Anne Wernet, anesthésiste-réanimateur au centre hospitalier de Perpignan, a mis toute son énergie pour mener les durs combats de ces trois dernières années. Elle partage son histoire au sein du SNPHARE et les difficultés rencontrées, notamment pendant la crise sanitaire et après…

PHARE : Vous avez été élue présidente du SNPHARE en 2019. Qu’est-ce qui avait motivé votre candidature à ce poste ?
Anne Wernet : À vrai dire, je n’avais jamais imaginé être présidente du SNPHARE. J’ai connu le syndicat (SNPHAR à l’époque) en 1996 quand je faisais un stage d’interne à Broussais, et Patrick Dassier m’avait fait découvrir le SNPHAR. J’avais retenu que ce n’était pas un syndicat « classique », mais qui avait beaucoup de réflexions, de propositions constructives, issues du terrain. J’avais toujours suivi le SNPHAR de loin en loin, puis j’ai fini par devenir adhérente, puis déléguée, sans doute suffisamment « active » pour que plusieurs membres du CA me repèrent et me demandent de les rejoindre. J’ai refusé plusieurs fois, arguant que quand je m’engageais, je m’engageais à fond : 4 enfants, un mari anesthésiste-réanimateur, et habitant Perpignan, ce n’était pas simple. J’ai fini par craquer.

J’ai voulu aussi l’accord de mon mari (que Michel avait appelé) parce que, dans cette histoire, on embarque aussi mari et enfants… Et j’ai « appris » intensément en tant que vice-présidente auprès de Michel, qui est une icône du SNPHARE, ainsi que des autres éléphants du CA : Patrick Dassier, Didier Réa, Nicole Smolski, Jean Garric, et Max Doppia, que j’ai trop peu connu…

« La crise sanitaire a été un moment à part, mais il nous a permis de parler de l’hôpital public ! »

PHARE : Durant ces 3 années de présidence, vous avez été confrontée à une actualité brûlante : l’organisation de la grève du 14 novembre 2019 pour sauver l’hôpital public, le Ségur de la santé, la Covid, l’attractivité des carrières hospitalières… Comment avez-vous géré cela au sein du SNPHARE ?
Anne Wernet : L’actualité est toujours brûlante. La présidence, c’est faire du multitâches : être au courant de tout en temps réel, répondre rapidement, entretenir les relations avec les interlocuteurs de l’intersyndicale, mais aussi les sociétés savantes, CNP, HU, tutelles, et enfin animer un conseil d’administration : distribuer le travail, initier des thèmes de travail, écouter tout le monde, manager une équipe qui n’a pas de temps dédié au syndicalisme.

Le 14 novembre 2019 était une manifestation historique. Le Ségur a été un moment complètement raté, et qui laissera des traces pour chaque PH : pas de compensation des 4 ans donnée aux plus jeunes, rien pour la permanence des soins… Les ambitions du Ségur n’étaient pas à la hauteur des moyens qui lui étaient donnés : en calendrier, en temps, en financement… mais surtout en dialogue social, qui n’en était pas un. Au final, c’est une cicatrice pour l’hôpital public plus qu’une avancée.

« Lors des réunions au ministère, notre travail a consisté à limiter la casse et à répéter inlassablement qu’il fallait donner de vraies solutions pour l’attractivité. La vraie question est de savoir si les tutelles ont réellement envie de sauver l’hôpital public. »

La crise sanitaire a été un moment totalement à part. Le SNPHARE a été énormément sollicité par les médias (plusieurs appels par jour), par effet « carnet d’adresses », par les journalistes, non seulement pour des sujets syndicaux, mais pour parler du métier dans son ensemble. Cela montre combien le SNPHARE est visible dans le paysage syndical hospitalier et dans son rôle dans la défense de l’anesthésie-réanimation. Cela a permis non seulement de parler de la spécialité, mais de tout l’hôpital public. La communication du SNPHARE sur ces deux épisodes : Ségur, COVID et sur les suites du Ségur avec le contentieux sur le reclassement des PH, nous a permis de nous faire connaître auprès des praticiens comme un syndicat dynamique, qui cherche l’intérêt du collectif et pas l’intérêt individuel de ceux qui l’administrent : les adhésions ont suivi et l’élargissement aux autres spécialités s’est confirmé.
Cette dernière année a été la mise en musique du Ségur : on ne peut que regretter des mesures (nouveaux statuts, réforme de la gouvernance, etc.) non attractives pour les PH, au point que même les organisations signataires (INPH, CMH et SNAM-HP) n’en font pas la promotion. La DGOS persiste dans son erreur de suivre sa ligne du Ségur au mépris de nos organisations syndicales majoritaires et d’un quelconque dialogue social constructif… Le SNPHARE reste une organisation qui met la pression sur les tutelles : la DGOS est irritée à chacune de nos expressions médiatiques, et le préavis de grève du début de l’année a contraint le ministre à s’engager sur le maintien de notre organisation de l’anesthésie dans le cadre de la pratique avancée qu’il veut accorder aux IADE.

Les points forts de ces 3 années de présidence
La crise sanitaire a marqué bien sûr ces trois ans. Au début de la crise sanitaire, le SNPHARE a été énormément sollicité et donc visible dans les médias. Nous avons pu dénoncer le manque de tout lors de la première vague via une enquête de grande ampleur. C’est grâce au SNPHARE que la COVID de la première vague a été reconnue maladie professionnelle. Mais cette crise sanitaire a aussi fait évoluer nos modes de communication et de fonctionnement internes (notamment, réunions en visioconférence), et nous sommes bien conscients que le « distanciel » est toujours de moindre qualité pour le débat que le « présentiel ».
Le reclassement des PH a été le cauchemar de cette « mandature », et nous sommes en Conseil d’État, via notre intersyndicale, dont nous espérons une issue favorable. Toujours est-il que ce scandale – ne pas offrir aux PH, qui tiennent l’hôpital debout depuis 20 ans, les 4 ans d’ancienneté comme c’est le cas pour les nouveaux PH – a permis de faire connaître un peu plus le syndicalisme professionnel médical, et de continuer l’élargissement du SNPHARE, puisque les praticiens de toute spécialité nous ont rejoints en masse.
La communication du SNPHARE : avec l’argent, c’est le nerf de la guerre, surtout quand la communication classique est verrouillée sur les messageries professionnelles : outre des newsletters fréquentes, nous développons des infographies et relayons les actions du SNPHARE en utilisant les réseaux sociaux, et bien sûr le site et la revue. Il reste cependant beaucoup à faire, notamment dans les « déserts syndicaux », qui se superposent souvent aux « déserts médicaux », pour toucher tous les praticiens hospitaliers…

PHARE : Comment peut-on expliquer l’absence d’écoute du ministère et quel en a été l’impact ?
Anne Wernet : L’absence d’écoute et de dialogue social est un choix du ministère, qui est lui-même tenu par le ministère du Budget (ce qui a été très problématique au Ségur) et bien sûr par le Premier ministre et le Président de la République. On a eu beaucoup de réunions, mais notre travail a consisté à limiter la casse et à répéter inlassablement qu’il fallait donner de vraies solutions pour l’attractivité. La vraie question est de savoir si les tutelles ont réellement envie de sauver l’hôpital public.
L’ambiance est plutôt à la privatisation sauvage, néolibérale de l’hôpital, et les tutelles profitent du fait que les médecins, classiquement, ne font pas grève et n’ont pas le temps de se pencher sur les problèmes syndicaux pour passer des mesures avec un rouleau compresseur : les organisations syndicales ont plus que jamais besoin d’être soutenues par les praticiens hospitaliers pour défendre l’hôpital public, nos conditions de travail et même notre métier, aujourd’hui menacé.

PHARE : Qu’est-ce que vous souhaitez à votre successeur ?
Anne Wernet : C’est Emmanuelle Durand qui a pris la présidence, après avoir assuré pendant 3 ans la vice-présidence du SNPHARE à mes côtés. Elle connaît les dossiers et va imprimer sa « patte ». Je lui souhaite bien sûr de réussir tous nos combats syndicaux… garder la combativité, ne jamais abandonner, et avoir une famille compréhensive de cet engagement !

Propos recueillis par Christiane Mura

Article parue dans la revue “Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs Elargi” / SNPHARE n°96

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