Interview après la première année de deux docteurs juniors

Publié le 1675352946000

Retour sur le statut de Docteur Junior en gynécologie obstétrique :
Interview après la première année de deux docteurs juniors

L'année 2021-2022 a vu naître un nouveau statut de Docteur junior. Nous avons voulu interroger deux docteurs juniors afin qu’ils nous décrivent leur année et nous donne leur opinion sur la réforme.

Est-ce que le choix de ton stage en docteur junior a été simple ? La plateforme est-elle compréhensible ?

Xavier : Oui plutôt, nous nous étions entendus avec ma promotion de discuter des choix en amont du big Matching. Nous étions plusieurs à souhaiter le même poste malheureusement. Le service concerné a décidé de mener des entretiens en amont du big Matching afin de nous départager.

Lise : Non, le choix n’a pas été simple. Mon choix a été orienté par l’équipe pédagogique dû à une complexité sur le nombre de postes. Je souhaitais initialement réaliser mon stage au CHU de Nantes.
Finalement, parmi les périphéries possibles j’étais ravie de pouvoir le réaliser à la Roche-sur-Yon. J’avais déjà réalisé un stage là-bas, et j’étais contente d’y retourner. Une fois que j’ai su que je ne pourrai pas effectuer mon stage au CHU, le choix de la périphérie a été simple avec les deux autres docteurs juniors de ma promotion.
La plateforme en revanche est très mal faite, le site n’est pas très intuitif. Je trouve ça un peu régressif de devoir classer des stages avec des cœurs. De surcroit, nous avons eu un bug d’appariement le jour des choix et nous avons dû refaire nos vœux…

Était-il envisageable dans votre région de réaliser un semestre ou une année en inter-CHU pendant le docteur junior ?

Xavier : Comme nous étions la première promotion de docteur junior, on nous avait dit que les inter-CHU devaient se dérouler lors de la phase d’approfondissement plutôt. Cependant, comme chacun le sait, il est parfois difficile de prévoir son inter-CHU tôt dans son parcours. Dans ma pro- motion il y n’a pas eu de demande d’inter-CHU faite lors de cette première année de docteur junior. Une dérogation était possible si le projet pédagogique était solide et soutenu par les encadrants.
Depuis novembre 2022, une interne de la nouvelle promotion a pu aménager un stage de 6/6 mois avec notamment un inter-CHU de 6 mois à Paris.

Lise : Cela n’a pas été proposé directement mais d’un côté je crois qu’aucune de nous trois ne le souhaitait. En revanche, je sais qu’il a été discuté de pouvoir partir dans « la grande région » c’est-à-dire au CHU d’Angers ou ses périphéries. Pour notre année, il a été convenu avec Angers que chaque interne restera dans sa région. Cependant, cette année certains docteurs juniors ont pu échanger (une interne d’Angers au CHU de Nantes et une interne de Nantes au CHU d’Angers).

Comment s’est déroulée cette année sur le plan pratique ? (1 an ou 2 fois 6 mois / Orientation gynécologique / obstétrique)

Xavier : J’ai réalisé mon année de docteur junior pendant un an dans le même service. Les années de docteur junior ont été prévues sur des créneaux d’un an à Bordeaux initialement.
Mon stage était mixte avec de l’obstétrique, de l’échographie et de la chirurgie. Le service m’avait demandé en amont ce que je souhaitais faire notamment en consultation ou si je souhaitais réaliser des échographies obstétricales.

Lise : Pour cette première année de réforme on nous a surtout proposé de réaliser 1 an de stage au même endroit. Ceci est en train de changer pour la promotion en dessous de nous, ils sont plus flexibles en fonction du projet de chacun (inter-CHU, etc.).
Pour ce qui est de mon stage, j’avais une orientation mixte mais principalement chirurgicale initialement. J’ai pu au fur et à mesure de mon stage inclure de plus en plus d’obstétrique avec l’accord de mes encadrants (rajout de journées de salle sénior en plus par exemple).

Avez-vous eu vos propres plages de consultation, quels étaient les motifs de consultations ?
Xavier : Oui, j’avais 2 journées de consultations par semaine à peu près. Les motifs de consulta- tion étaient assez classiques : du suivi de grossesse (physio et/ou pathologique) ; des consultations gynécologiques (métrorragies, contraception, kyste ovarien, prolapsus) qui me permettait de programmer des patientes au bloc opératoire. Je n’ai juste pas fait de cancérologie par choix.

Lise : J’avais une journée par semaine de consultation mixte gynécologie et obstétrique. C’est vraiment un des points forts de la reforme selon moi. J’ai eu l’impression d’accéder tranquillement à l’autonomie de cette façon.
J’ai pu réaliser des suivis principalement pathologiques et gynécologiques tout venant. Certains motifs de consultation me permettaient de pou- voir programmer des interventions chirurgicales sur mes plages de bloc ou celles de mes séniors.

Aviez-vous eu vos propres plages de bloc, quels types d’interventions avez-vous réalisé ? En autonomie ou non ?

Xavier : Oui, le service avait mis en place des plages opératoires « supervisées » de sénior sur lesquelles je pouvais programmer mes patientes.
Le sénior était soit en salle soit disponible seulement si besoin en fonction de la difficulté de l’intervention. J’ai pu donc réaliser en autonomie des hystérectomies totales cœlioscopiques ou Laparo, des cœlioscopie (kystectomie, stérilisation tubaire, etc.), des conisations ou des hystéroscopies.

Lise : Je conservais une activité de service en tant qu’interne au sein du service de chirurgie.
Cependant, j’ai pu réaliser des interventions en autonomie sur quelque plage opératoire à mon nom pendant lesquels j’avais un interne avec moi par exemple. Cette configuration n’était pas majoritaire mais vraiment essentielle selon moi. Je trouve que c’est nécessaire d’apprendre à opérer avec un novice en première aide. Ce sont des situations qui nous impose une difficulté différente. Il y a plein de choses auxquelles on ne pense pas quand un sénior est dans la pièce (faire la check-list, connaître tous les fils dont nous avons besoin, etc.), être seule ça permet de pousser l’autonomie un peu plus loin. Sinon le reste du temps j’étais soit sur un planning d’interne au bloc opératoire soit je pouvais programmer certaines de mes patientes sur les plages opératoires de mes séniors afin de les opérer avec leur aide en fonction de la difficulté.

Aviez-vous des journées de salle de naissance en tant que sénior ?

Xavier : Oui, j’avais une à deux journées de salle de naissance par semaine en tant que chef, et avec un sénior disponible si nécessaire.

Lise : Oui, 1 jour de salle par semaine en tant que sénior avec une astreinte. C’était très simple à mettre en place à La Roche-sur-Yon. Ils avaient déjà un chef de salle + une astreinte de jour et de nuit 7j /7 avant l’arrivée des docteurs juniors. J’avais donc une astreinte de disponible si besoin.

Sur quel mode avez-vous réalisé vos gardes ? en tant qu’interne ou en tant que sénior ?

Xavier : J’ai été directement intégré au planning de garde des séniors. Afin que ceci soit possible, ils ont mis en place une astreinte opérationnelle non rémunérée. Je n’ai donc pas réalisé de gardes d’interne durant mon année de DJ. Ils ont facilement mis en place ce système puisqu’ils fonctionnent de cette façon depuis plusieurs années avec des internes en fin d’internat. Ils avaient déjà acquis une expérience de ces gardes séniors avec des vieux semestres avant l’arrivée des docteurs juniors. Cela n’a donc posé aucun problème. Ma rémunération de garde était équivalente à celle des séniors du coup.

Lise : J’ai réalisé mes gardes sur le planning des internes, c’était une décision commune entre le chef de service et moi. Cela ne m’a pas posé de problème du tout. Je considère que c’était logique par rapport à l’ancienne réforme où l’on était encore interne quoi qu’il arrive. Je voulais continuer à apprendre en sécurité. Vers la fin de l’année en revanche, je commençais à ressentir le besoin de prendre mon envol, ils m’ont donc proposé de réaliser des remplacements dans une maternité de plus petit niveau d’un contrat de solidarité territoriale. C’était parfait pour réaliser la transition Interne-sénior en autonomie.

Savez-vous ce qu’il en sera des gardes ou du poste de Docteur junior pour la seconde année de docteur junior ?

Xavier : Pour ma part je réalise ma deuxième année de docteur junior au sein d’une clinique. C’est un stage de chirurgie principalement
et c’est exactement pour ça que nous avons réussi à faire ouvrir ce poste. Du coup, je n’ai pas de garde cette année. Pour ce qui est des autres terrains de stage, Il n’y a pas de DJ 2ème année au CHU mais pour les premières années ils prévoient de leur faire faire des gardes de séniors. Après il faut savoir qu’à Bordeaux les lignes de gardes sont constituées de 2 séniors et 3 internes ce qui rend la logistique des gardes seniorisées plus simples.
Dans les autres stages de périphérie, certains peuvent faire des gardes de sénior seulement le week-end par manque d’internes pour les activités de service en semaine, et pour d’autres stages les docteurs juniors sont sur le planning des internes.

Lise : Au CHU, il n’y aura pas de garde de sénior. Au CHU de Nantes la nuit il y a 2 internes (1 aux urgences gynécologiques et 1 en salle de naissance / obstétrique avec un seul sénior. Nous avons également une astreinte si besoin. Nos encadrants considèrent que l’astreinte à distance n’est pas suffisante pour encadrer une garde d’un docteur junior, sachant qu’elle n’est pas mobilisable très rapidement. En revanche, en périphérie il est prévu de réaliser des gardes de sénior avec ou sans astreinte en fonction des centres (si astreinte déjà en place ou non).

Aviez-vous des demi-journées de formation ? À quelles fins ont-elle été utilisées ?

Xavier : Oui, c’était respecté, j’ai pu réaliser 2 diplômes universitaires cette année.

Lise : Ce n’était pas clairement intégré au planning mais je n’ai pas eu de difficulté à me rendre aux congrès. Je n’ai pas réalisé de DU cette année mais c’était un choix de ma part.

Que pensez-vous de la réforme et sa mise en place ?

Xavier : Je pense que la réforme est politique et est une façon déguisée d’avoir de la main d’œuvre pas chère au sein de l’hôpital public. Cette réforme a entraîné la suppression des DESC et selon moi les FST sont moins facilement accessible particulièrement en cancérologie. La FST de cancérologie nécessite de sacrifier des stages d’obstétrique sans avoir la garantie d’avoir une place dans un service de chirurgie seule.
Deuxièmement, on a modifié une maquette avec 1 an d’internat de plus mais cela n’incitera pas les gens à rester dans le service public après leur 1 an d’assistanat. Hormis l’argument écono- mique de la reforme je ne vois pas d’autre raison à ce changement.
De plus, pour moi avec la reforme je vois l’internat comme 4 ans de formation et ensuite 2 ans d’autonomie avec une pratique indépendante plus rapide qu’avant. Côté chirurgie c’est un saut dans le grand bain rapide. Avant, lors de cette dernière année d’internat souvent on réa- lisait des semestres de chirurgies à plein temps (5/5j au bloc opératoire) maintenant avec la réforme j’ai l’impression que nous sommes amputés de ces stages très formateurs.
J’ai l’impression que notre génération risque d’avoir du retard sur la formation chirurgicale. Parmi les arguments avancés en faveur de cette réforme on retrouve la notion de formation « d’omnipraticiens » alors même que l’on nous demande de s’orienter très tôt. Je trouve l’ancienne réforme plus adaptée à une formation généraliste. On pouvait mener notre internat en toute polyvalence et ensuite s’orienter en post-internat.
J’ai par exemple choisi de faire ma deuxième année de Docteur junior en clinique afin d’avoir l’opportunité d’opérer au maximum et effectivement je n’ai pas regret. Cela me pose question quant à l’avenir de l’enseignement au sein de l’hôpital public (en plus du transfert de certaines spécialités devenues principalement privées).
Cependant, nous sommes tous adaptables et je pense que chacun peut réussir à tirer le meilleur de notre formation et surtout celle qui lui convient le mieux. Il faut aussi noter que cela nous permet quand même d’exercer en autonomie dans des centres qui peuvent t’aider en cas de soucis et de pouvoir prendre son envol progressivement.

Lise : Honnêtement je ne pense pas que la réforme soit une avancée par rapport à l’ancien format d’internat.
Je trouve que la première année était plutôt positive sur certains points comme la séniorisation progressive en salle de naissance et l’accès à la consultation par exemple.
Mon problème réside surtout sur la deuxième année. Je n’y trouve aucun intérêt par rapport à l’ancienne reforme. On recule le pas vers l’autonomie totale en rallongeant d’un an sans ajouter d’avantage particulier. Nous avons presque un poste d’assistant mais pas vraiment (pas de garde de senior par exemple…) et surtout sans les avantages ! Nous avons moins de congés, nos diplômes universitaires ne sont pas pris en charge par l’hôpital, notre rémunération est inférieure et nous payons encore nos droits universitaires pendant 2 ans alors que nous avons tous passé notre thèse ! Même si durant la première année nous avons eu un peu plus d’autonomie, il faudra quand même sauter le pas à la fin.
Je ne suis pas sûre qu’une année supplémentaire réduise la taille de la marche si on n’adapte pas mieux cette deuxième année de DJ.

Je tiens à remercier Xavier et Lise pour leur participation. Si vous étiez docteur junior en 2021-2022 et que vous souhaitez donner votre avis sur la réforme et son application, un questionnaire est ligne a été mis à disposition. Vous pouvez vous rapprocher de vos référents qui l’ont reçu pour diffusion. Cette enquête permettrait de mettre en évidence les disparités d’application de la reforme selon les centres, mais également aidé nos encadrants à proposer les meilleurs aménagements.

 

 

 



Lise Harendarczyk,

Interne à Nantes,
DJ à La Roche-sur-Yon

 

 

 

 



Xavier Ah-Kit

Interne à Bordeaux, DJ à Libourne

Article paru dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / AGOF n°24

 

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