actualités : 4ème édition des assises nationales des jeunes médecins généralistes

Publié le 18 May 2022 à 18:56

Les Assises Nationales des Jeunes Médecins Généralistes (ANaJMG) ont été créées en octobre 2012 à l'initiative du Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG). Elles constituent les seules rencontres nationales indépendantes des internes, remplaçants et jeunes installés (ou salariés) en Médecine Générale.

La 4ème édition aurait dû se tenir en 2016, année des 25 ans du SNJMG. Malheureusement, des contraintes techniques ont imposé de repousser l'événement à début 2017.

C'est finalement le 04 mars 2017 que s'est tenue cette 4ème édition dans les salons du relais de la Gare de l'Est à Paris. 

En voici le programme :

De 9h à 9h45 : Accueil des participants.
De 9h45 à 10h00 : Discours d’ouverture d’Emilie Frelat et de Didier Seyler président fondateur du SNJMG.
De 10h00 à 11h15 : La Médecine Générale au début des années 90, maintenant et demain ? (intervenants : Ordre des Médecins, syndicats "senior" et SNJMG).
De 11h15 à 13h30 : Médecine Générale et outils numériques : 20 mn d'exposé de Philippe Ameline sur "MG et parcours de santé du patient : reprendre l'initiative ?" suivi de 20 mn de questions/réponses, 50 mn de table ronde sur les outils numériques à la disposition du MG.
De 13h30 à 14h30 : Pause repas.
De 14h45 à 16h15 : Médecine Générale et polémiques / scandales de Santé Publique.
De 16h30 à 18h30 : Indépendance et éthique dans la formation initiale et continue en Médecine Générale.

Les 25 ans du SNJMG

Le Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG) a été créé le 29 mars 1991 par cinq jeunes médecins généralistes d'Ile-de-France (Philippe Boisnault, Eric Camus, Jean-Paul Dabas, Didier Duhot, Didier Seyler) ; certains étaient résidents (à l'époque, il n'existait pas d'internat de Médecine Générale) et d'autres remplaçants.

Choqués de la manipulation dont avaient été alors victimes les résidents de Médecine Générale dans un mouvement de grève lancé en 1990 par des internes de spécialités, ils avaient voulu, au travers d'un syndicat, disposer pour les jeunes généralistes d'un organe d'information de qualité et d'une structure propre de défense de leurs intérêts. De plus, à l'image de leurs différentes conditions, ils avaient fait le diagnostic que les préoccupations générales des résidents, des jeunes généralistes à l'hôpital et des jeunes généralistes en ville (remplaçants et jeunes installés) étaient communes : comment parfaire sa formation à l'orée de son activité professionnelle et comment gérer ses débuts dans cette activité professionnelle ? Par ailleurs, les cinq fondateurs du syndicat ont pensé que celui-ci ne pouvait être que national pour allier efficacité et reconnaissance officielle. De plus, ces cinq jeunes généralistes n'ont pas voulu que ce syndicat soit le théâtre d'affrontement entre différents groupes d'adhérents (en fonction de leur localisation ou de leur statut) mais qu'il soit un rassemblement de personnes égales en droit. C'est pourquoi ils ont fait du syndicat une structure unitaire non fédérative de jeunes médecins généralistes.

Enfin, dans l'environnement syndical médical de l'époque (mais qui n'a que peu changé depuis), les cinq fondateurs du SNJMG ont voulu faire de leur syndicat une structure originale se référant au quadruple axiome suivant : indépendance politique, indépendance syndicale, indépendance financière et transparence.

Respectant depuis sa création son engagement d'indépendance financière, le SNJMG est le seul syndicat médical "junior" sans lien, actuel ou passé, direct ou indirect, avec les différents acteurs de Santé : Ministères, Agences sanitaires nationales, ARS, Facultés, Sécurité sociale, Industries du médicament et/ou des dispositifs de santé, Ordre des médecins, Unions de médecins...

La Médecine Générale des années 1990 à nos jours
Début des années 1990
L'internat de MG, supprimé en 1987, est remplacé par un résidanat de MG avec 4 semestres pratiques en hôpital (faiblement rémunérés et sans limitation officielle du temps de travail) et de 30 demi-journées en cabinet de MG.

La convention médicale est obligatoirement commune à tous les médecins et fait habituellement l'objet d'un accord entre la CSMF (pour les médecins) et FO (pour la sécurité sociale). Le secteur 2 créé en 1980 se ferme de facto aux MG en 1990-1991 mais reste accessible aux spécialistes (suite notamment à une grève des internes lancée par l'ISNI). La rémunération à l'acte est le seul mode de rémunération des médecins généralistes.

1995-1997
Les ordonnances Juppé créent l'ONDAM, les ARH, les stages en Médecine Générale ambulatoire lors des études médicales (sur la base d'un projet commun ANEMF, SNJMG, SFMG et CNGE), les URML et la possibilité d'une convention médicale séparée MG/médecins spécialistes. Mais le système des reversements d'honoraires (si les dépenses dépassent l'ONDAM), également prévu par les Ordonnances, est d'abord abandonné pour les jeunes installés (suite à une grève des internes et chefs de clinique, lancée par l'ISNI et l'ISNCCA et soutenue par le SNJMG) avant de l'être complètement suite à l'alternance politique de 1997.

Après sa victoire aux premières élections pour les URML - médecins généralistes, MG France signe avec la CFDT (qui a succédé à FO à la tête de la Sécurité sociale) la première convention spécifique pour les médecins généralistes.

1998-1999
Les grèves communes FNSIP, ISNI, ISNCCA et SNJMG obtiennent une revalorisation du statut des internes et résidents avec la référence à la limite européenne de durée de travail (48h hebdomadaires) et la reconnaissance du repos de sécurité (NB : il faudra 2 autres grèves - en 2000 et 2001 - pour que celui-ci ne commence à entrer en vigueur et il faudra attendre 2016 - et 3 autres grèves en 2012 et 2014 - pour une réduction officielle du temps de travail de 11 à 10 demijournées par semaine).

Dans le cadre de la convention spécifique aux médecins généralistes, une première tentative de revalorisation du rôle de Médecin Généraliste et une diversification de sa rémunération sont mises en place avec l'option médecin référent (OMR).

1999-2002
La réforme Jospin des études médicales vise à revaloriser la Médecine Générale en supprimant le concours de spécialités et en restaurant un Internat de Médecine Générale (à la place du résidanat).

La grève des gardes des médecins libéraux durant l'hiver 2001-2002 obtient la rénovation du système de permanence des soins (avec le paiement des astreintes et le remplacement de l'obligation déontologique par un volontariat à une mission de service public) mais le gouvernement Jospin s'oppose à la revalorisation du C de 17.53 à 20 euros (cette augmentation sera obtenue après l'alternance politique de 2002).

2004-2005
Les premières ECN ont lieu en Juin 2004 avec la première promotion d'Internes de Médecine Générale depuis 1986.

La même année, la réforme de la santé "Philippe Douste Blazy - Xavier Bertrand" met en place le système du médecin traitant / parcours de soins et le DMP (dont la généralisation est annoncée pour 2007) ; elle enlève de facto la gestion de la Sécurité sociale aux syndicats patronaux et salariés pour la confier au directeur de l'UNCAM, nommé par le gouvernement. La convention médicale de 2005 signée par CSMF et SML avec le directeur de l'UNCAM, Frederic Van Roeckegheim (ancien conseiller au ministère de la Santé) met un terme à l'expérience de l'OMR

pour organiser le système médecin traitant / parcours de soins ; une rémunération forfaitaire (CAPI) destinée à suppléer la disparition de celle du médecin référent est créé sous forme d'option (NB : il ne s'agit plus ici d'aider le MG dans sa fonction mais de le gratifier pour des résultats médico-economiques).

2007-2009
La grève générale des jeunes médecins de septembre 2007 obtient l'abandon du projet Sarkozy-Bachelot de conventionnement sélectif. La loi HPST de 2009 consacre cet abandon (au profit de la création des CESP) mais contient une mesure coercitive déguisée (avec les contrats de santé solidarité) et des mesures vexatoires pour les médecins généralistes. Par ailleurs, la loi HPST transforme les ARH en ARS.

2010-2011
En 2010, le mouvement intersyndical de la MG (dans lequel le SNJMG représente les internes, remplaçants et jeunes installés de MG) obtient l'égalité tarifaire C=CS (à 23 euros le 6 janvier 2011) et l'abandon des mesures vexatoires de la loi HPST.

Dans la convention médicale de 2011, le CAPI, option basée sur le volontariat, est remplacé par la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) qui s'applique d'office à tous les médecins (sauf ceux qui font la démarche de la refuser).

2012
Marisol Touraine propose le premier plan national incitatif et coordonné pour la démographie médicale. Malheureusement, il ne contient que des mesures de second ordre et des mesures gadgets, obligeant la ministre à présenter un deuxième plan (pas plus ambitieux) trois ans plus tard.

Un peu plus tôt, l'avenant 8 à la convention médicale crée les contrats d'accès aux soins (CAS) censés limités les dépassement médicaux : si les plus gros dépassement s'en trouvent rabotés, l'avenant augmente a contrario le nombre de médecins pratiquant les dépassements...

2013-2016
Le mouvement de protestation des médecins envers la politique de Marisol Touraine et notamment son projet de Loi de Santé n'obtient pas de grand résultat : la généralisation du tiers payant n'est bloquée sur la partie complémentaire qu'à la suite d'une censure du Conseil Constitutionnel et la définition de l'Avantage Supplémentaire Maternité, telle que Marisol Touraine l'a incluse dans la LFSS2017, présente des difficultés réglementaires qui gène sa transcription pour toutes les femmes médecins dans la nouvelle convention médicale signée à l'été 2016.

Cette nouvelle convention médicale va mettre en pratique en mai 2017 la cotation MMG en sus du C (comme le demandaient MG France et le SNJMG).

Epilogue ?

Sur les 19.000 postes d'IMG proposés lors des 7 premières années des ECN, 4.000 ont été non pourvus et il y a eu 5.000 réorientations. Sur les 10.000 restant, il y a eu 4.000 installations...

1991- 2016 : une histoire bien remplie pour le SNJMG
Depuis sa création en 1991, le SNJMG a été de tous les combats des jeunes médecins généralistes

  • Grève des résidents/internes de 1997 contre les reversements imposés aux jeunes installés par le plan Juppé.
  • Grèves des résidents/internes de 1998 et 1999 pour la rénovation du statut de I'interne, la revalorisation de l'indemnisation des gardes et l'introduction du principe de repos de sécurité (NB : en 1998, le SNJMG était le premier syndicat de jeunes médecins à soutenir cette revendication, contre l’avis initial des autres syndicats).
  • Grève des résidents/internes de 2000 et 2001 pour la mise en place du repos de sécurité.
  • Grève des gardes ambulatoires de I'hiver 2001-2002 : le SNJMG a représenté les remplaçants et jeunes installés dans ce mouvement pour la revalorisation de l'indemnisation des gardes, le principe du volontariat et la professionnalisation de la permanence de soins (PDS).
  • Mouvement de la Médecine Générale contre la convention médicale de 2005 (pénalisante pour les médecins généralistes et pour l'accès aux soins des patients).
  • Grève des internes de Médecine Générale de 2006 pour la mise en place d'une Filière Universitaire de Médecine Générale (FUMG).
  • Opposition victorieuse au projet de la Sécurité sociale d'exclure les remplaçants des sessions de FMC indemnisées (en 2006).
  • Grève des jeunes médecins (externes, internes et remplaçants) de 2007 contre le conventionnement sélectif et la remise en cause de la liberté d'installation.
  • Participation aux États Généraux de l'Organisation de la Santé en 2008.
  • Représentation des internes mécontents de leur participation forcée et dans de mauvaises conditions au plan Bachelot de vaccination contre la grippe A H1N1 (2009).
  • Représentation des internes, remplaçants et jeunes installés dans le mouvement intersyndical de 2010 pour la défense de la Médecine Générale.
  • Opposition victorieuse à la menace de taxation des remplaçants par la convention médicale de 2011.
  • Participation au front uni d’organisations de futurs et de jeunes médecins contre la remise en cause de la liberté d’installation par le Conseil de l’Ordre au printemps 2012.
  • Représentation des internes de Médecine Générale lors des grèves d’internes d’octobre et de novembre 2012 pour l’amélioration des conditions d’exercice des internes de médecine.
  • Mobilisation à l'automne 2013 contre les propos injurieux du sénateur Roche (43) envers les jeunes médecins.
  • Mobilisation en faveur des résidents et internes de Médecine Générale "privés de thèse" et dépôt d'un recours (hélas rejeté) en annulation auprès du Conseil d'Etat (de 2013 à 2016).
  • Mobilisation (aux cotés de l'ISNI, de la FNSIP et du SNIO) pour la diminution du temps de travail des internes et l'amélioration de leurs conditions de travail (2014).
  • Mobilisation des internes et médecins contre la loi santé de Marisol Touraine (2013-2016).

Par ses actions de mobilisation et de négociation, le SNJMG a été impliqué dans de nombreux progrès pour la Médecine Générale et les jeunes médecins généralistes :

  • Revalorisations du statut de l'interne + obtention du repos de sécurité.
  • Remplacement du concours de spécialités par les ECN et restauration de l'lnternat de Médecine Générale (créé en 1983 et supprimé en 1987).
  • Création de stages ambulatoires dans le troisième cycle de MG et en DCEM.
  • Versement de l'indemnité de sujétion aux résidents/internes de premier semestre.
  • Revalorisation des rémunérations des Assistants de Médecine Générale.
  • Fusion de la grille salariale des Assistants de Médecine Générale avec celle des assistants de spécialités.
  • Alignement des cotisations sociales des remplaçants sur celles des médecins secteur 1 (auparavant, elles étaient alignées sur celles des médecins secteur 2).
  • Création d'une couverture maternité pour les remplaçantes thésées ou non (auparavant, elles ne disposaient d'aucun droit...).
  • Alignement de la couverture maternité des femmes médecins "libérales" sur celle des salariés.
  • Délivrance par le Conseil de I'Ordre d'un caducée officiel aux médecins remplaçants thésés.
  • Obtention d'un moratoire pour les jeunes installés vis-à-vis du système du Médecin Traitant / Parcours de soins.
  • Obtention de C=CS et de l’annulation des mesures de la loi HPST pénalisantes et vexatoires envers les médecins généralistes (mouvement de 2010).
  • Annulation du projet de taxation des médecins remplaçants dans la convention médicale de 2011.
  • Relance du processus de révision des conditions d’exercice des internes suite aux grèves de 2012 avec comme premiers résultats la revalorisation de l'indemnité de sujétion en novembre 2013.
  • Opposition victorieuse à la tentative de la CPAM 92, début 2014, de ne plus prendre en charge les Feuilles de Soins Papier (FSP).
  • Obtention en 2015 (suite à la grève de 2014) d'un taux d'inadéquation garanti pour les choix de stages d'internes.
  • Obtention en 2016 (suite aux grèves de 2012 et 2014) de la revalorisation des indemnités reversées aux internes pour leurs gardes effectuées le week-end (du samedi soir au lundi matin et les jours fériés), de la fin du principe de déclassement des internes pour les choix de stages après grossesse/congé longue durée/congé longue maladie et de la prolongation de la durée pour la validation du DES du nombre de semestres non validés pour ces raisons.
  • Obtention en 2017 de l'Avantage Supplémentaire Maternité pour les femmes médecins (hélas limité aux médecins installées) et de la majoration MMG de 2 euros qui viendra compléter le C à 23 euros.


Sur Internet, le SNJMG propose de multiples services gratuits aux jeunes médecins généralistes :

  • Infos professionnelles indépendantes de l'industrie pharmaceutique.
  • Outils pratiques pour l'exercice professionnel (Gestion des honoraires en remplacement, contrat de remplacements personnalisés...).
  • Petites annonces gratuites (gardes et postes hospitaliers, remplacements, collaboration, installation...) pour (jeunes) médecins généralistes.

Sur Paris et Bordeaux, le SNJMG a créé entre 1994 et 1996 un système d'évaluation de stages hospitaliers, fait et géré par des Internes de Médecine Générale pour des Internes de Médecine Générale (NB : il a été aussi à l'origine des évaluations de stages hospitaliers et chez le praticien à Angers, Nantes et Toulouse).

En 2003, le SNJMG a créé une version informatique sur Internet de ce service d'évaluation de stages.

NB : Bien que le syndicat ait créé seul, avec ses propres moyens humains et financiers, ce site d'évaluation en ligne, le SNJMG en propose l'utilisation gratuite à tous les internes et à tous les syndicats d'internes.

Bureau du SNJMG

Les modalités d’orientation du patient d’un médecin généraliste en liberal vers un psy

L’OMS a organisé les soins primaires via le médecin généraliste traitant qui joue donc un rôle d’interface, de ressource, de relais et de repère stable pour les usagers et les familles, et qui assure la cohérence des parcours de soins. L’étude européenne ESEMED, European Study of the Epidemiology of Mental Disorders, en 2001- 2003, montre qu’en France comme chez nos voisins européens, le médecin généraliste est le soignant le plus consulté en cas de problème psychologique ou psychiatrique1.

Le patient a confiance en son médecin de famille qu’il consulte depuis toujours ! Les instances nationales et internationales ont établi depuis longtemps l’importance quantitative et qualitative des troubles mentaux en médecine générale. Selon l’Insee, ces derniers représentent la deuxième raison de recours aux soins chez les généralistes et la première chez les 25 a  60 ans2. Un acte de médecine générale sur dix comporte un soutien psychothérapeutique comme composante principale3.

Le médecin généraliste est donc le premier maillon de la chaîne soignante des troubles psychiques, et c’est en pratiquant qu’il a acquis des éléments de connaissance liés a  la psychiatrie. Il fait face à beaucoup de troubles psychosomatiques et doit rassurer les patients. Quand il a fait le tour des demandes somatiques, il est alors souvent démuni. Il lui est aussi difficile de dire s’il faut une psychothérapie, d’autant plus, que les patients sont souvent très réticents à aller consulter un psy. Pour eux, accepter que leurs problèmes somatiques soient d’origine psychologique est très difficile a  entendre, il est nécessaire alors qu’ils viennent plusieurs fois chez le médecin généraliste, pour au final accepter ce diagnostic.

Par ailleurs, un nouveau projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS, article 68) voté le 6 décembre 2016 prévoit d'expérimenter en 2017 la prise en charge par l'Assurance Maladie des jeunes de 6 à 21 ans par des psychologues en libéral. Si la politique de la santé décide de continuer dans cette direction à l’avenir, les médecins généralistes seraient alors dans une position de prescripteurs de l’orientation d’un patient en libéral soit vers un psychiatre, soit vers un psychologue.

Cet article va tenter de répondre à ces deux questions : vers quel psy le médecin généraliste doit-il orienter son patient ? Selon quels critères cliniques et/ou dans quelles situations ?

D’abord, nous conseillons aux médecins généralistes d’orienter soit vers des psychiatres, soit vers des psychologues, car leur formation initiale garantit de solides compétences reconnues et légiférées par l’Etat (contrairement à plein d’autres types de « psy »). Les psychologues et les psychiatres peuvent par la suite avoir complété leur formation initiale par des spécialités diverses non réglementées par l’etat (hypno-thérapie, psychanalyse, sophrologie, systémie, psychothérapies diverses…). A partir de maintenant, le terme « psy », ne fera référence qu’aux métiers de psychologue et de psychiatre.

1 Gallais JL. Médecine générale, psychiatrie et soins primaires : regard de généraliste. L’Information psychiatrique 2014 ; 90 : 323-9
2 Idem
3 Kandel O, et al. Existe-t-il une typologie des actes effectués en médecine générale ? Revue Prat Med Gen 2004 ; 18 : 781-4.

Il s’agit de garder en tête la grande diversité qui existe parmi les corps des psychiatres et des psychologues :

  • Selon les formations que les psys ont suivies.
  • Selon le ou les courants auxquels les psys se réfèrent.
  • Des psys qui travaillent en libéral mais aussi en hôpital/clinique (avec donc une meilleure compréhension du travail d’équipe et du parcours du soin) C et d’autres qui ne sont qu’en libéral.
  • Des psys qui ont fait un travail de réflexion sur eux-mêmes (une analyse pour ceux qui veulent devenir psychanalyste) C et ceux qui n’en ont pas fait.
  • Les anciens psychiatres (formés au courant psychanalytique) C et les nouveaux psychiatres (formés avec le DSM-V et au courant cognitivo-comportemental).
  • Des psychiatres qui ne travaillent que sans médicaments C et d’autres psychiatres qui ne travaillent qu’avec des médicaments.
  • Des psys spécialistes dans un domaine pointu C et des psys plutôt généralistes.
  • Des psychologues spécialistes d’une période de la vie (bébé, enfant, adolescent, ou adulte) C et des psychologues plutôt généralistes, pour qui le fonctionnement psychique de l’être humain est appréhendé comme la résultante d’un continum d’étapes du développement franchies plus ou moins bien au cours de la vie. Les orientations se déterminent en fonction de la maladie mentale ou des difficultés psychologiques rencontrées par le patient. La distinction entre mal de vivre, mal être social et maladie mentale est donc primordiale.

Les situations qui nécessitent l’intervention d’un psychiatre

  • Quand un traitement médicamenteux est obligatoire, par exemple dans les cas de schizophrénie, de trouble bipolaire ou de psychose maniaco-dépressive (PMD), de paranoïa, de manie, de mélancolie, de démence chez les personnes âgées (alzheimer…), ou de bouffée délirante aigüe (BDA)…
  • Quand il y a un risque d’hospitalisation, par exemple dans les cas d’un risque suicidaire, d’une dépression chronique, d’une décompensation psychotique, d’un épisode maniaque ou mélancolique, ou d’un délire paranoïaque.
  • Quand une hospitalisation est demandée par un tiers où il faut un certificat effectué par deux médecins.
  • Quand on est en présence de troubles touchant à la fois l’organique et le psychique.
  • Lorsque le patient présente une perte de repères de la réalité (discours incohérent, mélange de la réalité et de l’imaginaire, désorganisation spatio-temporelle).
  • Lors d’une atteinte psychologique mais le patient refuse de faire un travail d’introspection, et demande uniquement un traitement médicamenteux.
  • Dans le cas d’automutilation (scarification).
  • Dans le cas de problème de dépendance (à l’alcool, aux drogues, aux vidéos…).
  • Lors d’une crise clastique (violence…).
  • Etc.

Les situations qui ne nécessitent pas forcément l’intervention d’un psychiatre et où le psychologue peut suffire

  • Quand le patient redoute le psychiatre (« Je ne suis pas fou ! »). La crainte d’être assimilé a  un fou est la cause première et majoritaire pouvant dissuader une personne a  consulter un psychiatre : c’est alors plus simple d’orienter dans un premier temps vers un psychologue.
  • Lors de difficultés personnelles telles que :
    « Je me sens déprimé et mal dans ma peau. Certaines situations m'effraient. Je suis angoissé et tendu. On dirait que j'ai cessé de m'épanouir, j'ai le sentiment de régresser. Je dors mal. J’ai plus d’appétit. Je bois trop. Je ne sors plus de chez moi. », évoquant des signes annonciateurs d’une gravité possible si on ne les prend pas à temps, à vous de les détecter !
  • Lors d’une épreuve à surmonter (traumatisme psychique et choc post-traumatique) : le patient peut avoir besoin d'aide pour traverser des évènements difficiles (deuil, maladie, perte d'un emploi, séparation, accident, attentat, agression, échec, ou harcèlement…).
  • Lors de difficultés dans les relations interpersonnelles : « J'ai souvent l'impression que les gens ne m'aiment pas. Je suis toujours en conflit avec les autres et je ne sais comment faire pour les résoudre. Je me sens isolé, mal adapté dans mes relations avec autrui. Je suis jaloux de manière maladive. J’ai le sentiment qu’on me veut du mal. ».
  • Lorsqu’une décision est à prendre (guidance familiale/parentale/personnelle) : « J’ai besoin d’en analyser les avantages et les inconvénients, pour me préparer aux conséquences de la décision, pour y voir plus clair. ».
  • Quand le patient souhaite vivre plus intensément : « J'aimerais mieux me connaître, je ne suis pas malheureux mais je me demande si je ne passe pas à côté de quelque chose d'important, je souhaite enrichir ma vie et faire une démarche de croissance personnelle. ».
  • Quand le patient souhaite réorienter sa vie avec la volonté de la changer ou de lui donner un nouveau sens : « Je veux faire des changements dans ma vie ou ma carrière, je m'interroge et je ne sais pas comment m'y prendre, j'ai peur de ne pas faire le bon choix. Vers quels objectifs diriger ma carrière, ma vie ? ».
  • En présence de difficultés d’un enfant/adolescent : trouble du sommeil, intolérance à la frustration, colère, tristesse, perte d’appétit, difficultés scolaires, problèmes comportementaux, prises de risque, isolement, harcèlement, addiction aux réseaux sociaux, peurs, énurésie, encoprésie…
  • Lors de problèmes de couple (disputes incessantes, manque de communication, panne de la vie intime…) ou de famille (enfant avec des problèmes, difficulté relationnelle entre parent et enfant, rupture avec la famille d’origine…).
  • Lors de difficultés professionnelles (burn out, harcèlement, conflits au travail, surinvestissement professionnel…).

Les situations où le psychologue travaille nécessairement en alliance avec le médecin généraliste référent et/ou d’autres médecins spécialistes

  • Un psychotique en consultation (en alliance avec le psychiatre) : le psychologue constitue une digue chez le patient, pour lui permettre de préserver une partie saine de son psychisme. Il doit savoir se taire, repérer et contenir/colmater afin de ne pas faire décompenser le patient. Comme un chirurgien, on n’opère pas n’importe quelle affection, parfois, on referme sans toucher et on maintient le patient dans un pseudo équilibre.
  • Une dépression (en alliance avec le médecin généraliste et le psychiatre).
  • Un problème dermatologique (en alliance avec le médecin généraliste et le dermatologue) : eczéma, psoriasis, pelade…
  • Une énurésie ou encoprésie (en alliance avec le médecin généraliste, le gastroentérologue, et le neurologue).
  • Un risque suicidaire (en alliance avec le médecin généraliste, le pédiatre, et le psychiatre).
  • Une anorexie (en alliance avec le psychiatre, le médecin généraliste, et le diététicien).
  • Lors d’automutilation (en alliance avec le médecin généraliste et le psychiatre).
  • Un problème de dépendance au jeu, à l’alcool, ou aux drogues… (en alliance avec le médecin généraliste et le psychiatre).
  • Une phobie (en alliance avec le médecin généraliste et le psychiatre).
  • Un trouble obsessionnel (en alliance avec le médecin généraliste et le psychiatre).
  • Une sortie d’hospitalisation psychiatrique qui est un moment a  risque majeur (en alliance avec le médecin généraliste et le psychiatre).

Le psychologue renvoie toujours vers le médecin généraliste référent et c’est ce dernier qui oriente vers le spécialiste (sauf dans les cas de l’ophtalmologiste, du gynécologue et du psychiatre). Mais il nous revient à nous psychologues de restituer aux médecins généralistes les éléments cliniques pour les aider à mieux comprendre la dimension somatique.

La spécificité des psychologues

  • La passation des tests psychologiques au niveau cognitif :
  • Pour détecter un retard ou une précocité intellectuelle.
  • Pour soutenir une orientation scolaire.
  • En cas de difficultés dans les apprentissages.
  • La passation des tests psychologiques de personnalité :
  • Pour faire un état des lieux du fonctionnement psychique du patient.
  • Pour comprendre l’origine des symptômes et des angoisses, et comment le patient pare à ses angoisses.
  • Pour détecter les fragilités psychiques du patient (dont il n’a pas conscience) afin d’éviter une potentielle décompensation,
  • Pour permettre en psychothérapie de travailler au plus près des fragilités du patient afin de l’aider à en dépasser certaines.
  • Le travail psychologique auprès de personnes limitées intellectuellement (trisomie, handicap, dysharmonie cognitive…).
  • La détection des appels à l’aide et du risque suicidaire. Lorsque le patient va voir un psychologue, il va plus naturellement lui exprimer son mal-être ; alors que chez le médecin généraliste son mal-être s’exprime par le corps.
  • La détection de la dyspraxie (maladresse pathologique dans les gestes à exécuter, dont l’étiologie n’est pas d’origine somatique).
  • Du fait de leur expérience en institutions, une bonne capacité à :
  • Travailler en réseau, coordonner, discuter et dialoguer en synergie avec différentes professions (psychiatre, médecin généraliste, éducateur, professeur/enseignant, psychomotricien, orthophoniste, pédiatre…).
  • Faire une synthèse et avoir une vision globale.
  • Savoir quand solliciter les grands hôpitaux pour une observation du patient, tout en passant par un médecin.

A garder en tête lors d’une potentielle orientation vers un psy

  • Quand le médecin généraliste oriente vers un psychiatre, il y a un risque que le psychiatre prenne la main sur le traitement, pas avec le psychologue.
  • Attention à vos propres projections vis-à-vis des patients (à traiter dans les groupes Balint) ! Un patient peut réveiller des expériences, des souvenirs, des émotions, des parents de votre vie et vous empêcher de voir de manière « neutre » la situation de votre patient. Quand vous en êtes conscient, vous pouvez arriver à vous contrôler. Mais si vous n’en êtes pas conscient, il y a des ratages (soit les patients ne reviennent plus, soit au contraire ils reviennent tous les jours). Cet écho en vous, va venir vous biaiser dans votre perception des patients. Il faut arriver à se décentrer de soi.

Comment choisir une orientation plutôt vers une institution publique de santé mentale ou vers un psy en libéral/clinique privée ?

Dans ce choix, la question de la confiance du médecin généraliste en un professionnel de la santé mentale est fondamentale.

  • Quand orienter vers un CMP (les Centres Médico-Psychologiques dépendent de la fonction publique, et sont pour la plupart sectorisés) ?
  • Quand une prise en charge pluridisciplinaire est nécessaire (psychiatre, infirmière, assistante sociale, psychologue, éducateur, orthophoniste, et/ou psychomotricité).
  • Quand le patient a des moyens financiers limités.
  • Quand le patient a besoin d’être hospitalisé dans un service psychiatrique et si ce n’est pas urgent, car les délais en CMP sont longs (plusieurs mois). Il est difficile pour un médecin généraliste d’orienter directement vers un hôpital psychiatrique. Il doit faire appel à un psychiatre.
  • En cas d’urgence (risque suicidaire, décompensation, crise clastique violente, bouffée délirante aigüe, ou épisode maniaque, etc.). comment orienter ?
  • Si le patient a moins de 16 ans, il faut contacter les urgences pédiatriques de Robert-Debré (01 40 03 22 72) ou de Necker (01 44 38 17 93).
  • Si le patient est âgé de plus de 16 ans. il faut contacter le CPOA de Saint-Anne (01 45 65 81 09 / 10) ou l’Accueil des urgences psychiatriques de la Pitié-Salpêtrière (01 42 17 72 47).
  • Si le patient a déjà été suivi par un psy, il faut le prévenir.
  • Pour éviter l’hospitalisation lorsque c’est possible, ou quand le patient ne peut se déplacer, vous pouvez contacter SOS Psy Urgences (08 92 23 31 68) ou SOS Psychiatrie (01 47 07 24 24).
  • Le coût et les délais, deux critères fondamentaux dans le choix d’orienter vers du publique ou du privé :
  • Les longs délais pour accueillir un patient en hôpital publique psychiatrique et en CMP, mais qui offrent des soins en grande partie remboursés.
  • VERSUS le coût plus conséquent des cliniques psys privées (mais mieux pour les dépressions car le patient ne côtoie pas les psychotiques) et des psys en libéral, mais qui peuvent recevoir rapidement le patient. Se pose alors la question éthique du remboursement. Nous pensons que c’est à la société de prendre en charge une maladie mentale. Quand le problème psychique relève d’un dysfonctionnement de la société, nous pensons que c’est à la société de payer pour que la personne aille mieux (attentat, harcèlement au travail, burn out…). Mais est-ce qu’une personne qui vient pour améliorer son bien-être doit répercuter le prix de son confort sur la société ?

Conclusion
Ainsi la place centrale du généraliste dans l’offre de soins en France devrait permettre de comprendre et d’optimiser toute intervention en santé mentale. Et pourtant, les médecins généralistes restent très peu formés aux troubles psychiques et semblent souvent démunis face à la multitude des modalités d’orientations existantes et à un « langage psy » incompréhensible.

De plus, les médecins généralistes ont de moins en moins de temps à consacrer aux patients, et donc de temps à « écouter » les maux psychiques des patients, les symptômes somatiques prenant le devant de la scène de la consultation. Enfin, ils se retrouvent souvent très isolés et insatisfaits de leur collaboration avec les psychiatres et les psychologues, lorsque ces derniers interviennent dans la prise en charge de leurs patients. Pourtant les bénéfices grâce à des soins par une meilleure collaboration entre médecins généralistes, et psychiatres et psychologues sont nombreux avec entre autre, une amélioration des scores de la santé mentale, une amélioration des connaissances sur les troubles mentaux des médecins généralistes, une diminution de la durée d’hospitalisation en psychiatrie, et une plus grande satisfaction des patients face à une meilleure prise en charge de leur santé.

Christine MASLARD

Article paru dans la revue “Le Bulletin des Jeunes Médecins Généralistes” / SNJMG N°17

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Publié le 1652892987000