Analyse enquête SPH attractivité pénibilité

Publié le 11 Jul 2023 à 12:34

 

Le SPH a lancé en février 2023 une enquête sans précédent sur la perception de leur quotidien professionnel par les psychiatres de service public ou équivalent, qu’ils soient syndiqués ou non, proposant un questionnaire anonyme de 46 questions afi n de cerner les facteurs d’attractivité ou de démotivation, et de recenser les leviers qui pourraient être déclinés dans les établissements.

1168 réponses dont 1086 psychiatres. Leur exercice est varié (psychiatrie générale, psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, psychiatrie en milieu carcéral...) et ils sont rattachés de façon représentative à différents types d’établissements (CH,CHU, EPSM, ESPIC...), dans différentes régions de l’ensemble du territoire... Ils ont majoritairement un statut de Praticien Hospitalier (PH). Le questionnaire a pu toucher près de 1 praticien sur cinq.

Les répondants sont majoritairement non syndiqués. Parmi les syndiqués, ils le sont majoritairement au SPH. L’âge moyen du répondant est de 46,5 ans. Les répondants sont majoritairement des femmes. Il est possible de constater que la proportion hommes/femmes varie selon le type d’établissement et selon les statuts (les hommes universitaires et les intérimaires étant plus fortement représentés, ce qui ne manquera pas d’interroger les politiques de sélection et d’égalité homme/femme).

Il sera possible dans un second temps d’analyser plus finement les réponses au questionnaire afin d’essayer de repérer des facteurs d’attractivité et de pénibilité selon les statuts des répondants et les caractéristiques des établissements dans lesquels ils exercent.

Les répondants exercent pour la plupart des fonctions institutionnelles, plus de la moitié sont responsables d’unité fonctionnelle... L’activité principale exercée concerne majoritairement l’hospitalisation complète et l’activité de CMP. La moyenne de la quotité de temps de travail est de 90 %.

Les caractéristiques des établissements sont très hétérogènes.
La permanence des soins et les soins sans consentement sont des facteurs de pénibilité bien documentés dans l’enquête

L’absence d’espace d’apaisement, de chambres dédiées pour les mesures d’isolement ou de contention, signe l’insuffisance de moyens et les contraintes paradoxales dans lesquelles sont piégés les praticiens, participant à des soins dégradés, interrogeant leur responsabilité médicolégale et aggravant la pénibilité.

La permanence des soins est le plus souvent assurée par l’ensemble des praticiens de l’établissement, avec pour certains établissements la nécessité de faire appel à d’autres dispositifs (PST, intérimaires...)

Les répondants sont dans l’ensemble satisfaits de leur activité, avec une note moyenne de 5,7/10
De 0 à 10

Sur 1 146 répondants, ils sont 200 à éprouver une insatisfaction importante (de 0 à 3/10), soit 17,46 %.
Et nombreux sont les collègues qui pensent plus ou moins régulièrement à quitter leur poste !

Quelques-uns envisagent de muter dans leur établissement ou dans un autre établissement, mais nombreux aussi sont ceux qui envisagent aussi de partir en cabinet (28,48 %) ou en clinique (16,15 %), de travailler en intérimaire (16,28 %), d’avancer leur départ en retraite (15,81 %) ou de changer de métier (15,35 %). (Ces pourcentages correspondent au nombre de ceux qui ont répondu qu’ils y ont pensé souvent ou très souvent au cours du dernier mois). Le graphique suivant illustre l’ensemble des réponses par des boites à moustaches : la croix représente la médiane, la boîte regroupe 50 % des réponses à la question, et les moustaches illustrent jusqu’où se répartissent les réponses extrêmes.

0 = jamais - 1 = rarement
2 = parfois - 3 = assez souvent
4 = souvent et 5 = très souvent

Alors, où se situent l’attractivité et la pénibilité dans l’exercice professionnel ?Nous avons voulu distinguer les différentes activités assurées par les praticiens.

Ils restent intéressés par l’activité clinique et le travail d’équipe, mais peu satisfaits par les tâches administratives, notamment la cotation de leur activité et les certificats de soins sans consentement. Les activités institutionnelles ne suscitent pas plus de satisfaction dans leur exercice. Les activités d’enseignement et les activités d’intérêt général sont source de satisfaction.
L’activité d’expertise apparait toujours aussi peu attractive.

La pénibilité porte surtout sur la permanence des soins, les soins sans consentement, la surcharge permanente de travail et le manque de moyens. La gouvernance hospitalière est aussi mise en cause.

Ainsi, lorsque l’on demande pour chacun des items, d’indiquer le gradient de pénibilité ressentie personnellement dans le quotidien professionnel :

Aucune                    Majeure

0  1  2  3  4  5  6  7  8  9  10

Les équipes médicales apparaissent instables, fragiles : avec près de 25 % des répondants sans titulaire dans son service, un tiers avec un praticien titulaire non remplacé en arrêt depuis plus d’un mois, plus d’un quart travaillant avec des PADHUE (pour beaucoup dans l’incertitude lié à leur statut), et trois quarts des répondants avec un ou des postes vacants non pourvus dans leur service.

Ces problèmes de démographie médicale posent des problèmes de cohésion d’équipe et de connaissance des patients. Ils impactent aussi nécessairement sur la permanence des soins, les possibilités de repos de garde et de récupération, l’exercice des droits aux congés, la formation...

Beaucoup ne se réunissent pas ou très peu en collège médical.
L’organisation de la permanence des soins repose parfois sur très peu de praticiens.
L’accès aux formations apparait limité, et dans certains cas, impossible.

Ne pas pouvoir répondre aux attentes de formation, c’est mettre en insécurité patients et professionnels, et amplifier la pénibilité et le manque d’attractivité de la profession.

Le dispositif des AIG peut participer à l’attractivité de l’exercice. Il enrichit la qualité des soins hospitaliers d’une part et médicosociaux d’autre part avec le travail en réseau et de partenariat. Il apparait peu utilisé, mal connu, et peu soutenu par les directions.

Les semaines des praticiens sont chargées, avec une moyenne estimée à 44 heures dans le service, auxquelles s’ajoutent du travail au domicile.

Des éléments de contexte extra-professionnel peuvent être aussi déterminants pour le choix ou le maintien dans le poste.

La conciliation entre vie privée/vie professionnelle est inférieure à la moyenne, au point de vue de l’organisation du temps (4,23/10) et encore davantage du fait de la charge mentale (3,99/10)

Les répondants sont en difficulté pour poser les repos de lendemain de garde, récupérer après une astreinte dérangée en nuit profonde, poser les CA (un quart des répondants),RTT (un tiers des répondants), congés formations (près de la moitié des répondants !), et même les arrêts maladie...

Ces difficultés, combinées aux problèmes de démographie médicale, aux obligations de permanence des soins... participent de la pénibilité et doivent être reconnues comme des risques psychosociaux majeurs.

Si la reconnaissance de la profession par les équipes soignantes, les patients et leurs familles est bien perçue, elle apparait nettement insuffisante de la part des politiques, du ministère, des ARS et des préfectures...

Comment percevez-vous la reconnaissance de notre profession de la part... ?
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 des patients, des familles, du grand public, des politiques, des médias, du ministère de la santé, de votre ARS, de votre directeur d’établissement, des équipes soignantes, des préfectures, des magistrats, des universitaires de psychiatrie, des médecins d’autres spécialités.

Les politiques, le ministère, les ARS et les préfectures... seraient-ils acteurs d’une politique de l’autruche ? Ont-ils réellement pris conscience des enjeux pour les patients, les soignants, la population dans son ensemble ?

Combien encore de plans de santé mentale et d’affichage d’autosatisfaction devant des moyens engagés, dérisoires au vu de l’état des lieux en psychiatrie ?

Espèrent-ils par suggestion nous convaincre d’une politique adaptée du fait de grands énoncés performatifs ?
Les psychiatres et leurs patients font face à la stigmatisation, l’abandon, la réification...

Les praticiens motivés par la clinique doivent-il y laisser leur santé ?
Combien encore de démissions, de départs ?

Il ne suffi ra pas de recruter de jeunes praticiens. Ne pas pouvoir maintenir en poste les praticiens confirmés, c’est, outre les effets pour les praticiens à leur échelle personnelle, à une telle échelle, participer à la perte de compétences : l’enseignement et les premiers pas sur le terrain ne peuvent suffire à garantir la compétence médicale qui doit se nourrir des échanges entre pairs et de l’expérience, de même que la présence de jeunes praticiens qui viennent interroger les pratiques profite aux anciens. Il s’agit là d’un cercle vertueux qui profite à tous.

Quelques pistes ont été explorées dans le questionnaire :

• Les accords du Ségur sont majoritairement perçus comme une injustice (63 %) et un facteur de démotivation pour les collègues concernés (67 %), avec une grille qui devrait rattraper les 4 années perdues par les collègues.
• La permanence des soins doit être mieux prise en compte et revalorisée.
• L’IASL (indemnité d’activité de secteur et de liaison pourrait être attribuée plus simplement.
• La création d’une indemnité d’activité de première ligne pourrait créer un choc d’attractivité.
• La limitation des possibilités d’installation en cabinet apparait comme une mauvaise idée (59,4 %) qui limite l’attractivité du poste hospitalier (32 %).

En définitive, pour lutter contre la pénibilité et favoriser l’attractivité, il apparait que les besoins sont multiples et ne portent pas que sur les nécessaires revalorisations de la grille salariale et de la permanence des soins. On retrouve aussi en premier lieu le financement de la psychiatrie, et dans un mouchoir de poche l’obligation d’un équipement minimum de base en ressources humaines, moyens architecturaux et équipement informatique, l’évolution de la gouvernance hospitalière, la formation à la psychiatrie...

À votre avis, à quelle hauteur le SPH et les autres organisations doivent-ils soutenir (de 0 à 5) :

En conclusion

Les psychiatres travaillent, beaucoup, dans des conditions souvent dégradées, et leur travail doit être reconnu et valorisé.
L’employeur a à prévenir les risques psychosociaux et mieux gérer ses ressources humaines qui sont le premier outil de soin. Des efforts pour favoriser l’attractivité et travailler à diminuer la pénibilité de l’exercice des psychiatres de service public ou équivalent sont nécessaires.

La pénibilité porte surtout sur la permanence des soins, les soins sans consentement, la surcharge permanente de travail et le manque de moyens. La gouvernance hospitalière est aussi mise en cause.

Le SPH se mobilise, et avec lui l’intersyndicale APH, pour faire reconnaitre les besoins des praticiens et participer à la mise en place de négociations et de nécessaires évolutions.

S. PEDEN et P. F. GODET

Article paru dans la revue « Le Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux » / SPH N°23

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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