Actualités : les propositions du rapport LECOCQ

Publié le 30 May 2022 à 10:53


SYNTHÈSE : UN SCÉNARIO POUR UN SYSTÈME D’ACTEURS ET UNE GOUVERNANCE REFONDÉS POUR FAVORISER L’ACCÈS DES ENTREPRISES AUX DISPOSITIFS DE PRÉVENTION

L’ensemble des constats recueillis par la mission permet de dessiner les éléments structurants de ce que pourrait être un système moderne de prévention des risques professionnels. Celui-ci doit couvrir l’ensemble des besoins identifiés, en préservant les acquis mais en proposant des évolutions fortes afin :

  • De répondre concrètement aux attentes des salariés et des entreprises, en prenant comme cadre de référence les plus petites d’entre elles ;
  • D’atteindre résolument les ambitions du PST3, tournées vers la promotion de la santé et, à terme, une politique de performance globale articulant bien-être au travail et efficacité économique. Pour assurer aux entreprises un meilleur service et une plus grande visibilité opérationnelle de l’action des acteurs de la santé au travail, une simplification du fonctionnement à la faveur d’un rassemblement au sein d’une entité unique de prévention est nécessaire. Pour prendre en compte les évolutions des formes d’emploi et renforcer l’implication des dirigeants d’entreprise, la mission préconise d’ouvrir les prestations de la structure de santé au travail aux travailleurs indépendants.
  • La Mission n’a pas inclus le régime agricole dans cette entité unique car nous estimons qu’il dispose d’un système intégré, bénéficiant sur une base volontaire aux dirigeants d’entreprises, avec un seul opérateur de proximité et clairement identifié, la MSA, et une gouvernance et un pilotage resserrés reposant sur un réel paritarisme. Toutefois, des passerelles devront être envisagées entre les deux systèmes favorisant un enrichissement réciproque.
  • Enfin, bien que n’entrant pas dans le périmètre du présent rapport ni dans le scénario proposé, la mission n’omet pas la situation des agents des trois fonctions publiques qui, outre qu’ils bénéficient déjà des dispositions de la partie IV du code du travail, doivent pouvoir accéder à un accompagnement en prévention de même niveau que les salariés de droit privé.

Les objectifs de cette réforme seraient les suivants :
Au plan politique, afficher un objectif ambitieux visant à faire de la France l’un des pays les plus performants et innovants en Europe en matière de prévention dans le domaine de la santé au travail, en inscrivant cet objectif dans un but ultérieur plus large visant la performance globale pour les entreprises et leurs travailleurs.

Aux plans politique et technique, assurer un portage politique interministériel de la question de santé et de la qualité de vie au travail étroitement connectée à l’ensemble de la politique du travail, quel que soit le statut des personnes.

Assurer une articulation plus étroite et plus opérationnelle de la politique de santé au travail avec la politique de santé publique.

Faire évoluer le système pour garantir l’effectivité de cette politique en matière de santé au travail, de sa phase de conception à sa phase de mise en œuvre, puis en assurer le suivi et l’évaluation, tant au plan national qu’au niveau régional.

A partir des excédents de la branche AT-MP, consacrer un effort financier plus significatif aux actions en faveur de la prévention dans les entreprises, privilégiant le développement d’une culture de prévention primaire, comparable au niveau consacré à ce type d’actions par d’autres pays de l’UE comme l’Allemagne.

Assurer à toutes les entreprises sur chaque territoire, une offre de services certifiée, homogène, accessible et lisible. Doit être plus particulièrement assurée une offre pour les PME/TPE en matière de conseils opérationnels dans le domaine de la prévention en santé et sécurité au travail via la mise en place au plan régional d’un système de guichet unique.

Regrouper les acteurs intervenant dans le champ de la prévention afin d’optimiser les moyens pour éviter les redondances, permettre une meilleure couverture des besoins des entreprises.

Redonner du sens et renforcer l’attractivité des métiers de la prévention.

Adapter, lorsque c’est possible, les contraintes réglementaires, pour passer d’une gestion de la prévention subie sous la contrainte d’intervenants externes à une culture de la prévention proactive et pilotée.

Simplifier, alléger et redynamiser la gouvernance tripartite du système de gestion de la SST en réaffirmant la place et le rôle des partenaires sociaux aux différents niveaux de pilotage national et régional.

PARTIR DU BESOIN DES ENTREPRISES AU NIVEAU LOCAL
Chaque entreprise doit pouvoir accéder par un guichet unique à une offre de service homogène sur l’ensemble du territoire. Cette offre couvre l’intégralité des services auxquelles l’entreprise peut prétendre dans sa région.

L’offre de service inclut :

Le suivi individuel obligatoire de l’état de santé des travailleurs.

Un accompagnement pluridisciplinaire en prévention des risques et de promotion de la santé au travail (expertise technique, conseils méthodologiques, appui au déploiement de démarches de prévention techniques et organisationnelles, aide à l’évaluation des risques, structuration d’une démarche de prévention, mise en place d’un système de management de la santé et sécurité, déploiement d’une politique QVT...) lorsque les entreprises n’ont pas la capacité de réaliser elles-mêmes ces actions.

L’aide au maintien dans l’emploi par l’intervention précoce dans le parcours de soins, l’adaptation du poste de travail, l’accompagnement dans le parcours social d’insertion (accès aux aides, reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, articulation avec les travailleurs sociaux, formation professionnelle). L’accès à un centre de ressources diffusant les outils et guides utiles, et favorisant la capitalisation et le partage des bonnes pratiques.

La formation des acteurs dans l’entreprise en matière de prévention.

Le conseil aux entreprises dans le choix d’un intervenant externe habilité. Ce socle de base d’offre de service fait l’objet d’une contribution de la part de l’ensemble des entreprises. Il est minoré quand l’entreprise recourt à ses propres intervenants en prévention des risques et/ou personnels de santé au travail1. Les prestations spécifiques n’entrant pas dans ce socle de base font l’objet d’une facturation complémentaire à l’entreprise.


Schéma 1 : Socle d’offre de service au niveau régional

CRÉER UNE STRUCTURE RÉGIONALE DE PREVENTION, INTERLOCUTEUR PRIVILEGIÉ, INTERFACE DE PROXIMITÉ AVEC LES ENTREPRISES
Une structure régionale de prévention (porte d’entrée dans le système), structure de droit privé ayant pour mission d’intérêt général la préservation de la santé au travail, regroupe les services de santé au travail interentreprises, les compétences des Aract, afin d’enrichir les compétences pluridisciplinaires sur le volet organisationnel (ergonomes, psychologues, spécialistes en organisation), les agents des Carsat affectés aux actions relevant du champ de la prévention et de l’appui technique (formation en prévention, laboratoires) et les compétences des agences régionales de l’OPPBTP.

La structure adopte une organisation interne permettant de structurer en son sein les différentes compétences professionnelles aux plans géographique et éventuellement sectoriel (BTP, etc.). Elle fonctionne en mode projet pour accompagner les entreprises selon leurs besoins. Elle est dotée d’antennes locales (plateaux techniques) permettant de maintenir une proximité géographique avec les entreprises sur le territoire.

La structure régionale est accréditée sur la base d’un cahier des charges élaboré au niveau national, garantissant une organisation de nature à satisfaire l’intégralité du socle de l’offre de services, médicale, technique et organisationnelle.

La structure régionale peut s’appuyer sur un réseau de prestataires privés qu’elle habilite et anime pour la partie accompagnement/ conseil/ formation des entreprises.

La structure régionale suit les actions de prévention engagée avec l’entreprise.


Schéma 2 : Pilotage en région

POSITIONNER LA STRUCTURE RÉGIONALE COMME L’INTERLOCUTEUR DE CONFIANCE POUR LES ENTREPRISES EN MATIÈRE DE CONSEIL EN PRÉVENTION N’EXERÇANT AUCUNE MISSION DE CONTRÔLE
L’Etat et la sécurité sociale exercent deux fonctions fondamentales en matière de prévention des risques à distinguer de celles des structures régionales :
La fonction d’assureur (réparation et tarification) et de gestionnaire du risque intervenant en priorité dans les entreprises à forte sinistralité avérée ou potentielle est exercée par les Carsat. Mais elles exercent actuellement aussi une fonction de conseil et d‘appui auprès des entreprises identiques à celles des autres préventeurs. Les entreprises différencient mal la part du contrôle et du conseil dans les interventions des Carsat, ce qui ne favorise pas une relation de confiance, condition pourtant sine qua non du recours au conseil en prévention. Il apparaît donc nécessaire de recentrer les Carsat sur leur fonction de gestionnaire de risque2 et donc d’actuaire3. L’autre partie de leur mission, la prévention, serait transférée aux structures régionales qui seront ainsi bien identifiées comme des structures de conseil et d‘appui. Les Carsat pour leur mission de tarification et de réparation continueront à déployer leurs programmes nationaux et à agir auprès des entreprises ciblées responsables d’un coût pour l’assureur. Elles garderont notamment leur pouvoir réglementaire d’injonction et pourront proposer le soutien des structures de prévention si les entreprises rencontrent des difficultés à suivre leurs recommandations.

La fonction de contrôle de la conformité au droit est exercée par l’inspection du travail dans les Direccte. Les Médecins inspecteurs du travail (Mirt) quant à eux, soulagés de l’agrément des SSTI, pourraient être rattachés aux agences régionales de santé (ARS) mais détachés auprès des Direccte, dans leurs fonctions d’appui à l’inspection du travail, afin de se recentrer sur leurs fonctions de vigilance et de veille sanitaire liée au travail, en recouvrant par ailleurs l’instruction des recours administratifs individuels en matière d’inaptitude médicale4. Ce recentrage des Direccte et des Carsat sur leur cœur de métier respectif n’obère pas leur rôle de conseil. A ce titre les agents de chacune de ces structures pourront orienter l’employeur sur la structure régionale afin de bénéficier d’un accompagnement pratique en prévention pour donner suite à leurs requêtes.

VALORISER LES MÉTIERS DE LA PRÉVENTION, RENFORCER LES ÉQUIPES ET REDONNER DU SENS À LEUR ACTION
La nouvelle organisation, en clarifiant les missions de chacun dans un cadre unique, en renforçant les collectifs d’expertise, en les dotant de moyens fléchés et portés par des orientations stratégiques prioritaires, doit être une opportunité pour les professionnels (préventeurs, médecins...) de trouver plus de sens et d’efficacité collective, sans perdre leur identité.

Les médecins du travail et le personnel de santé, outre le suivi individuel de santé des salariés, trouveront, à travers la possibilité de renseigner le dossier médical partagé (Cf. recommandation n°6) du salarié et une mobilisation accrue en matière de maintien dans l’emploi, une place reconnue dans le parcours de soin du salarié. Ils pourront dans ce cadre rénové mieux faire partager leur diagnostic relatif au lien entre santé et travail, apparaître comme référent en la matière auprès des médecins de ville et s’impliquer davantage dans la veille sanitaire.

Les professionnels de santé de la structure bénéficieront, au sein de cette dernière, en appui à leur mission, d’un accès à toutes les ressources d’expertise pluridisciplinaire utiles et désormais rassemblées. Ils pourront également renvoyer leurs interlocuteurs en entreprise vers les compétences de conseil spécifiques au sein de la structure.

Les préventeurs agiront au sein de collectifs étoffés et pourront conduire des ingénieries plus ambitieuses tout en bénéficiant de compétences pointues et des ressources rares parfois isolées dans des structures n’ayant pas la taille critique pour agir efficacement.

Médecins, personnels de santé et préventeurs, par leur contribution à la capitalisation et à l’essaimage des bonnes pratiques et des ressources produites (guides, outils...), intensifieront collectivement la portée de leur action. Cette dynamique induira une approche positive et engageante pour les entreprises

La future structure régionale doit ainsi permettre l’initiative des professionnels qui l’intègrent, l’expression des compétences dans un fonctionnement en mode projet, et permettre une mobilité professionnelle accrue pour eux-mêmes en leur offrant l’opportunité de se spécialiser davantage ou à l’inverse d’être plus polyvalent.


Schéma 3 : Recentrage et clarification de la répartition des rôles

CONCENTRER L’EXPERTISE NATIONALE EN MATIÈRE D’INGÉNIERIE DE PRÉVENTION AU SEIN D’UN MÊME ORGANISME
L’Anact, l’OPPBTP national et l’INRS sont aujourd’hui positionnés sur les volets de recherche appliquée et de mise à disposition d’outils de prévention à destination des entreprises. Une structure nationale dédiée à la prévention en santé au travail5 pourrait les regrouper.

Organisme public placé sous la tutelle du ministère du Travail, du ministère de la Santé et des Affaires Sociales s’appuyant sur une gouvernance tripartite, la Structure nationale s’organise en départements composés en fonction des compétences et des secteurs professionnels d’intervention des organismes regroupés. Elle définit les programmes de travail permettant de décliner les orientations du Plan Santé Travail. Elle contractualise avec les structures régionales à partir de la réponse apportée par ces dernières à un cahier des charges national intégrant les orientations nationales.

La structure nationale gardera ainsi un lien fort avec les opérateurs de terrain que sont les structures régionales.

Cette interrelation est garante d’une conception et d’un déploiement homogène sur tout le territoire d’outils, méthodes et démarches concrets et opérationnels pour les entreprises, renforçant ainsi la fonction de centre ressources portée par les structures régionales.

Cette structure pourra tout naturellement intégrer le réseau R317 (l’Anact et l’INRS y participent actuellement) piloté par l’Anses au bénéfice des études et de la recherche en santé travail. Elle comporte un département spécialisé exerçant les fonctions d’une école de santé au travail pour la formation des entreprises, des bureaux d’étude, des acteurs et des professionnels de la santé au travail (cf. encadré 3 § 2.3.2 partie I).

REFONDER LE SYSTÈME DE FINANCEMENT DE LA SANTÉ AU TRAVAIL POUR GAGNER EN TRANSPARENCE, LISIBILITÉ ET EFFICACITÉ
Une cotisation unique pour les employeurs
Les contributions financières aux services de santé au travail interentreprises et celle concernant l’OPPBTP pour les entreprises qui en relèvent, pourraient être regroupées avec celles des AT-MP au sein d’une cotisation unique « santé travail » directement recouvrées par les URSSAF :

A coût global constant pour l’ensemble des entreprises, la cotisation unifiée rend visible par chacune d’entre elles, indépendamment de ses actions propres, la part de la contribution qu’elle consacre à la santé au travail et aux risques professionnels.

Elle autorise une modulation de son montant sur une base mutualisée selon le risque spécifique de l’entreprise ou de son engagement en matière de prévention. Un employeur qui recourt à des prestations de prévention hors la structure régionale verra sa cotisation réduite à due concurrence.

Un fonds national de la prévention
Il regroupe l’ensemble des ressources destinées à la prévention au sein d’un fonds unique :
Comprenant donc :

  • Les fonds de l’Etat affectés à la prévention (issus du Budget opérationnel de programme n°111 ou BOP 111) ;
  • Les fonds de la branche AT-MP affectés à la prévention (issus du Fonds national de prévention des accidents du travail ou FNPAT) ;
  • Les fonds issus de la cotisation versée pour le financement des structures régionales de prévention (ex cotisation des services de santé au travail interentreprises ou SSTI) ;
  • Une quote-part des fonds provenant des organismes de complémentaire santé recommandée, au titre de la contribution de 2 % sur les cotisations consacrées à un degré élevé de solidarité ;
  • Une part provenant du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (issue de l’Agefiph) (Cf. § 1.1 partie 2) ;
  • Une part volontaire de cotisation des travailleurs indépendants et chefs d’entreprise.

 
Schéma 4 : Modèle financier

Un tel dispositif présente deux avantages : Retracer précisément les ressources et les dépenses affectées à la prévention au plan national afin de mieux orienter les politiques publiques en matière de santé au travail et améliorer en conséquence la lisibilité de l’effort financier de la collectivité nationale et des entreprises en faveur de la santé au travail. Répartir les dotations destinées aux structures régionales en tenant compte du respect de leur programmation visà-vis des priorités nationales et assurer ainsi une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire. La répartition des fonds pourrait être décidée par une commission dédiée de l’instance de gouvernance de la structure nationale et se décliner ainsi : Part dédiée aux structures régionales de prévention dans le cadre d’une contractualisation ; Part dédiée la structure nationale de la prévention elle-même. Part dédiée au financement d’actions innovantes ou exemplaires dans les branches, les Territoires ou les entreprises. Afin d’éviter de créer une nouvelle caisse nationale, la gestion des fonds pourrait être confiée à la CNAM.

AU PLAN NATIONAL, RENFORCER L’ÉTAT STRATÈGE
L’Etat, dans une posture stratège et garant de la sécurité sanitaire au travail, veille à la conception et au pilotage de la politique de santé au travail définie dans le plan santé travail et à son articulation avec la Stratégie nationale de santé (SNS) et le Plan national santé environnement (PNSE) dans le cadre d’une action interministérielle. Il s’appuie notamment sur une structure nationale (Cf. supra) pour élaborer et décliner le volet prévention des politiques de santé au travail.

La mission de veille et d’expertise sanitaire, distincte de celle de la structure nationale en matière de recherche appliquée et d’ingénierie de prévention, s’exerce toujours par l’Anses et Santé Publique France.


Schéma 5 : Pilotages interministériel et national ETABLIR UN PILOTAGE ET UNE
GOUVERNANCE TRIPARTITE ASSURANT UN ROLE EFFECTIF DES PARTENAIRES SOCIAUX

Pilotage national
Il est assuré par une double tutelle des ministères en charge du travail, de la santé et des affaires sociales, qui associe les autres ministères intéressés.

Le COCT conserve son rôle d’instance consultative et de concertation placée auprès des ministres pour les orientations et le suivi des politiques en matière de santé au travail

La structure nationale assure le déploiement opérationnel du PST.

Gouvernance de la structure nationale
La structure nationale, organisme de droit public qui peut être un EPA, dispose d’un conseil d’administration (CA) où siègent à côté de l’Etat, les seuls partenaires sociaux. Ces derniers sont représentés par des membres en activité ou ayant cessé leur activité de manière récente lors de leur désignation.

Les compétences de la Commission des accidents du travail/maladies professionnelles (CAT-MP de la CNAM) relatives à l’ingénierie de prévention sont transférées au CA, les comités techniques nationaux (CTN de la CNAM) deviennent des commissions du CA. Le poste du directeur général est pourvu pour une durée limitée et ne pouvant être renouvelé qu’une fois.

Pilotage régional
Il est assuré par les Direccte, en lien avec les ARS.

Le CROCT conserve son rôle d’instance d’avis placée auprès du représentant de l’Etat en région pour les orientations et le suivi des politiques régionales en matière de santé au travail. Il est chargé de l’instruction des incitations financières et, le cas échéant, de la modulation des cotisations SST des entreprises en fonction de leur recours à la structure régionale. Les comités techniques régionaux sont conservés et placés auprès du CROCT

La structure régionale assure le déploiement opérationnel du PRST.

Gouvernance de la structure régionale
La structure régionale de droit privé dispose d’un CA paritaire (à l’instar du statut des Carsat) où siège le représentant de l’Etat en région. Il regroupe donc les compétences des CA des SSTI, de l’OPPBTP, de la CRAT-MP, de l’Aract, instances des organismes qui rejoignent la structure régionale. Les partenaires sociaux sont représentés par des membres en activité ou ayant cessé leur activité de manière récente lors de leur désignation.

La direction de la structure régionale est assurée par un directeur nommé par le CA en accord avec la structure nationale de santé. Le poste du directeur général est pourvu pour une durée limitée et ne pouvant être renouvelé qu’une fois.


Schéma 6 : Pilotage des structures régionales


Schéma 7 : Evolution des espaces de gouvernance

NOS RECOMMANDATIONS À L’APPUI DU SCÉNARIO

Ces recommandations s’intègrent dans le schéma général de réorganisation du système de santé au travail mais certaines d’entre elles sont applicables de façon indépendante.

Recommandation n°1 : Donner davantage de visibilité nationale à la politique de santé au travail

  • Inscrire dans la loi l’obligation d’élaborer le Plan Santé Travail et prévoir un rapport régulier devant la représentation nationale ;
  • Faire du Plan Santé Travail le volet opérationnel de la politique de santé au travail de la Stratégie nationale de santé ;
  • Piloter le Plan Santé Travail sous l’égide du comité interministériel pour la santé ;
  • Mieux évaluer la mise en œuvre et l’impact du Plan Santé Travail, notamment en améliorant les indicateurs de réalisation et d’impact par des études évaluatives ciblées de certaines actions réalisées dans le cadre du plan ;
  • Suggérer au plan européen le développement de peer reviews périodiques des politiques de santé au travail avec pour objectif d’évaluer leur mise en œuvre et de disposer d’éléments de comparaison à intervalles régulier.

Recommandation n°2 : Consacrer un effort financier dédié et significatif à la prévention

  • A partir des excédents de la branche risques professionnels, consacrer un effort financier significatif aux actions en faveur de la prévention dans les entreprises ;
  • Mettre en perspective lors des discussions parlementaires relatives à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale les parts respectives consacrées à la prévention des risques professionnels

Recommandation n°3 : Inciter les branches à s’emparer des questions de santé et de qualité de vie au travail

  • Fixer une part minimale du 2 % des cotisations versées, prévu pour les prestations à caractère non directement contributif de solidarité dans le cadre d’un contrat de protection sociale complémentaire relevant du degré élevé de solidarité obligatoire, à consacrer aux actions de prévention collective (Cf. § 2.9.6) ;
  • Reverser cette quote-part au fonds national de la prévention lorsqu’aucune action issue d’une négociation collective n’a été engagée par une branche en matière de santé ou de qualité de vie au travail.

Recommandation n°4 : Inciter les entreprises à s’engager davantage dans la prévention par une approche valorisante
Ne pas fonder l’incitation à la prévention sur la seule menace de la sanction ;

  • Augmenter significativement le montant des aides destinées aux entreprises et dédiées à la prévention, décidées dans le cadre de la COG de la branche AT-MP pour :
  • Garantir un appui à l’instauration d’une démarche de prévention dans chaque entreprise, en particulier les TPE/PME (par exemple pour la mise en place d’un système de management des risques) ;
  • Mener des actions de sensibilisation des dirigeants sur le lien Santé au travail / Performance de l’entreprise (performance globale), compléter les aides incitatives.
  • Financer les baisses de cotisations des entreprises s’engageant dans des actions de prévention innovantes ;
  • Accompagner les entreprises dans l’élaboration et le suivi d’indicateurs de performance en santé au travail, mis en perspective avec les indicateurs de performance globale, pour leur donner à voir le retour sur leur investissement en matière de prévention ;
  • Impliquer les dirigeants d’entreprise en leur ouvrant le bénéfice des prestations de la structure régionale en ce qui concerne leur suivi individuel de santé.

Recommandation n°5 : Mieux articuler la santé au travail et la santé publique pour une meilleure prise en charge de la santé globale des travailleurs

  • Etudier en lien avec les structures régionales la possibilité de mener des actions ciblées de santé publique sans préjudice de leur mission première ;
  • Mener des campagnes d’information grand public sur certains risques professionnels, à l’image de ce qui a été fait pour l’exposition aux agents cancérogènes et pour les troubles musculo squelettiques ;
  • Encourager le développement de centres de consultation SST dans des maisons de santé ;
  • Etendre la possibilité pour les étudiants des métiers de la santé d’effectuer le nouveau service sanitaire de trois mois dans les structures régionales ;
  • Former aux premiers secours dès le lycée afin d’ancrer la culture de prévention et de rendre chacun capable d’agir dans les situations d’urgence ;
  • Faire évoluer le dossier médical partagé (DMP), document à l’usage du salarié dans son parcours de santé en et hors de l’entreprise :
  • Permettre dès à présent, dans le respect des principes régissant ce dossier, l’inscription des éléments relatifs aux expositions professionnelles ;
  • Créer à cet effet une nouvelle rubrique dans le DMP ;
  • Parvenir à brève échéance, dans le respect de la vie privée des salariés et afin de faciliter une prise en charge coordonnée de leur santé, le partage, via le DMP, d’informations médicales entre professionnels de santé, qu’ils interviennent dans le parcours de soins ou en matière de prévention pour les salariés

Recommandation n°6 : Renforcer le rôle de la structure régionale et du médecin du travail pour prévenir la désinsertion professionnelle

  • Intégrer systématiquement la structure régionale de santé au travail en tant que ressource proposée par les plateformes territoriales d’appui (PTA) dédiées à la gestion des cas médicaux complexes;
  • Mettre en œuvre les recommandations des récents rapports traitant du sujet qui impliquent les futures structures régionales de santé au travail.

Engager une réflexion pour une refonte complète du cadre juridique et institutionnel visant à clarifier et simplifier le parcours d’accompagnement du travailleur handicapé et plus généralement de tout travailleur exposé à un risque de désinsertion consécutif à son état de santé, en s’appuyant sur les principes suivants :

  • Créer au bénéfice du salarié et de l’employeur un porte d’entrée garantissant la prise en charge et le suivi multi-acteurs de tout dossier de maintien en emploi ;
  • Organiser les relations entre médecin du travail et médecin conseil ;
  • Instaurer, en cas de blocage, un mécanisme administratif garantissant la prise de décisions d’orientations dans des délais préfixes ;
  • Simplifier les démarches administratives relatives aux travailleurs en situation de handicap (Cf. § 1 ; 1 partie 2)

Recommandation n°7 : Mobiliser efficacement la ressource de temps disponible des médecins du travail et des personnels de santé
Mettre en place des mesures pour optimiser l’organisation et faciliter le suivi individuel de santé systématique des salariés par les médecins du travail et les personnels de santé :

  • Moderniser les outils du quotidien pour la réalisation des examens médicaux :
  • Généralisation des systèmes d’information avec connexion des dispositifs d’examens complémentaires ;
  • Plateformes internet pour la prise des rendez-vous directe par les salariés ou les entreprises ;
  • Développer l’usage de la télémédecine pour répondre aux disparités territoriales et réduire la durée de certains actes médicaux (Cf. § 2.4 Partie 2)

Au profit d’un investissement plus grand envers certains salariés : Présentant des problèmes de santé susceptibles d’entraîner leur désinsertion professionnelle qu’il s’agisse : De motifs d’inaptitude à leur poste dans l’entreprise ; De pathologies chroniques nécessitant des mesures pour le maintien dans leur poste ;

  • Appartenant à des populations à risques telles que les apprentis, les jeunes salariés ou les salariés vieillissant et les aidants ;
  • Engagés dans des formes d’emploi ou des parcours professionnels précaires comme l’intérim ou les CDD ;
  • En situation de handicap ;
  • Créer une contribution, en temps ou financière, des entreprises dotées de services autonomes en faveur des structures régionales de santé au travail, au titre de la mutualisation, en raison des travaux qu’elles confient fréquemment à des PME dans le cadre d’une relation de sous- traitance ou de recours à des prestations extérieures.
  • Ouvrir à certaines catégories de salariés précisément identifiées (par exemple salariés du particulier employeur) la possibilité de faire effectuer leur suivi individuel de santé par des généralistes ayant passé une convention avec la structure régionale.

Recommandation n°8 : Former les différents acteurs de la prévention dans un objectif interdisciplinaire

  • Mettre en place un référentiel national de compétences en matière de pratiques de prévention, en fonction des métiers, des missions et du niveau de responsabilité exercé.
  • Formaliser l’ensemble du corpus théorique (doctrine) et méthodologique (démarches, outils, méthodes) en matière de santé travail et le rendre accessible à l’ensemble des acteurs de la prévention sous forme pédagogique.
  • Prévoir un cursus de formation pour les futurs responsables des structures régionales.

Recommandation n°9 : Mieux prendre en charge la prévention des risques liés aux organisations de travail et à leurs transformations

  • Former aux déterminants organisationnels et humains de la culture de sécurité :
  • Les intervenants en prévention (Direccte, structure régionale) ;
  • Les managers de proximité et les membres de CSE ;
  • Les conseils extérieurs en entreprise (formations conjointes pour chacun de ces trois catégories d’acteurs) ;
  • Poursuivre le développement de la culture de prévention et de la qualité de vie au travail dans la formation initiale des managers et ingénieurs (concevoir et organiser le travail en santé et en sécurité, animer des collectifs de travail, animer des espaces de régulation, etc.).
  • Formaliser la qualité des prestations des intervenants extérieurs sur ces domaines par la justification du recours à des référentiels éprouvés et reconnus.
  • Formaliser la qualité des prestations des intervenants extérieurs sur ces domaines par la justification du recours à des référentiels éprouvés et reconnus.
  • Développer l’ingénierie et le déploiement de démarches participatives impliquant les salariés dès la phase de conception et de mise en place de nouvelles organisations du travail ou mode de production afin de combler le retard important de la France en Europe en la matière.

Recommandation n°10 : Mettre en place au sein de chaque structure régionale une cellule spécifiquement dédiée à la prise en charge des RPS

  • Cette cellule figurant obligatoirement dans l’offre de service minimale de la structure régionale, interviendrait :
  • À la demande d’une entreprise souhaitant engager une démarche de prévention ;
  • A la demande d’un salarié ou travailleur indépendant souhaitant bénéficier d’un appui à la gestion de ses RPS, indépendamment de l’entreprise et dans le respect de la confidentialité ;
  • En cas de signalement de RPS laissant craindre des facteurs pathogènes dans une entreprise, une organisation, ou un secteur d’activité ;
  • De façon pluridisciplinaire : médicale pour l’accompagnement individuel, collective pour investiguer les causes organisationnelles, managériales, contextuelles, en lien avec les différents acteurs concernés de l’entreprise.

Recommandation n°11 : Organiser au sein de la structure régionale un guichet unique

  • La structure régionale doit rendre le service de proximité envers les salariés et les employeurs en mettant en place une structure d’accueil permettant une prise en charge personnalisée.
  • Cet accueil doit être en capacité de répondre à toute demande du socle d’offre de service relative à la santé et à la qualité de vie au travail en orientant le demandeur vers le bon interlocuteur de la structure ou vers un intervenant extérieur habilité sur son territoire

Recommandation n°12 : Permettre l’exploitation collective des données à des fins d’évaluation et de recherche et généraliser l’interopérabilité des systèmes d’information

  • Généraliser et harmoniser les systèmes d’information des structures régionales, notamment pour ce qui concerne les anciens services de santé au travail ;
  • Harmoniser les modalités du recueil des données par l’utilisation de thésaurus homogènes définis au plan national par la structure nationale en lien avec l’Anses ;
  • La nouvelle configuration des structures de santé au travail facilitera l’exploitation des données à des fins statistiques et la mise en place d’enquêtes ou d’études coordonnées par l’Anses, Santé Publique France ou la Dares.

Recommandation n°13 : Simplifier l’évaluation des risques dans les entreprises pour la rendre opérationnelle

  • Limiter la formalisation de l’évaluation aux risques majeurs dans les plus petites entreprises ;
  • Rendre obligatoire un seul document pour toutes les entreprises : le plan de prévention des risques, qui intégrera les éléments d’évaluation des risques se substituant ainsi au document unique d’évaluation des risques (DUER).
  • Faire accompagner les entreprises pour l’élaboration de leur plan de prévention par les structures régionales et supprimer en conséquence la fiche d’entreprise.

Recommandation n°14 : Proportionner les obligations et les moyens à déployer dans les entreprises en fonction de leur spécificité et des risques effectivement rencontrés par les salariés

  • A cet effet revisiter, en coopération avec les partenaires sociaux, la réglementation pour la faire évoluer vers une simplification et une recherche d’efficacité réelle.
  • Rendre les décrets applicables à titre supplétif lorsque l’entreprise adopte des dispositions de prévention qui répondent au même objectif que la réglementation sans en suivre les modalités d’application concrètes. Une telle logique, sans rien céder à ’exigence de sécurité, serait de nature à réduire l’écart entre les exigences réglementaires (conformité) et les contraintes du travail réel et à améliorer l’effectivité de la prévention.

Recommandation n°15 : Donner les moyens aux partenaires sociaux de participer à la conception, la mise en œuvre et au suivi des politiques publiques en matière de santé au travail

Abonder le fonds du paritarisme par les sommes issues actuellement du FNPAT destinés aux partenaires sociaux pour la formation en matière de santé au travail et flécher leur utilisation pour leur participation aux politiques de santé au travail.

Recommandation n°16 : Conduire une réflexion pour l’amélioration de la santé et de la qualité de vie au travail de la fonction publique
Le champ de la mission ne couvre pas celui de la fonction publique, celui-ci n’a donc pas été abordé. Néanmoins, les nombreux témoignages provenant des fonctions publiques incitent la mission à proposer que les recommandations qui peuvent être transposées prennent part dans la réflexion conduite sur la réforme de la fonction publique nationale, territoriale et hospitalière.

  • Les entreprises de grande taille continueront à pouvoir assurer, sous certaines conditions, le suivi individuel de santé par un ou plusieurs médecins du travail et infirmiers(es) qu’elles recrutent. (Conditions d’effectifs salariés, d’emprise géographique, de garantie contractuelles d’indépendance pour le médecin, d’habilitation par la structure régionale ou nationale (cf. infra)).
  • La gestion du risque peut être définie comme l’ensemble des actions mises en œuvre pour améliorer l’efficience du système de santé, c’est-àdire le rapport entre sa qualité et son coût. « Appliqué à l’assurance maladie obligatoire, le « risque » correspond aux dépenses remboursées par l’assureur public, et sa « gestion » désigne les actions mises en œuvre pour maitriser leur évolution et améliorer leur efficience (contrôle de l’exactitude de la prise en charge, lutte contre les fraudes et les gaspillages, promotion des techniques et des organisations présentant le meilleur coût/qualité, etc.) » (mission IGAS sur la gestion du risque, décembre 2010). La gestion des risques par la sécurité sociale peut intégrer un volet prévention mais celui-ci est toujours partagé avec l’Etat, en particulier sur le champ de la santé au travail, le ministère en charge du travail
  • Celui qui évalue le risque pour déterminer les cotisations en regard en termes d’assurance.
  • Ce qui implique une modification législative du recours en cas d’inaptitude qui, actuellement, s’exerce par voie contentieuse prud’homale, mobilisant un médecin expert et induisant des frais de justice pour les requérants.
  • Le terme « santé au travail « doit être entendu au sens large du Plan Santé au travail, c’est-à-dire comme incluant les conditions de travail, la qualité de vie au travail.
  • Notamment celui du bâtiment et des travaux publics.
  • Ce réseau, animé et coordonné et par l’Anses en application de l’article R1313-1 du CSP, comprend 30 organismes scientifiques intervenant dans son champ de compétences. Il a pour objectif de renforcer les coopérations aux fins : d’évaluation des risques sanitaires notamment dans le domaine du travail; de veille et d’alerte des pouvoirs publics en cas de risques pour la santé publique; d’amélioration de la connaissance des risques sanitaires dans le domaine de compétence de l’Anses.
  • Une contribution financière des entreprises dotées d’un service autonome, au titre de la mutualisation de la prise en charge de la prévention, se justifierait notamment en raison des travaux qu’elles confient fréquemment à des PME dans le cadre d’une relation de sous-traitance ou de recours à des prestations extérieures.
  • Le programme n° 111, piloté par la DGT au ministère du travail, porte sur l’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail. Il inclut la qualité du droit, sa diffusion et le contrôle de sa mise en œuvre, le conseil et l’appui au dialogue social. Dans le champ de la prévention, il finance en particulier l’Anact.
  • recommandation n°3 infra.
  • Examen par des pairs.
  • Les Plateformes Territoriales d’Appui (PTA) créées par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 ont pour objectif de simplifier, pour les professionnels et notamment les médecins traitants, la prise en charge des patients en situation complexe par l’intégration au sein d’un interlocuteur unique, les fonctions d’appui d’un territoire.
  • Rapport «Personnes handicapées : « sécuriser les parcours, cultiver les compétences »» - Dominique Gillot – juin 2018 et rapport «Plus simple la vie» : 113 propositions pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap» - Adrien Taquet et Jean-François Serres – mai 2018.
  • La réglementation allemande prévoit quant à elle une démarche progressive d’évaluation des risques (pas d’obligation lorsque le risque est mineur ou négligeable, une évaluation sans mesurage et un mesurage s’il demeure une incertitude ou s’il s’agit d’agent CMR) et que les mesurages doivent être réalisés par un salarié compétent ou par une structure extérieure répondant à des normes en matière de mesurage (DIN EN 482).
  • Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°58

    Publié le 1653900829000