A la Guerre Comme a la Guerre : La naissance des urgences radiologiques

Publié le 13 May 2022 à 23:59


On peut parfois être surpris par la violence d’une vacation aux urgences radio. Remettons les choses en perspective avec quelques notions d’Histoire et retournons du côté de la famille Curie.

Alors que le mois d’août 1914 sonne le début de la guerre dans toute l’Europe, la radiologie n’a pas 20 ans. C’est Antoine Béclère qui crée le premier laboratoire de radiologie à l’hôpital Tenon en 1897. Ce qui d’ailleurs lui vaudra cette remarque acerbe de la part d’un collègue : « Tu déshonores le corps des hôpitaux en devenant un photographe » (comme quoi tout n’a pas totalement changé...).

En fait, bien avant la guerre, les deux premières voitures radiologiques sont présentées à l’Etat-major français. Les Allemands en prennent bonne note, tandis que les Français ne se décident pas. Au début du conflit, alors que l’ennemi est équipé d’une vingtaine de voitures automobiles de radiologie, l’armée française n’en possède pas une seule.

Les nouvelles armes produisent de nouveaux types de blessures et les premiers affrontements sont meurtriers. La chaîne sanitaire est inadaptée et Marie Curie l’a compris : c’est là qu’elle entre en scène. Elle est convaincue qu’il ne faut pas déplacer les blessés, mais qu’il faut transporter des appareils vers le front. Les rayons X permettront de repérer les fractures, localiser les éclats d’obus et guider les gestes des chirurgiens. Elle décide donc de créer des unités radiologiques mobiles équipant des voitures avec le matériel nécessaire : c’est la naissance des « petites Curies ».

Chaque « petite Curie » » abrite une dynamo, un appareil à rayons X, le matériel photographique nécessaire, des rideaux, quelques écrans très rudimentaires et plusieurs paires de gants destinées à protéger les mains des manipulateurs. La dynamo est actionnée par le moteur de la voiture, elle permet d’alimenter le tube à rayons X.

Mais la radioscopie, qui demande un long temps d’exposition, fait aussi des victimes : les manipulateurs radio et les médecins. Nombre d’entre eux présentent des dermites et sont amputés d’un doigt, d’une main, voire d’un bras suite à la guerre.

Grâce ou à cause de la guerre, la radiologie se perfectionne. Les troupes américaines importent les tubes de Coolidge, qui font de meilleurs clichés que les tubes de Crookes, ainsi que les films en nitrate de cellulose, qui permettent de réaliser des grands formats radiographiques. Alors qu’avant la guerre, la France ne comptait que 21 postes de radiologie, à la fin du conflit, elle en possède 850 ! Les 18 000 clichés réalisés pendant la première Guerre mondiale seront d’ailleurs développés gratuitement par les frères Lumière.

Cette utilisation aura permis de donner à la radiologie, en tant que moyen de diagnostic médical, une place centrale, conforme aux services qu’elle est susceptible de rendre, non seulement en temps de guerre, mais aussi en temps de paix.

Article paru dans la revue “Union Nationale des Internes et Jeunes Radiologues” / UNIR N°31

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