Activités hospitalo-universitaire en pharmacocinétique : Interview du Pr Joseph Ciccolini

Publié le 20 Sep 2022 à 11:30

 

Bonjour Professeur, merci de nous accueillir pour une interview du journal l’Observance, pouvez-vous rapidement vous présenter ?
Je suis le professeur Joseph Ciccolini, je suis actuellement PU-PH en pharmacocinétique, j’enseigne la pharmacocinétique à la faculté de pharmacie de Marseille et je suis praticien hospitalier en pharmacocinétique au CHU de la Timone. Je suis également codirecteur d’une équipe qui est dédiée à la pharmacométrie et à la pharmacocinétique des médicaments anticancéreux rattachée au CRCM (Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille) et je suis également codirecteur du SMARTc qui est une plateforme pharmacocinétique aussi rattachée au CRCM. Je fais de l’oncologie, de la pharmacométrie, de la pharmacocinétique et de la pharmacogénétique. Dans une autre vie, j’étais pharmacien industriel puisque je travaillais chez Merck® en Grande-Bretagne en R&D dans le développement analytique, qui est ma première vie professionnelle. Par la suite, je suis revenu en milieu académique pour devenir enseignant-chercheur.

Au sein de la faculté de pharmacie de Marseille vous avez développé un certain nombre de master, lesquels ?
Tout à fait, j’en ai développé deux. En 2008, devant la demande croissante des industriels avec qui on collaborait sur des projets de recherche, on a décidé de monter le master de pharmacocinétique. Cela correspondait à un besoin en aval de l’industrie pharmaceutique d’embaucher des directeurs d’études, qu’ils n’arrivaient pas à trouver, car la France ne formait pas assez en pharmacocinétique. C’est un master que j’ai géré pendant une dizaine d’années avant de passer la main à une collègue, ce qui m’a permis d’avoir les mains libres pour monter un 2ème master qui lui est tout récent puisque la première promotion a ouvert en 2021.
C’est le master DIGIPHARM qui sort un petit peu de ma zone de confort, puisque c’est un master qui vise à donner une double compétence dans le domaine des sciences pharmaceutiques et dans le domaine des sciences digitales. C’est un master qui vise à conférer aux étudiants qui le suivent, une espèce de boîte à outils qui leur permettra d’imaginer n’importe quel type de solution digitale ou numérique à n’importe quelle problématique en lien avec le médicament, que ça soit de la R&D non-clinique, de la recherche clinique, du post-marketing, de l’épidémiologie ou de la pharmaco économie, etc.

Quel est finalement l’intérêt apporté par ces masters à la pharmacie et à la médecine ?
Le master pharmacocinétique est comme son nom l’indique très orienté pharmacocinétique. Il ouvre plutôt à des postes de praticiens hospitaliers dans le domaine de la biologie notamment des biologistes médicaux dans les centres anticancéreux ou dans des centres de soins pour développer des outils de pharmacocinétique et de personnalisation des schémas posologiques principalement. Au-delà, cela peut également permettre à des pharmaciens de rejoindre une carrière d’enseignant-chercheur après avoir validé une thèse d’université.

Enfin, il existe beaucoup de perspectives dans le domaine de la pharmacie industrielle (c’était pour cela que l’on avait monté ce master au départ) car la grande majorité de nos étudiants de ce master se retrouvent après dans l’industrie pharmaceutique, soit en pharmacocinétique non clinique, soit en clinpharm [NDLR : pharmacocinétique clinique] ou soit en pharmacométrie qui est un département très particulier dans l’industrie pharmaceutique en R&D. Ce domaine ne fait que du traitement de données et de la modélisation de type PK ou PD.

Le master DIGIPHARM est beaucoup plus divers, on va dire œcuménique, dans les postes que cela permet de prétendre et d’occuper ; puisque l’idée de créer le master DIGIPHARM repose sur le constat que l’industrie pharmaceutique, l’industrie cosmétique ou les centres de soins développent de plus en plus d’interfaces digitales pour gérer des aspects logistiques, pratiques ou cliniques.

Ce master permet aux étudiants, notamment aux pharmaciens, d’acquérir une double compétence/expertise dans le domaine de la programmation informatique et du coding. Cela permet aux pharmaciens qui ont une appétence pour les métiers digitaux de développer ce genre d’outils en milieu hospitalier, mais également en milieu officinal.

En effet, il y a énormément d’interfaces en direction des patients, des praticiens ou des acteurs de soins, proposées par l’industrie pharmaceutique au sujet des médicaments, de la pathologie des patients, de l’accompagnement quotidien des équipes soignantes dans l’exercice de leur art au quotidien et tout cela passe par des outils digitaux. La meilleure façon de développer des outils digitaux passe par l’implication de professionnels qui ont une vision d’ensemble : ils connaissent le médicament, les pathologies, la clinique, les phases des essais cliniques et la programmation.

On a un retour de la part de Big Pharma ou même de GAFAM qui sont aussi impliqués dans la santé qui nous disent : « Pendant des années on a recruté essentiellement des « topguns » dans le domaine du coding qui venaient de Supélec, de Centrale et de Polytechnique. On s’est aperçu qu’ils sont très bon en codage, mais ils sont tellement mauvais dans le domaine des sciences médicales et pharmaceutiques qu’ils perdent énormément de temps. Le fait d’avoir des pharmaciens ou des médecins qui ont la programmation comme valeur ajoutée fera que l’on aura le meilleur des deux mondes et que l’on gagnera énormément de temps. »

Alexis PLAN
Article paru dans la revue “ L’Observance” / FNSIP n°35

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