AMP - L’âge avancé du père impacte-t-il les résultats des techniques d’assistance médicale à la procréation ? Une revue systématique de la littérature

Publié le 28 Sep 2023 à 16:00

 

Does advanced paternal age affect outcomes following artificial reproductive technologies? A systematic review and meta-analysis

Murugesu et al

Reproductive Biomedicine Online, Avril 2022

L’infertilité concerne 14 % des couples au Royaume Uni avec une cause masculine pour 30 % d’entre eux. Si la première grossesse est de plus en plus tardive chez les mères, elle l’est également chez les pères. En 2003, les hommes de 35-54 ans étaient à l’origine de 40 % des naissances vivantes, alors qu’en 1993 ce pourcentage était de 25 %. Si l’âge maternel est connu pour avoir un impact sur la fertilité avec une forte diminution à partir de 40 ans (échecs d’implantation, augmentation du taux d’aneuploïdie et du taux de fausses couches...), peu d’études se sont intéressées à l’effet de l’âge paternel sur la fertilité. L’impact de l’âge paternel sur la santé des enfants a également été moins exploré que l’âge maternel, mais il semblerait exister une augmentation du risque de leucémie, de rétinoblastome, de troubles neuro-développe-mentaux avec un âge paternel avancé. De plus, l’âge paternel pourrait également avoir un impact négatif sur la fonction testiculaire avec une diminution de la concentration et de la mobilité des spermatozoïdes et une augmentation du nombre de fausses couches après 40 ans.

L’objectif de cette méta analyse était d’étudier l’impact de l’âge paternel sur la fertilité dans un contexte d’assistance médicale à la procréation (AMP).

Matériel et Méthodes

Cette méta-analyse a été réalisée suivant les normes PRISMA. Au total, 28 études s’intéressant à l’impact de l’âge paternel sur les résultats de l’AMP publiées entre 1995 et 2020 ont été sélectionnées et analysées par trois relecteurs indépendants.

Critères d’inclusion : Etudes comparatives étudiant différents âges paternels sur l’issue des techniques d’assistance médicale à la procréation (FIV ou ICSI) et l’incidence sur le taux de grossesse. Les âges paternels devaient correspondre aux groupes suivants : 30, 35, 40, 45 et 50 ans. Les ovocytes provenaient d’une AMP intraconjugale ou étaient issus de dons.

Critères d’exclusion : absence de données sur les issues de grossesse ou études dont l’âge paternel différait de plus d’un an par rapport aux groupes suscités.

Critère de jugement principal : taux de grossesse, de naissances vivantes et de fausses couches.

Critères de jugement secondaire : taux de fécondation, taux d’embryons clivés, de blastocystes et qualité des embryons obtenus, par cycle.

Analyses statistiques : Analyses suivants les âges sus cités et suivants l’origine des ovocytes. Un calcul d’Odds Ratio (OR) a été réalisé pour étudier l’effet des différents âges considérés sur les critères de jugement principal et secondaires.

Résultats

Au total, 32426 cycles ont été inclus provenant de 28 études : 16 avec des ovocytes autologues (AMP intraconjugale) et 12 avec don d’ovocytes. Pour les catégories < 35, < 40 et < 45 ans, il existe une diminution des chances de grossesse et de naissances vivantes avec l’augmentation de l’âge paternel dans le cadre d’une AMP intraconjugale. Le taux de fausses couches est plus bas en dessous de 40 ans (tableau 1). Pour autant, on ne retrouve pas ces résultats

Au total, 32426 cycles ont été inclus provenant de 28 études : 16 avec des ovocytes autologues (AMP intraconjugale) et 12 avec don d’ovocytes. Pour les catégories < 35, < 40 et < 45 ans, il existe une diminution des chances de grossesse et de naissances vivantes avec l’augmentation de l’âge paternel dans le cadre d’une AMP intraconjugale. Le taux de fausses couches est plus bas en dessous de 40 ans (tableau 1). Pour autant, on ne retrouve pas ces résultats avec les ovocytes issus de don, où l’âge maternel est contrôlé. Il est probable que l’association d’un âge maternel élevé avec un âge paternel élevé diminuent les chances de grossesse. Au-delà de 50 ans, on retrouve de moins bons résultats avec les ovocytes de donneuse (taux de fécondation, taux de blastulation...) (tableau 2).

Tableau 1 : Résultats du critère de jugement principal en fonction de deux cut-off (35 et 40 ans): OR des taux de grossesses, naissances vivantes et de fausses couches en fonction de l’âge paternel dans un contexte d’AMP intraconjuguale.

AMP intraconjuguale OR Taux de grossesse
(IC 95 %) OR Taux de naissances
vivantes (IC 95 %) OR Taux de fausses couches
(IC 95 %) Age paternel < 35 ans (vs > 35) 1.31 (1.13-1.51) 1.74 (1.15-2.62) 1.38 (0.69-2.76) Age paternel < 40 ans (vs > 40) 1.65 (1.27-2.15) 2.10 (1.25-3.51) 0.74 (0.57-0.94)

 

Tableau 2 : Résultats critères de jugement secondaires : OR des taux de fécondation, de clivage, de blastulation et de qualité embryonnaire en fonction de l’âge paternel inférieur à 50 ans vs plus de 50 ans dans un contexte de don d‘ovocytes.

Don d’ovocytes OR Taux de fécondation
(IC 95 %) OR Taux de clivage
(IC 95 %) OR Taux de blastulation
(IC 95 %) OR Taux d’embryons
top qualité (IC 95 %) Age paternel < 50 ans 1.11 (1.00-1.24) 1.67 (1.02-2.75) 1.61 (1.08-2.38) 0.75 (0.33-1.69)

 

Discussion

Un âge paternel avancé semble donc avoir un impact négatif sur les résultats de l’AMP. Le principal facteur de confusion dans cette étude est l’âge maternel qui influe fortement sur la qualité ovocytaire et le taux de grossesse. Certaines études traitant de dons d’ovocytes se sont intéressées à l’âge de la donneuse mais aussi de la receveuse : on note une augmentation globale de l’âge de la receveuse avec un âge paternel avancé. En effectuant une régression logistique en prenant en compte ce facteur de confusion pour les ovocytes issus d’AMP intra-conjuguale, on constate que l’âge maternel dans ces études n’a pas d’impact.

De plus, il existe une hétérogénéité entre les différentes études, notamment dans les critères d’inclusion des patientes ou dans l’analyse des résultats suivants les pays. Ainsi, ces résultats doivent être interprétés avec précaution.

D’un point de vue physiologique, l’âge paternel avancé pourrait induire une augmentation de la fragmentation de l’ADN spermatique et ainsi une aneuploïdie. L’épigénétique pourrait également influencer la spermatogénèse avec une hyper-méthylation de l’ADN passé un certain âge, lié au mode de vie et à l’environnement (tabac, maladies cardiovasculaires...).

Conclusion

Cette revue est la première à s’intéresser à l’âge paternel d’une façon aussi précise. L’âge paternel a aussi son importance pour les projets de parentalité, tout comme l’âge maternel. L’effet est moindre avec les ovocytes issus de dons mais reste non négligeable au-delà de 50 ans. C’est un message de santé publique important lorsque les couples ont un projet de parentalité.

Take Home Messages

Un âge paternel avancé a un impact négatif sur les résultats d’une prise en charge en AMP, que les ovocytes soient issus d’AMP intraconjugale ou de don d’ovocytes, surtout après 50 ans.


Aubin Garcia
Docteur Junior en

Gynécologie Médicale
Paris

 
Dr Charlotte Sonigo
MCU-PH, Hôpital

Antoine-Béclère
Clamart

Article paru dans la revue « Association nationale des Internes et des assistants en Gynécologie Médicale » /AIGM-Gynéco Med N°01

Publié le 1695909633000