Après l’Internat

Publié le 1675355120000

Après quelques mots de démographie médicale, nous verrons les statuts accessibles dès la fin de l’internat, une fois la thèse et le DES en poche, et l’inscription à l’Ordre des Médecins réglée :
- À l’hôpital public : chef de clinique, assistant spécialiste, assistant hospitalier à temps partagé, praticien hospitalier contractuel.
- Dans le privé : installation en cabinet libéral, travail en clinique privée.
- Dans le médico-social.

Le CHU
Nous connaissons tous le CHU par nos stages d’externat. Des pôles de psychiatrie existent dans tous les CHU en France, que ces pôles soient sur le même site que le reste du CHU ou sur un site dédié. Les possibilités de postes au sein du CHU en fin d’internat sont des postes de Chef de Clinique-­Assistant, Assistant spécialiste, Assistant Hospitalier à Temps Partagé. 

Les CHS et EPSM
Les centres hospitaliers spécialisés et établissements publiques de santé mentale sont les anciens hôpitaux psychiatriques. De nombreux stages d’internat y sont disponibles, puis les possibilités de postes sont souvent variées et de plus en plus flexibles. Chacun de ces hôpitaux se compose d’un site principal, lieu des hospitalisations temps plein, et de CMP, centres médico-psychologiques, pour être plus proche des patients pour les activités ambulatoires de l’hôpital. Des antennes en SMPR, service de médico-psychologique régional, en milieu carcéral, existent aussi. En fin d’internat, il est possible d’y prendre des postes de Chef de Clinique-Assistant, Assistant spécialiste, Assistant Hospitalier à Temps Partagé, et même maintenant des postes de praticiens hospitaliers dès la fin de l’internat depuis 2019. En effet, la limite d’ancienneté pour pouvoir se présenter au concours de praticien hospitalier a disparu.

Perspectives d’avenir et démographie médicale en psychiatrie
L’Ordre des Médecins recense 15 479 psychiatres au 1er janvier 2019, un chiffre en constante augmentation depuis les années 2000. L’activité libérale concerne actuellement 25 % des psychiatres, tandis que 64 % sont salariés et que 11 % ont une activité mixte. 

L’augmentation apparente du nombre de psychiatres ces dernières années doit toutefois être mise en perspective et derrière les chiffres se cachent de réels défis pour les années à venir.

L’âge moyen des psychiatres est de 53 ans pour les praticiens hommes et 48 ans pour les praticiens femmes. Bon à savoir : la parité est plutôt respectée au sein de la spécialité avec, en 2018, 47 % de psychiatres hommes et 53 % de psychiatres femmes. 
● La situation est plus alarmante en psychiatre de l’enfant et de l’adolescent où, d’après l’Atlas de démographie médicale du CNOM, 80 % des praticiens avaient plus de 60 ans en 2018. 
● Il existe, de manière générale, un grand nombre de postes vacants en psychiatrie. Selon les sources, près de 30 % des postes de praticiens Hospitaliers (PH) ne seraient pas pourvus, soit 1000 postes.
● La demande sociétale est de plus en plus forte. Le nombre de consultations ne cesse d’augmenter et le domaine de la santé mentale en général se voit confier de plus en plus de missions.
● Pendant des années, le nombre de postes proposés à l’issue de l’ECN a en effet été en augmentation, mais depuis 2018 il a tendance à stagner aux alentours de 525 à 530 postes offerts par an. Le souci : alors qu’avant 2008 100 % de ces postes proposés aux internes étaient pourvus, ce n’est aujourd’hui plus le cas… De plus en plus de postes proposés donc, mais moins choisis. 

Sources :
Atlas de la démographie médicale en France, édition 2017 et 2018, édité par le Conseil National de l’Ordre des Médecins.
Medshake, statistiques ECN entre 2010 et 2020 en psychiatrie.

Le résultat de cette situation est qu’à l’heure actuelle, la population générale manque encore de psychiatres, mais il faut dire qu’en conséquence, un jeune psychiatre a en général du choix quant à son mode et son lieu d’exercice. Cette position très favorable devrait durer encore quelques années, mais méfiance. 
Le travail à l’hôpital public

L’hôpital public offre un grand nombre de débouchés aux jeunes psychiatres. Il est même le seul à leur proposer des modes d’exercice qui leur sont réservés, ce que l’on appelle le « post-internat », qui correspond aux différentes formes d’assistanat (Chef de Clinique-Assistant, Assistant spécialiste, Assistant Hospitalier à Temps Partagé).

Le Chef de Clinique - Assistant des Hôpitaux (CCA)
Le titre de Chef de Clinique-Assistant des Hôpitaux (CCA) est né en 1960, faisant suite à la création des CHU par la réforme Debré de 1958. La fonction de CCA est bien connue des étudiants, puisqu’il s’agit souvent des premiers médecins qu’ils ont rencontrés lors de leurs premiers stages à l’hôpital. 

Le clinicat est le premier poste dans la hiérarchie des postes « universitaires », il n’existe donc que dans les services universitaires. Il assure une triple mission : de soin, d’enseignement et de recherche. Il est salarié à la fois du CHU et de l’université. 
Le clinicat dure deux ans, éventuellement renouvelable une fois. Il peut être réalisé dans les trois premières années suivant la fin de l’internat. 

Le statut de CCA est normalement plutôt destiné à ceux qui souhaitent poursuivre une carrière hospitalo-universitaire, mais ce n’est pas toujours le cas : certains le choisissent par intérêt personnel pour la recherche ou l’enseignement, pour un complément de formation, ou simplement pour avoir accès au secteur 2 ensuite (qui autorise les dépassements d’honoraires si vous vous installez en libéral à l’avenir).

Du fait de la triple valence du poste, il faut avoir un minimum une fibre d’enseignant : le CCA participe à l’encadrement des étudiants en médecine, donne des cours à la faculté de médecine et mais aussi dans d’autres composantes (Institut de Formation en Soins Infirmiers ou école de Sages-femmes par exemple), il participe à la surveillance des examens, la corrections de copies…
La dimension de recherche est également partie intégrante du poste. Selon le service, vous aurez la possibilité de développer vos propres projets mais aussi d’inclure des patients dans les projets de recherche du service et bien souvent d’écrire quelques papiers scientifiques.

Mais toutes ces activités ne doivent pas faire oublier ce qui représente la majeure partie du travail du chef de clinique : faire tourner la salle ! En effet, le CCA a dans l’immense majorité des cas la responsabilité d’une unité, et avec l’aide des internes, il assure un travail clinique important. Il faut être conscient que le reste de ses missions (l’enseignement et la recherche) se fait parfois le soir et les week-ends... Le travail en CHU est parfois sectorisé, mais le CCA a moins souvent une véritable activité de secteur, comme peut l’avoir l’assistant spécialiste.

Côté salaire : la rémunération du CCA est faite de la combinaison de plusieurs « émoluments ».
Un émolument « hospitalier » (versé par ­l’hôpital) de 17 655,47 euros bruts annuels pour les deux premières années.
Un émolument « universitaire » (versé par la faculté à laquelle il est rattaché) de 16 714,92 euros bruts annuels pour les deux premières années.

Pour un total de 34 370,39 euros bruts annuels.
Diverses indemnités peuvent être versées en sus, comme « la prime engagement de service public exclusif » réservée aux CCA qui s’engagent pendant la durée de leurs fonctions à ne pas exercer une activité libérale à côté et à travailler uniquement à l’hôpital public (environ 490 euros mensuels bruts).

Les CCA étant des universitaires, leurs gardes sont payées comme telles, soit environ 400 euros pour une garde de nuit en semaine. La contrepartie : il n’y a pas de repos de garde le lendemain, le CCA doit être dans son service, mais ne doit théoriquement pas faire de clinique (uniquement du travail universitaire). 
Il bénéficie de 30 jours ouvrables (du lundi au samedi) de congés annuels par an, soit 5 semaines : autant qu’un interne.

Comment y avoir accès ?
Un clinicat s’envisage assez tôt. En effet, votre candidature sera parfois en concurrence avec d’autres internes. L’obtention d’un Master 2 « Recherche » est de plus en plus souvent obligatoire, et si ce n’est pas le cas, elle est fortement recommandée. 
La faculté, la CME (Commission Médicale d’Établis­sement) et le directoire du CHU examinent les différents dossiers et statuent après avoir pris connaissance de l’avis du chef de service concernant les postulants mais, concrètement, c’est le chef de service qui désigne les CCA avec qui il travaillera. 
N’hésitez donc pas à dire rapidement à votre chef de service si un poste de CCA vous intéresse, dès l’internat.

L’assistant spécialiste (AS)
L’assistanat est une autre forme de post-internat. Il s’agit de poursuivre sa formation après la fin de l’internat, tout en assurant pleinement des responsabilités de médecin thésé. La durée de l’assistanat est de un à six ans (le plus souvent il dure deux ans), et il faut effectuer au moins deux ans pour avoir le titre d’Ancien Assistant et pour pouvoir ainsi accéder au secteur 2. 
L’assistant est un jeune psychiatre qui poursuit son travail à l’hôpital, mais avec des responsabilités de médecin sénior. Sachant qu’il s’agit d’un poste non universitaire, à la différence du CCA, il peut travailler en CHS, mais également en CHU ou en hôpital général. C’est tout de même un poste que l’on retrouvera plus souvent en CHS. 

Il s’agit souvent d’une transition qui permet de débu­ter une carrière hospitalière dans le public. L’assistant, comme les autres médecins du service, peut être amené à encadrer des internes mais il n’a pas de fonction dédiée à l’enseignement comme le CCA. 
Travaillant en CHS, l’assistant a une mission de secteur. Il partage en général son temps entre un, voire plusieurs pavillons / unités et l’extra-hospitalier : CMP, CATTP, etc.

Il bénéficie d’un statut plus confortable que son cousin le CCA en termes de jours de congés avec 25 jours ouvrés (du lundi au vendredi) de congés annuels autorisés, mais aussi des congés accordés au titre de la réduction du temps de travail et des jours de récupération des périodes de temps de travail additionnel… Finalement, on arrive facilement à 7 semaines de congés annuel pour un AS. 

En contrepartie, le salaire est un peu moins élevé que pour le CCA : 31 844,06 euros bruts annuels pour les deux premières années. Diverses primes peuvent venir s’y ajouter comme pour le CCA : prime versée à l’occasion du recrutement initial si vous vous engagez pour 2 ou 4 ans, prime si vous êtes amené à travailler sur plusieurs sites hospitaliers, prime d’exercice public exclusif…

Les gardes sont rémunérées environ 260 euros brut pour une nuit en semaine. 

Comment y avoir accès ?
Il faut postuler auprès du directeur d’établissement, qui vous embauchera sur avis du chef de service. À nouveau, et même si c’est la direction qui tient les cordons de la bourse, c’est en pratique le chef de service qui choisit ses assistants spécialistes. Renseignez-vous sur les postes disponibles au cours de votre internat et n’hésitez pas à dire que vous êtes potentiellement intéressés lors de votre internat.

L’Assistant Hospitalier à Temps Partagé (AHTP) ou « assistant partagé »
Face à la pénurie de jeunes médecins à l’hôpital public, un nouveau statut a été créé en 2009 : l’AHTP. Il s’agit de la troisième forme de post-internat, donnant également accès au titre d’Ancien Assistant des Hôpitaux et par conséquent au secteur 2. Il s’agit de postes d’assistants dont l’activité est, comme son nom l’indique, partagée entre deux établissements : le CHU et un hôpital périphérique. 
D’une part, cela permet à de jeunes psychiatres intéressés par un travail clinique en CHU, mais qui ne souhaitent pas s’investir dans la dimension universitaire du clinicat, d’y exercer. D’autre part, cela permet de travailler en CHS et de profiter des possibilités du secteur. 

L’AHTP s’engage pour un an minimum, le plus souvent pour deux années.
Ces postes permettent de diversifier les lieux de travail et de renforcer le lien entre hôpitaux périphériques et CHU, améliorant ainsi la cohérence des soins. L’AHTP peut bénéficier de deux environnements et de deux cultures de soins différentes, enrichissant ainsi son expérience clinique. Cependant, le travail partagé entre deux établissements nécessite une bonne capacité d’adaptation et une organisation rigoureuse afin de pouvoir trouver sa place dans chacun des services d’affectation. Il faut également être prêt à faire des trajets parfois conséquents, et ce plusieurs fois par semaine.

Comment y avoir accès ?
De la même façon que pour l’assistanat spécialisé.
Bon à savoir 
Le dispositif des Assistants Spécialistes Régionaux (ASR), mis en place dans certaines régions (exemple : Haute-Normandie) offre à des candidats en post-internat la possibilité d’accéder au statut de l’AHTP, entre le CHU (de 20 à 40 % maximum) et un CH (60 à 80 % minimum) basé sur un projet construit entre le coordinateur de la discipline et le responsable de la structure d’accueil. Les postes étant en partie financés par l’Agence Régionale de Santé, le nombre est limité et il faut présenter un dossier pour passer devant la commission.

Le Praticien Hospitalier Contractuel
La fonction de PH est en général également bien connue des internes. Le PH est un psychiatre des hôpitaux, ce type de poste existe à la fois en CHU et en CHS. Le PH est la clé de voûte du travail clinique à l’hôpital. 

Aujourd’hui, l’accès à la fonction de PH est réglementée par un concours, le CNPH (Concours national de praticien des établissements publics de santé) qu’on appelle plus souvent « le concours de PH ». 
En général, le jeune psychiatre débute donc comme Praticien Hospitalier Contractuel (PHC), donc pour une durée limitée, ce qui lui permet de passer le concours de PH ensuite. 
À savoir : dans le cadre du projet de loi « Ma Santé » 2020, la suppression du concours de PH ainsi que la création d’un statut unique de PH a été votée par les députés le 19 mars 2019. En 2022, le concours de PH était encore en vigueur, mais probablement plus pour longtemps…
Le statut de PH donne accès à un poste fixe à l’hôpital, dont la durée n’est pas limitée dans le temps contrairement aux postes de PHC, CCA ou AS.

Comment y avoir accès ?
Pour le poste de PHC, cela se passe de la même façon que pour l’assistanat spécialisé.
Le concours de PH sera théoriquement amené à être supprimé, mais il est encore existant donc nous l’évoquons ici. Ce concours est ouvert aux psychiatres qui peuvent justifier de deux années d’exercice dans un établissement public (dit concours de PH titre I), quel que soit le poste occupé durant ces deux années. Le concours comporte une évaluation en trois temps :
Constitution d’un dossier « Titres et travaux » : c’est l’ensemble des diplômes obtenus, des formations validées (y compris congrès, FMC, séminaires, etc.), ainsi que les publications, communications orales et écrites du jeune psychiatre. 
Constitution d’un dossier « Services rendus » : il s’agit des documents attestant de vos activités médicales notables, au sein d’un établissement, mais aussi de vos activités au sein d’associations, les fonctions d’intérêt général, les formations dispensées, etc.
Un entretien avec le jury sur le dossier qui comporte les deux items ci-dessus.

Le concours de PH est également accessible aux autres psychiatres, qui n’auraient pas passé déjà deux ans dans un établissement public (concours de PH de titre II), mais il comporte alors en plus un examen oral de contrôle des connaissances.
Il faut savoir que pour les titres et travaux et pour les services rendus, le jury exige des justificatifs pour tout ce que vous mettrez dans votre dossier. Pour ceux qui pensent se lancer dans une carrière de PH et exercer à l’hôpital, il est donc très important que vous vous y prépariez dès le début de votre internat ! 

Comment ? Tout simplement en gardant un justificatif de tout ce que vous faites : un certificat de participation à un congrès ou à une journée scientifique, lettre attestant d’une adhésion ou d’une implication au sein d’une association, courrier d’un responsable d’enseignement attestant des cours que vous avez donnés… Tout est bon à prendre ! Constituez-vous un dossier « PH » au tout début de votre internat, cela vous évitera bien des heures perdues par la suite… 
C’est très simple à faire au fur et à mesure, mais cela devient bien plus compliqué quand il s’agit de tout récupérer un à deux ans après la fin de votre internat. 

Sources concernant les différents statuts à l’hôpital public 
● Site de l’ISNI : Différences statutaires entre CCA, AHU, assistants spécialistes et PH contractuel. 
● Journal Officiel : Arrêté du 15 juin 2016 relatif aux émoluments, rémunérations ou indemnités des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques exerçant leurs fonctions à temps plein ou à temps partiel dans les établissements publics de santé.
● Code de la Santé Publique : article R6152 et suivants.
● Décret n°84-135 du 24 février 1984 portant sur le statut des personnels enseignants et hospitaliers des CHU.

Sources concernant la suppression du concours de PH 
● PH : un statut unique pour faire passer la pilule ? - What’s Up Doc.
● Statut unique de PH et fin du concours : craintes et doléances des syndicats de praticiens hospi­taliers - Le Quotidien du médecin.
● Concours national de praticien des établissements publics de santé (CNPH) - Site du CNG. 

Quelques sites internet utiles pour en savoir plus
● Le site de l’InterSyndicat National des CCA : 
http://www.isncca.org/ 
● Le site du Centre National de Gestion des PH : 
http://www.cng.sante.fr/ 
● Le site de l’InterSyndicale Nationale des Internes : https://isni.fr/

Le travail dans le privé
La multiplicité des statuts à l’hôpital public rendait nécessaires les quelques pages précédentes, mais s’il est bien un milieu que l’on connaît généralement moins en tant qu’interne, c’est le travail dans le secteur privé. En cabinet ou en clinique, peu de stages d’internat permettent de découvrir cette pratique !

Des stages d’internat en cabinet, auprès de maîtres de stages exerçant en libéral, se mettent en place dans certaines régions sur le même format que pour les internes de médecine générale, mais cela reste rare. 
Le développement de ces stages auprès de praticiens libéraux est en discussion et nous devrions y avoir de plus en plus accès dans les années à venir !
Avant de passer en revue quelques-unes des ­possibilités offertes, précisons qu’il est toujours possible (et très fréquent), d’avoir une activité mixte publique-privée ou plus largement salariée-libérale.

Pour en savoir plus, quelques sites internets 
Le site de l’Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé : http://www.afpep-snpp.org/
●L’exercice libéral en cabinet
Les idées reçues
Ces dernières années, les jeunes médecins, à la fin de leurs études, s’installent peu en cabinet libéral. Le manque de contact avec des psychiatres libéraux au cours de notre internat donne souvent lieu à l’émergence de quelques clichés concernant cette modalité d’exercice : la solitude de l’exercice, des patients moins intéressants, « moins malades », la lourdeur administrative, une gestion compliquée…

L’installation : quels interlocuteurs avant de se lancer ? 
Plusieurs institutions sont des passages obligés pour l’installation en tant que psychiatre libéral comme l’Ordre des Médecins, les Agences Régionales de Santé, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, la Caisse de retraite (CARMF). Elles donneront des informations essentielles, factuelles et réglementaires. 

Les banques, les assurances, voire l’industrie pharmaceutique prodiguent aussi leurs conseils, intéressants, à condition de bien avoir conscience des conflits d’intérêts qu’ils peuvent soulever. 
Plus proches du terrain, les Unions Régionales de Professionnels de Santé (URPS) des médecins, mais aussi certaines associations professionnelles, des syndicats, peuvent eux aussi donner des conseils et répondre aux questions, mais surtout nouer un dialogue préalable à l’installation.

Une demande spécifique
La territorialisation de l’offre de soins concerne le praticien libéral qui devra s’inscrire dans une ­organisation de soins, lui donnant une place particulière. Si des évolutions sont à prévoir, la nature et la pertinence de l’exercice libéral doivent être soulignées.
Le psychiatre libéral accueille une demande de soin plus spécifique et différente de celle qu’on retrouve à l’hôpital. Il répond à une demande précise de la part du patient qui effectue une démarche volontaire de soins. L’alliance de travail et les objectifs de soins sont souvent plus clairs que dans les structures hospitalières.

S’il existe une différence entre les patients traités en ville et à l’hôpital, elle tient essentiellement à la nature du soin ambulatoire, plus qu’au statut libéral ou salarié. Ainsi un psychiatre libéral qui aura un exercice hospitalier complémentaire public ou privé, sera amené à traiter le même type de patients que s’il exerçait dans le service public hospitalier. La pratique libérale garantit l’indépendance professionnelle, et l’absence de liens hiérarchiques avec une administration ou des confrères. Le médecin est toujours libre et responsable de ses choix thérapeutiques mais l’exercice libéral permet de définir ses horaires de travail, ses choix professionnels et l’exclusivité ou non de ses différents modes d’exercice.

Un réseau de soin alternatif
Travailler en cabinet libéral, ce n’est pas travailler seul ! Si ce choix est possible, il ne caractérise pas l’exercice libéral qui est par essence un exercice en réseau.

L’inscription dans un réseau de médecins dits correspondants est essentielle, le spécialiste psychiatre venant répondre aux besoins de santé, et en particulier aux demandes des médecins traitants. Il articule son travail avec eux mais aussi avec les autres médecins spécialistes en charge des pathologies non psychiatriques de ses patients. Des échanges professionnels sont fréquents, mais aussi des rencontres en particulier lors de réunions de formation médicale.

Parallèlement pour le suivi et la prise en charge de ses patients il va aussi pouvoir travailler en réseau avec des cabinets infirmiers, des psychologues et s’il s’occupe d’enfants avec d’autres professionnels comme des orthophonistes, des éducateurs spécialisés, des psychomotriciens... 

Le travail du psychiatre libéral s’articule également avec le milieu hospitalier, public ou privé, les hôpitaux de jour et autres structures sanitaires, médico-sociales et mêmes sociales. C’est un réseau professionnel riche, moins formalisé que dans les institutions car dépendant du choix et des connaissances de chacun, mais qui a pour conséquence l’adoption d’une certaine souplesse dans la pratique et la possibilité d’éviter certains écueils institutionnels.

La pratique en libéral est très riche et même si vous vous orientez vers une pratique psychothérapeutique en cabinet, cela n’empêche pas de travailler également autour de prises en charges incluant des prescriptions médicamenteuses, des thérapies brèves, des pratiques d’expertise, avec des enfants comme des adultes. Vous pouvez façonner votre exercice à votre image et selon vos préférences. 
Il existe également différentes modalités d’association entre médecins, ou entre professionnels de santé.

Une continuité de la prise en charge
Comme le médecin généraliste, le psychiatre libéral noue un lien stable et prolongé avec ses patients. Ce lien assure une continuité des soins mais donne aussi une perspective au long cours sur l’évolution de la psychopathologie. 
Cet engagement individuel est soumis au respect du code de déontologie médicale, qui en particulier impose l’obligation de continuité de soins. Le psychiatre libéral doit alors s’organiser avec ses confrères ou des structures hospitalières pour garantir en son absence cette continuité de soins. Il doit en donner l’information à son patient.

La rémunération
La différence essentielle avec l’exercice salarié concerne la rémunération. En libéral, c’est le paiement à l’acte qui régit la rémunération.
Selon vos souhaits et votre parcours, vous avez la possibilité d’exercer en secteur 1 (tarif à l’acte conventionné par la sécurité sociale soit 39 euros pour une consultation de psychiatrie) ou en secteur 2 (où le praticien peut définir librement ses honoraires). 

Plus d’infos sur la tarification à l’acte :
Tarifs des actes en métropole française
https://cutt.ly/02xGjpw

Il est difficile de comparer exercice libéral et exercice salarié en termes de revenus car il faudrait y inclure les avantages sociaux du système salarié et raisonner en salaire brut, avec les charges patronales en sus pour les mettre en regard du statut libéral d’entrepreneur. Le médecin libéral devra raisonner en gestionnaire pour ne pas confondre recettes et bénéfices et penser à souscrire des garanties complémentaires en ce qui concerne la prévoyance, la retraite, la maladie… Il n’aura aucun droit en cas de non rentabilité de son activité.

Comment y avoir accès ?
Il suffit d’avoir obtenu son DES de psychiatrie et de s’inscrire à l’Ordre. Le reste des démarches administratives (conventionnement, assurances…) est accessible auprès des ARS, de l’Ordre de Médecins, de la CPAM de votre lieu d’exercice, etc.
Le jeune psychiatre peut s’installer en secteur 1 sans avoir réalisé de post-internat (ses tarifs sont alors conventionnés avec la sécurité sociale). Pour s’installer en secteur 2, secteur à honoraires libres, il faut avoir validé un post-internat de deux ans minimum (CCA, AS, AHTP).

Le travail en clinique privée
Ce travail en clinique privée peut être complémentaire de l’installation en cabinet libéral, dans la mesure où le praticien pourra y traiter ses patients, ceux venant de son propre réseau de soins, enrichi du réseau lié à son activité en clinique. Toutefois de nouvelles modalités émergent avec la territorialisation de l’offre de soins, et il peut exister des propositions d’exercices exclusifs en clinique.

L’hospitalisation privée en psychiatrie en France, représente aujourd’hui 20 % des capacités totales d’hospitalisation. Elle est très inégalement répartie sur le territoire national et recouvre aussi des pratiques disparates, de rares cliniques ayant aujourd’hui des autorisations d’hospitalisation sous contrainte par exemple.

Cette pratique est une alternative extrêmement intéressante à l’offre hospitalière publique, car elle peut permettre des expériences professionnelles passionnantes, innovantes, avec une souplesse de mise en œuvre. De plus, l’hospitalisation privée a les autorisations pour se diversifier vers des modes de prise en charge ambulatoires, vers des soins de réhabilitation psychosociale, vers des structures de dépistage…

Mais nous devons attirer l’attention des jeunes psychiatres intéressés, car ils doivent faire preuve de la plus grande vigilance avant de s’engager avec un établissement privé. Cet engagement est contractuel, c’est-à-dire qu’il est uniquement régi par le contrat que le médecin signera avec le représentant légal de l’établissement. À ce titre, ce contrat doit être étudié très attentivement, car il va organiser la vie professionnelle du signataire. Jusque-là, les propositions de travail concernant une pratique libérale en hospitalisation privée, « obligeait » souvent le médecin à devenir actionnaire de la clinique, qui est un établissement à but lucratif. D’autres formes d’investissements initiaux pouvaient être demandées, sur le modèle des « rachats de clientèle ». Ces pratiques sont plus rares aujourd’hui, et chaque cas particulier doit être analysé. Il faut savoir que la notion de lits ayant disparu, le rachat de lits est discutable.

Certains propriétaires de cliniques, en particuliers des groupes financiers, proposent un salaire aux psychiatres. Le psychiatre doit s’assurer de la nature de ce salaire et de la convention collective à laquelle il est rattaché. En effet, parfois ce salaire est issu directement de l’encaissement, des honoraires produits par le psychiatre, par l’établissement de soins qui en reversera une partie au médecin. Là aussi le psychiatre doit analyser précisément les propositions de travail et se faire aider si besoin. Il devra différencier parmi les formes de salariat proposé celles où le salaire du médecin psychiatre est réellement prévu dans le prix de journée de l’établissement, des autres. L’analyse des conditions de travail est essentielle pour éviter de lourdes déconvenues. En particulier, il convient de vérifier les charges liées à ce contrat de travail concernant le nombre de patients à prendre en charge, la question de la permanence des soins, des gardes, des astreintes et celle aussi des conditions de votre remplacement lors de vos vacances ou autres repos compensateurs. Il ne faut pas non plus oublier d’analyser les moyens matériels mis à votre disposition, ainsi que les moyens en personnel mobilisés pour permettre un exercice psychiatrique de qualité.

Il sera toujours essentiel de comparer le salaire proposé aux revenus que vous pourriez retirer d’une activité libérale avec la nomenclature applicable à l’hospitalisation privée. C’est chose simple, et vous pouvez être aidés.

Comment y avoir accès ?
S’il s’agit d’un exercice libéral en clinique, les formalités sont identiques à celles de l’exercice libéral en cabinet. S’il s’agit d’un exercice salarié, il devra répondre au droit du travail.

Le médico-social
Le secteur médico-social constitue un pan très impor­­tant de l’activité psychiatrique. Un grand nombre d’associations et d’établissements emploient en effet des psychiatres, le plus souvent à temps partiel ; cela va des CAMSP (Centre d’action médico-sociale précoce), des CMPP (Centre Médico-Psycho-Pédagogique) qui assurent ensemble plus de la moitié des consultations de pédopsychiatrie et demandent un travail clinique « classique », aux instituts type IME (Institut Médico- Éducatifs), et ITEP (Instituts Thérapeutiques, Éducatifs et Péda­gogiques). Ces établissements ou services sont le plus souvent gérés par des associations loi 1901.

Du côté des adultes, des psychiatres travaillent aussi dans des ESAT (Établissements et services d’aide par le travail), des Foyers (jeunes travailleurs, handicapés..).

Ces dernières années se sont également développés les SAVS (Services d’aide à la vie sociale) et les SAMSAH (Services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés), qui soulagent le secteur psychiatrique d’une part de l’activité à orientation plus sociale, ou concernant l’accompagnement aux consultations de médecine somatique ou encore la réinsertion.
Souvent, les psychiatres du médico-social ont davantage un rôle de supervision des équipes, de liens avec les établissements psychiatriques, d’évaluation et de suivi de certains pensionnaires en souffrance psychique. Les sujets rencontrés dans le secteur médico-social sont plus fréquemment en voie de stabilisation, ou chroniques, sauf pour les CAMSP et les CMPP qui effectuent le dépistage et le diagnostic et pour les ITEP qui acceptent des adolescents difficiles,

Les établissements médico-sociaux qui cher­chent des psychiatres sont très nombreux. Les libéraux y interviennent souvent quelques demi-journées, ce qui leur permet d’avoir un revenu fixe et de sortir un peu du cabinet.

Comment y avoir accès ?
Il s’agit toujours d’emplois salariés, et il suffit d’être diplômé en psychiatrie et inscrit à l’Ordre. Il faut alors postuler, mais il n’y a que dans certains CMPP qu’il arrive que plusieurs médecins psychiatres postulent pour un même poste.
En 2 mots…

Pourquoi ? Pour changer du travail « classique » du psychiatre. Pour être plus proche du monde social. Pour un exercice diversifié, facteur de « santé mentale ».

Pourquoi pas ? Si vous n’aimez pas le travail en équipe. Si vous êtes intéressés uniquement par la pathologie purement psychiatrique. Si vous ne supportez pas le lien de subordination, inhérent au salariat.
Et tant d’autres façons d’exercer encore…

Du PH spécialisé dans les troubles psychotiques résistants au psychiatre libéral qui a une activité de psychothérapie, en passant par le praticien du médico-social, les possibilités d’activités sont très diverses, d’autant qu’on aurait pu en citer bien d’autres : humanitaire, industrie pharmaceutique, conseil stratégique en entreprise, en marketing, en politique, journalisme médical… Comme nous l’avons vu, chaque type d’exercice a ses avantages et ses inconvénients, et chaque jeune psychiatre pourra y trouver son compte. N’oublions pas qu’une carrière peut évoluer : d’une activité libérale pure, il est possible de passer à une activité mixte, puis publique exclusive, et vice-versa, et la possibilité d’associer ces différents types d’activités enrichit encore davantage les possibilités.

 

Article paru dans la revue “Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ” / AFFEP n°01

 

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