A la recherche de la qualité perdue le respect

Publié le 31 May 2022 à 16:03


Condition sine qua non du bien-être des étudiants

A la fois étudiant et agent public, le statut de l’étudiant en second cycle des études médicales lui confère une double appartenance qui constitue à la fois une richesse et un fardeau.

Dès sa quatrième année, un étudiant hospitalier passe la moitié de son temps de formation à l’hôpital. Cet apprentissage au lit du patient se fait sous l’égide d’un praticien hospitalo-universitaire exerçant une triple mission de clinique, de recherche et d’enseignement, auxquelles vient souvent s’ajouter des fonctions de management.

Actuellement ce statut ne laisse que peu de temps pour assurer ces différentes missions. La pression hospitalière amène de nombreux professionnels à privilégier les missions les plus valorisées au détriment de l’encadrement et de la formation des étudiants, reléguant ainsi cette tâche à des internes souvent surchargés. Exacerbée par un manque de moyens et par l’augmentation du nombre d’étudiants en médecine chaque année, la complexité de cette tâche met souvent en péril la qualité de la formation, engendrant ainsi chez les étudiants un sentiment de négligence délétère pour leur bien-être et, indirectement, celui des patients.

De cette problématique est née une profonde volonté de rénover l’enseignement en stage, afin d'aboutir à une meilleure répartition des missions d’enseignement. En découlerait la possibilité pour les praticiens de ménager du temps pour développer un véritable compagnonnage avec leurs étudiants, qui serait pertinent tant sur le plan de l’apprentissage clinique que sur le plan psychologique. Celui-ci serait d’autant plus important qu’il lui permettrait d’accompagner les étudiants en difficulté, de les aider à reprendre confiance en leurs capacités et à trouver un sens dans leur orientation.

Le statut de l’étudiant hospitalier est inscrit dans la loi, mais il est encore méconnu et peu respecté, et ce malgré une instruction sortie en décembre 2020. Ainsi, le dépassement du temps de travail réglementaire, le non-respect des repos de garde ainsi que l’attribution de chambres de garde insalubres sont monnaie courante. De même, les cas de non-rémunération des gardes sont loin d’être anecdotiques, aggravant la précarité de certains externes, alors même qu’un quart des étudiants ont déjà songé à arrêter leurs études pour des raisons financières.

Le statut de l’étudiant hospitalier est inscrit dans la loi, mais il est encore méconnu et peu respecté, et ce malgré une instruction sortie en décembre 2020.

Outre la pression psychologique exercée sur certains externes, on relève dans certains services des situations de violence, notamment sexistes et sexuelles (VSS). Ainsi, l’enquête sur les VSS réalisée par l’ANEMF révèle que 4 étudiants sur 10 ont déjà reçu des remarques sexistes sur leur terrain de stage, et que 30 % des étudiants ont subi du harcèlement sexuel dans leur service (perpétré dans 90 % des cas par un supérieur hiérarchique).

La lutte contre ces violences est un immense chantier requérant un engagement unanime, tant sur le plan des sanctions de leurs auteurs qu’au niveau de l’accompagnement des victimes, et qui ne pourra être permise que par une vaste politique de formation des soignants, des personnels administratifs ainsi que des étudiants.

Les diverses problématiques citées impactent lourdement la santé mentale de ces derniers. L’enquête menée par Jeunes Médecins en 2017, maintes fois citée pour ses chiffres accablants, révèle qu’alors, 27.7 % des étudiants en médecine souffraient de dépression, 66.2 % étaient victimes d’anxiété et 23.7 % déclaraient avoir eu des idées suicidaires au cours de leur cursus.

Face à de tels chiffres, il est plus qu’urgent de se saisir du bienêtre des soignants, et ce dès leur formation, afin d’éviter que la situation ne dégénère jusqu’à une issue dramatique.


Rozenn CILLARD
Porte-Parole chargée des
relations publiques et de
la communication ANEMF


Marie BOUSIGUES
Vice-Présidente chargée
des affaires sociales et des
études médicales ANEMF

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°22

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