Après l’attractivité, La désillusion et Le renoncement pour les HU

Publié le 18 Jul 2022 à 10:58

La problématique de l’attractivité des femmes et des hommes dans les métiers de la santé et en particulier à l’hôpital public n’est pas liée à la pandémie de COVID-19. Celle-ci a agi comme un cygne noir dans un système déjà fragilisé depuis des années. La volonté de retrouver une attractivité est donc bien un constat ancien car il s’agit d’une situation qui évolue depuis quelques années.

Ainsi la question de l’attractivité est mise à toutes les sauces, dans tous les rapports quel que soit le mode d’exercice, public ou privé, par toutes les professions de santé, à tous les niveaux organisationnels, dans tous les territoires de la métropole et ultramarins.

Dresser une liste exhaustive des signes d’alarme lancés avant 2022 serait du temps perdu, tant nous sommes déjà dans l’urgence. Pour exemple, le discours introductif du premier ministre Édouard Philippe le 20 novembre 2019, concernant le plan d’urgence pour l’hôpital «  Ma santé 2022  » proposé par la ministre de la Santé et de la Solidarité Madame Agnès Buzyn, soit avant le début de la pandémie, proposait parmi trois axes de solutions, celui de «  restaurer l’attractivité de l’hôpital, en redonnant envie de s’engager à l’hôpital public et d’y construire une vraie carrière et en récompensant l’engagement des personnels  »1. Tout est dit, il faut attirer !

Notre système de santé et de formation, par la pratique et la recherche, était déjà dans le rouge avec une épée de Damoclès pesant sur son fonctionnement. La pandémie s’est alors abattue sur notre système pour finir de le mettre à genoux. Dans les mesures d’urgence, la notion de formation des professionnels de santé a été totalement absente du discours alors que la pénurie en termes humains est l’un des facteurs essentiels de la difficulté ressentie.

Cette pénurie a été aggravée par la mise en place des 35h à l’hôpital et la bureaucratie instaurée par un management éloigné des besoins des patients et du personnel, ainsi que par l’absence d’anticipation sur l’adéquation entre la démographie médicale et les changements épidémiologiques liés à l’augmentation des maladies chroniques et au vieillissement de la population.

Un autre exemple, deux années après l’annonce de «  Ma santé 2022  », qui montre l’absence de prise en compte de la formation par la recherche, est son oubli initial dans les négociations du SÉGUR de la santé, rattrapé par la mise en place d’un groupe de travail sur l’attractivité des carrières hospitalo-universitaires. Les propositions faites aux hospitalo-universitaires dans le cadre du SÉGUR galvaudent encore un peu plus le mot d’attractivité tant celles-ci sont bien en-deçà des espérances, en permettant d’attirer de nouvelles générations vers les carrières hospitalo-universitaires, en maintenant un niveau suffisant d’encadrement et en récompensant l’engagement.

La formation est en effet le gage :
1. De garantir un haut niveau de compétence chez les professionnels de santé, niveau adapté à l’évolution technique des soins ;
2. De maintenir un nombre suffisant de professionnels, en renouvelant les générations ;
3. D’assurer la transmission des connaissances pour en créer de nouvelles grâce à l’innovation.

La formation par l’encadrement universitaire est un phénomène important pour la densité médicale non seulement dans les hôpitaux, mais aussi dans les territoires pour développer l’exercice libéral comme en témoigne l’augmentation de la densité de médecin généraliste dans un territoire où un maître de stage universitaire est présent2. Elle est tout aussi importante pour la formation des pharmaciens et des odontologistes dont la majorité exerce en ville sans oublier la nouvelle valence universitaire des sage-femmes.

La question de l’attractivité est souvent la même, comment attirer les professionnels vers les métiers de la santé, quel que soit le mode d’exercice avec, comme corollaire, qui devient criant à ce jour, comment les garder ? C’est une question qui n’est pas nouvelle comme en témoigne la conclusion de l’enquête portant sur le management à l’hôpital qui avait été faite en 2015 par l’INPH  : «  si l’hôpital peine autant à attirer de nouveaux médecins qu’à garder les anciens, c’est que le chagrin d’amour est profond et douloureux  »3.

Mon Petit Larousse me dit que l’attractivité est un «  caractère de ce qui est attractif, attrayant  ». Nous ne sommes pas des aimants ou des masses physiques, c’est donc qu’il faut rendre la profession plus attrayante, soit parce qu’il y a des avantages ou parce que l’exercice des professions de santé est séduisant ou plaît. Il s’agit donc bien d’un registre de séduction et de plaisir à exercer nos professions dans la santé qu’il faut retrouver au sein des environnements hospitaliers, hospitalo-universitaires et libéraux.

Aujourd’hui, la pénurie des moyens humains et matériels au service de la prise en charge des patients, est telle que nous sommes arrivés à un renoncement, tant l’écart entre le rêve d’exercer sa profession dans de bonnes conditions et la réalité de l’exercice est grande. C’est même une désillusion en plus du renoncement. Ce renoncement s’exprime à tous les niveaux par l’augmentation du nombre de postes vacants, l’augmentation des démissions d’hospitalo-universitaires ces trois dernières années, l’acceptation de fermer des lits, de repousser des interventions, de fermer dans certains cas la permanence des soins ! Le plus grave est le renoncement des plus jeunes à s’engager dans les professions médicales comme le montre pour la première fois la diminution des inscriptions sur Parcoursup vers le parcours d’accès spécifique santé (Pass)4. L’exercice des professions de santé ne fait sans doute plus rêver, d’autant que la perte du plaisir de travailler au service des patients, premier registre de l’attraction, n’est plus compensée par les avantages que cet exercice procure, deuxième registre de l’attraction. La situation actuelle de délitement de l’hôpital et de la santé ne donne pas envie et les avantages deviennent invisibles, avantages immatériels comme la reconnaissance, le respect ou matériel comme les salaires ou les retraites, en particulier l’absence de retraite portant sur les émoluments hospitaliers des hospitalo-universitaires. En outre, côté matériel, il peut s’agir d’un manque de locaux décents, équipés de matériel médical renouvelé mais aussi de matériel informatique adapté au 21e siècle. Ces avantages matériels ne viennent pas forcément en premier même si cela concourt à la reconnaissance des efforts fournis au cours de toutes les études, stages et formations complémentaires jusqu’à un niveau master, doctorat et plus encore pour certaines spécialités ou ceux qui font le choix de carrières hospitalo-universitaires.

Aidons les jeunes générations à prendre du plaisir à s’engager pour exercer des professions de santé, valorisons ceux qui sont en poste en leur donnant les moyens d’exercer sans épuisement, récompensons ceux qui veulent aller plus loin dans la formation et l’innovation et reconnaissons l’effort consenti pour tous les professionnels de santé ici et maintenant.

1 https://www.gouvernement.fr/discours/11283-plan-d-urgence-pour-l-hopital-ma-sante-2022-discours
2 https://human-resources-health.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12960-022-00740-1
3 https://gestions-hospitalieres.fr/lhopital-medecins-management/
4 https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/parcoursup-2022-les-voeux-des-lyceens-l-entree-dans-l-enseignement-superieur-85292


Pr Guillaume CAPTIER

Président du Syndicat des
Hospitalo-Universitaires

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH24

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