Actualités : assistant médical en France

Publié le 24 May 2022 à 09:31


L’opinion des médecins généralistes et internes de médecine générale sur la délégation de tâches

Les freins concernant son intégration au système de santé.

Introduction
La France est dans une situation complexe concernant son système de santé, avec divers défis comme le vieillissement de la population, le manque de médecin et des difficultés d’accès aux soins primaires dans une grande partie de son territoire. Le plan « ma santé 2022 », annoncé en février 2019, cherche des réponses à ces défis par de nombreuses propositions, y compris la création du poste d’assistant médical. Ce poste est inspiré de modèles étrangers et de postes comparables dans d’autres branches de la médecine française. Son objectif est d’aider le médecin généraliste dans son quotidien, lui libérer du temps « clinique » et le soulager d’actes ne nécessitant pas de compétences médicales.

Au cours de mes différents échanges avec les praticiens libéraux, j’ai constaté que les avis et attentes concernant ce nouveau poste variaient beaucoup d’un médecin à l’autre : certains souhaitent déléguer la partie « administrative » de leur quotidien, certains plutôt la partie clinique », parfois ils veulent tout déléguer à l’assistant, ou à l’inverse ils y sont opposés et y voient une évolution négative des pratiques.

Plusieurs questions me sont alors venues à l’esprit : que pouvons-nous et que voulons-nous déléguer dans notre charge de travail quotidienne ? Les médecins libéraux français seraient-ils conservateurs ? Ou bien sont-ils demandeurs de changements dans leur pratique ?

Nous avons tous notre vision de la médecine, que nous pratiquons comme un art, nous avons globalement la même formation et un cursus commun, mais la philosophie, les attentes et les appréhensions sont différentes d’un médecin à l’autre. Au cours de mes recherches à ce sujet, je n’ai pu que constater l’absence d’enquête sur le domaine de l’assistance médicale en France. C’est ainsi que me vint l’idée de ce sujet de thèse, qui a pour objectif d’identifier les actes du quotidien que les médecins souhaitent déléguer à l’assistant, et de préciser les attentes et les freins concernant sa mise en place.

Ce travail pourrait aussi suggérer les connaissances nécessaires à la pratique de l’assistant et aider à définir sa formation, dont le contenu n’a pas encore été précisé pendant la rédaction de ce travail.

L’assistant médical
Introduction
L’objectif de l’assistant est de décharger les médecins d’actes qui peuvent être délégués afin que ces derniers puissent se libérer du temps et se consacrer sur la base de leur métier. Sa priorité est de redonner du temps aux praticiens, et de leur permettre de se concentrer sur le coeur de leurs missions, à savoir soigner les patients, coordonner leurs parcours et s’engager plus fortement dans des démarches de prévention. Les négociations visant à préciser le statut des futurs assistants médicaux ont été menées sous la direction de la CNAM, entre les syndicats professionnels concernés et l’Assurance Maladie. L’avenant n°7, signé le 20 juin 2019 et ayant suscité le plus de débat, porte sur les conditions de recrutement des futurs assistants.

Les missions de l’assistant
Favoriser un meilleur accès aux soins
La présence quotidienne de l’assistant devrait permettre au médecin de se dégager de certaines tâches, par exemple administratives, et de libérer du temps médical. Il pourra donc recevoir davantage de patients. Les assurés auront de leur côté moins de difficultés à trouver un médecin traitant et à obtenir un rendez-vous.

Rechercher d’avantage d’efficience et de meilleures conditions d’exercice
Le médecin pourra consacrer plus de temps aux soins et au suivi médical, pour une meilleure prise en charge de ses patients. Engagé dans une démarche de coordination des soins, le médecin pourra plus facilement assurer la coordination et la continuité des soins avec l’ensemble des autres acteurs de la prise en charge.

Les actes délégués à l’assistant
Le médecin choisit en toute liberté les missions qu’il veut confier à l’assistant médical. Cela dépend de sa pratique, de son organisation et de ses propres besoins. Ces missions peuvent être par exemple :

  • Administratives :
  • Accueil des patients ;
  • Création/gestion du dossier informatique ;
  • Recueil et enregistrement des informations administratives et médicales ;
  • Accompagnement de la mise en place de la télémédecine dans le cabinet ;
  • Cliniques / en lien avec la consultation :
  • Prise des constantes ;
  • Mise à jour du dossier patient (dépistages, vaccinations, mode de vie) ;
  • Délivrance de tests de dépistage ;
  • Préparation et aide à la réalisation d’actes techniques.
  • Organisation et coordination :
  • Avec les autres acteurs intervenant dans la prise en charge des patients ;
  • Prise de rendez-vous chez le spécialiste ou pour les examens complémentaires.

Formation et durée d’étude
Le diplôme nécessaire à la pratique de l’assistant est le certificat de qualification professionnelle (CQP) d’assistant médical.

Le poste est accessible aussi bien à des profils soignants, comme les infirmières ou les aidessoignants, qu’à des profils non soignants, comme les secrétaires médicales.

La qualification professionnelle est en cours d’élaboration, mais pour faciliter les premiers recrutements elle ne sera pas exigible dans les premières années de fonctionnement du dispositif.

En revanche, l’assistant médical devra être formé ou s’engager à suivre une formation spécifique dans les 2 ans après son recrutement, et avoir obtenu cette qualification professionnelle dans les 3 ans. La formation sera adaptée au profil du futur assistant médical, plutôt soignant ou non soignant.

Aide financière au recrutement de l’assistant
Critères d’éligibilité

Le médecin est accompagné par sa caisse primaire d'Assurance Maladie (CPAM) dans la définition de son besoin et la compréhension des différentes options de financement.

L’aide financière concerne :

  • Les médecins sur tout le territoire :
    - Médecins généralistes ;
    - Pédiatres ;
    - Gériatres ;
    - Rhumatologues ;
    - Dermatologues ;
    - Endocrinologues ;
    - Neurologues ;
    - ORL médicaux ;
    - Gynécologues médicaux ;
    - Internistes ;
    - Médecins physiques et de réadaptation ;
    - Gastroentérologues ;
    - Pneumologues ;
    - Cardiologues ;
    - Psychiatres ;
    - Ophtalmologistes ;
    - Médecine vasculaire ;
    - Allergologues ;
    - Médecine à expertise particulière.

  • Certaines spécialités sur les 30 % du territoire dont l’offre de soins est insuffisante :
    - Chirurgiens ;
    - Anesthésistes ;
    - Obstétriciens ;
    - Radiologues ;
    - Radiothérapeutes ;
    - Stomatologues ;
    - ORL chirugical ;
    - Néphrologue ;
    - Médecins Nucléaires ;
    - Anatomie-cytologie-pathologie.

    Le médecin doit également, pour être éligible :
  • Exercer en secteur 1 ou en secteur 2 et être adhérent à l’Optam1.
  • Exercer en mode regroupé, soit au minimum 2 médecins dans un même cabinet, avec une dérogation pour les médecins en zone sousdense.
  • S’inscrire dans une démarche d’exercice coordonné, quelle que soit sa forme : maison de santé pluriprofessionnelle, équipe de soins primaires ou spécialisés, CPTS, ou s’engager à le faire dans les 2 ans.
  • Avoir au minimum 640 patients dans leur patientèle dont ils sont le médecin traitant. L’appui d’un assistant médical se justifie à partir d’un certain niveau d’activité, les 30 % de médecins ayant les plus faibles patientèles ne sont donc pas concernés par l’aide.
  • Pour les spécialistes, avoir vu un certain nombre de patients différents dans l’année, ce que l’on appelle la « file active ».

Les contrats proposés
Le praticien signe avec sa CPAM un contrat de 5 ans renouvelable, qui formalise les engagements du médecin et de la caisse primaire. Le financement est annuel, dégressif en 2ème année, puis pérenne au-delà. Le contrat ne demande pas au médecin de travailler plus longtemps. Libéré de certaines tâches, il sera en mesure de recevoir davantage de patients dans l’année, d’assurer un suivi plus approfondi et d’accepter de nouveaux patients en tant que médecin traitant. 3 options sont proposées, selon le niveau de financement et d’engagement que le médecin juge approprié à ses besoins et à son organisation :

  • Option 1 : Financement et recrutement d’un tiers-temps de l’assistant médical :
    - 12 000 euros la première année.
    - 9 000 euros la deuxième année.
    - 7 000 euros la troisième année. Le médecin s’engage à augmenter sa file active et/ou sa patientèle adulte médecin traitant de + 20 %, ou au moins de la maintenir.
  • Option 2 : Financement et recrutement d’un mi-temps de l’assistant médical :
    - 18 000 euros la première année.
    - 13 500 euros la deuxième année.
    - 10 500 euros la troisième année.

Le médecin s’engage à augmenter sa file active et/ou sa patientèle adulte médecin traitant de + 25 %, ou au moins de la maintenir.

  • Option 3 : En zone sous-dense uniquement : Financement et recrutement d’un temps plein de l’assistant médical :
    - 36 000 euros la première année.
    - 27 000 euros la deuxième année.
    - 21 000 euros la troisième année.

Le médecin s’engage à augmenter sa file active et/ou sa patientèle adulte médecin traitant de + 35 %, ou au moins de l’augmenter de 5 %.

Inspirations de l’assistant médical
Le poste proposé dans le projet de loi semble s’inspirer de plusieurs modèles, existants dans l’odontologie française, mais aussi dans de nombreux pays du monde.

En France : l’assistant dentaire
Le poste d’assistant dentaire existe depuis longtemps en France. Le métier est encadré par la convention collective nationale des cabinets du 17 janvier 1992. C’est un modèle comparable à l’assistant médical dans son objectif de délégation de tâches. Ses fonctions comportent :

  • La gestion de l’accueil du patient :
    - Répondre au téléphone et prise de rendezvous ;
    - Accueil physique et installation du patient au fauteuil.

  • Des tâches administratives :
    - Mise à jour du dossier médical ;
    - Paiement et remplissage des feuilles de soins ;
    - Gestion du courrier ;
    - Gestion des stocks de matériel et produits du cabinet ;
    - Classement des clichés radiographiques dans les dossiers.

  • L’assistance au fauteuil :
    - Préparation des plateaux d’instruments, ciments et collages ;
    - Aide opératoire durant les soins.

  • L’entretien des locaux et du matériel :
    - Désinfection et stérilisation des instruments.

La formation d’assistant dentaire se déroule en alternance avec un emploi au sein d’un cabinet dentaire, elle est dispensée sur 12 à 18 mois dans des centres de formation agréés.

Elle est aussi accessible par contrat de professionnalisation dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience (VAE), à condition de justifier d’une expérience professionnelle de 3 ans en rapport avec cette activité.

Aux États-Unis et au Canada
Les deux pays d’Amérique du Nord sont des précurseurs en matière d’assistance aux médecins, il y existe deux modèles de profession depuis de nombreuses années :

Physician assistant (PA)
Traduit usuellement en « adjoint au médecin », la profession apparait durant les années 1960 aux États-Unis pour faire face aux difficultés d’accès aux soins primaires dans certaines parties du territoire. Le concept d’adjoint au médecin a alors pris forme pour renforcer l’offre de soins.

Dérivé de l’apprentissage accéléré de compétences médicales dans les forces armées américaines au cours de la 2ème guerre mondiale, une première promotion de « physician assistant » est diplômée en 1967, composée principalement d’anciens « Marines ». L’objectif est d’augmenter l’offre de soins en prenant en charge une partie du travail des médecins.

Le Canada est également un pays précurseur, le concept de formation médicale accélérée et d’assistance aux médecins était aussi utilisé dans les forces armées canadiennes au cours des années 1960. C’est en 2003 qu’ils sont intégrés dans le secteur civil canadien, pour se développer sur le même modèle que les américains.

Typiquement, les adjoints au médecin, au Canada comme aux États-Unis effectuent les tâches suivantes :

  • Prise des antécédents, anamnèse ;
  • Examen physique du patient ;
  • Prescription et interprétation d’examens complémentaires tels que des radiographies ou bilans sanguins ;
  • Évocation de diagnostics ;
  • Prescription de médicaments ;
  • Vaccination ;
  • Traitements locaux tels que plâtres, pansements ;
  • Education et prévention auprès des patients et des familles ;
  • Assistance en chirurgie ;
  • Pratique de sutures, ou retrait de points et agrafes.

Ils exercent sous la responsabilité d’un docteur en médecine et peuvent se spécialiser en fonction de leur médecin employeur. Ils peuvent travailler en clinique, dans les hôpitaux, en cabinets de ville, en santé scolaire, en santé militaire, principalement dans les zones sous-dotées en médecins.

La formation d’adjoint nécessite généralement l’obtention d’un « bachelor degree » pour les étudiants, équivalent d’une licence en Europe, c’est-à-dire 3 à 4 années d’études après le lycée. Les étudiants sont incités à avoir ce « bachelor degree » dans un domaine scientifique, et à acquérir de l’expérience en faisant du volontariat ou en travaillant dans la santé. Puis ils postulent pour entrer dans une formation de 2 à 3 ans, afin d’obtenir un « master degree », équivalent du master en Europe, qui leur donne accès à une licence de pratique en tant que « physician assistant ».

Le cursus est sensiblement le même dans les deux pays, à la différence qu’il existe 250 programmes de formation accrédités aux États-Unis, contre 4 au Canada (3 publics, 1 militaire).

Medical assistant (MA)
Traduit usuellement en « assistant médical », L’AAMA (American Association of Medical Assistant) est officiellement fondée en 1955 afin de créer une meilleure organisation nationale et la reconnaissance d’une fonction déjà existante. C’est en 1969 que le métier d’assistant médical devient officiel.

Contrairement aux adjoints aux médecins, qui ont un rôle soignant au premier plan avec la possibilité de diagnostiquer et traiter les patients, les assistants médicaux oscillent aux États-Unis comme au Canada entre une fonction administrative et soignante.

Leurs principales fonctions peuvent varier d’un cabinet à un autre, mais également selon la législation des différents états :

  • Accueil des patients, répondre au téléphone ;
  • Utilisation des applications informatiques, mise à jour et classement des dossiers médicaux, gestion des formulaires d’assurance maladie ;
  • Prise de rendez-vous et programmation des hospitalisations, prise en charge des services de laboratoire (récupération des résultats, envoi des analyses) ;
  • Traitement de la correspondance médicale et extraction des informations utiles,
  • Facturation et comptabilité ;
  • Prise des antécédents médicaux et mise à jour des traitements, explications complémentaires sur les traitements ;
  • Préparation des patients à l’examen clinique, assistance du médecin lors de l’examen ;
  • Collecte et préparation des analyses pour le laboratoire, stérilisation des instruments, pratique de tests laboratoires de base ;
  • Préparation et administration de certains traitements selon les directives du médecin ;
  • Réalisation de prises de sangs, d’électrocardiogrammes ou de radiographies ;
  • Retrait de points de sutures ou agrafes, changement de pansements ;
  • Promotion de la santé, prévention et conseils.

Il existe plusieurs possibilités pour accéder à ce poste, aux États-Unis comme au Canada le modèle de formation est semblable : le diplôme d’assistant médical n’est pas obligatoire pour pratiquer mais il permet d’accéder à un salaire plus élevé.

Les étudiants s’inscrivent à une formation d’une durée de 1 an afin de devenir assistant médical. Cette formation est accessible juste après le lycée, à l’université et/ou en ligne.

Ils peuvent aussi se former « On-the-Job », c’està- dire sur le terrain auprès d’un médecin, mais il est tout de même recommandé de suivre une formation théorique afin d’obtenir le diplôme d’assistant médical.

Aujourd’hui aux États-Unis et au Canada le métier d’assistant médical est, comme celui d’adjoint au médecin, en pleine expansion et fait partie des métiers médicaux les plus demandés.

En Suisse
En Suisse, contrairement aux modèles Nord-Américain, l’adjoint au médecin n’existe pas. Les assistants médicaux suisses exercent habituellement en cabinets privés ou en cabinets de médecins regroupés, certains exercent en hôpitaux ou cliniques. Les fonctions de l’assistant médical en Suisse oscillent entre secrétaire et infirmier. Ces fonctions comportent par exemple :

  • Accueil des patients, prise de rendez-vous ;
  • Réception des appels téléphoniques, analyse des demandes ;
  • Réalisation des électrocardiogrammes, radiographies ;
  • Mesures des constantes (tension, poids, etc.) ;
  • Réalisation de prises de sang et d’injections ;
  • Préparation des instruments nécessaires à l'examen médical ;
  • Assistance lors de certains soins ou petites interventions chirurgicales ;
  • Réalisation de plâtres, pansements ;
  • Retrait de points de suture ;
  • Administration de médicaments ;
  • Mise à jour du dossier des patients dans le respect de la protection des données ;
  • Correspondance (rapports et lettres dictés par les médecins) ;
  • Facturation et comptabilité ;
  • Préparation des ordonnances avant signature du médecin ;
  • Commande des consommables nécessaires au cabinet.

La formation des assistants médicaux dure actuellement 3 ans. Elle s’acquiert par un apprentissage à la fois pratique avec des stages au sein d’un cabinet médical et théorique à l’école professionnelle.

Le nombre d’heures de cours est dégressif au profit de la pratique en avançant dans les années de formation. Après cette formation, l’étudiant obtient le certificat fédéral de capacité d’assistant médical.

Dans le reste du monde
Le modèle d’assistance médical (« Medical Assistant » et « Physician Assistant ») a donc commencé en Amérique du Nord au milieu des années 1960.

Le phénomène s'est répandu à l'échelle mondiale dans une variété de systèmes de santé, de nombreux pays sont à divers stades de l’expansion des assistants médicaux.

La principale différence entre ces deux postes est dans sa fonction « clinique », l’assistant médical suisse et le « Medical Assistant » Nord-Américain ont des fonctions surtout administratives, avec une activité clinique faible. Tandis que le « Physician Assistant » prend une part active dans l’examen du patient, il a une formation médicale, il émet des hypothèses diagnostiques et a parfois le droit de prescrire. Il existe d’autres pays acteurs dans le domaine de l’assistance aux médecins, dont le modèle est calqué sur la formule américaine et canadienne :

  • Allemagne
    Le premier programme de formation d’assistants médicaux a ouvert ses portes en 2005 et repose sur 3 années universitaires. Les assistants ont un champ d'exercice relativement limité, nécessitant la supervision directe du médecin et n’ont pas le droit de prescrire. L’expansion des assistants médicaux est pour le moment faible en Allemagne.
  • Australie
    Les assistants dipômés après une formation de 3 ans, travaillent dans des régions mal desservies, en particulier l'Australie rurale. Ils ne sont pas autorisés à prescrire.
  • Ghana
    La profession d'assistant médical a commencé en 1969. Le programme a été conçu comme une formation avancée de 18 mois pour les infirmières. Les assistants sont considérés comme le fondement des soins primaires car ils répondent aux besoins de 70 % de la population et voient en moyenne 90 à 150 patients par jour. Ils ont le droit de prescrire mais selon certaines règles.
  • Libéria
    La formation des assistants médecins a commencé dans les années 1960, sa durée est actuellement de 3 ans. Ils ont le droit de prescrire et d’effectuer toutes les activités médicales, à l'exception de la chirurgie.
  • Pays-Bas
    Le médecin généraliste constitue la porte d’entrée vers le système de soins en Hollande. Il n’est en effet pas possible de consulter un spécialiste sans avoir été adressé par son médecin traitant. Les assistants médicaux sont introduits pour la première fois en 2001 pour soulager la médecine générale, en utilisant l’expérience des États-Unis. Depuis 2018, la législation Hollandaise leur a accordé une indépendance totale dans le diagnostic, l’initiation des traitements et l’exécution des procédures médicales non complexes.
  • Royaume-Uni
    Le poste d’assistant a été instauré par une réforme du NHS (National Health System) de 2016. Les étudiants suivent une formation de 2 ans en sciences médicales et en raisonnement clinique pour devenir “médecin associé”. Ils n’ont pas le droit de prescrire et travaillent sous la direction d’un médecin.

Le modèle d’assistant existe aussi dans d’autres pays, mais leur diplôme n’est pas toujours reconnu par le système de santé, comme en Inde et en Arabie Saoudite. Et parfois le poste ne s’est pas encore intégré dans la santé civile et il est donc peu pratiqué, comme en Afghanistan, Bulgarie, Irlande, Israël et Nouvelle-Zélande.

Les attentes et freins des répondants
Avis général
Nous constatons à l’interprétation des réponses que les répondants ont un avis globalement positif à l’égard de cette proposition. En effet 77 % sont favorables au principe de l’assistant, indiquant qu’ils souhaiteraient déléguer des actes de leurs quotidiens.

Les praticiens imaginent en grande majorité que l’assistant va travailler en autonomie, c’est-à-dire dans un espace qui lui est dédié (70 %) ou bien au secrétariat (23 %). Un faible nombre s’imagine travailler avec lui dans la salle d’examen (5 %).

Vient alors une première interrogation : pourquoi ne veulent-ils pas travailler en présence de l’assistant ? Certains de nos répondants sont pourtant des maîtres de stage, et ont donc a priori l’habitude de travailler en binôme avec des internes et des étudiants.

Ont-ils peur d’être jugés ? Du regard de l’assistant ? Ont-ils peur d’une relation triangulaire ?

Nos résultats suggèrent donc que les praticiens imaginent un assistant autonome, qui n’est pas en permanence avec le médecin, et la majorité (3/4 des médecins et futurs médecins généralistes) sont enthousiastes à l’idée de travailler avec un assistant médical.

Nous supposons par déduction que nos répondants estiment leur quotidien encombré par de nombreuses activités chronophages et que leur pratique serait simplifiée par la présence d’un assistant.

Concernant les actes cliniques
Sur le plan clinique, la grande majorité des répondants souhaitent déléguer la mesure de poids et de la taille (87 %), la préparation du matériel pour les gestes (80 %) et l’aide à l’habillage/déshabillage du patient (75 %).

Toujours en majorité mais dans des proportions moindres, les praticiens préfèreraient déléguer l’évaluation de certaines pathologies par une grille normalisée (69 %), la réalisation d’actes cliniques simples (BU, ECG, Streptotest : 68 %) et la vérification des dépistages (66 %).

Concernant la mesure de la tension artérielle, les répondants sont plus partagés, 57 % préfèreraient que l’assistant s’en occupe, 43 % veulent continuer de le faire.

Résultats significatifs de l’analyse en sous-groupe :

  • Les hommes seraient plus enclins que les femmes à laisser l’assistant évaluer le patient par des tests normalisés et préparer le matériel pour les gestes ;
  • Les médecins de moins de 40 ans préfèreraient vérifier eux-mêmes que le patient est à jour dans ses vaccins et ses dépistages ;
  • Les médecins installés dans une structure, en comparaison des internes et remplaçants, délègueraient plus l’évaluation du patient par un test normalisé et la vérification des vaccins et dépistages ;
  • Les médecins pratiquant en maison de santé seraient davantage intéréssés pour déléguer la réalisation d’actes cliniques simples (ECG) et la préparation du matériel pour les gestes ;
  • Les médecins pratiquant seuls semblent vouloir déléguer la préparation du matériel pour les gestes, plus que leurs confrères en cabinet et MSP ;
  • auraient tendance à plus déléguer la mesure de la tension artérielle et la réalisation de gestes simples (ECG, BU, Streptotest).

Ces actes « cliniques », proposés pour être délégués à l’assistant, font partie du quotidien du médecin généraliste, et il est difficile d’imaginer un praticien faire une journée de travail sans réaliser ces actes plusieurs fois. Pourtant, mise à part la mesure de la tension artérielle, les médecins semblent prêts à laisser beaucoup d’actes à la charge de l’assistant.

Chez l’enfant
La délégation de tâches en pédiatrie fait moins l’unanimité chez les répondants : ils sont tout de même une majorité à laisser l’assistant peser, mesurer la taille et le périmètre crânien (62 %) et dépister les troubles auditifs et visuels (61 %) de l’enfant.

Les praticiens semblent en revanche opposés à l’évaluation du développement psychomoteur par l’assistant (67 % d’avis défavorable). Résultats significatifs de l’analyse en sous-groupe :

  • Les femmes semblent encore plus opposées que les hommes à l’évaluation par l’assistant du développement psychomoteur de l’enfant ;
  • Les répondants âgés de 30 à 40 ans semblent moins enclins à laisser l’assistant peser et mesurer les enfants.

Nous remarquons peu d’enthousiasme pour déléguer l’évaluation du développement psychomoteur de l’enfant à l’assistant, c’est le seul acte proposé qui a eu moins de 50 % d’avis favorables par nos répondants.

Nous pensons que ce refus est lié au caractère « subjectif » que l’évaluation du développement peut avoir. Nous supposons donc que l’assistant doit rester dans une évaluation « objective » du patient (mesure du poids, de la taille, réponse à un questionnaire normalisé, etc.).

L’évaluation « standardisée » de l’enfant par l’assistant nous parait possible, mais ne sera probablement pas l’activité principale de l’assistant. En effet les médecins semblent craindre des erreurs qui pourraient avoir des conséquences pour l’enfant.

Concernant les tâches administratives
Sur le plan administratif, une vaste majorité des médecins souhaite déléguer la prise de rendezvous pour les patients (examens et consultations spécialisées : 87 %), la gestion du dossier du patient (87 %) et des stocks de matériel (87 %).

Dans une moindre mesure mais toujours en majorité, les praticiens souhaitent déléguer le temps « financier » du quotidien (encaissement des frais, gestion de la feuille de soins, etc. : 78 %), et la gestion de leurs planning/standard téléphonique (73 %).

En revanche les avis sont plus partagés sur la préparation des certificats avant signature (61 % d’avis favorables).

Résultats significatifs de l’analyse en sous-groupe : Les femmes seraient plus favorable que les hommes à l’idée de laisser l’assistant gérer la partie « finance » de leur pratique (feuilles de soins, facturation, etc.).

  • Les médecins de moins de 40 ans délègueraient plus facilement la gestion du planning (standard téléphonique) et des stocks de matériel par rapport à leurs ainés ;
  • Les médecins non installés (internes et remplaçants) seraient plus enclins à déléguer la partie “finance” (feuilles de soins, facturation, etc), la gestion du standard téléphonique et des stocks de matériel que les médecins installés ;
  • Les médecins pratiquants seuls souhaiteraient que l’assistant gére le standard téléphonique, plus que leurs confrères travaillant en cabinet ou MSP ;
  • Les médecins pratiquant en désert médical seraient plus enclin à déléguer la gestion des stocks de matériel.

Sur la part administrative du quotidien, nous remarquons que la gestion du dossier patient, l’intégration des documents, et la prise de rendez-vous pour les patients bénéficient d’un engouement de nos répondants, ce qui parait logique car c’est souvent un temps peu productif dans la journée, ne nécessitant pas de compétences médicales particulières (attente au téléphone, perte de temps en cas de lenteur ou problème informatique).

Pour ce qui est de la gestion du planning et de la comptabilité, l’opinion est médecinsdépendants, et va beaucoup dépendre de la personnalité du praticien, certains aiment gérer seuls leur planning pour l’optimiser eux-mêmes, d’autres estimeront peut-être perdre trop de temps en répondant au téléphone.

Pour la gestion de la comptabilité, de la FSE et l’encaissement des frais de consultation, des praticiens pourraient penser qu’il est indécent de montrer les recettes à l’assistant, ou craindre des erreurs.

Enfin en ce qui concerne la rédaction des certificats, c’est peut-être l’engagement « légal » qui rend les répondants moins enthousiastes, par crainte de litiges et de procédures judiciaires en cas d’erreur.

Actes proposés
Les répondants étaient invités à proposer d’autres actes réalisables par l’assistant.

5 praticiens souhaitent que l’assistant ait un rôle important dans l’accompagnement et le suivi des ALD, avec par exemple la possibilité de renouveler les ordonnances de traitement habituel, donner des conseils diététiques, interpréter les biologies (INR, HbA1c par exemple), etc.

Cependant ces fonctions, comme la réalisation d’EFR, de dépistage d’apnée du sommeil et la surveillance de la tension dans le cadre d’une MAPA font plutôt parties du panel d’activité d’un infirmier de pratique avancée et ASALEE, et ne feront a priori pas parti de la formation et des missions de l’assistant. Nous supposons en revanche que les assistants pourraient réaliser ces activités suite à une formation par leur médecin référent, dans les territoires et maisons de santé qui n’ont pas ou peu d’infirmier ASALEE.

2 répondants souhaitent que l’assistant s’occupe de l’entretien des locaux. Cette tâche serait plutôt à la charge d’agent d’entretien et ne fait a priori pas partie des futures fonctions de l’assistant.

Enfin, des médecins ont proposé individuellement que l’assistant puisse réaliser l’évaluation du patient dans un contexte d’urgence, le rappel du patient en cas d’anomalie biologique, les entretiens pour les protocoles de recherches et l’accompagnement dans la rédaction des directives anticipées. Ces activités peuvent nécessiter des compétences médicales et la délégation de ces tâches nous semble plus discutable.

Nombre de consultations supplémentaires
médecins ayant répondu à cette question estiment pouvoir réaliser 4,457 consultations supplémentaires par jour en moyenne, pour une médiane de 4 consultations/jour.

En reprenant les données concernant le nombre de consultations quotidiennes, soit 22 actes par jour pour les médecins généralistes, on peut considérer qu’ils pourraient réaliser 26 consultations/ jour en présence de l’assistant. C’est une augmentation de presque + 20 % (18,18 %) d’activité qui n’est pas négligeable.

Projet de recrutement, avis sur le contrat et freins
Projet de recrutement
Concernant l’avis général des répondants, nous avons pu observer une tendance globalement favorable à l’assistant et à la délégation de tâches. Ces résultats supposeraient de nombreux projets de recrutement.

Or on observe que seuls 28 % des praticiens ont pour projet de travailler avec un assistant dans les années à venir.

Ces 28 % ayant un projet de recrutement sont en majorité (62 %) satisfaits de la proposition de financement de la CPAM, mais ce chiffre ne représente finalement que 25 praticiens (17 % du total des répondants). Résultats significatifs de l’analyse en sousgroupe :

  • Les médecins qui pratiquent en désert médical seraient plus intéréssés par un projet de recrutement d’assistant.

Ce taux faible de projet de recrutement est surprenant et nous a laissé perplexe en comparaison des résultats aux questions précédentes.

Nous pouvons suggérer les causes de ce rejet en examinant les freins donnés par les répondants et leurs commentaires.

Freins à la mise en place de l’assistant et commentaires
Les obstacles à la pratique avec un assistant médical peuvent être divisés en 2 groupes : ceux qui ne peuvent pas être modifiés car ils sont liés au médecin, à son opinion personnelle, à sa situation. Et ceux qui sont liés à une incompréhension ou une méfiance vis-à-vis du dispositif.

Facteurs non modifiables
La perte de proximité avec les patients est la crainte principale mise en évidence par notre enquête, elle concerne 51 répondants. Par ailleurs 30 répondants sont satisfaits de leur situation et ne semblent pas souhaiter de changement, 29 déclarent que leur structure n’est pas adaptée, 4 répondants attendent de savoir quelle sera la formation de l’assistant, et enfin 2 répondants ne recruteront pas en raison d’un départ prochain à la retraite.

Ces réponses sont tout à fait concevables et il est difficile d’influer sur ces paramètres car il parait inimaginable de « forcer » un médecin à embaucher un assistant.

Il semblerait plus judicieux d’expliquer aux praticiens que l’assistant bénéficiera uniquement de la place que le médecin voudra lui donner. L’assistant n’est pas censé envahir sa pratique ni le remplacer.

En ce qui concerne la formation de l’assistant, nous espérons qu’elle sera définie rapidement, et que ce travail y contribuera.

6 répondants déclarent d’ailleurs qu’ils travaillent déjà avec une secrétaire qui effectue des actes, ils appliquent donc déjà le modèle proposé par le projet de loi. Un commentaire fait part de la satisfaction de cette situation.

Facteurs modifiables
Mis à part les éléments précédents, nous remarquons qu’il existe une forme de « doute » financier assez important : 45 de nos répondants déclarent avoir des craintes financières, 10 ne souhaitent pas s’engager dans un contrat de travail et un risque d’un licenciement, 6 ont des doutes sur la pérennité du système et 5 craignent de ne pas réussir à augmenter leur patientèle comme demandé dans le contrat de la CPAM. Cette appréhension économique est aussi observable dans de nombreux commentaires.

Cependant cet obstacle semble le plus souvent lié à une incompréhension du dispositif : il n’est pas demandé aux médecins de remplacer leur personnel. Leur secrétaire déjà présente pourrait être formée à la réalisation d’actes cliniques.

Profil de médecin et analyse en sous-groupes
Concernant l’analyse en sous-groupes, elle ne montre pas de résultats significatifs concernant les obstacles au travail avec l’assistant. Au sujet de la délégation d’actes, nous avons constaté que certaines caractéristiques des répondants ont une influence statistiquement significative, mais nous n’avons pas identifié d’harmonie dans les réponses.

Il ne ressort pas de profil particulier de médecins qui serait spécifiquement favorable ou opposé au travail avec un assistant médical.

Nous pouvons suggérer que l’âge, le sexe, le mode et la durée d’installation n’influera pas sur la mise en place de l’assistant, les attentes et freins seraient donc plutôt individuels que générationnels ou sexuels.

Rémunération de l’assistant
Constatant les craintes financières soulevées par nos répondants, nous nous sommes intéressés au budget théorique d’une pratique avec un assistant médical : Les estimations salariales actuelles pour l’assistant varient selon les sources entre 1642 € et 1953 € brut/mois, donc un peu plus que le SMIC brut de 2020 : 1539,42 €/mois.

Le montant de l’aide financière de la CPAM varie en fonction du contrat choisi par le médecin : de 12 000 € et 36 000 €/an, soit 1000 à 3000 €/mois pour financer le salaire de l’assistant.

Mise à part l’aide financière, le travail avec un assistant peut aussi augmenter le revenu du médecin : Nos répondants déclarent qu’ils pourraient réaliser 4,457 consultations supplémentaires par jour en moyenne. Nous avons choisi de considérer pour nos calculs la médiane de nos répondants, c’est-à-dire 4 consultations supplémentaires par jour, pour ne pas surestimer les gains attendus.

En considérant que l’acte « standard » sera le « G » coté 25 €, on obtient une augmentation théorique de revenu brut de 100 €/jour (25 € x 4 consultations), soit 2000 €/mois (100 € x 5 jours x 4 semaines) pour un médecin qui travaillerait 5 jours par semaine avec un assistant.

Exemple de situation : Le médecin choisit l’option 1 du contrat de la CPAM à 1000 €/mois pour former son secrétariat ou recruter un assistant. Il travaille 4 jours/ semaine et peut donc théoriquement augmenter ses revenus de 1600 €/mois (25 € x 4 consultations/ jour x 4 jours/semaines x 4 semaines). Le bénéfice brut total est donc de 2600 €/mois.

Apports de l’assistant
Optimisation du temps de travail
Cela semble être le bienfait principal, à la fois prévu dans le texte de loi et attendu par nos répondants : le travail avec un assistant permet au médecin de déléguer des actes « non médicaux » qu’il ne souhaite plus réaliser, et de se recentrer sur son activité.

L’assistant sera plus proche d’un secrétariat ou d’un aide-soignant en fonction des souhaits du médecin. Mis à part l’objectif d’augmentation de la patientèle du contrat de la CPAM, il est libre de déléguer ce qu’il souhaite, dans la limitation des missions et de la formation de l’assistant.

Une meilleure qualité de vie
Comme démontré par un commentaire, l’assistant pourrait au-delà d’augmenter l’offre de soins, améliorer la qualité de vie du médecin.

En effet le travail avec un assistant permettrait à la fois de rendre le quotidien plus facile et plus agréable, mais aussi d’offrir plus de temps libre au médecin, lui permettant s’il le souhaite de se consacrer à sa vie extra-professionnelle.

Dans le contexte actuel où les praticiens se décrivent parfois en difficulté, l’amélioration de leurs conditions de travail ne doit pas être minimisée.

Un nouveau point de vue sur le patient
On sous-estime probablement cet apport qui n’est pas encore quantifiable : les bienfaits du rapport qu’entretiendra l’assistant avec le patient.

Grâce à une sensibilité différente, le patient pourrait partager certains problèmes qu’il aurait du mal à évoquer avec le médecin.

S’il devient un acteur du système de santé, l’assistant, tenu au secret professionnel au même titre que tout soignant, pourrait apporter un point de vue extérieur sur l’évaluation du patient, devenir lui aussi un confident et suggérer ou soumettre des problèmes au médecin, concernant la surveillance, la prise en charge, la tolérance des traitements, etc.

Le modèle d’assistant dans notre quotidien
La consultation « standard » avec l’assistant
Un modèle théorique d’assistant médical est extrapolable grâce aux réponses de notre enquête. Ce poste devrait idéalement pouvoir répondre aux attentes des praticiens dès la fin de sa formation.

Nous avons choisi de présenter une consultation « type » de travail avec l’assistant : Il travaille en autonomie, en priorité auprès des médecins pratiquant en désert médical, dans un espace dédié ou au secrétariat. Nous pouvons l’imaginer dans une salle annexe, proche de la salle d’examen du médecin, ou encore avec un fonctionnement à deux salles d’examen, le médecin et l’assistant alternant entre les deux et travaillant séparément.

L’assistant accueille le patient, l’aide à se déshabiller, le pèse, le mesure si besoin. Il mesure aussi le périmètre crânien chez l’enfant, complète le carnet de santé et intègre les données dans le logiciel médical.
Il vérifie au passage que le patient adulte réalise les dépistages organisés, il délivre par exemple l’Hémoccult si besoin.
Il s’assure que le statut vaccinal des adultes et des enfants est à jour.
Il peut aussi regarder si les patients chroniques réalisent leurs surveillance biologique (HbA1c et INR par exemple).
Il peut aussi prendre la tension et les constantes, en fonction des souhaits du médecin.
Le patient est ensuite pris en charge par le médecin pour la consultation.

L’assistant peut être sollicité à la demande du médecin durant la consultation pour :

  • Réaliser un électrocardiogramme, un streptotest, une bandelette urinaire ou un pansement par exemple ;
  • Préparer le matériel et aider le médecin au cours d’un geste (suture, infiltration, frottis) ;
  • Dépister les troubles auditifs et visuels chez l’enfant ;
  • Évaluer le patient à l’aide d’une grille normalisée (par exemple un bilan de démence avec un MMSE, ou une dépression avec l’échelle d’Hamilton).

En parallèle, l’assistant peut être en charge du standard et de la gestion du planning. Il évalue la nécessité d’une consultation urgente et peut aussi aider les patients à prendre rendez-vous chez les spécialistes, organiser les examens complémentaires, hospitalisations, etc.

Il réceptionne et trie le courrier, les comptes rendus et les biologies, interpelle le médecin en cas d’anomalie notable (par exemple une INR déséquilibrée ou une CRP élevée) puis scanne et intègre les documents dans le dossier informatique du patient.

En fonction des souhaits du médecin, il gère la comptabilité et la facturation. À la fin de la consultation, l’assistant peut coter un acte sur la feuille de soin, réaliser le tiers-payant et encaisser les frais de la consultation. Il connait les différentes caisses et régime de sécurité sociale, il sait vérifier la comptabilité et peut relancer les impayés.

L’assistant a des connaissances sur la prise en charge des soins en France, il peut accompagner et guider le patient dans ses démarches : demandes ou renouvellement d’ALD, dossiers MDPH, accident de travail et maladie professionnelle, expliquer ce qui est remboursé ou non.

Il peut par ailleurs réaliser un inventaire et gérer les stocks de matériel du cabinet (ordonnances, certificats, matériel pour les gestes, etc.).

Cette consultation « type » parait lourde en charge de travail pour l’assistant, mais sera en réalité modulée en fonction des souhaits du médecin. Il nous parait peu probable que l’assistant soit en charge de toutes ces fonctions en même temps.

Les connaissances et la formation de l’assistant
Le modèle d’assistant extrapolé de nos réponses suggère aussi qu’un minimum de connaissances, à la fois médicale et administratives est nécessaire. Nous supposons donc que l’assistant doit être formé dans ces domaines :

  • Connaissances « administratives » :
  • Gestion et comptabilité ;
  • Utilisation des différents logiciels médicaux ;
  • Cotation des actes les plus fréquents en médecine générale ;
  • Les différentes prise en charge en France (ALD, AT/MP, CSS, maternité…) ;
  • Modalités de rédaction des certificats les plus fréquents (AT/MP, non contre-indication, etc.) ;
  • Le régime général et les spécifiques ;
  • Les mutuelles.
  • Conaissances « médicales » :
  • Calendrier vaccinal de l’enfant et de l’adulte ;
  • Dépistages organisés : âge, fréquence, réalisation ;
  • Savoir peser et mesurer la taille et le PC d’un nourisson ;
  • Savoir mesurer les constantes : TA, FC, saturation en oxygène, glycémie capillaire. C’està- dire savoir utiliser un tensiomètre, un saturomètre, un dextro, et savoir quand le notifier au médecin en cas d’anomalie importante ;
  • Modalités de réalisation et matériel nécessaire pour les actes les plus fréquents en médecine générale : ECG, Streptotest, BU, frottis, sutures, infiltrations ;
  • Signification des résultats des bilans sanguins, savoir interpeller le médecin devant une anomalie biologique : INR, TSH, HbA1c ou de marqueurs tumoraux par exemple ;
  • Connaître les motifs « urgents » de consultation : douleur thoracique, dyspnée ou déficit neurologique par exemple.

Comment favoriser l’intégration de l’assistant
Le modèle proposé précédemment n’est qu’un archétype qui pourrait convenir à nos répondants, et potentiellement aux médecins généralistes français.

En comparant l’assistant médical français avec les autres pays, on observe que notre assistant n’est pas calqué sur le « Physician Assistant » observé en Amérique du Nord, mais plutôt au « Medical Assistant » ou à l’assistant médical Suisse.

Le projet d’assistant médical français reste tout de même humble en comparaison de nos voisins suisses, chez qui l’assistant est en charge de plus de missions.

Les résultats de notre enquête nous laissent face à une ambiguïté : L’avis global semble largement favorable au concept lorsqu’on interprète l’ensemble des questions et les nombreux commentaires en faveur de l’assistant. En revanche nous constatons avec surprise que les projets de recrutement sont rares.

Les réponses liées aux obstacles concernant le travail avec un assistant mettent en évidence des craintes financières et des infrastructures inadaptées, mais elles soulèvent aussi une question éthique : les médecins généralistes français sont-ils prêts à « partager » leurs patients et à laisser un autre soignant prendre de la place dans leurs cabinets ?

La principale crainte de nos répondants est une perte de proximité avec leurs patients, et cela se ressent dans certains commentaires.

L’introduction de l’assistant dans notre système nous oriente-t-il vers une médecine « d’abattage » ? Où les actes s’enchaînent et la fréquence des consultations augmentent, au détriment de la confiance que nous offre les patients. La situation actuelle et future de l’offre de soins en France rend-elle légitime la question d’une médecine « d’abattage » ?

Cette question n’a probablement pas de réponse simple, car elle dépend de l’opinion du médecin, certains trouveront dans l’assistant une évolution positive des pratiques, tandis que d’autres penseront que c’est une trahison au serment d’Hippocrate

Mise à part la question éthique, nous proposons des pistes pouvant rassurer les médecins sur le plan financier.

Afin de mieux intégrer l’assistant au système de santé français, le gouvernement, les syndicats et/ ou l’Assurance Maladie pourrait par exemple :

  • Expliquer le dispositif et le financement, qui ne semble pas compris par l’ensemble de nos répondants.
  • Modifier les critères du contrat :
    - Augmenter le financement proposé.
    - Diminuer ou adapter l’objectif d’augmentation de patientèle.
  • Éclaircir des points d’ombres, comme la formation de l’assistant médical et l’organisme / la personne ou l’entité qui financera cette formation.
  • Rassurer les praticiens concernant la place de l’assistant : c’est le médecin qui décide du rôle de l’assistant dans la consultation.

La modification du contrat avec la CPAM nous semble peu probable car les négociations visant à préciser les conditions de recrutement des futurs assistants (l’avenant n°7) avait déjà suscité beaucoup de débat entre la CNAM et les syndicats.

Tous ces éléments pourraient faciliter et accélérer l’intégration de l’assistant à notre système de santé. L’engouement global de nos répondants suggère qu’il fera à terme partie intégrante de la médecine générale.

Conclusion
En France, le médecin généraliste est la pierre angulaire du système de santé, en particulier le médecin traitant.

La médecine générale française de 2020 parait en difficulté. Elle fait face à de nombreux défis contemporains et futurs, comme le manque de praticien et une demande de soins croissante liée au vieillissement de sa population.

Fort heureusement la médecine évolue, en cherchant des solutions aux problèmes que rencontrent les patients et les médecins dans leur quotidien.

Annoncé dans le texte de loi « Ma santé 2022 », le poste d’assistant médical a pour objectif de décharger les médecins d’actes qui peuvent être délégués afin que ces derniers puissent se libérer du temps et se consacrer sur la base de leur métier.

L’assistant est déjà un acteur à part entière, intégré dans de nombreux systèmes de santé étrangers, et il n’y a à priori pas d’obstacle culturel ou sociétal pouvant freiner son entrée dans le système de santé français.

Notre enquête a démontré que la création du poste d’assistant est acceptée avec enthousiasme par les praticiens : les médecins et internes de médecine générale ayant répondu à notre enquête semblent en majorité favorables au concept et souhaitent déléguer de nombreuses tâches de leur quotidien, pour pouvoir aider plus de patients et se recentrer sur la base de leur métier.

En revanche, notre étude nous confronte à une curieuse ambivalence : malgré un enthousiasme apparent vis-à-vis de la délégation de tâches, les projets de recrutement dans notre population sont rares.

Notre enquête soulève plusieurs pistes quant aux causes de ce refus : tout d’abord éthique, les praticiens craignant de prendre trop de distance face aux patients, mais il semble aussi que le modèle de financement ne convienne pas ou ne soit pas compris par nos répondants.

Par ailleurs, notre analyse statistique tend à laisser penser qu’il n’existe pas de profil « type » de médecin qui travaillera avec l’assistant, et que les praticiens de tous âges, quel que soit leur genre, sont intéressés ou bien opposés au concept.

Nous avons aussi suggéré les axes principaux de la formation de l’assistant afin qu’il puisse répondre aux attentes des médecins.

Cependant, notre enquête souffre de plusieurs biais, d’une puissance faible et d’une population non représentative. Une étude de plus grande ampleur pourrait confirmer nos suppositions.

Enfin, l’avis du patient sur ce sujet est primordial, est-il prêt à passer moins de temps avec son médecin traitant ? La présence de l’assistant dénature-t-elle la médecine générale ?

Une enquête sur le point de vue des patients à ce sujet nous semble souhaitable, l’assistant médical doit aussi être accepté par les patients pour pouvoir vraiment s’intégrer dans les pratiques.

Dr Raphaël ABT

Article paru dans la revue “Le Bulletin des Jeunes Médecins Généralistes” / SNJMG N°32

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Publié le 1653377478000