Actualités biologie médicale : État des lieux des connaissances sur le syndrome VEXAS

Publié le 06 Mar 2023 à 15:03

Une pathologie encore trop méconnue

Introduction

Le syndrome VEXAS est un syndrome clinique associant une inflammation systémique et une dysplasie des précurseurs. hématopoïétiques. VEXAS est l’anagramme de « Vacuoles, E1 enzyme, X-linked gene ». De découverte très récente, on retrouve chez les patients atteints de ce syndrome une morbidité et une mortalité élevées, avec souvent des cytopénies et des pathologies hématologiques associées.

C’est en 2020 que Beck et son équipe découvrent, chez 25 hommes chez qui on trouvait une inflammation systémique associée à une dysplasie des précurseurs hématopoïétiques, un gène muté de manière récurrente : le gène UBA1. Ce gène code pour la protéine UBA1 (ubiquitin-like modifier activating enzyme 1), une enzyme majeure de l’ubiquitinylation cellulaire. Cette réaction implique différents enzymes et consiste en la fixation d’ubiquitines sur des résidus Lysine, étape clé de la dégradation par le protéasome des protéines cellulaires1, 2.

Figure 1 : représentation schématique de la voie d’ubiquitinylation des enzymes E1-E2-E3. Il n’existe que 2 types d’enzymes E1 pour plus de 40 enzymes E2 et plus de 600 enzymes E3, c’est pourquoi des perturbations sur UBA1 ont un impact très fort sur l’ubiquitinylation2.

Ce gène est lié à l’X (Xp11.23), c’est pourquoi le syndrome VEXAS est majoritairement retrouvé chez des hommes, bien que plusieurs études fassent état de cas de femmes atteintes3, 4.

Dans cette étude publiée au New England Journal of Medicine, les génomes et exomes de 1 477 patients avec des fièvres récurrentes, une inflammation systémique, ou les deux, ainsi que 1 083 avec des syndromes atypiques non classifiables ont été analysés. Ont été recrutés aussi bien des hommes que des femmes, tous âges confondus. De ce criblage ressort une nouvelle mutation du codon 41 du gène UBA1 chez 3 hommes de plus de cinquante ans. Puis 22 autres hommes, présentant une clinique similaire et issus d’autres bases de données ont été rajoutés à la cohorte après criblage. La médiane de l’âge au diagnostic de ces 25 patients était de 64 ans. Parmi ces 25 patients, 3 mutations faux-sens ont été découvertes : p.Met41Val, p.Met41Thr et p.Met41Leu. 10 patients parmi les 25 sont décédés de cause liée à la maladie ou à une complication liée à son traitement1.

Epidémiologie
Du fait du caractère nouveau de cette pathologie, peu de données épidémiologiques sont disponibles. Toutefois, la même équipe menée par Beck qui a découvert la pathologie

a publié en 2023 une large étude sur la population générale américaine. Ils ont réalisé une étude rétrospective observationnelle sur 163 096 participants dont l’exome est répertorié dans une banque de données, hommes comme femmes de tous âges, pathologiques ou non. Il en ressort 11 individus possédant une mutation du gène UBA1, il s’agit de 9 hommes et de 2 femmes de plus de cinquante ans, tous symptomatiques. Cela correspond à une prévalence de la mutation dans la population américaine de 1 pour 13 591 habitants, et si on s’intéresse exclusivement aux hommes de plus de cinquante ans, on passe à une prévalence de 1 pour 4269 habitants5.

Il semble donc que le syndrome de VEXAS soit une affection de prévalence plus importante qu’il n’y paraît et que la pathologie soit sous-diagnostiquée, probablement parce qu’il s’agit d’une pathologie de découverte récente et encore méconnue.

Genèse de la maladie et physiopathologie
Le gène code pour une enzyme E1 impliquée dans l’ubiquitinylation post-traductionnelle des protéines. De par son action sur la dégradation des protéines, cette enzyme joue un rôle dans différentes voies de signalisation cellulaire. Notamment, elle intervient dans les voies de régulation de la réponse immunitaire innée, ce qui pourrait expliquer l’aspect inflammatoire systémique de la maladie. En effet, il a été montré chez les patients atteints une activation anormale de nombreuses voies de signalisation de la réponse immunitaire innée avec des niveaux élevés de nombreuses cytokines (IL-6, TNF, interférons gamma, etc.)1.

UBA1 code pour 2 isoformes, qui diffèrent par leur site d’initiation de la traduction : une enzyme UBA1a nucléaire et une enzyme UBA1b cytoplasmique. Chez les patients UBA1 mutés sur le codon 41, on note dans les polynucléaires neutrophiles le remplacement de UBA1b par un nouvel isoforme, UBA1c, localisé également dans le cytoplasme mais avec une activité catalytique moindre1.

D’autres études ont mis en évidence d’autres mutations faux-sens comme p.Ser56Phe, qui cause une perte d’activité catalytique de UBA1 température-dépendante, ainsi que des mutations du site accepteur d’épissage de l’exon 3 qui conduit à des erreurs d’épissage et une protéine UBA1 dysfonctionnelle 6, 7.

La mutation du gène UBA1 peut être retrouvée dans toutes les lignées cellulaires hématopoïétiques. Pourtant, dans la circulation sanguine, seule la lignée myéloïde présente encore cette anomalie génétique. La mutation est totalement absente des lymphocytes matures, ce qui suggère une sélection négative des lymphocytes mutés dans la moelle osseuse1.

D’un point de vue cytologique, ce syndrome se caractérise par la présence de vacuoles pathologiques dans les précurseurs myéloïdes et érythrocytaires, aisément repérable en microscopie optique. Ces vacuoles sont des gouttelettes lipidiques et des organelles cellulaires en cours de destruction 1, 8.

Cette anomalie reste peu spécifique puisque des vacuoles cellulaires peuvent être observées dans les carences en cuivre, l’intoxication au zinc, l’éthylisme chronique ou les néoplasies myéloïdes. Cependant, une étude française dirigée par Lacombe publiée en 2021 montre que la présence de 2 vacuoles ou plus dans 10 % des précurseurs myéloïdes ou plus est associée au syndrome VEXAS avec une excellente sensibilité et spécificité9.

Clinique
En 2022, une large étude rétrospective multicentrique française, s’étalant de novembre 2020 à mai 2021, répertoriait les symptômes retrouvés chez les patients présentant une mutation de UBA1. Les données clinico- biologiques de 116 patients ont été collectées : le type de mutation du gène UBA1, l’âge, les symptômes, le bilan biologique ainsi que les traitements. Parmi les patients, 111 sont des hommes. La médiane de l’âge au début des symptômes était de 67 ans et la médiane de l’âge au diagnostic était de 71 ans3.

Les symptômes fréquemment rencontrés sont des atteintes cutanées, une fièvre récurrente non infectieuse, une perte de poids, des atteintes pulmonaires, des atteintes oculaires, une polychondrite, des thromboses (veineuses majoritairement), des adénopathies, des arthralgies, des atteintes neurologiques et digestives. Du côté de la biologie, l’étude met en évidence la présence fréquente de cytopénies, parfois renforcées par les hémopathies associées, et le plus souvent une CRP élevée3.

Il a également été remarqué une association fréquente entre le syndrome VEXAS et d’autres pathologies hématologiques, notamment les syndromes myélodysplasiques (SMD), le myélome multiple, voire les deux. Dans l’étude française, 58 patients présentaient un syndrome myélodysplasique caractérisé associé et, parmi ces patients, 12 présentaient également une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS). Les syndromes myélodysplasiques étaient majoritairement de bas risque, classés SMD-RS (avec sidéroblastes en couronne) ou SMD-DML (dysplasie multilignée). Ces patients présentent plus fréquemment de la fièvre, des troubles digestifs, des atteintes pulmonaires et des arthralgies que le reste des patients3, 6, 8.

Toujours dans cette étude, avec un suivi d’une durée médiane de 3 ans, on compte parmi les 116 patients 18 décès dont la moitié de cause infectieuse. Les troubles gastro-intestinaux, l’atteinte pulmonaire et les adénopathies médiastinales étaient des symptômes plus fréquemment retrouvés chez les patients décédés que dans le reste des patients de l’étude. Il semble également que la mutation p.Met41Leu provoque une atteinte plus modérée, avec une mortalité moindre que les autres mutations 3.

Thérapeutiques actuelles et en cours d’étude
L’étude française de 2022 a montré que 74 % des patients VEXAS ont reçu des corticoïdes (notamment les patients avec un MDS associé). Les autres thérapeutiques pouvaient être des molécules utilisées dans les atteintes rhumatologiques comme le méthotrexate, la cyclophosphamide ou le mycophénolate mofétil, mais aussi des thérapeutiques ciblant l’inflammation systémique comme des antagonistes du récepteur à l’IL-1 ou du récepteur à l’IL-6. Ces thérapeutiques montrent cependant des résultats très hétérogènes dans les études.

Plus récemment, les inhibiteurs de JAK (comme le ruxolitinib) et l’azacitidine ont pu être utilisés et montrent des résultats très prometteurs3, 6.

Un groupe de travail de l’European society for Blood and Marrow Transplantation (EBMT) a publié en 2022 diverses recommandations sur la prise en charge. Les experts préconisent l’utilisation des corticoïdes en première ligne pour contrôler la maladie, mais ne recommandent pas leur utilisation à long terme. Ils recommandent également en prévention du risque infectieux lié au traitement l’aciclovir en prophylaxie de l’Herpes simplex virus, ainsi que des azolés en prophylaxie de Pneumocystis jirovecii 6.

 L’allogreffe semble être une thérapeutique très adaptée : une étude française a montré que chez 7 patients allogreffés pour une hémopathie associée à un syndrome VEXAS, 6 ont présenté une rémission clinique avec une interruption de tout traitement à 3 mois de l’allogreffe, le dernier patient étant décédé d’une infection. Ces résultats appellent de plus amples études prospectives afin de déterminer la place de l’allogreffe dans la prise en charge des patients atteints de syndrome VEXAS 6.

Conclusion
Le syndrome VEXAS est encore une pathologie trop peu connue, et est encore probablement sous-diagnostiquée.

De plus, le manque de thérapeutiques adaptées et de recommandations rendent la prise en charge des patients difficile et leur pronostic défavorable. Il est nécessaire de réaliser des études prospectives sur de larges échantillons de patients afin de déterminer des recommandations pour améliorer la survie des patients atteints.

Il semble également nécessaire d’améliorer le diagnostic de cette pathologie, par un meilleur dépistage clinique mais aussi par un meilleur dépistage biologique au laboratoire, notamment par la reconnaissance des anomalies morphologiques des cellules sanguines.

Maxence BAUVAIS

Références bibliographiques

  • Beck DB, Ferrada MA, Sikora KA, et al. Somatic Mutations in UBA1 and Severe Adult-Onset Autoinflammatory
    Disease. New England Journal of Medicine. 2020;383(27):2628-2638. doi: 10.1056/NEJMoa2026834.
  • Ewout J.N. Groen, Thomas H. Gillingwater. UBA1: At the Crossroads of Ubiquitin Homeostasis and Neurodegeneration”. Trends in Molecular Medicine, Volume 21, Issue 10, 2015, Pages 622-632. ISSN 1471-4914, doi: https://doi.org/10.1016/j.molmed.2015.08.003.
  • Georgin-Lavialle S, Terrier B, Guedon AF, et al. Further characterization of clinical and laboratory features in VEXAS syndrome: large-scale analysis of a multicentre case series of 116 French patients. Br J Dermatol. 2022;186(3):564- 574. doi:10.1111/bjd.20805.
  • Barba T, Jamilloux Y, Durel CA, et al. VEXAS syndrome in a woman. Rheumatology (Oxford). 2021;60(11):e402-e403. doi:10.1093/rheumatology/keab392.
  • Beck DB, Bodian DL, Shah V, et al. Estimated Prevalence and Clinical Manifestations of UBA1 Variants Associated With VEXAS Syndrome in a Clinical Population. JAMA. 2023;329(4):318-324. doi:10.1001/jama.2022.24836.
  • Gurnari C, McLornan DP. Update on VEXAS and role of allogeneic bone marrow transplant: Considerations on behalf of the Chronic Malignancies Working Party of the EBMT. Bone Marrow Transplant. 2022;57(11):1642-
  • doi:10.1038/s41409-022-01774-8.
  • Poulter JA, Collins JC, Cargo C, et al. Novel somatic mutations in UBA1 as a cause of VEXAS syndrome. Blood.
    2021;137(26):3676-3681. doi:10.1182/blood.2020010286.
  • Grayson PC, Patel BA, Young NS. VEXAS syndrome. Blood. 2021;137(26):3591-3594. doi:10.1182/blood.2021011455.
  • Lacombe V, Prevost M, Bouvier A, et al. Vacuoles in neutrophil precursors in VEXAS syndrome: diagnostic performances and threshold. Br J Haematol. 2021;195(2):286-289. doi:10.1111/bjh.17679.
  • Dépistage néonatal de maladies génétiques en France
    Dépistage néonatal de maladies génétiques en France, Extension à 7 nouvelles Maladies Héréditaires du Métabolisme (1, 2)

    En France, le dépistage néonatal (DNN) a été instauré en 1972, et a donc fêté ses 50 ans l’année dernière. Il permet de dépister chaque année près de 750 000 nouveaux-nés.

    Il a débuté par la recherche de la phénylcétonurie de manière isolée, résultat des travaux de Robert Guthrie dans les années 60 sur le dépistage de cette maladie à partir d’un échantillon de sang prélevé sur papier buvard (3). Le panel d’analyses a ensuite été complété par l’hypothyroïdie congénitale, la drépanocytose, l’hyperplasie congénitale des surrénales, la mucoviscidose et enfin le déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaînes moyennes (MCAD) en 2020. Ces extensions ont été possibles grâce à l’évolution technologiques des systèmes analytiques : les premiers dépistages reposaient sur des approches bactériologiques, puis ont évolué vers des méthodes immunoanalytiques et fluorimétriques, et aujourd’hui la spectrométrie de masse en tandem (MS/MS) (4).

    À côté de ces pathologies dépistées par biologie médicale, le dépistage de la surdité permanente congénitale, réalisé par un test fonctionnel, a également été ajouté à la liste des pathologies recherchées en 2014.

    Chronologie de l’extension du Dépistage Néonatal

     Organisation du dépistage néonatal des maladies génétiques en France
    Dans chaque région, le dépistage néonatal par des examens de biologie médicale est assuré par un Centre Régional de Dépistage Néonatal (CRDN) rattaché à un Centre Hospitalier Universitaire (CHU) en lien avec les agences régionales de santé (ARS). La coordination nationale est réalisée par le Centre National de Coordination du Dépistage Néonatal biologique (CNCDN), rattaché au CHU de Tours.

    Organisation pratique et acteurs du Dépistage Néonatal

    Extension du dépistage néonatal
    La liste des maladies dépistées est fixée par les arrêtés du 23 avril 2012, du 22 février 2018 et du 12 novembre 2020.

    En 2022, sept pathologies font partie du programme de dépistage néonatal : la phénylcétonurie, l’hypothyroïdie congénitale, l’hyperplasie congénitale des surrénales, la drépanocytose, la mucoviscidose, le déficit en MCAD et la surdité congénitale permanente. Le dépistage du déficit en MCAD, ajouté en 2020, préparait à l’arrivée de la spectrométrie de masse en tandem comme technique analytique de choix dans le dépistage néonatal.

    La spectrométrie de masse en tandem (MS/MS) est une technique analytique sensible et spécifique, basée sur l’ionisation puis la fragmentation de molécules au sein d’un liquide biologique, pour une identification basée sur le rapport masse/charge (m/z). Cette technique permet notamment de mettre en évidence des accumulations de métabolites, dans le cas des erreurs innées du métabolisme, ou Maladies Héréditaires du Métabolisme (MHM).

    Les MHM sont une grande famille de maladies rares, liées à des variants de gènes qui affectent les voies métaboliques cellulaires. Un blocage de ces voies peut entraîner une intoxication par accumulation de métabolites, un déficit énergétique, un défaut de synthèse ou de catabolisme…

    Les erreurs innées du métabolisme présentent un large spectre de symptômes non spécifiques et sont souvent diagnostiquées après exclusion de toutes autres causes plus fréquentes. Ce sont donc de bons candidats pour le DNN, un diagnostic précoce permettant une prise en charge précoce et ainsi une amélioration du pronostic.

    Le développement de la MS/MS dans les années 90 a élargi le champ des maladies dépistables, en permettant l’analyse des acides aminés et des acylcarnitines, mais aussi en rendant possible les analyses multiplex à partir d’un unique poinçon de sang séché. Ceci rend donc possible le dépistage des erreurs innées du métabolisme.

    En 2019, 24 pathologies de la famille des erreurs innées du métabolisme sont étudiées par la HAS pour une potentielle inclusion dans le programme national de DNN.

    C’est en effet la Haute Autorité de Santé qui a le rôle d’expert pour fournir des recommandations quant au retrait ou à l’inclusion de pathologies dans ce programme.

    Pour déterminer quelles pathologies doivent être dépistées, les critères de Wilson et Jungner, publiés en 1968 pour l’Organisation Mondiale de la Santé, restent à ce jour un fondement sur lequel repose la prise de décision.

    Pour justifier d’un dépistage de masse d’une maladie, les critères sont les suivants (5) :

    • La pathologie représente un problème de santé publique.
    • On connaît son histoire naturelle.
    • Il existe un traitement.
    • La maladie peut être dépistée à un stade pré-symptomatique.
    • Il existe un marqueur biologique sensible et spécifique.
    • Le test doit être accepté par la population.
    • Le dépistage présente un intérêt médico-économique.
    • La pérennité du programme doit être assurée.

    Un des principes fondamentaux est que tout test de dépistage néonatal doit être réalisé dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

    Basé sur ces principes, la HAS a publié en janvier 2020 des recommandations pour l’extension du DNN à 7 nouvelles pathologies : le déficit primaire en Carnitine, l’acidurie glutarique de type 1, le déficit en déshydrogénase des acyl-CoA à longues chaînes (LCHAD), la tyrosinémie de type 1, l’acidurie isovalérique, l’homocystinurie et la leucinose (6). Ces pathologies ont donc intégré le DNN en janvier 2023.

    Problématiques organisationnelles et analytiques
    En 2020, un premier volet d’extension du dépistage néonatal avec le déficit en MCAD permet aux services responsables du DNN de se doter en spectromètres de masse, et de prendre en main l’utilisation d’une MS/MS dédiée au dépistage. Cependant, le deuxième volet d’extension de 2023 entraîne quelques problématiques.

    L’extension du DNN à 7 nouvelles pathologies représente une importante charge de travail supplémentaire, concentrée sur les seuls services responsables du diagnostic des erreurs innées du métabolisme. De manière plus générale, une adaptation est nécessaire pour les services assurant le DNN et les services cliniques qui devront assurer une prise en charge adaptée malgré l’augmentation du nombre de dépistages pathologiques. Il convient donc d’établir, au niveau national, des algorithmes décisionnels pour le diagnostic et la prise en charge des nouveau-nés « suspects ».

    Pour le dépistage, le choix des biomarqueurs et des seuils d’action est primordial pour optimiser la valeur prédictive positive et négative des tests, et limiter les résultats faussement négatifs ou positifs. Dans le cas du DNN, il existe deux seuils : le seuil d’action, et le seuil de retest. Le seuil d’action est défini nationalement pour chaque biomarqueur, à partir de la distribution observée dans la population générale des nouveaux nés. Le seuil de retest, en revanche, est établi par chaque laboratoire, en prenant en compte ses incertitudes de mesures. Il est réévalué et adapté régulièrement.

    Un échantillon présentant une valeur supérieure au seuil de retest va être analysé de nouveau en duplicata pour s’affranchir d’une erreur aléatoire ou d’une erreur d’identité.

    Un biomarqueur secondaire, lorsqu’il existe, peut aussi permettre une meilleure discrimination. Un dépistage présentant un résultat supérieur au seuil d’action est considéré comme anormal, et le nouveau-né est convoqué pour une prise en charge adaptée.

    La nouvelle extension du dépistage entraîne donc une grosse période de mise au point de la technique dans chaque laboratoire pour établir les seuils de retest. En effet, un seuil de retest trop haut ferait louper des résultats limites et potentiellement faux négatifs, alors qu’un seuil fixé trop bas entraînerait de nombreuses réanalyses et donc une charge de travail trop importante sur le circuit des analyses biologiques. Il est donc important d’optimiser au mieux la sensibilité et la spécificité de chaque test en jouant sur ce seuil de retest.

    Récapitulatif des pathologies dépistées aujourd’hui chez le nouveau-né

    Perspectives
    Les avancées techniques et thérapeutiques promettent un bel avenir au dépistage néonatal, et de nombreuses perspectives.

    Parmi les maladies n’ayant pas été incluses dans l’extension du DNN en 2023, cinq ont été retenues pour être réévaluées
    : la citrullinémie de type 1, le déficit en ornithine transcarbamylase, l’acidurie propionique, l’acidurie méthylmalonique et le déficit en déshydrogénase des acyl-CoA à très longues chaînes. Suite à cette réévaluation, ces cinq erreurs innées métaboliques pourraient donc rejoindre le programme de DNN. D’autres maladies héréditaires du métabolisme, comme les maladies de surcharge lysosomale, pourraient également prétendre au DNN : une étude pilote est actuellement menée pour évaluer la possibilité d’inclure deux d’entre elles.

    La spectrométrie de masse en tandem n’est pas le seul progrès technologique permettant un élargissement massif du spectre du DNN : les outils moléculaires vont probablement avoir de plus en plus leur place dans le dépistage. La nouvelle loi de Bioéthique, datant de 2021 (L1411-6, article 27) permet désormais l’ajout du dépistage d’anomalies génétiques en première intention dès lors que la maladie répond au critère d’inclusion au DNN.

    Si l’emploi d’outils moléculaires reste encore étroitement lié à des difficultés éthiques, légales et sociales, il existe aujourd’hui plusieurs pathologies en cours d’étude pour de futures extensions du DNN en France (le Déficit Immunitaire Combiné Sévère, l’amyotrophie spinale, l’adrénoleucodystrophie liée à l’X…).

    Conclusion
    Depuis son instauration en 1972 en France, le programme de dépistage néonatal a permis la prise en charge de 23 500 enfants malades, sur plus de 35 millions de nouveaux-nés dépistés. Depuis 50 ans, le nombre de maladies dépistées n’a fait qu’augmenter, et particulièrement ces dernières années. En effet, les avancées technologiques permettant la réalisation de dosages simultanés (MS/MS) ainsi que les progrès thérapeutiques ont permis l’ouverture du dépistage de 8 nouvelles pathologies en 2 ans, et offrent également de nombreuses perspectives. Les outils moléculaires, rendus accessibles en première intention par la dernière loi relative à la bioéthique, représentent un autre versant de l’avenir du programme français de Dépistage Néonatal.

    Julie ROCHAT

    Bibliographie

  • Filière G2M Maladies rares. Webinaire Dépistage Néonatal. 2023 févr 3.
  • Fanny Zhao, Magali Pettazzoni, Céline Renoux, David Cheillan. Le dépistage néonatal de maladies génétiques en france. janv 2023;(370):49-59.
  • Guthrie R, Susi A. A simple phenylalanine method for detecting phenylketonuria in large populations of newborn infants. Pediatrics. sept 1963;32:338-43.
  • Cheillan D. [Main biological tools applied to newborn screening: Landscape and future perspectives]. Med Sci MS.
    mai 2021;37(5):461-7.
  • Wilson JMG, Jungner G, Organization WH. Principles and practice of screening for disease [Internet]. World Health Organization; 1968 [cité 18 févr 2023]. Disponible sur: https://apps.who.int/iris/handle/10665/37650
  • Évaluation a priori de l’extension du dépistage néonatal à une ou plusieurs erreurs innées du métabolisme par spectrométrie de masse en tandem. Volet 2 [Internet]. Haute Autorité de Santé. [cité 18 févr 2023]. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/jcms/c_2866458/fr/evaluation-a-priori-de-l-extension-du-depistage-neonatal-a-uneou- plusieurs-erreurs-innees-du-metabolisme-par-spectrometrie-de-masse-en-tandem-volet-2
  • Création d’un laboratoire d’analyses médicales :

    Interview du Dr Anne Sophie Daubié

    Dr Anne Sophie Daubié

    Bonjour Docteur, merci d’avoir accepté et d’avoir pris le temps de répondre à ces questions ! Tout d’abord, pourquoi avoir choisi la filière internat et pas une des 2 filières courtes (industrie ou officine) ?

    Après avoir fait ma fac à Tours, j’ai commencé mon internat en 2009 et je l’ai fini il y a 10 ans.

    Concernant l’officine, à titre personnel, ce n’est pas forcément un domaine que j’affectionne et cela a été confirmé par les stages réalisés au cours du cursus.

    Dans ma fac, beaucoup d’étudiants se tournaient vers l’industrie mais cela ne m’a pas attirée car je voulais rester dans le côté médical.

    Pour l’internat, je ne savais pas trop ce que je voulais faire au départ : j’ai donné des cours pendant toute ma fac et c’est mon patron qui m’a dit que la biologie médicale était très intéressante et que ça me plairait. Je me suis donc renseignée, je me suis rapprochée de biologiste en exercices à Bourges et cela m’avait bien tentée. C’est cela qui m’a motivée à passer l’internat.

    Parcours/maquette internat, semestres réalisés Avez-vous réalisé un Master, DU, année recherche, thèse de science, une FST ?
    J’ai validé une spécialité bactériologie en y réalisant 4 semestres puis j’ai fait des stages généralistes en hématologie, parasitologie et biochimie mais je n’ai pas fait d’immunologie.

    J’ai fait le DU d’antibiothérapie de l’hôpital St Louis chapeauté par le Professeur Molina pendant mon internat.À la fin de mon internat, je n’étais pas décidée si je partais dans le privé ou si je restais à l’hôpital, je me suis laissé le temps de la réflexion via une année supplémentaire en faisant une année recherche avec un master 2 et j’ai passé le concours de la médaille auquel j’ai été reçue (il s’agit d’une année de financement pour le master 2).

    Pourquoi avoir choisi d’exercer en laboratoire privé ?
    Pendant cette année médaille, j’ai fait des remplacements dans le privée sur un plateau de bactériologie 1 samedi sur 2 pour voir la facette privée et pour avoir toutes les cartes en main à la fin du cursus pour faire le “bon” choix.

    Le plateau de bactériologie me plaisait bien, car bien qu’étant axé bactériologie, le poste était assez polyvalent avec pas mal de responsabilités, ce qui m’a attirée.

    On m’avait proposé un poste de MCU-PH dans le public mais j’avais envie d’exercer rapidement mon métier de biologiste sans avoir à faire une thèse de sciences (3 ans de recherche).

    Si l’on m’avait proposé un poste de PH après l’AHU, je serais probablement restée à l’hôpital, mais les postes de PH en microbiologie étaient rares à l’époque. Ces éléments ont conditionné mon choix.

    Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer votre laboratoire ?
    Ce sont mes conditions d’exercice ces 10 dernières années.

    Je me suis retrouvée dans des grands groupes à la suite de rachats et je ne retrouvais plus un mode d’exercice et des conditions de travail qui me convenaient, dûs à une perte d’indépendance évidente.

    Avec une de mes associées qui a à peu près le même âge que moi, il nous restait 30 ans à exercer, on s’est dit qu’on ne voulait plus être TNS ultraminoritaires dans les grands groupes et qu’il fallait trouver une alternative : devenir nos propres patronnes et donc créer notre structure. À notre âge (moins de 40 ans), nous avons acquis de l’expérience et c’était le moment ou jamais de se lancer (et nous sommes très contentes).

    Quelles sont les qualités nécessaires pour ce poste ? Quels conseils donneriez-vous à un interne qui voudrait se lancer dans ce domaine ?
    Il faut de la motivation car c’est un parcours semé d’embûches, on a quand même rencontré des difficultés mais rien d’insurmontable si on est motivé.

    Il faut que les gens autour de vous soutiennent le projet car ce projet c’est toute votre vie, tout votre temps à 100 % pendant des mois et cela demande beaucoup d’investissement personnel.

    Avec de la ténacité et de la motivation on y arrive.

    Cela peut faire un peu peur de se lancer actuellement avec tous les gros groupes…
    Le problème des gros groupes est qu’ils peuvent essayer d’intimider les personnes qui veulent s’installer mais ils ne peuvent pas les en empêcher à partir du moment où l’ARS a validé le projet.

    Dans ce cas, il faut bien évidemment se rapprocher des syndicats et de ses conseils.

    Cela les embête que l’on s’installe car ils peinent déjà à trouver des biologistes donc si tous les jeunes s’installent et créent leur labo, cela va leur poser problème.

    Pensez-vous que la formation via l’internat a permis d’avoir les compétences requises pour ce poste ou est-ce que vous auriez aimé avoir des choses en plus au cours de l’internat qui vous auraient aidée dans votre projet ?
    Côté métier, l’internat m’a donné les compétences nécessaires.

    En revanche, l’internat ne donne aucune base pour :

    • Savoir comment créer une entreprise et vers qui se tourner.
    • Connaître toutes les étapes de la création d’un LBM et leur chronologie.
    • Encadrer des équipes.

    C’est un travail personnel et/ou l’expérience qui permettent d’appréhender ces points.

    Comment voyez-vous votre avenir professionnel ? Est-ce que vous avez d’autres projets de développement ?
    Mon avenir professionnel je le vois chez Bioseine, j’ai créé mon laboratoire pour cela.

    Avec mon associée, nous pensons qu’il y a une taille critique à ne pas dépasser, aussi bien en termes de logistique qu’en termes d’offre de soins (impact sur les délais de rendu).

    Nous souhaitons aider les jeunes biologistes qui souhaitent s’installer : soit en leur proposant des conseils, en leur donnant certains contacts (architecte, cabinet de design, fournisseur, acheteurs, etc.).

    Et éventuellement si certains veulent créer en région parisienne, nous pouvons leur sous-traiter certaines de leurs analyses.

    Nous aimerions valoriser le rôle du biologiste en termes de santé publique en travaillant avec les syndicats et la CNAM pour confier de nouvelles missions à notre profession.

    Nous avons d’ailleurs un rendez-vous avec la CNAM en mars, nous espérons que nos espoirs vont se concrétiser et que Bioseine puisse être un laboratoire « pilote ».

    https://labo-bioseine.fr/

    Julie DAVAZE-SCHNEIDER

    Article paru dans la revue “ L’Observance” / FNSIP n°36

     

    Publié le 1678111422000