivés pendant mon stage ont d’abord doublé les gardes des semestres plus avancés pour prendre leurs repères dans l’hôpital et gagner un peu d’expérience avant d’être inscrits sur le tableau de garde.

La pathologie
Les pathologies rencontrées ont été sensiblement les mêmes qu’en France, avec la même approche en ce qui concerne la thérapeutique médicamenteuse. Les spécificités sont à retrouver au niveau de la dimension socio-culturelle, du recours parfois à des tradipraticiens (curanderos) qui dans le cadre des rituels traditionnels utilisent des substances psychoactives. La problématique addictive peut également prendre une place assez importante dans la clinique.

Les difficultés rencontrées
Elles proviennent du fait qu’il s’agit d’un hôpital public dans un pays en voie de développement. De ce fait, la qualité des soins qu’on peut proposer n’est pas toujours la meilleure, on est souvent limité dans les prescriptions en ce qui concerne le choix de la molécule, tout simplement parce que le patient n’a pas les moyens de s’acheter un traitement plus récent qui n’est pas pris en charge par l’analogue mexicain du système de sécurité sociale. D’une manière générale, il faut privilégier l’adhésion du patient à un traitement que l’on considère comme étant moins idéal dans une situation donnée, mais meilleur qu’une absence de traitement.

Pourquoi un tel stage est-il intéressant ?
Si d’une manière générale, le mode de révélation et d’expression d’une maladie comprend une dimension culturelle, celle-ci prend beaucoup de place dans notre métier. J’ose même dire que parfois elle prend une place centrale. Un stage dans un pays culturellement aussi riche que le Mexique ne peut qu’élargir les horizons d’un interne en psychiatrie. Il est important de savoir se décentrer pour essayer de mieux comprendre un parcours de vie jalonné d’expériences. Je pense qu’il faut résister à la tentation de tout ramener à ce que l’on connait déjà, et laisser de la place à des éléments nouveaux, découvrir les bénéfices d’une approche idiographique dans notre travail, et, ne serait-ce que de temps en temps, avouer ses limites avec humilité.

A l’Hospital Civil Fray Antonio Alcalde, ils ont l’habitude d’accueillir des étrangers, que ce soit des internes ou des externes. Pendant mon stage j’ai pu travailler avec un interne en neurologie qui venait du Pérou, deux externes colombiens et un externe espagnol. Au risque de me répéter, je n’ai rien à reprocher à l’accueil qu’ils nous ont fait, à nous tous.

Et si je parle peu des voyages que j’ai fait à l’intérieur du pays, c’est aussi parce que les mots me font défaut pour décrire les paysages que j’ai pu découvrir. C’est un pays magnifique qui offre tout ce dont un voyageur peut rêver

Au total, c’est une expérience que je recommande vivement et que j’ai trouvée enrichissante sur tous les plans. Je dirais que le seul prérequis pour profiter de tout ce que ce stage peut offrir serait une maîtrise minimale de l’espagnol : même si au sein de l’équipe tout le monde parle anglais et ils feront tout pour vous faciliter les choses au maximum, pour les entretiens avec les patients cela ne sera pas une option.

Il faut également souligner que pour ceux d’entre vous qui seraient intéressés, il existe aussi la possibilité d’effectuer un stage validant pour la pédopsychiatrie au sein du même hôpital, sous la supervision du Dr Gabriela NAVARRO MACHUCA

J‘aurais encore beaucoup de choses à en dire. Mais pour laisser un peu de place aux paysages, je vais clore cet article en incitant ceux d’entre vous qui seraient potentiellement intéressés par ce stage à me contacter par mail ([email protected]) pour avoir plus de détails et pour que je puisse éventuellement vous mettre en contact avec l’équipe de là-bas

*Je voudrais remercier tous ceux qui ont rendu cette expérience possible et particulièrement mes confrères les Docteurs Alberto VELASCO et Mircea RADU de leur aide.

Alexandra IAMANDI
Interne à Paris

Article paru dans la revue “Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ” / AFFEP n°17

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