DONNANT L’AVIS DES PARTENAIRES SOCIAUX SUR LES ATTENTES AU SUJET DES FUTURS TEXTES DE MÉDECINE DU TRAVAIL
Conseil d’Orientation des Conditions de Travail
Secrétariat général du COCT, 19 septembre 2016
Note de préparation du GPO du 23 septembre 2016 – Décrets relatifs au suivi des salariés par les services de santé au travail et la médecine du travail
La loi du 8 août 2016 modifie les dispositions relatives au suivi des salariés par les services de santé au travail et la médecine du travail. Ce texte appelle des mesures d’application réglementaires.
Dans la présente note, le choix est fait de privilégier une présentation thématique des contenus concernés par ces décrets, et de ces contenus seulement¹.
Afin de faciliter les débats du GPO sur cette matière complexe, il est proposé de se limiter à la présentation des thèmes suivants :
• La typologie des visites et des modalités de suivi telle qu’elle résulte du texte de la loi (1) ;
• Le périmètre des postes à risques devant faire l’objet d’une visite d’aptitude préalable et les modalités d’orientation d’un salarié vers tel ou tel type de suivi (2) ;
• Les modalités spécifiques de suivi des travailleurs en contrats courts (3).
Les éléments apportés pour la discussion de ces thèmes prennent en compte les propositions des huit organisations ayant adopté la note du GPO du 17 mars 2016 relative au suivi des salariés et les dispositions de l’article 102 de la loi du 8 août 2016. Certaines dispositions de nature réglementaire actuellement en vigueur dans le code du travail sont également rappelées. Afin de faciliter les débats, ces textes figurent en annexes.
a) La note GPO du 17 mars 2016
Les organisations qui ont adopté la note du 17 mars 2016 ont souhaité mettre en évidence un principe général quant aux modalités de suivi des salariés : « il convient de proportionner ce suivi aux risques professionnels encourus, qu’il s’agisse des risques récurrents (chutes de hauteur et de plain-pied, troubles musculo-squelettiques, exposition aux agents cancérigènes mutagènes et reprotoxiques, risques psycho-sociaux touchant l’ensemble des catégories socio-professionnelles : ouvriers, employés, cadres), des risques professionnels émergents (nano-technologies) ou encore des risques multifactoriels ». Ce principe d’adaptation aux risques professionnels s’applique à l’ensemble des types de visites
Ce principe posé, le texte identifie trois types de visites :
> La première visite
• Son objectif est la prévention primaire ; elle doit permettre d’informer le salarié et de nouer une relation de confiance avec l’équipe pluridisciplinaire ;
• Elle doit être modulée selon les risques professionnels et la nature du contrat (CDD ou intérim) :
- Certains salariés doivent faire l’objet d’une visite d’aptitude « avant ou dans un délai proche de la prise de poste » ;
- Les autres salariés peuvent faire l’objet d’une visite d’information et de prévention. « Pour ces salariés, l’orientation vers le médecin du travail peut être décidée par ce membre de l’équipe pluridisciplinaire à la suite de la visite d’information et de prévention. ».
> La visite périodique
• Le principe est d’adapter ces conditions de suivi périodiques à l’état de santé et aux risques professionnels encourus ;
• Ces visites doivent permettre de mieux suivre les publics particulièrement exposés :
- « Les travailleurs de nuit devraient basculer du principe de suivi semestriel au suivi médical renforcé. Les visites destinées à ces travailleurs, et plus généralement à l’ensemble des travailleurs dont les horaires sont atypiques, devraient mettre l’accent sur la prévention ;
- Les travailleurs titulaires de CDD et de contrats d’intérim devraient faire l’objet d’un niveau de suivi équivalent à celui des autres salariés. Ce suivi doit être adapté à leurs parcours professionnels et aux risques particuliers auxquels ils sont exposés. ».
> Les visites supplémentaires
• Leurs règles doivent rester inchangées (visites de reprise ou pré-reprise, visites à l’initiative du salarié ou de l’employeur).
• Visites à réaliser pendant le temps de travail et sans préjudice pour le salarié.
b) L’article 102 de la loi du 8 août 2016
La loi évoque deux notions distinctes, qui se recoupent en partie : des modalités de suivi, au nombre de deux, et des visites se rattachant à l’une ou l’autre de ces deux modalités de suivi.
> L’article 102 identifie clairement deux modalités de suivi :
• « Tout travailleur bénéficie, au titre de la surveillance de l’état de santé des travailleurs prévue à l’article L. 4622-2, d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail et, sous l’autorité de celui-ci, par le collaborateur médecin mentionné à l’article L. 4623-1, l’interne en médecine du travail et l’infirmier. ». « Ce suivi comprend une visite d’information et de prévention effectuée après l’embauche par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa du présent article. ». « Le professionnel de santé qui réalise la visite d’information et de prévention peut orienter le travailleur sans délai vers le médecin du travail, dans le respect du protocole élaboré par ce dernier. ».
• « Tout travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail bénéficie d’un suivi individuel renforcé de son état de santé. Ce suivi comprend notamment un examen médical d’aptitude, qui se substitue à la visite d’information et de prévention prévue à l’article L. 4624-1. ».
> Les visites intégrées par ces deux modalités de suivi sont précisées par les autres dispositions du texte. Sont mentionnées :
• Au titre du suivi individuel :
- La visite d’information et de prévention effectuée après l’embauche, dans un délai à fixer par décret en Conseil d’Etat ;
- Des visites périodiques : « Les modalités et la périodicité de ce suivi prennent en compte les conditions de travail, l’état de santé et l’âge du travailleur, ainsi que les risques professionnels auxquels il est exposé. » ;
- La visite médicale de suivi individuel adapté quand le travailleur se déclare travailleur handicapé ou titulaire d’une pension d’invalidité ;
- La visite de suivi individuel régulier de l’état de santé de tout travailleur de nuit, dont la périodicité est fixée par le médecin du travail en fonction des particularités du poste occupé et des caractéristiques du travailleur, selon des modalités à fixer par décret en Conseil d’Etat ;
• Au titre du suivi individuel renforcé :
- L‘examen médical d’aptitude, réalisé avant l’embauche ; il « permet de s’assurer de la compatibilité de l’état de santé du travailleur avec le poste auquel il est affecté, afin de prévenir tout risque grave d’atteinte à sa santé ou à sa sécurité ou à celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail. » ;
- Les examens médicaux d’aptitude périodiques : « Il est réalisé avant l’embauche et renouvelé périodiquement. ».
• Enfin, « tout salarié peut, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, solliciter une visite médicale dans l’objectif d’engager une démarche de maintien dans l’emploi ».
c) Dispositions réglementaires actuellement en vigueur
S’agissant du suivi périodique des salariés, le code du travail prévoit actuellement à l’article R. 4624- 16 : « Le salarié bénéficie d’examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail. Ces examens médicaux ont pour finalité de s’assurer du maintien de l’aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l’informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire.
Sous réserve d’assurer un suivi adéquat de la santé du salarié, l’agrément du service de santé au travail peut prévoir une périodicité excédant vingt-quatre mois lorsque sont mis en place des entretiens infirmiers et des actions pluridisciplinaires annuelles, et, lorsqu’elles existent, en tenant compte des recommandations de bonnes pratiques existantes. ».
Par ailleurs, l’article R. 4624-19 prévoit : « Sous réserve de la périodicité des examens prévue aux articles R. 4624-16 et R. 4451-84, le médecin du travail est juge des modalités de la surveillance médicale renforcée, en tenant compte des recommandations de bonnes pratiques existantes. Cette surveillance comprend au moins un ou des examens de nature médicale selon une périodicité n’excédant pas vingt-quatre mois. ».
d) Enjeux et problématiques
Plusieurs questions sont liées à la typologie des suivis et à la périodicité des visites :
- Comment définir des parcours types correspondant à ces modalités de suivi effectif (suivi individuel et suivi individuel renforcé), de manière à assurer leur intelligibilité et leur opérationnalité pour les salariés, les employeurs et les services de santé au travail ?
- Quelle périodicité de suivi adopter selon les parcours ainsi définis et quels professionnels de santé au travail mobiliser selon les types de suivi et les types de visites ?
- Comment définir des lignes directrices pour ces parcours (périodicité de visite, objectifs, procédures, etc.) de nature à assurer une égalité de traitement tout en laissant les marges de manœuvre suffisantes à l’expertise de terrain ?
2) La définition des postes à risques et l’orientation vers ces derniers
a. Les positions exprimées par la note GPO du 17 mars 2016
Les organisations ayant adopté la note proposent les catégories suivantes :
« Certaines catégories de salariés doivent faire l’objet d’une visite d’aptitude, réalisée par un médecin du travail ou un collaborateur médecin. Dans ce cas, les travailleurs les plus exposés à des risques pour leur santé et leur sécurité doivent être priorisés :
- Des catégories de bénéficiaires de ces visites devraient être déterminées par décret ; en particulier, la notion de poste de sécurité devrait être précisée.
- En outre, des marges de manœuvre devraient être offertes aux acteurs de terrain pour compléter le nombre des bénéficiaires de ces visites au regard de la réalité des risques professionnels auxquels les salariés sont confrontés. La fiche d’entreprise, le document unique d’évaluation des risques ou encore le document visé par l’article D. 4622-22 du code du travail sont les éléments de cette connaissance, de même que les autres éléments d’analyse disponibles au niveau des branches ou des territoires (DIRECCTE, CARSAT, organismes de prévention, etc.). ».
b) Les dispositions prévues par l’article 102 de la loi
Le texte de loi définit seulement les critères généraux des postes présentant des risques particuliers : « Tout travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail bénéficie d’un suivi individuel renforcé de son état de santé. ».
c) Dispositions réglementaires actuellement en vigueur
Il est à noter que l’actuel article R. 4624-18 du code du travail, relatif à la surveillance médicale renforcée, fait référence à certains postes à risques : « Bénéficient d’une surveillance médicale renforcée : (…) 3°) Les salariés exposés :
a) A l’amiante ;
b) Aux rayonnements ionisants ;
c) Au plomb dans les conditions prévues à l’article R. 4412-160 ;
d) Au risque hyperbare ;
e) Au bruit dans les conditions prévues au 2° de l’article R. 4434-7 ;
f) Aux vibrations dans les conditions prévues à l’article R. 4443-2 ;
g) Aux agents biologiques des groupes 3 et 4 ;
h) Aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction mentionnés à l’article R. 4412-60 ; (…) ».
d) Enjeux et problématiques
Deux grandes séries de questions peuvent être posées :
• A propos des catégories de postes à risques :
- Faut-il fixer des catégories génériques de postes à risques et si oui par quel vecteur juridique ?
- Quelles devraient être ces catégories ? Les postes à risques actuellement concernés par la surveillance médicale renforcée (SMR) doivent-ils y être intégrés ? Ces catégories doivent-elles ou non être limitatives ? Faut-il y prévoir des possibilités de dérogation ?
• A propos de la décision de classer tel ou tel poste parmi les postes à risques :
- Comment sera-t-il décidé qu’un poste pris individuellement relève des postes à risques ?
- Quels seront les rôles de l’employeur, du médecin du travail, du CHSCT ?
3. Le suivi des travailleurs en contrats courts
a. Les positions de la note GPO du 17 mars 2016
La note précise : « Les travailleurs titulaires de CDD et de contrats d’intérim devraient faire l’objet d’un niveau de suivi équivalent à celui des autres salariés. Ce suivi doit être adapté à leurs parcours professionnels et aux risques particuliers auxquels ils sont exposés.
Le suivi des salariés nécessite de renforcer la coordination des systèmes d’information des services de santé au travail. En particulier, s’agissant des titulaires de contrats courts, il nécessite de renforcer la coordination de l’ensemble des services de santé au travail dans le cadre des COREOCT. »
b) Les dispositions prévues par l’article 102 de la loi
La loi du 8 août 2016 prévoit :
« Un décret en Conseil d’Etat prévoit les adaptations des règles définies aux articles L. 4624-1 et L. 4624-2 pour les salariés temporaires et les salariés en contrat à durée déterminée.
Ces adaptations leur garantissent un suivi individuel de leur état de santé d’une périodicité équivalente à celle du suivi des salariés en contrat à durée indéterminée.
Ce décret en Conseil d’Etat prévoit les modalités d’information de l’employeur sur le suivi individuel de l’état de santé de son salarié et les modalités particulières d’hébergement des dossiers médicaux en santé au travail et d’échanges d’informations entre médecins du travail. ».
c) Dispositions réglementaires actuellement en vigueur
L’actuelle partie réglementaire du code du travail comprend plusieurs articles spécifiques au suivi des salariés en contrats courts :
• Des articles relatifs aux modalités spécifiques de suivi des salariés intérimaires : Article R. 4625-9 « L’examen médical d’embauche prévu à l’article R. 4624-10 est réalisé par le médecin du travail de l’entreprise de travail temporaire.
L’examen peut avoir pour finalité de rechercher si le salarié est médicalement apte à exercer plusieurs emplois, dans la limite de trois. (…) ».
Article R. 4625-10 « Sauf si le salarié le demande, le médecin du travail de l’entreprise de travail temporaire peut ne pas réaliser un nouvel examen d’embauche avant une nouvelle mission si les conditions suivantes sont réunies :
1° Le médecin n’estime pas celui-ci nécessaire (…) ;
2° Le médecin a pris connaissance de la fiche médicale d’aptitude (…) ;
3° L’aptitude médicale ou l’une des aptitudes reconnues lors de l’examen médical d’embauche réalisé à l’occasion d’une mission précédente correspondent aux caractéristiques particulières du poste (…) ;
4° Aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu soit au cours des vingt-quatre mois qui précèdent, si le travailleur est mis à disposition par la même entreprise de travail temporaire, soit au cours des douze mois qui précèdent dans le cas d’un changement d’entreprise de travail temporaire. ».
Article D. 4625-17 « Dans la zone géographique déterminée, selon le cas, par le ou les directeurs régionaux des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, après avis du ou des médecins inspecteurs du travail, lorsqu’il existe plusieurs services de santé au travail qui sollicitent un agrément pour assurer les missions de la médecine du travail des salariés temporaires, ces services constituent un fichier commun.
Ce fichier a pour finalité le regroupement des fiches d’aptitude médicale de ces salariés. ».
• L’article R. 4624-12 s’applique particulièrement aux salariés en contrat à durée déterminée : « Sauf si le médecin du travail l’estime nécessaire ou lorsque le salarié en fait la demande, un nouvel examen médical d’embauche n’est pas obligatoire lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1° Le salarié est appelé à occuper un emploi identique présentant les mêmes risques d’exposition ;
2° Le médecin du travail intéressé est en possession de la fiche d’aptitude établie en application de l’article R. 4624-47 ;
3° Aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours :
a) Soit des vingt-quatre mois précédents lorsque le salarié est à nouveau embauché par le même employeur ;
b) Soit des douze derniers mois lorsque le salarié change d’entreprise. ».
- Enfin, l’article D. 4625-22 prévoit le cas spécifique des travailleurs saisonniers : « Un examen médical d’embauche est obligatoire pour les salariés saisonniers recrutés pour une durée au moins égale à quarante-cinq jours de travail effectif sauf en ce qui concerne les salariés recrutés pour un emploi équivalent à ceux précédemment occupés si aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours des vingt-quatre mois précédents.
Pour les salariés saisonniers recrutés pour une durée inférieure à quarante-cinq jours, le service de santé au travail organise des actions de formation et de prévention. Ces actions peuvent être communes à plusieurs entreprises.
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté sur ces actions. ».
d) Enjeux et problématiques
Une première série de questions tient à l’application des règles communes décidées pour l’ensemble des salariés, tenant compte des modifications apportées par la loi du 8 août 2016. Pour ces règles, il conviendra de renvoyer aux débats portant sur le point 1.
Une deuxième série de questions consiste en l’adaptation de ces règles à la situation spécifique des travailleurs intérimaires. Des adaptations existent d’ores et déjà et sont prévues par les textes réglementaires actuels (cf. supra) : possibilité de vérification de l’aptitude pour plusieurs emplois (dans la limite de trois), possibilité de constituer un fichier commun dans une zone géographique donnée. Ces adaptations doivent-elles être maintenues ou doivent-elles évoluer ?
Enfin, une troisième série de questions porte sur la nécessité ou non d’apporter des adaptations au droit actuel pour les salariés en contrats à durée déterminée
Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°54