Articles d’internes : 13 reasons why

Publié le 26 May 2022 à 07:27


Entre succès et polémique

« Thirteen reasons why », la série Netflix produite par la star américaine Selena Gomez, a connu un vif succès dès sa sortie le 31 mars dernier. Cette série est adaptée du roman « Treize raisons » (2007) de l’écrivain américain Jay Ashler. Plébiscitée par les adolescents, elle a suscité de nombreux débats dans les réseaux sociaux.

« SALUT, C’EST HANNAH. HANNAH BAKER. PAS LA PEINE DE RÉGLER L’APPAREIL SUR LEQUEL TU ÉCOUTES CET ENREGISTREMENT. C’EST MOI. »

Clay Jensen, un jeune adolescent de 17 ans, reçoit un lot de sept cassettes audio enregistrées par Hannah Baker, dont il est secrètement amoureux. Hannah est une élève de première dans un lycée américain ordinaire, qui s’est suicidée deux semaines auparavant.

Chaque face de cassette, soit chaque épisode, met en avant la responsabilité de certains élèves du lycée quant au mal-être de l’adolescente… la poussant finalement à son suicide. Soit treize raisons de passer à l’acte. Treize faces qui délient la parole de la défunte.

Au fur et à mesure des treize épisodes, le suspense devient haletant, les scènes de plus en plus insoutenables, reflétant le chemin de croix d’Hannah et sa douloureuse descente aux enfers.

Contre toute attente, « 13 reasons why » dépasse le cadre du « teen-drama » classique et aborde des sujets délicats comme la dépression, le suicide, le sexisme (le « slut-shaming »), le viol et le harcèlement scolaire chez les adolescents. Sous forme d’un réel thriller psychologique, la série est dérangeante et donne à réfléchir.

Principal reflet de l’intrigue que peut susciter la série : les recherches internet la concernant dépassent tous les records, les réseaux sociaux s’affolent.

Ce qui fait surtout le « buzz », c’est que cela suscite de nombreuses polémiques.

Certains détracteurs y ont vu une forme de « glorification du suicide » ou déplorent une vision « glamour ». En effet, dans la série, et contrairement à la réalité, l’histoire se prolonge après le suicide de l’adolescente, laissant place à de nombreux fantasmes adolescents : « si je me suicide, comment vont réagir les gens ? Vont-ils parler de moi ? ».

D’autres émettent des réserves quant à l’idée qu’un suicide puisse être expliqué par « treize raisons » et craignent que le scénario ne laisse entrevoir une vision trop simpliste. Le suicide serait-il alors principalement expliqué par une défaillance de la part des amis et de la famille des adolescents en souffrance ? Cela soulignerait alors « la méconnaissance de la manière dont fonctionne la maladie, la dépression, le suicide et le deuil ».

Aux États-Unis et au Québec, des professionnels de santé et établissements scolaires ont qualifié la série de « dangereuse pour les ados dépressifs », avec une mise en garde contre son côté fataliste et romancé, avec cette héroïne vengeresse en guise de personnage principal.

On ne peut nier que cela puisse avoir un impact néfaste chez un adolescent fragile qui visionnerait cette série sans recul, critique, et accompagnement. Certains iront même jusqu’à craindre un effet « contagion » du passage à l’acte. De toutes les façons, tout le monde s’accorde à dire que le principal axe de prévention du suicide chez l’adolescent est un accompagnement adéquat.

Quoi qu’il en soit, le spectateur est confronté de manière directe à des scènes parfois violentes, avec des mises en scènes de viols, ainsi que la fameuse scène du suicide d’Hannah, par phlébotomie dans la baignoire du domicile familial. A ce propos, le scénariste Brian Yorkey explique que l'équipe a choisi de montrer cette scène de manière crue : « Nous ne voulions pas que cela soit un moment gratuit, nous voulions qu'il soit difficile à regarder, parce que nous voulions être très clair sur le fait qu'il n'y a rien, d'aucune manière, dans le suicide qui en vaille la peine ».

Depuis, suite à de nombreuses plaintes, Netflix a précédé ses épisodes les plus violents d'un message d'avertissement à ses jeunes téléspectateurs.

D’un autre côté, de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux mettent en avant que la série peut être à l’origine de prises de conscience salutaires.

Dans certains pays, comme le Brésil, des associations d’aide aux personnes suicidaires ont signalé que les appels sur leurs lignes d’écoute avaient doublé depuis la diffusion de la série, certains mentionnant même explicitement celle-ci comme la raison les ayant poussées à chercher de l’aide.

La série se fait la tribune des adolescents victimes de harcèlement scolaire ou suicidaires, à travers de nombreux témoignages. Au fur et à mesure des épisodes, le spectateur, quel qu’il soit, se rend compte que ces situations peuvent lui être familières, que ce soit en tant que victime, harceleur ou témoin. En sachant effectivement que la série aborde des thématiques plus communes comme le mal-être adolescent.

Mélanie TRICHANH

Sources :
Le Parisien, Séries télé : « 13 Reasons Why », les ados ne parlent que de ça.
Le Monde, Sur Internet, la série « 13 Reasons Why » provoque un vaste débat à propos du suicide.
Paris Match, "13 Reasons Why" : cette série qui change des vies.

Article paru dans la revue “Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ” / AFFEP n°20

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