2013-2014 : responsabilité pénale

Publié le 25 May 2022 à 14:34


Comment est venue l’idée de cette enquête ?

L’enquête sur la responsabilité n’émane pas tant d’une volonté du bureau de l’AFFEP mais plutôt d’une actualité judiciaire brûlante concernant plusieurs de nos collègues psychiatres. En effet, lors de la préparation de cette enquête, nous avions tous en tête les récents événements de Marseille et Grenoble où des psychiatres avaient été mis en cause pénalement pour des crimes commis par leurs patients.

Ces 2 affaires, largement commentées par les médias, avaient suscité de longues discussions parmi les internes et nous avions voulu soutenir ce questionnement en proposant une enquête centrée sur les connaissances des internes en matière de responsabilité liée à leur exercice.

Quelles ont été les conséquences après l’enquête ?
Les résultats de cette enquête ont été présentés au CFP en séance plénière et lors d’une passionnante journée de formation locale à Lyon.
Les données récoltées sur l’absence de formation obligatoire des internes à la responsabilité nous avaient alors permis de solliciter nos instances afin qu’elles mettent en place un accompagnement des internes dans ce domaine.

Aurélie BERGER
Psychiatre à Lyon
Ancienne vice-présidente de l’AFFEP et rédactrice en chef du Psy Déchainé

LES INTERNES FACE À LEUR RESPONSABILITÉ

Depuis 2012, quatre psychiatres français ont été mis en accusation ou condamnés pour homicide involontaire dans le cadre de leur pratique auprès de patients souffrant de troubles mentaux et ayant commis des crimes. Face à cette augmentation des litiges impliquant des psychiatres, l’AFFEP (Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie) a mené une enquête nationale auprès de ses adhérents afin d’évaluer leur niveau d’appréhension face à la probabilité de poursuites judiciaires, l’impact de cette crainte dans leur exercice quotidien et leurs connaissances en droit et notamment sur la responsabilité médicale.

Méthodes
Le sondage a été conduit grâce au service Google Formulaire entre le 2 avril 2014 et le 28 juin 2014. Il a été soumis par courriel à l’intégralité des internes de psychiatrie français via les listes de diffusions courriel (nationale et locale) pour accroître le taux de réponse.
Les principales thématiques sondées étaient :
• La formation des internes à la responsabilité médicale.
• Les craintes et appréhensions des internes de subir un procès.
• L’impact de cette appréhension sur la pratique clinique quotidienne.
• Le rapport à la justice

Résultats

1-Taux de réponse : 67 % (n=807)

2-Formation des internes
Internes ayant bénéficié d’une formation spécifique à la responsabilité médicale pendant leur internat

3-Risque au quotidien
Le risque médico-légal entre en compte dans les décisions cliniques au quotidien de 89 % des internes. La prise en compte du risque médico-légal dans les décisions cliniques est significativement inférieure chez les internes qui ont une formation spécifique sur la responsabilité pendant leur internat.

4-Craintes des internes
85 % des internes redoutent de subir un procès durant leur carrière, et ce taux est significativement plus élevé chez les femmes.

Le risque de poursuites judiciaires va entrer en compte dans le choix d’exercice de 38 % des internes. Parmi eux, il y a significativement plus d’internes qui n’ont pas reçu de formation médico-juridique pendant l’internat

Subir un procès pourrait-il vous faire arrêter la psychiatrie ?

Discussion
Parmi les internes pour qui le risque médico-légal entrera en compte dans le choix de l’exercice, il y a significativement plus d’internes qui n’ont pas reçu de formation médicojuridique pendant l’internat. La prise en compte du risque médico-légal dans les décisions cliniques est significativement inférieure chez les internes qui ont une formation spécifique sur la responsabilité pendant leur internat
Il existe assez peu de données dans la littérature concernant l’appréhension du risque médico-légal par les psychiatres mais ils seraient les spécialistes les plus préoccupés par la crainte d’un litige alors qu’ils sont parmi les moins concernés (Brodsky, 1988 et Bardot et Fillion, 2006).
Ne risque t-on pas alors de voir petit à petit émerger une médecine défensive moins performante, discriminatrice envers les patients les plus à risque de procès et plus coûteuse ?

Conclusion
Le risque médico-légal est un souci fréquent pour les internes contre lequel la formation semble être un outil majeur de lutte. Ces résultats vont guider la rénovation de la formation des internes à venir dans le cadre de la réforme du 3e cycle des études médicales.

BERGER-VERGIAT A.
Hospices Civils de Lyon
MUGNIER G

Centre Hospitalier Spécialisé de la Sarthe 
LEPETIT ALEPETIT A AFFEP
(Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie)

Article paru dans la revue “Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ” / AFFEP n°16

Publié le 1653482080000